En ouverture du Forum économique oriental,
qui s'est tenu à Vladivostok du 3 au 5 septembre 2015, le Président de
la Fédération de Russie a donné une conférence de presse.
- Dans la première partie les questions portent sur la situation
économique de la Russie, et aussi les substantiels encouragements donnés
aux entrepreneurs pour qu'ils s'installent dans la partie orientale de
la Russie, dont il veut faire l'un des centres d'affaires les plus
actifs de la planète, avec son potentiel énorme en ressources et en
étendues, au moment où le centre du monde semble se déplacer de
l'Atlantique vers le Pacifique. Des terrains d'un hectare gratuits, des
facilités financières etc.
(Vous trouverez ci-dessous, la traduction intégrale et exclusive de cette seconde partie de l'interview. Les intertitres sont de la rédaction.)
La situation en Ukraine
Question : Au sujet de l'Ukraine, nous savons que les événements qui ont eu lieu hier à la Verkhovna Rada [Parlement] à Kiev, lorsque les agents des forces de l'ordre ont été tués [Il sont quatre à présent ndlr] et des manifestants ont affronté la police. Cela a eu lieu après que le Parlement eût voté les amendements à la Constitution. Comment évaluez-vous ces événements et quel est votre pronostic ? Vladimir Poutine : Je vous rappelle que, conformément aux Accords de Minsk, des modifications devaient être apportées à la Constitution de l'Ukraine, mais cela devait être fait par le dialogue et la coordination avec la région du Donbass en liaison avec la République populaire non reconnue de Donetsk et la République de Lougansk. Malheureusement, les autorités de Kiev ne ne mettent pas en applications ces mesures aujourd'hui et il n'y a pas de dialogue et de coordination sur les amendements à la Constitution de l'Ukraine. Ceci est un principe d'importance.
Si nous parlons de l'exécution des accords de Minsk, permettez-moi de vous rappeler que les amendements à la Constitution doivent être discutées et réglées avec la région du Donbass d'une part, et d'autre part, la loi sur les élections locales doit également être réglée avec la région du Donbass. Troisièmement, une loi sur l'amnistie était censée être passée, mais cela n'a pas eu lieu, et une loi sur le statut spécial pour ces régions est censée entrer en vigueur. Cette loi a été adoptée, mais son entrée en vigueur a été reportée. Ce sont quatre conditions de base pour un règlement politique que nos collègues de Kiev n'ont pas mis en œuvre, malheureusement. Ceci n'a tout simplement pas été effectué.
Quant aux événements tragiques qui ont eu lieu, je pense que cela n'est pas lié aux amendements à la Constitution, parce que tout ce qui a été proposé ce jour-là n'était que des modifications purement déclaratives et des changements qui ne modifient rien à la nature du pouvoir de l'État en cours en Ukraine.
Je ne vais pas entrer dans les détails maintenant. Vous pouvez en parler avec les experts. Tout cela est assez clair. Simplement, ce que nous voyons aujourd'hui est un nouvel épisode de confrontation politique en Ukraine, et les amendements à la Constitution ne sont utilisés que comme prétexte pour intensifier la bataille politique pour le pouvoir. Question : Que pensez-vous qui va se passer d'ici là ? Vladimir Poutine : Cela ne dépendra pas de nous mais de l'Ukraine elle-même, du peuple ukrainien et de combien de temps ils sont prêts à s'accommoder de cette bacchanale. Je l'ai déjà dit, le fait que l'Ukraine a été placée sous la gouvernance d'étrangers venus de l'extérieur qui détiennent tous les postes clés dans le gouvernement et maintenant en plus dans des régions clés est je pense, une insulte de trop vis-à-vis du peuple ukrainien.
N'y a-t-il vraiment aucun gestionnaire décent, honnête et compétent en Ukraine ? Bien sûr qu'il y en a. Je le répète ; cela ne dépend pas de nous. La façon dont les événements se développent en Ukraine dépendent de l'Ukraine elle-même et du peuple ukrainien.
