Dans ce qui suit, deux Américains nous donnent leur point de vue sur la situation mondiale actuelle.
Le premier article est de Chris Hedges.
Aricle de Chris Hedges
Le joug idéologique et physique de la
puissance impériale États-unienne, soutenu par l’idéologie utopique du
néolibéralisme et du capitalisme mondialisé, se désagrège. Beaucoup,
dont nombre de ceux évoluant au cœur de l’empire états-unien,
reconnaissent que chaque promesse faite par les partisans du
néolibéralisme est un mensonge. La richesse mondiale, au lieu d’être
équitablement répartie comme l’ont promis les partisans du
néolibéralisme, a été siphonnée entre les mains d’une élite oligarchique
vorace, entraînant ainsi d’immenses inégalités économiques.
Le premier article est de Chris Hedges.
Le deuxième est le témoignage d'un lecteur du club Orlov. Il nous donne à voir
la vision du monde de certains Américains, loin des stéréotypes guerriers. Les
arguments utilisés sont critiquables dans celui-ci mais cela donne à voir ce
qui se passe dans la tête des Américains avant une élection présidentielle qui
s’annonce pour l’instant très chahutée.
Aricle de Chris Hedges
Le joug idéologique et physique de la
puissance impériale États-unienne, soutenu par l’idéologie utopique du
néolibéralisme et du capitalisme mondialisé, se désagrège. Beaucoup,
dont nombre de ceux évoluant au cœur de l’empire états-unien,
reconnaissent que chaque promesse faite par les partisans du
néolibéralisme est un mensonge. La richesse mondiale, au lieu d’être
équitablement répartie comme l’ont promis les partisans du
néolibéralisme, a été siphonnée entre les mains d’une élite oligarchique
vorace, entraînant ainsi d’immenses inégalités économiques.
Les
travailleurs pauvres dont les syndicats et les droits ont été éliminés
et dont les salaires stagnent ou baissent depuis 40 ans, ont été
condamnés à la pauvreté chronique et au chômage, transformant leur vie
en une crise interminable, source d’un stress permanent.
La classe
moyenne s’évapore.
Des villes qui produisaient et offraient autrefois
des emplois en usine se changent en villes fantômes. Les prisons sont
surpeuplées.
Les corporations ont orchestré la destruction des barrières
commerciales, engrangeant ainsi plus de 2.1 billions de dollars en
profits dans des banques offshores pour éviter de payer des taxes. Et
l’ordre néolibéral, malgré sa promesse de construire et de répandre la
démocratie, a éviscéré les systèmes démocratiques, les transformant en Léviathans corporatistes.
La démocratie, particulièrement aux
États-Unis, est une farce, vomissant des démagogues d’extrême-droite
comme Donald Trump, qui pourrait devenir le candidat républicain à la
présidentielle, et peut-être même le président, ou d’insidieux et
malhonnêtes larbins corporatistes comme Hillary Clinton, Barack Obama,
et, s’il tient sa promesse de soutien au candidat démocrate, Bernie
Sanders. Les étiquettes « libéral » et « conservateur »
sont dépourvues de sens dans l’ordre néolibéral. Les élites politiques,
républicaines ou démocrates, servent les intérêts des corporations et
de l’empire. Elles sont des facilitatrices, tout comme la majorité des
médias et des universitaires, de ce que le philosophe politique Sheldon
Wolin appelle notre système de « totalitarisme inversé ».
L’attraction exercée par Trump, comme
celle de Radovan Karadzic, ou de Slobodan Milosevic, lors de
l’éclatement de la Yougoslavie, s’explique par sa bouffonnerie, qui
s’avère dangereuse, moquant la faillite totale de la charade politique.
Elle expose la dissimulation, l’hypocrisie, la corruption légalisée.
Nous percevons, à travers cela, une insidieuse — et pour beaucoup,
rafraichissante — honnêteté. Les nazis utilisèrent cette tactique pour
prendre le pouvoir lors de la république de Weimar. Les Nazis, même aux
yeux de leurs opposants, avaient le courage de leurs convictions, quelle
qu’ait pu être l’immondice de ces convictions. Ceux qui croient en
quelque chose, aussi répugnante soit elle, se voient souvent respectés à
contrecœur.
