Le dernier rapport de Michaël Ayari, chercheur à International
Crisis Group et l'un des meilleurs experts de la Tunisie, dresse un
constat inquiétant sur l'état des forces sécuritaires dans ce pays
menacé par le terrorisme.
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Après les deux attentats spectaculaires qu'a connu la Tunisie au
musée du Bardo, le 18 mars dernier, et à Sousse le 26 juin, le pire est à
venir. Les forces sécuritaires en effet ne sont pas du tout en état de
marche pour lutter contre le péril terroriste. Ce qu'admettait en juin
dernier le président tunisien, Beji Caïd Essebsi, face à
un interlocuteur français. Le rapport de Michael Ayari, chercheur à
« International Crisis Group », intitulé « Réforme et stratégie
sécuritaire en Tunisie », confirme ces craintes.
Ben Ali, simple flic
Généralement, on veut croire aujourd'hui que l'ancien Président Zine
Ben Ali, réfugié en Arabie Saoudite, avait eu le mérite de construire
une machine policière efficace, à défaut d'être respectueuse des
libertés publiques. Et bien, pas du tout, nous explique le chercheur
Michaël Ayari. "Durant les années 2000, écrit-il, le jihadisme, la
criminalité et la violence juvénile étaient en augmentation constante".
L'ordre régnait, certes, mais au prix d'une répression féroce. " La peur
du policier, écrit Ayari, entretenait l'illusion de l'efficacité".
Comme l'avait joliment résumé Hubert Vedrine, alors ministre des
Affaires Etrangères de Lionel Jospin, en s'adressant à un journalsite
de l'AFP, le général Ben Ali "est d'abord un flic, et un flic con". Du
moins, sans prise réelle pour lutter ce qu'on appelait alors
"l'intégrisme", mélage indistint de vrais terroristes et d'islamistes
non violents.
Effectivement les services anti terroristes tunisiens avaient été
pris au dépourvu, rappelle le rapport d'International Crisis Group, lors
de l'explosion d'un camion citerne devant la synagogue de la Ghriba le
11 avril 2002. Et que dire de ce groupuscule de trente jihadistes venus
d'Algérie à la fin décembre 2006 ! Il aura fallu "des dizaines de
milliers d'agents", et cela "pendant une dizaine de jours", pour en
venir à bout!. "Nous nous sentions forts, confie un ancien dirigeant
d'une unité d'élite à l'auteur du rapport, parce que la majorité des
cotonnes nous craignait. En vérité, nous étions faibles. Chaque fois que
le peuple était déterminé à se battre, nous devions reculer". Ce que
montre bien la débandade des forces de l'ordre tirant dans le tas
pendant les journées révolutionnaires de décembre 2010 et de janvier
2011 face à quelques milliers de manifestants courageux.
Carrières foudroyantes
Après la chute du régime le 14 janvier 2011, l'Intérieur qui est
devenu sous Ben Ali la colonne vertébrale de l'Etat tunisien est mis à
mal. Les islamistes au pouvoir en 2012 et 2013 craignent, non sans
quelques bonnes raisons, un retour du bâton sécuritaire. Ils vont
s'employer, avec hélas un certain talent, à désorganiser la machine
policière. Ainsi 30000 nouveaux postes sont pourvus dans la police (1),
dont 10000 jeunes gardiens de la paix recrutés sur une base purement
clientéliste, après un maigre mois de formation. On assiste à une hausse
du budget du ministère de l'Intérieur de 60% en quatre ans, qui plombe
aujourd'hui les comptes de la Tunisie.
Parallèlement, les quelque cinq cent "grands flics" qui tenaient la
boutique sous Ben Ali sont mis à la retraite d'office, alors qu'un tiers
des effectifs connait une "montée en grade" aussi spectaculaire
qu'arbitraire. Résultat: les gradés sont à la circulation, le
renseignement est désorganisé et les corps d'élite, type "Sureté de
l'Etat", décapités.
Pire, les quelque 2000 policiers qui avaient été chassés par Ben
Ali, dont les deux tiers pour corruption d'après le rapport de Michael
Ayari, sont réintégrés.Aussi surprenant que cela puisse paraitre, le
général président faisait le ménage au sein des forces de l'ordre. Les
malversations étaient réservées aux siens, notamment au clan Trabelsi;
les fonctionnaires, eux, se devaient d'être propres sur eux.
Démotivation, frustration, infantilisation
Ces dernières années, transition démocratique oblige, les syndicats,
dont certains liés à des milieux d'affaires frelatés ou à des hommes
d'influence, type Kamel Elftaief, ont fait leur apparition au sein du
ministère de l'Intérieur, fragmentant encore d'avantage la grande maison
policière divisée désormais entre féodalités concurrentes. Ces nouveaux
venus ont un boulevard devant eux compte tenu de la démotivation
générale, de la méfiance face au politique, de la crainte des poursuites
judiciaires en cas de brutalités policières (hélas nombreuses). Sans
parler même de la frustration des nouveaux gradés sans affectation
réelle ou de l'infantilisation ded fonctionnaires…Le flic tunisien ne
dispose toujours pas du droit de vote, et doit obtenir une autorisation
pour se marier ou se rendre à l'étranger.
Le bilan dressé par Michael Ayari n'est pas réjouissant. Les forces
sécuritaires réagissent « au jour le jour », les "dysfonctionnements"
sont innombrables, alors que « l’ampleur » des violences jihadistes
« s’aggrave ». Sans sursaut, le scénario d'une "goruvernance
autoritaire" risque de l'emporter.
Fractures identitaires
Le chercheur en appelle à « une réforme d’envergure » des forces de
sécurité intérieure. Notre chercheur pose deux conditions préalables à
toute remise à plat du fonctionnement sécuritaire. La première est de ne
pas opposer "les sécuritaires" aux "démocrates", un clivage qui
provoquerait un repli corporatiste contre productif. La seconde est que
les Forces Sécuritaires n’aient pas à « combler le manque de vision
stratégique de la classe politique », notamment en matière de
développement et de contrôle des zones frontières abandonnées à la
contrebande. La fracture régionale mine en effet la Nation tunisienne.
Le sud du pays, que 600 kilomètres de frontières poreuses séparent
du chaos libyen, est en situation rébellion larvée.
Beaucoup à Paris comme à Tunis craignent une déflagration sociale, le meilleur terrau qui soit pour les groupes terroristes.
(1) La police sous Ben Ali comprenait 50000 agents, et non pas
130000 hommes, comme l'affirmaient à tort les opposants à la dictature.
Ce chiffre gonflé était repris par certains journalistes comme l'auteur
de ces lignes, co auteur de "Notre ami Ben Ali". On ne prète qu'aux
riches!
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ALGÉRIE : Le DRS inquiète les services de renseignements français et marocains
C’est une note ultra secrète de la DGSE qui a remonté, début
septembre, jusqu’à l’Élysée. Corroborée par les témoignages de plusieurs
anciens cadres des renseignements français qui gardent des liens à
Alger, cette note tire la sonnette d’alarme quant au démantèlement en
règle dont fait l’objet le DRS. Ce qui était jusqu’il y deux années l’un
des meilleurs services de renseignement d’Afrique et du mode arabe est
en plein débandade. Les guerres intestines qui déchirent le pouvoir
algérien ont fortement impacté les performances du DRS. A Rabat, c’est
la même inquiétude chez la DGED qui craint également que
l’affaiblissement de son redoutable adversaire n’aboutisse à un chaos
sans précédent dans le Sahel et à un relâchement dans le contrôle des
membres du Polisario tentés par le djihadisme.