Crise de l'immigration en Union européenne
Question : Au cours des derniers jours, la crise des réfugiés a atteint un point critique en Europe. La situation est très tendue. Quelle est votre appréciation de cette situation, pourquoi pensez-vous qu'elle a lieu ? Que pensez-vous qu'il va se passer ensuite ? Vladimir Poutine: Nous avons parlé de cela à de nombreuses reprises depuis longtemps. Je crois que cette crise était absolument prévue. Si vous vous souvenez, ou le recherchez dans vos archives, nous en Russie, - votre serviteur en particulier -, avons déclaré depuis quelques années que nous courrions vers des problèmes à grande échelle si nos partenaires occidentaux continuaient avec leur politique étrangère erronée, de laquelle je me suis toujours inquiété, en particulier dans les régions musulmanes, au Moyen-Orient, en Afrique du Nord - c'est la politique qu'ils mènent effectivement actuellement encore.
Quelle est cette politique ? Celle d'imposer leurs normes sans prendre en considération l'Histoire, la religion, la culture ou les caractéristiques nationales de ces régions. Ceci est, particulièrement, la politique menée par nos partenaires américains; l'Europe suit aveuglément son leadership, docile à respecter ses engagements de soi-disant alliée, et par conséquent elle en porte le poids.Ensemble, et je tiens à souligner ce mot, ensemble, nous devons lutter contre le terrorisme et les extrémismes de toutes natures, principalement dans les pays en difficulté. Je suis surpris de voir certains médias américains critiquer l'Europe pour son excessive dureté, comme on dit, envers les migrants. Cependant, les États-Unis n'ont pas à faire face à un tel afflux de migrants, tandis que l'Europe, après avoir suivi aveuglément les instructions de l'Amérique est en train de porter le poids de la crise.
Je ne dis pas cela pour dire combien nous sommes intelligents et combien myopes sont nos partenaires, ou pour plaire à quiconque; nous avons simplement besoin de considérer ce qu'il faut faire maintenant. Que faut-il faire ? La réponse est très simple.
Tout d'abord, ensemble, et je tiens à souligner ce mot, ensemble, nous devons lutter contre le terrorisme et les extrémismes de toutes sortes, principalement dans les pays à problèmes, pour résoudre ce problème - avant que toute amélioration devienne impossible. Comment pouvons-nous faire quelques progrès dans les régions contrôlées par l'État islamique en l'état actuel ? C'est impossible! Les gens fuient ces régions, ils en tuent des centaines de milliers, ils font sauter des monuments culturels, brûlent les gens vivants ou les noient, leur coupent la tête. Comment peut-on y vivre ? Bien sûr, les gens fuient.
Premièrement, nous devons lutter efficacement contre le terrorisme et l'extrémisme ensemble.
Deuxièmement, nous devons rétablir l'économie de ces pays et leur sphère sociale. Mais Seulement en montrant du respect pour l'Histoire, les traditions et la religion de ces peuples et pays, ainsi nous pourrons restaurer leur souveraineté et leur fournir un soutien économique et politique à grande échelle.
Si nous unissons nos efforts dans tous ces domaines, nous allons avoir des résultats positifs. Si nous agissons séparément et continuons à discuter entre nous sur certains principes et procédures, sur certains territoires à propos de la démocratie, cela va nous faire entrer dans une impasse plus grande encore. Cependant, je veux espérer un développement positif en conjuguant nos efforts avec ceux de tous nos partenaires. Question : Monsieur le Président, Pourriez-vous préciser une chose à l'égard de l'État islamique, parce que la Russie a parlé de la nécessité de créer une coalition politique, et les États-Unis ont exhorté à la même chose. Il n'y a pas d'accord sur la Syrie, par exemple, et ainsi de suite. Comment voyez-vous la création d'une telle coalition ? Vladimir Poutine : Nous prenons des mesures spécifiques, et nous le faisons publiquement. Si vous voulez en connaître les détails, je peux vous expliquer une fois de plus. Il est vrai que nous voulons créer une coalition internationale pour combattre le terrorisme et l'extrémisme. Dans cet objectif, nous organisons des consultations avec nos partenaires américains ; personnellement, j'ai discuté au téléphone avec le président des États-Unis, M. Obama, et j'ai également discuté avec le président de la Turquie, les dirigeants d'Arabie saoudite, avec le roi de Jordanie, le président d'Égypte et d'autres partenaires. Nos agences militaires sont en contact étroit, à tel point que récemment les chefs des états-majors des pays voisins de ces conflits se sont rencontrés à Moscou.