Ces forces néolibérales détruisent également rapidement les écosystèmes.
La Terre n’a pas connu de perturbation climatique de cette envergure
depuis 250 millions d’années et l’extinction permienne, qui a annihilé
jusqu’à 90% de toutes les espèces. Un pourcentage que nous semblons
déterminés à reproduire. Le réchauffement climatique est inarrêtable,
avec la fonte rapide des calottes polaires et des glaciers, le niveau
des mers s’élèvera d’au moins 3 mètres lors des prochaines décennies,
noyant sous les eaux nombre de villes côtières majeures. Les
méga-sécheresses laissent d’immenses parcelles de la Terre, dont des
parties de l’Afrique et de l’Australie, la côte Ouest des USA et du
Canada, le Sud-Ouest des USA, arides et en proie à d’incontrôlables feux
de forêts. Nous avons perdu 7.2 millions d’acres à cause des nombreux
incendies qui ont ravagé le pays cette année et les services forestiers
ont d’ores et déjà dépensé 800 millions de dollars dans leurs luttes
contre les incendies en Californie, à Washington, en Alaska et dans
d’autres états. Le mot même de « sécheresse » fait partie de la supercherie, sous-entendant que tout cela est en quelque sorte réversible. Ça ne l’est pas.
Des migrants fuyant la violence et la
famine régnant dans des pays comme la Syrie, l’Irak, l’Afghanistan, la
Libye, et Érythrée, affluent en Europe. 200.000 migrants, sur les 300.000 ayant rejoint l’Europe cette année, ont atterri sur les côtes
grecques. 2500 sont morts depuis le début de l’année en mer, sur des
bateaux surpeuplés et délabrés ou à l’arrière de camions comme celui que
l’on a découvert la semaine dernière en Autriche, qui contenait 71
corps, dont des enfants. C’est le plus important flux de réfugiés en
Europe depuis la seconde guerre mondiale, une augmentation de 40 %
depuis l’an dernier. Et le flot ne fera que croître. D’ici 2050, selon
nombre de scientifiques, entre 50 et 200 millions de réfugiés
climatiques auront fui vers le Nord, pour échapper aux zones rendues
invivables par les températures croissantes, les sécheresses, les
famines, les maladies, les inondations côtières et le chaos des états en
faillite.
La désintégration physique,
environnementale, sociale et politique s’exprime également à travers une
poussée de violence nihiliste motivée par la rage. Des tireurs fous
commettent des massacres dans des centres commerciaux, dans des cinémas,
des églises et des écoles aux États-Unis, Boko Haram et l’État
islamique, ou ISIS, sont en pleine frénésie meurtrière. Des attentats
suicides sont méthodiquement perpétrés et entraînent des chaos
meurtriers en Irak, en Afghanistan, en Arabie Saoudite, en Syrie, au
Yémen, en Algérie, en Israël et dans les territoires palestiniens, en
Iran, en Tunisie, au Liban, au Maroc, en Turquie, en Mauritanie, en
Indonésie, au Sri Lanka, en Chine, au Nigeria, en Russie, en Inde et au
Pakistan. Ils ont frappé les États-Unis le 11 septembre 2001 et en 2010
lorsqu’Andrew Joseph Stack III a détourné un petit avion dans un
bâtiment d’Austin, au Texas, qui abritait des agents du fisc. Le
fanatisme est alimenté par la détresse et le désespoir. Ce n’est pas le
produit de la religion, bien que la religion devienne souvent le vernis
sacré de la violence. Plus les gens seront désespérés, plus cette
violence nihiliste se propagera.
« Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître, et dans ce clair-obscur surgissent les monstres », écrivait le théoricien Antonio Gramsci.
Ces « monstres » continueront à
se propager jusqu’à ce que l’on reconfigure radicalement nos relations
entre nous et nos relations avec les écosystèmes. Mais rien ne garantit
qu’une telle reconfiguration soit possible, particulièrement si les
élites parviennent à s’accrocher au pouvoir à l’aide de leur appareil de surveillance et de sécurité mondial,
omniprésent, et de l’importante militarisation de leurs forces de
police. Si nous ne renversons pas le système néolibéral, et ce,
rapidement, nous libèrerons un cauchemar hobbesien de violence étatique
croissante et de contre-violence. Les masses pauvres seront condamnées à
la misère et à la mort. Certains tenteront de résister violemment. Une
petite élite, vivant dans une version moderne de Versailles ou de la
cité interdite, aura accès à des commodités refusées à tous les autres.
