L’Assemblée générale des Nations unies a donné lieu,
lundi 28 septembre à New York, à une virulente passe d’armes entre les
présidents russe et américain, qui ont exposé de
nouveau leurs divergences sur le conflit syrien. Vladimir Poutine a dénoncé « l’arrogance »
du monde
occidental, dont les interventions sont, selon lui, source de « déstabilisation »,
tandis que Barack Obama
a accusé les « grandes puissances dont la conduite contrevient au droit
international ».
La joute entre les deux dirigeants s’est poursuivie par une rencontre en
tête à tête, la première depuis deux ans, qui a abouti à un accord de
coopération tactique de leurs armées
respectives, dans le but d’éviter les incidents entre des forces qui
interviennent désormais toutes deux en Syrie,
officiellement contre le même ennemi : l’organisation djihadiste Etat
islamique (EI).
Alors que la France a
également mené des frappes en Syrie, le président Hollande s’est de son côté
montré ouvert à l’idée d’une « large coalition » contre l’EI
– à condition de mettre
un terme aux bombardements du régime contre les zones civiles et d’instaurer
une « solution politique »
qui « passe par le départ de Bachar Al-Assad ».
Cet article du Monde (alias l'Immonde) est à prendre avec des pincettes, car il épouse le point de vue américano franco sioniste. H.G.
En un an, l’action
de la coalition internationale emmenée par les Etats-Unis a permis de freiner
l’expansion de l’organisation terroriste et de l’affaiblir, mais pas de la faire
reculer
de façon déterminante ni d’anéantir ses capacités offensives.
- De quels effectifs l’Etat islamique dispose-t-il ?
L’EI regroupe
aujourd’hui cent mille à cent vingt-cinq mille combattants en Syrie et en Irak, dont près de quinze mille étrangers. Les
djihadistes français seraient au nombre de huit cents, principalement en Syrie,
et occupés à des tâches administratives, financières, médiatiques et du
recrutement.
- Qui intervient en Irak ?
Les Etats-Unis ont
engagé, le 8 août 2014, une campagne de frappes en Irak à l’invitation des
autorités de Bagdad.
A la suite de la formation, en septembre 2014, d’une
coalition internationale contre l’EI, comprenant soixante pays, la France, la
Grande-Bretagne,
la Belgique, les Pays-Bas, l’Australie, le Danemark et le Canada se sont joints à cette campagne.
- Qui intervient en Syrie ?
Les forces
américaines ont étendu leurs opérations à la Syrie le 23 septembre 2014,
sans l’accord du président Bachar Al-Assad. Ces frappes ont visé l’EI, mais
aussi Al-Khorasan, proche d’Al-Qaida.
L’Arabie
saoudite, la Jordanie,
les Émirats arabes unis, Bahreïn
et le Qatar ont mis un terme à leur participation en
Syrie après la mise sur pied, à la fin de mars 2015, d’une coalition arabe
sous bannière saoudienne contre "les rebelles houthistes" au Yémen.
En avril, le
Canada s’est joint à la campagne syrienne, suivi de la Turquie, qui cible pour sa part l’EI et les
forces kurdes.
La Grande-Bretagne
a annoncé en septembre avoir
mené des frappes ponctuelles contre des cibles présentant un danger immédiat
pour ses intérêts.
- Quelle est la nature des interventions ?
En 415 jours de
campagne, 7 085 frappes ont été menées – 506 en Irak et 2 579 en
Syrie –, selon un décompte établi le 24 septembre par le collectif indépendant
Airwars.
Les États-Unis ont
mené 70 % de leurs frappes en Irak, jusqu’à présent au cœur de leur
stratégie de lutte contre l’EI.
Ces frappes, qui
ont permis d’endiguer l’expansion de l’EI dans le nord du pays, autour de
Sinjar et au Kurdistan irakien, ont été élargies aux provinces où les forces
irakiennes combattent les djihadistes, au nord de Bagdad et à l’ouest, dans
l’Anbar.
Elles visent
principalement les centres de commandement, les stocks de munitions, les chefs
de l’EI et les convois d’armes et de combattants.
Washington, qui a
exclu l’envoi de forces au sol, dit vouloir
s’appuyer, sur le terrain, sur les forces locales.