Nous continuons nos efforts politiques visant à créer une certaine coalition. Si, aujourd'hui, il est impossible d'organiser le travail en commun directement « sur le champ de bataille », pour ainsi dire, impliquant tous les pays intéressés dans la lutte contre le terrorisme, nous devrions au moins atteindre une certaine coordination entre eux. Nous essayons de faire certains efforts dans ce sens. Nos premières étapes vous montrent que, globalement, cela semble possible.
Nous savons qu'il y a des positions différentes sur le devenir de la Syrie. A ce propos : les gens ne fuient pas le régime de Bachar el-Assad - ils fuient l'Etat islamique qui a occupé de vastes territoires en Syrie et en Irak et y a commis des atrocités. Voilà ce que les gens sont en train de fuir. Toutefois, nous comprenons que le changement politique est également nécessaire. Nous travaillons également avec nos partenaires en Syrie.
Il est vrai que nous voulons créer une coalition internationale pour combattre le terrorisme et l'extrémisme.
Il y a une compréhension globale que ces efforts conjoints pour lutter contre le terrorisme doivent aller de pair avec certains processus politiques à l'intérieur de la Syrie. Le président syrien est d'accord avec cela aussi, y compris, par exemple, la tenue d'élections législatives anticipées et la recherche de liens avec les prétendues «oppositions modérées » et leur implication dans la gestion du pays. Ceci est essentiellement une question de développement interne de la Syrie. Nous n'avons rien à imposer, mais nous sommes prêts à aider à un dialogue interne syrien. Question : Monsieur le Président, juste pour clarifier : la Russie est-elle prête à participer à une opération militaire si la coalition ne se forme pas ? Particulièrement depuis que nous avons une certaine responsabilité morale - puisqu'il y a des Russes au sein de l’État islamique. Certains médias disent déjà que notre aviation est en cours de déploiement dans la région. Vladimir Poutine : Vous savez, cela est une question distincte et nous observons ce qui est en train de se passer. Ainsi, l'aviation américaine fait certaines actions. Jusqu'à présent, leur efficacité n'a pas été très élevée, mais il est trop tôt pour dire que nous sommes prêts à le faire. Toutefois, nous fournissons à la Syrie un important soutien de toute façon, à la fois dans l'équipement et dans l'armement et la formation du personnel.
Nous avons signé d'importants contrats avec la Syrie il y a quelques 5-7 ans, et nous nous conformons à les appliquer dans leur intégralité. Par conséquent, nous envisageons différents scénarios, mais jusqu'ici, ce que vous avez mentionné ne figure pas sur notre ordre du jour. Cependant, nous allons continuer nos consultations à la fois avec nos amis de la Syrie et avec les pays de la région. Je vous ai déjà dit que nous sommes en consultations et dialogue sur ce sujet avec les différentes parties. Merci beaucoup.
Toute la verité sur les militaires russes en Syrie
Ces
dernier temps, les médias occidentaux accusent la Russie vouloir faire
une intervention militaire en Syrie. Ils déclarent même qu'elle est
coupable de la crise migratoire en Europe. Il semble que ce soit une
tentative de rééquilibrage de la situation qui se cache derrière cette
hystérie médiatique.
C'est
à cause du soutien du président russe Vladimir Poutine à son homologue
syrien Bachar al-Assad que les migrants se sont lancés en Europe
occidentale, a déclaré l'analyste de Fox News Kathleen McFarland. "Si
on regarde la carte, on voit que les réfugiés se dirigent vers
l'Occident. Ils ne vont pas en Orient, dans les autres pays du Golfe
persique. Il semble que personne ne veut aller en Russie ou en Chine",
a-t-on déclaré sur Fox News. C'est, en effet, un des arguments les plus
forts des adversaires de la Russie qu'on entend sur Fox News, ce qui
provoque même l'indignation des autres journalistes occidentaux.
La Russie n'augmente pas sa présence militaire en Syrie et n'envisage pas d'intervention militaire, contrairement à ce que disent les médias occidentaux dont Bloomberg. Leurs "hystérie" s'explique par l'intention des États-Unis de faire obstacle au rapprochement entre la Russie et l'Arabie saoudite, estime le journaliste Bryan MacDonald. L'autre raison de cette "hystérie" pourrait être l'inquiétude de Washington selon laquelle Moscou peut éliminer l'Etat islamique tout seul ou avec le soutien de l'Europe mais sans participation des Etats-Unis, suppose le journaliste.