La haine deviendra l’idéologie dominante.
L’attrait exercé par l’État islamique,
qui compte plus de 30.000 combattants étrangers, s’explique en ce qu’il
exprime la rage ressentie par les dépossédés de la Terre et en ce qu’il
s’est libéré des entraves de la domination occidentale. Il défie la
tentative néolibérale de transformation de l’opprimé en déchet humain.
Vous pouvez condamner sa vision médiévale d’un état musulman et ses
campagnes de terreur contre les shiites, les yazidis, les chrétiens, les
femmes et les homosexuels — ce que je fais — mais l’angoisse qui
inspire toute cette sauvagerie est authentique ; vous pouvez condamner
le racisme des suprématistes blancs qui se rallient à Trump — ce que je
fais — mais ils ne font eux aussi qu’obéir à leur propre frustration et
désespoir. L’ordre néolibéral, en transformant les gens en main d’œuvre
superflue et par extension en êtres humains superflus, est responsable
de cette colère. Le seul espoir restant réside en une réintégration des
dépossédés dans l’économie mondiale, afin de leur donner un sentiment
d’opportunité et d’espoir, de leur donner un futur. Sans cela, rien
n’endiguera le fanatisme.
L’État islamique, à l’instar des
chrétiens de droite aux États-Unis, vise un retour vers une pureté
inatteignable, un utopisme, un paradis sur terre. Il promet d’établir
une version du califat du 7ème siècle. Les sionistes du 20ème siècle, en
cherchant à former l’État d’Israël, ont utilisé la même stratégie en
appelant à la re-création de la nation juive mythique de la Bible. ISIS,
à l’instar des combattants juifs ayant fondé Israël, cherche à
construire son état (maintenant de la taille du Texas) à travers la
purification ethnique, le terrorisme et l’utilisation de combattants
étrangers. Sa cause utopique, tout comme la cause républicaine de la
guerre civile espagnole, attire des dizaines de millions de jeunes, en
majorité des jeunes musulmans rejetés par l’ordre néolibéral. L’État
islamique offre une vision recomposée d’une société brisée. Il offre un
lieu et un sentiment d’identité — ce que n’offre pas le néolibéralisme —
à ceux qui embrassent cette vision. Il appelle à se détourner du culte
mortifère du moi qui est au cœur de l’idéologie néolibérale. Il met en
avant le caractère sacré du sacrifice personnel. Et il ouvre une voie à
la vengeance.
Jusqu’à ce que nous démantelions l’ordre
néolibéral, afin de recouvrer la tradition humaniste rejetant la
perception des êtres humains et de la Terre comme marchandises à
exploiter, notre forme de barbarie industrielle et économique affrontera
la barbarie de ceux qui s’y opposent. Le seul choix qu’offre la « société bourgeoise », comme le savait Friedrich Engels, est « le socialisme ou la régression vers la barbarie ». Il est temps de faire un choix.
Nous ne sommes pas, aux États-Unis,
moralement supérieurs à l’État islamique.
Nous sommes responsables de la
mort de plus d’un million d’Irakiens et de la migration forcée de plus
de 4 millions d’autres. Nous tuons en plus grand nombre. Nous tuons
avec encore moins de discernement. Nos drones, nos avions de combats,
notre artillerie lourde, nos bombardements navals, nos mitrailleuses,
nos missiles et forces prétendument spéciales — des escadrons de la mort
dirigés par l’état — ont décapité bien plus de gens, enfants inclus,
que l’État islamique. Lorsque l’État islamique a brûlé vif un pilote
jordanien dans une cage, cela faisait écho aux agissements quotidiens
des États-Unis, lorsqu’ils incinèrent des familles dans leurs maisons,
avec les frappes aériennes. Cela faisait écho à ce que font les avions
de combats israéliens à Gaza. Oui, ce que l’État islamique a fait était
plus brutal. Mais moralement ça n’était pas différent.
