Le ministre français de la Défense
Jean-Yves Le Drian annonce que l'aviation française effectuera des
"frappes aériennes" dans les prochaines semaines contre les positions
de Daech en Syrie. Pour l'heure, elle n'a effectué que des vols d'observation.
Il a confirmé qu'il n'y a aucun accord avec
le régime de Damas pour que les avions français puissent survoler le territoire
syrien sans s'exposer au feu anti-aérien syrien.
Par conséquent, une grosse énergie est
dépensée en ce moment dans certaines sphères gouvernementales parisiennes pour
trouver une justification légale ou un cadre juridique à l’agression française
contre la Syrie. On ne trouvera pas.
Il n’existe aucune justification légale, en droit international actuel (basé
sur la sacro-sainte souveraineté des États), à l’agression d’un pays tiers. La
seule exception pourrait être une autorisation d’usage de la force donnée par
le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies en considération
d’une menace imminente à la paix mondiale, c’est-à-dire de l’imminence d’une
attaque par le pays considéré.
Non seulement la France n’a pas demandé cette autorisation, mais elle aurait de plus du mal à la justifier puisque la Syrie ne menace aucun de ses voisins. Cependant cette agression légalement injustifiable, en elle-même, détermine un cadre juridique spécifique en droit international, qui est l’état de guerre. Le fait générateur de l’état de guerre est soit sa déclaration soit sa concrétisation manifeste. Le terme même de déclaration de guerre recouvre deux concepts, l’un qui est une annonce faite à l’ennemi soit explicitement («désormais nous sommes en guerre») soit implicitement («si vous n’obtempérez pas à cet ultimatum d’ici 48 heures nous serons en guerre»), et l’autre qui est une simple constatation, dans ce cas adressée généralement à la population propre plutôt qu’à l’ennemi («depuis ce matin nous sommes en guerre») : ainsi le 3 septembre 1939 le gouvernement français déclara à la population que la France était en guerre contre l’Allemagne, alors que sa déclaration envers ce pays évitait le mot qui gêne.
Non seulement la France n’a pas demandé cette autorisation, mais elle aurait de plus du mal à la justifier puisque la Syrie ne menace aucun de ses voisins. Cependant cette agression légalement injustifiable, en elle-même, détermine un cadre juridique spécifique en droit international, qui est l’état de guerre. Le fait générateur de l’état de guerre est soit sa déclaration soit sa concrétisation manifeste. Le terme même de déclaration de guerre recouvre deux concepts, l’un qui est une annonce faite à l’ennemi soit explicitement («désormais nous sommes en guerre») soit implicitement («si vous n’obtempérez pas à cet ultimatum d’ici 48 heures nous serons en guerre»), et l’autre qui est une simple constatation, dans ce cas adressée généralement à la population propre plutôt qu’à l’ennemi («depuis ce matin nous sommes en guerre») : ainsi le 3 septembre 1939 le gouvernement français déclara à la population que la France était en guerre contre l’Allemagne, alors que sa déclaration envers ce pays évitait le mot qui gêne.
On avancera l’argument selon lequel il ne s’agit pas
d’attaquer la Syrie mais les positions de État islamique.
L’argument ne tient pas tant qu’on ne reconnaît pas la souveraineté de cet État Islamique : ses positions sont soit en Syrie soit en Irak. Ce prétendu État n’est pas un sujet de droit international, le seul sujet de droit international sur le territoire syrien est la Syrie. Attaquer qui que ce soit en Syrie, c’est violer la souveraineté de ce pays (sauf s’il demandait une aide militaire) et attaquer ses ressortissants ou ses biens. Car les membres mêmes du prétendu État islamique peuvent être Syriens, Irakiens, Français ou ce qu’on veut, sur le territoire de la Syrie ils sont des résidents (légaux ou clandestins) du pays, sont censés obéir à ses lois et seul l’État syrien a le monopole de l’usage de la force contre toute personne présente sur son territoire. Il est vrai qu’en certaines portions du territoire syrien (et par la faute de la France notamment) l’autorité de l’État n’est plus respectée, ses services publics sont absents et un autre droit est, de fait, appliqué, mais c’est aussi le cas en France sans que ces enclaves soient pour autant extraterritorialisées : de même tous les pays du monde (sauf l’occupant) reconnaissent la souveraineté du gouvernement chypriote sur l’ensemble de l’île même si la moitié en échappe à son contrôle depuis une génération et demie.