- Quels sont les appuis de la coalition internationale en Irak ?
En Irak, la
coalition internationale agit en appui aux peshmergas kurdes et aux forces
gouvernementales irakiennes.
« Les forces
gouvernementales et leurs alliés — la mobilisation populaire (MP), les
peshmergas, les tribus sunnites — se sont beaucoup affaiblis, car ils sont
divisés sur des lignes politiques et confessionnelles », constate l’analyste irakien Hicham
Al-Hachémi, spécialiste de l’EI.
Les Etats-Unis ont
déployé trois mille cinq cents conseillers, dont quatre cent cinquante formateurs
et cent conseillers pour former
les forces gouvernementales mises en déroute par l’EI en 2014, et les
peshmergas kurdes. Seuls treize mille combattants ont été formés.
Washington fait
pression sur les autorités chiites de Bagdad pour former un nombre accru de
combattants sunnites, considérés comme la clé de la reconquête des provinces
sunnites, notamment de l’Anbar.
La défiance des
autorités et partis chiites envers la population sunnite, accusée de complicité avec
l’EI, est un obstacle majeur.
Le programme de
formation américain lancé en mai dans l’Anbar n’a permis, à ce stade, de former
que onze cents combattants sunnites, selon Hicham Al-Hachémi.
Les Etats-Unis
entendent par ailleurs limiter
la participation des milices chiites pro-iraniennes, majoritaires parmi les
forces de la mobilisation populaire (MP), une force d’appoint
pro gouvernementale de cent trente mille hommes, fer de lance sur le terrain.
Invoquant la
crainte d’exactions contre les populations sunnites et le refus d’une grande
partie des clans sunnites de rallier
des forces gouvernementales menées par les milices chiites, les forces de la
coalition exigent, à quelques exceptions près, le retrait de ces milices comme
préalable à toute intervention.
- Sur qui les Américains s’appuient-ils en Syrie ?
En Syrie, le
soutien américain aux forces rebelles s’est révélé tardif. Les
Américains invoquent la fragmentation de l’opposition armée et la difficulté d’identifier des forces
dites « modérées » sur le terrain.
Après un programme
de formation lancé en Jordanie pour les combattants du front sud syrien,
Washington a commencé au printemps 2015 à former et à équiper
des rebelles syriens en Turquie pour combattre
l’EI.
A la mi-septembre,
le commandant des forces américaines au Moyen-Orient (CentCom), le général
Lloyd J. Austin, a reconnu que seuls quatre ou cinq combattants se trouvaient sur
le terrain, rejoints par soixante-quinze autres hommes. Soit bien loin des
objectifs fixés de quinze mille combattants formés en trois ans.
Du fait des
stricts critères de sécurité imposés par Washington, les volontaires manquent à
l’appel. Ces combattants font l’objet de critiques au sein de la rébellion,
voire d’attaques d’autres groupes armés, du fait de l’objectif qui leur a été
fixé de combattre l’EI et non les forces du régime du président Bachar
Al-Assad.
- Quel est le bilan global des interventions ?
La coalition
internationale affirme avoir tué plus de quinze mille combattants de l’Etat
islamique depuis le début de la campagne aérienne. Selon Hicham Al-Hachémi,
dix-neuf des quarante-trois grands chefs de l’EI ont été tués.
« Ils sont
remplacés, mais Daech ne dispose pas d’un important vivier de chefs
historiques, avec une histoire
djihadiste comparable aux chefs d’Al-Qaida », estime-t-il.
- Quelles sont les positions de l’EI en Irak ?
En Irak,
l’intervention de la coalition internationale a permis d’endiguer l’expansion
de l’EI au Kurdistan irakien, dans la plaine de Mossoul et dans la région du
Sinjar. Les djihadistes, qui se trouvaient à cent kilomètres au nord de Bagdad
en juin 2014, ont été repoussés des provinces de Salaheddine et de Diyala.
Mais, pour Hicham
Al-Hachémi, les forces gouvernementales appuyées par la coalition
internationale n’ont à ce jour pas remporté de « bataille
décisive » contre l’EI.