D'après l'expert, tout le monde sait que la Russie a des contrats de livraison d'armes depuis de nombreuses années vis-à-vis de la Syrie, "elle continue à livrer et je ne vois pas pourquoi on s'énerve particulièrement aujourd'hui sur des livraisons d'armes".
Ces accusation ne sont qu'une tentative d'affaiblir la position russe en disant "oui, vous parlez de paix, mais vous envoyez des armes".
La Russie n'augmente pas sa présence militaire en Syrie et n'envisage pas d'intervention militaire, contrairement à ce que disent les médias occidentaux dont Bloomberg. Leurs "hystérie" s'explique par l'intention des États-Unis de faire obstacle au rapprochement entre la Russie et l'Arabie saoudite, estime le journaliste Bryan MacDonald. L'autre raison de cette "hystérie" pourrait être l'inquiétude de Washington selon laquelle Moscou peut éliminer l'Etat islamique tout seul ou avec le soutien de l'Europe mais sans participation des Etats-Unis, suppose le journaliste.
"Une tentative de rééquilibrage de la part des États-Unis"
Le fait que depuis quelques jours, les médias européens et américains parlent de la présence militaire russe en Syrie, n'est qu'une tentative de rééquilibrage de la situation de la part des États-Unis, selon Denys Pluvinage, professeur de Gestion en Milieu Interculturel et de Comportements Organisationnels à l'Institut Supérieur de Gestion (ISG, Paris).
Selon l'expert, les États-Unis ont besoin de
l'aide de la Russie, mais c'est une aide qui par moments les gêne un
peu. Ils étaient contents de l'aide de la Russie dans les négociations
nucléaires avec l'Iran, mais il faudrait que comme tous les partenaires
des États-Unis, elle accepte de rester à un niveau subalterne tout en
aidant le gouvernement américain, estime-t-il.
"La Russie ne soutient pas Assad, la Russie soutient le président élu de Syrie"
Les médias occidentaux déclarent que la Russie cherche à augmenter sa présence militaire en Syrie tout en livrant des armes au régime de Bachar al-Assad, qu'elle soutient.D'après l'expert, tout le monde sait que la Russie a des contrats de livraison d'armes depuis de nombreuses années vis-à-vis de la Syrie, "elle continue à livrer et je ne vois pas pourquoi on s'énerve particulièrement aujourd'hui sur des livraisons d'armes".
Ces accusation ne sont qu'une tentative d'affaiblir la position russe en disant "oui, vous parlez de paix, mais vous envoyez des armes".
D'autres accusent la Russie de vouloir
installer une base aérienne en Syrie. "Rien ne permet de dire ça. Non
seulement rien de permet de le dire, mais en plus le président russe a
dit qu'il n'en est pas question pour l'instant. Une base navale russe
existe en Syrie depuis 1971, mais personne n'y accorde de l'importance",
souligne le professeur.
Les médias français estiment, que la Russie soutient M. Bachar
al-Assad mais la Russie ne soutient pas M. al-Assad, la Russie soutient
le président élu de Syrie, fait remarquer M. Pluvinage se référant à la
déclaration récente du porte-parole du ministère russe des Affaires
étrangères Maria Zakharova."Il faut s'asseoir autour d'une table des négociations"
M. Pluvinage pense que dans cette situation, la Russie doit réussir à mettre autour d'une même table "des pays qui pour l'instant ont des intérêts divergents, mais qui commencent à se dire qu'il va falloir vraiment régler le problème syrien qui a des implications un petit peu partout".
"Donc il faut s'asseoir autour d'une table, il
faut commencer à discuter, mais on aimerait bien discuter avec des
partenaires qui ne soient pas trop puissants. D'où le tapage médiatique
qui a lieu en ce moment", souligne l'expert.
En voyant de telles déclarations dans les médias, il faut essayer de
déterminer ce qui profite à qui, quels sont les intérêts cachés des
différents intervenants et savoir que de quelle que soit la partie,
chacun a ses intérêts.
Il ne faut pas oublier que "la Russie cherche à
maintenir une situation le plus pacifique possible au Moyen-Orient, que
les États-Unis ont depuis de nombreuses années une politique qui
consiste à attiser les tensions et à créer des points de violence dans
les pays qui se trouvent justement presque tous autour de la Russie",
conclut M. Pluvinage.