L’argument ne tient pas tant qu’on ne reconnaît pas la souveraineté de cet État Islamique : ses positions sont soit en Syrie soit en Irak. Ce prétendu État n’est pas un sujet de droit international, le seul sujet de droit international sur le territoire syrien est la Syrie. Attaquer qui que ce soit en Syrie, c’est violer la souveraineté de ce pays (sauf s’il demandait une aide militaire) et attaquer ses ressortissants ou ses biens. Car les membres mêmes du prétendu État islamique peuvent être Syriens, Irakiens, Français ou ce qu’on veut, sur le territoire de la Syrie ils sont des résidents (légaux ou clandestins) du pays, sont censés obéir à ses lois et seul l’État syrien a le monopole de l’usage de la force contre toute personne présente sur son territoire. Il est vrai qu’en certaines portions du territoire syrien (et par la faute de la France notamment) l’autorité de l’État n’est plus respectée, ses services publics sont absents et un autre droit est, de fait, appliqué, mais c’est aussi le cas en France sans que ces enclaves soient pour autant extraterritorialisées : de même tous les pays du monde (sauf l’occupant) reconnaissent la souveraineté du gouvernement chypriote sur l’ensemble de l’île même si la moitié en échappe à son contrôle depuis une génération et demie.
Il paraît qu’on cherche un argument relevant du droit
de poursuite. Or État islamique n’a commis aucune agression contre la France, à
plusieurs milliers de kilomètres de son emprise, et de toute façon le droit de
poursuite n’est opposable qu’en cas d’action immédiate et ininterrompue suite à
un flagrant délit ; passé le flagrant délit et interrompue la poursuite,
si la France a un grief envers des bandes armées qu’elle soupçonne d’avoir
trouvé refuge en Syrie, elle doit en demander le jugement ou l’extradition
selon les voies interétatiques prévues à ce effet.
Faute d’arguments juridiques, on avancera des prétextes
moraux comme la monstruosité des pratiques de État islamique, prétendant
oublier que la France (certes pas toute seule) a déclenché par une
agression militaire, puis facilité par une occupation, exactement ces mêmes
crimes, à savoir mutilations et décapitations au canif, viols systématiques,
exterminations de villages entiers, extraction et commercialisation d’organes
(chez État islamique ce n’est que le sang), esclavage et commerce de femmes,
destructions des sites archéologiques (inscrits au patrimoine de l’humanité)
antérieurs à l’islamisation, bref tous les crimes aujourd’hui imputés à État
islamique, pratiqués à grande échelle au Kosovo-et-Métochie de 1999 à ce jour.
Toujours sur le plan moral, on plaidera qu’on ne peut
humainement laisser ces populations sous ce joug sans rien faire. Il y a
pourtant d’autres possibilités d’action, la première étant de faire pression
sur l’allié de la France, les États-Unis d’Amérique, pour qu’il retire son
intimation faite aux gouvernements grec et bulgare, il y a quelques jours,
d’interdire le passage de l’aide humanitaire russe : le premier secours
serait justement de laisser arriver cette aide que, comme pour les populations
civiles bombardées par l’armée ex-ukrainienne, aucun pays de l’Otan ne souhaite
offrir. Une autre possibilité d’action serait l’interruption immédiate de
l’aide militaire (matériel et formation) aux ennemis de la Syrie. Quatre
ans de prétendues erreurs démontrent l’évidence : il n’y a en Syrie que
les forces de la Syrie et celles de ses ennemis, dénommer amis de la Syrie des
factieux extrémistes islamistes armés n’en fait pas des modérés. Comme prévu,
les armes et les guérilleros de l’Armée syrienne libre sont passées au front
Al-Nosra (Al-Qaïda) et à État islamique, il peut y avoir des escarmouches entre
factions ou des changements esthétiques de noms mais on savait d’avance que le
groupe le plus puissant absorberait les plus petits jusqu’à être à son tour
absorbé par plus puissant que lui. On a formé et armé une guérilla pour
conquérir la Syrie, elle le fait. Le seul moyen de l’arrêter si on réprouve
aujourd’hui les méthodes qu’elle a pratiquées depuis 2011, c’est d’une part de
cesser de l’armer et de la financer, et d’autre part d’armer et d’aider le
gouvernement du pays.