Depuis la
libération de Tikrit, capitale de la province de Salaheddine, en
avril 2015, les forces gouvernementales piétinent à Baiji, à deux cents
kilomètres au nord de Bagdad, et dans la province sunnite de l’Anbar, dans
l’Ouest, où elles ont enregistré en mai leur plus grand revers, avec la prise
par l’EI de Ramadi.
La bataille de
Mossoul, dans le nord du pays, annoncée comme prioritaire en
septembre 2014, a été reportée sine die.
- Quelle est la situation de l’EI en Syrie ?
Dans le nord-est
de la Syrie, les combattants kurdes des unités de protection du peuple (YPG)
ont réussi, avec le soutien de la coalition internationale, à repousser
les combattants de l’EI de Kobané, de Tal Abyad et de la frontière turque.
Mais, de leur fief
de Rakka, dans l’est du pays, les djihadistes ont poursuivi leur expansion vers
Deir ez-Zor, plus à l’est, où ils assiègent les forces du régime, ainsi que
dans la province d’Alep, jusqu’à la frontière turque, autour de Palmyre —
conquise le 20 mai 2015 — et au sud-est de Damas.
Cette expansion
s’est faite au détriment des forces rebelles syriennes qui combattent à la fois
le régime de Bachar Al-Assad et les djihadistes de l’EI.
- Des djihadistes étrangers continuent-ils à entrer en Irak et en Syrie ?
L’intervention de
la coalition internationale et les mesures prises récemment par la Turquie pour
empêcher
l’entrée de djihadistes étrangers par son territoire n’ont pas permis
d’endiguer le flot de recrues. « Jusqu’à février 2015, entre cinq
et dix nouvelles recrues étrangères rejoignaient chaque jour le
mouvement », indique M. Hachémi.
Les services américains estiment que près de trente mille djihadistes étrangers se
sont rendus en Syrie et en Irak depuis 2011, la plupart pour rejoindre
les rangs de l’EI, rapportait samedi 27 septembre le New York Times.
L’EI continuerait ainsi de recruter
une moyenne d’un millier de combattants étrangers par mois.
- Pourquoi et comment la Russie intervient-elle en Syrie ?
Craignant un
effondrement du régime du président Assad, dont les forces ne contrôlent plus
qu’un tiers du pays, autour de Damas, de Homs et du littoral, la Russie a
déployé une trentaine d’avions de reconnaissance et d’attaque au sol, des
Soukhoï 24 et 30.
Elle pourrait procéder
à des frappes, notamment contre le Front Al-Nosra, la branche syrienne d’Al-Qaida,
qui de la province d’Idlib (Nord-Ouest) menace le régime.
- Avec qui les Russes agissent-ils en Syrie ?
Une cellule de
coordination militaire avec les forces syriennes, iraniennes et les milices
chiites irakiennes qui combattent en Syrie a été mise sur pied, selon le centre américain Institute for Study of War
(ISW).
La Russie joue
également un rôle accru en Irak. Dimanche 27 septembre, le premier
ministre, Haidar Al-Abadi, a annoncé une coopération sécuritaire et en
renseignement accrue entre la Syrie, la Russie, l’Iran et l’Irak.
Selon l’ISW,
citant des informations non confirmées, une cellule de coordination conjointe
entre la Russie et l’Iran, qui inclurait des généraux russes, a été mise sur
pied à Bagdad.
- Existe-t-il une coordination des actions entre les Russes et la coalition ?
La Russie a exigé
de la coalition internationale qu’elle coordonne avec elle et avec Damas ses
frappes en Syrie. Cette coordination est de facto nécessaire. Les avions
russes pourraient rapidement entrer en action en Syrie, et, depuis peu, les
troupes de Bachar Al-Assad frappent de nouveau les combattants de l’EI autour
de Deir ez-Zor et de Rakka.
La coordination
militaire sera au programme des discussions
entre le président russe, Vladimir Poutine, et le président américain, Barack
Obama, en marge de l’Assemblée générale des Nations unies qui s’est ouverte
lundi 28 septembre à New York.
- La coalition anti-Etat islamique pourrait-elle être étendue ?
Les pays membres
de la coalition contre l’organisation EI ont, à ce stade, refusé le principe
d’une coalition intégrant le président Assad et l’Iran, comme le propose la
Russie.
Hélène Sallon
http://www.lemonde.fr/
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