J’ai un jour demandé au co-fondateur du
groupe militant Hamas, le Dr Abdel Aziz al-Rantisi, pourquoi le Hamas
cautionnait les attentats suicides, qui entraînaient la mort de civils
et d’enfants israéliens, alors que les palestiniens dominaient du point
de vue de la morale, en tant que peuple occupé. « Nous arrêterons de tuer leurs enfants et leurs civils dès qu’ils arrêteront de tuer nos enfants et nos civils »,
m’a-t-il répondu. Il souligna que le nombre d’enfants israéliens qui
avaient été tués s’élevait à ce moment-là à deux douzaines, tandis que
les pertes palestiniennes s’élevaient à plusieurs centaines d’enfants.
Depuis 2000, 133 enfants israéliens et 2061 enfants palestiniens ont perdu la
vie. L’attentat suicide est un acte de désespoir. C’est, à l’instar des
bombardements incessants de Gaza par Israël, un crime de guerre. Mais
lorsqu’on le considère comme la réponse à une terreur étatique
incontrôlée, il est compréhensible. Le Dr Rantisi fut assassiné en Avril
2004 par Israël qui fit tirer sur sa voiture à Gaza un missile Hellfire
depuis un hélicoptère Apache. Son fils Mohammed, qui était dans le
véhicule avec lui, fut aussi tué dans l’attentat. La spirale de violence
qui en résulte, plus d’une décennie après ces meurtres, perdure encore.
Ceux qui s’opposent à nous offrent une
vision d’un monde nouveau. Nous n’offrons rien en retour. Ils offrent un
contrepoids au mensonge néolibéral. Ils parlent pour ses victimes,
prisonnières de bidonvilles sordides au Moyen-Orient, en Afrique, en
Europe et en Amérique du Nord. Ils condamnent l’hédonisme grotesque, la
société du spectacle, le rejet du sacré, la consommation débridée, la
richesse personnelle en tant que fondement principal du respect et de
l’autorité, la célébration aveugle de la technocratie, la réification
sexuelle — y compris une culture dominée par la pornographie — et la
léthargie (largement appuyée par l’abondance des médicaments) utilisée
par tous les régimes agonisants, pour détourner l’attention des masses
et leur confisquer le pouvoir. De nombreux djihadistes, avant de devenir
de violents fondamentalistes, ont été victimes de ces forces. Il y a
des centaines de millions de gens comme eux, qui ont été trahis par
l’ordre néolibéral. Une véritable poudrière, et nous ne leur offrons
rien.
« Quand sa rage éclate, il retrouve
sa transparence perdue, il se connaît dans la mesure même où il se fait ;
de loin nous tenons sa guerre comme le triomphe de la barbarie », a écrit Frantz Fanon dans Les Damnés de la Terre, « mais
elle procède par elle-même à l’émancipation progressive du combattant,
elle liquide en lui et hors de lui, progressivement, les ténèbres
coloniales. Dès qu’elle commence, elle est sans merci. Il faut rester
terrifié ou devenir terrible ; cela veut dire : s’abandonner aux
dissociations d’une vie truquée ou conquérir l’unité natale. Quand les
paysans touchent des fusils, les vieux mythes pâlissent, les interdits
sont un à un renversés : l’arme d’un combattant, c’est son humanité.
Car, en le premier temps de la révolte, il faut tuer : abattre un
Européen c’est faire d’une pierre deux coups, supprimer en même temps un
oppresseur et un opprimé : restent un homme mort et un homme libre. »
Ceux au pouvoir apprennent-ils
l’histoire ? Ou peut-être est-ce ce qu’ils veulent. Une fois que les
Damnés de la Terre se changeront en État islamique, ou adopteront la
contre-violence, l’ordre néolibéral pourra supprimer les dernières
entraves qui le retenaient et commencer à tuer en toute impunité. Les
idéologues néolibéraux, après tout, sont eux aussi des fanatiques
utopistes. Et eux aussi ne savent s’exprimer qu’à travers le langage de
la force. Ils sont notre version de l’État islamique.