Au contraire, harceler (ou faire semblant, comme les
États-Unis) DAECH par quelques bombardements aériens sans les faire
suivre par l’offensive terrestre seule à même de balayer cette organisation,
c’est d’une part renforcer sa popularité et faciliter son recrutement, et
d’autre part l’énerver. Certes le gouvernement français peut considérer cela
comme un inconvénient mineur si le véritable objectif de son agression
contre la Syrie est, comme c’était le cas jusqu’à présent, le renversement du
gouvernement syrien et la destruction de la dernière société multiculturelle,
multiconfessionnelle et pacifique du Proche-Orient. La modification
constitutionnelle de 2008 a donné tout pouvoir au gouvernement français
d’agresser un pays tiers sans autorisation parlementaire de déclaration de
guerre, le régime a donc mis la France en état de guerre avec la Syrie. Mais en
fait d’escalade préméditée, c’est peut-être la Russie (que la presse
britannique a accusée mensongèrement la semaine dernière d’intervention militaire
en Syrie) que l’on espère pouvoir rencontrer en combats aériens. [Ce qui
n’arrivera jamais, car avant il y aura quelques surprises du côté des
S-300 russes dont la Syrie est maintenant dotée, Note du Saker Fr]
Le 8 septembre 2015 – Source Stratediplo
http://lesakerfrancophone.net/la-france-en-guerre-contre-la-syrie/
http://lesakerfrancophone.net/la-france-en-guerre-contre-la-syrie/
En pleine crise migratoire, l’Europe parie pour la guerre
La
France vient donc d’annoncer qu’elle réalisera des vols exploratoires sur le
territoire de la Syrie, un pays souverain, sans le consentement des
autorités de Damas. Le prétexte avancé : bombarder des campements du
groupe extrémiste État islamique / DAECH. Cette décision intervient alors qu’un
drame humanitaire a lieu en Europe car des vagues d’immigrants fuient la
guerre et la misère.
En même temps, au Royaume Uni, une campagne médiatique contre le gouvernement légitime de Bashar Al Asad a pris de l’ampleur. De l’avis du vice ministre syrien des Affaires étrangères, Faysal Mikdad, cette campagne pourrait favoriser le flux de mercenaires et de terroristes au Moyen Orient.
Tout laisse à penser que ni Paris ni Londres n’ont pris conscience des causes des vagues de réfugiés qui arrivent en Europe. La majorité d’entre eux veulent échapper aux guerres imposées depuis l’étranger.
Les actions de la France et de la Grande Bretagne sont une violation grossière du principe élémentaire de non intervention dans les affaires intérieures d’autres états et incitent les conflits armés dont les résultats désastreux sont aux yeux de tout le monde.
Le plus grave est qu’il s’agit de deux puissances membres du Conseil de Sécurité de l’ONU dont la mission est prétendument de garantir la paix dans le monde et les relations cordiales ou du moins, normales, parmi tous les pays membres de cet organisme international.
Tout le monde est conscient de la nécessité de contenir les groupes extrémistes qui foulent au pied les normes de sécurité et de cohabitation, mais on ne peut y aboutir aux dépends de la souveraineté des pays. Le terrorisme ne peut pas être combattu avec de la terreur car on ne fait qu’aiguiser le chaos et le désespoir.
Il est évident que l’Europe occidentale ne s’est pas dépouillée de sa mentalité ou sa nostalgie colonialiste et continue de regarder par dessus l’épaule d’autres pays où elle avait semé la misère, la faim, les maladies, les principaux problèmes qui poussent les masses désespérées à chercher un avenir meilleur ou à le prendre d’assaut le cas nécessaire, comme il arrive en Grèce, en Hongrie, sur les côtes italiennes.
Un texte du Prix Nobel de Littérature, le Portugais José Saramago, décédé il y a 5 ans et qui a été écrit il y a un certain temps a récemment circulé de nouveau. Il est d’actualité. Dans ce texte, l’auteur avertit que le déplacement du Sud vers le nord est inévitable. « Les barbelés, les murs et les déportations ne serviront à rien : ils viendront par millions. L’Europe sera conquise par les affamés. Ils viennent à la recherche de ce que nous leurs avons volés ».
Alors que cete invasion dont il parlait a d’ores et déjà commencé, plusieurs gouvernements européens continuent de parier pour la guerre, au lieu d’apaiser les esprits ils mettent de l’huile dans le feu, en ignorant que cet incendie pourrait les brûler eux aussi, dans un délai pas lointain.
On a besoin, comme le signalait José Saramago, des hommes politiques sachant prendre des décisions intelligentes, humanitaires et civilisées, mais cette espèce semble en extinction en Europe occidentale où malheureusement la logique de la force est le seul modèle utilisé.
En même temps, au Royaume Uni, une campagne médiatique contre le gouvernement légitime de Bashar Al Asad a pris de l’ampleur. De l’avis du vice ministre syrien des Affaires étrangères, Faysal Mikdad, cette campagne pourrait favoriser le flux de mercenaires et de terroristes au Moyen Orient.
Tout laisse à penser que ni Paris ni Londres n’ont pris conscience des causes des vagues de réfugiés qui arrivent en Europe. La majorité d’entre eux veulent échapper aux guerres imposées depuis l’étranger.
Les actions de la France et de la Grande Bretagne sont une violation grossière du principe élémentaire de non intervention dans les affaires intérieures d’autres états et incitent les conflits armés dont les résultats désastreux sont aux yeux de tout le monde.
Le plus grave est qu’il s’agit de deux puissances membres du Conseil de Sécurité de l’ONU dont la mission est prétendument de garantir la paix dans le monde et les relations cordiales ou du moins, normales, parmi tous les pays membres de cet organisme international.
Tout le monde est conscient de la nécessité de contenir les groupes extrémistes qui foulent au pied les normes de sécurité et de cohabitation, mais on ne peut y aboutir aux dépends de la souveraineté des pays. Le terrorisme ne peut pas être combattu avec de la terreur car on ne fait qu’aiguiser le chaos et le désespoir.
Il est évident que l’Europe occidentale ne s’est pas dépouillée de sa mentalité ou sa nostalgie colonialiste et continue de regarder par dessus l’épaule d’autres pays où elle avait semé la misère, la faim, les maladies, les principaux problèmes qui poussent les masses désespérées à chercher un avenir meilleur ou à le prendre d’assaut le cas nécessaire, comme il arrive en Grèce, en Hongrie, sur les côtes italiennes.
Un texte du Prix Nobel de Littérature, le Portugais José Saramago, décédé il y a 5 ans et qui a été écrit il y a un certain temps a récemment circulé de nouveau. Il est d’actualité. Dans ce texte, l’auteur avertit que le déplacement du Sud vers le nord est inévitable. « Les barbelés, les murs et les déportations ne serviront à rien : ils viendront par millions. L’Europe sera conquise par les affamés. Ils viennent à la recherche de ce que nous leurs avons volés ».
Alors que cete invasion dont il parlait a d’ores et déjà commencé, plusieurs gouvernements européens continuent de parier pour la guerre, au lieu d’apaiser les esprits ils mettent de l’huile dans le feu, en ignorant que cet incendie pourrait les brûler eux aussi, dans un délai pas lointain.
On a besoin, comme le signalait José Saramago, des hommes politiques sachant prendre des décisions intelligentes, humanitaires et civilisées, mais cette espèce semble en extinction en Europe occidentale où malheureusement la logique de la force est le seul modèle utilisé.
Lisandra Marrero