Le monde binaire que les néolibéraux ont
créé — un monde de maîtres et de serfs, un monde où les damnés de la
terre sont diabolisés et soumis par une perte de liberté, par « l’austérité »
et la violence, un monde où seuls les puissants et les riches ont des
privilèges et des droits — nous condamnera et nous entraînera vers une
dystopie effrayante. La révolte émergente, mal définie, paraissant
éparse, surgit des entrailles de la terre. Nous apercevons ses éclairs
et ses tremblements. Nous voyons son idéologie pétrie de rage et
d’angoisse. Nous percevons son utopisme et ses cadavres. Plus l’ordre
néolibéral engendre de désespoir et de détresse, que ce soit à Athènes, à
Bagdad ou à Ferguson, plus les forces de répression étatique sont
utilisées pour étouffer l’agitation et extraire les dernières gouttes de
sang des économies exsangues, plus la violence deviendra le principal
langage de la résistance.
Ceux d’entre nous qui cherchent à créer
un monde un tant soit peu viable disposent de peu de temps. L’ordre
néolibéral, pillant la Terre et asservissant les vulnérables, doit être
anéanti. Cela n’arrivera que si nous le confrontons en opposition
directe, en étant prêts à entreprendre des actes de sacrifices
personnels et de révolte prolongée qui nous permettent de faire
obstruction et de démanteler tous les aspects de la machinerie
néolibérale. Je crois que l’on peut accomplir cela à travers la
non-violence. Mais je ne peux nier l’émergence inéluctable de la
contre-violence, provoquée par la myopie et l’avarice des mandarins
néolibéraux. La paix et l’harmonie n’embraseront peut-être pas la Terre
entière si nous y parvenons, mais si nous ne destituons pas les élites
dominantes, si nous ne renversons pas l’ordre néolibéral, et si nous ne
le faisons pas rapidement, nous sommes perdus.
Chris Hedges
-----------------------------------------------------------------------------------------------------Article original publié en anglais sur le site de truthdig.com, le 30 août 2015.
Christopher Lynn Hedges (né le 18 septembre 1956 à Saint-Johnsbury, au Vermont) est un journaliste et auteur américain. Récipiendaire d’un prix Pulitzer, Chris Hedges fut correspondant de guerre pour le New York Times pendant 15 ans. Reconnu pour ses articles d’analyse sociale et politique de la situation américaine, ses écrits paraissent maintenant dans la presse indépendante, dont Harper’s, The New York Review of Books, Mother Jones et The Nation. Il a également enseigné aux universités Columbia et Princeton. Il est éditorialiste du lundi pour le site Truthdig.com
RETOUR A L'ENVOYEUR
L’empire
américain a tué quelque 40 millions de personnes depuis la fin de la Seconde
Guerre mondiale (selon John Stockwell) [Pas de confirmation évidente de ce
chiffre, NdT], a supprimé les avancées sociales populaires dans des dizaines de
pays, a renversé et assassiné leurs dirigeants et a organisé et formé des
escadrons de la mort d’extrême-droite qui ont assassiné et torturé leurs
citoyens. Al-Qaïda et ISIS, à eux deux, sont en grande partie des inventions
américaines. Pendant ce temps, les gens aux États-Unis peuvent apprécier
d’avoir presque le revenu le plus élevé par habitant dans le monde, la paix,
l’harmonie et la consommation de masse depuis des décennies, jusqu’à récemment
en tout cas, tout en semant le chaos à l’étranger. Mais il n’y a pas eu de
conséquences négatives pour les États-Unis, jusqu’à son déclin économique
récent.
Henry
Kissinger, l’un des plus grands criminels de guerre du XXème siècle,
attaque ses 90 ans. Il est régulièrement consulté, comme expert géopolitique
respecté, par les gouvernements ainsi que par les médias. Il semble être
beaucoup dans les médias ces jours-ci. Il fait même preuve d’un peu de bon
sens ; il est étrange comme les gens cessent de mentir lorsqu’ils prennent
leur retraite. Mais au cas où vous ne le sauriez pas, alors qu’il avait
encore un travail officiel, Kissinger a orchestré les quatre ans de bombardement
secret du Cambodge qui ont tué deux millions de personnes et préparé le terrain
pour le régime génocidaire des Khmers rouges de Pol Pot. Il a obtenu le prix
Nobel de la paix pour avoir accepté l’accord de paix avec le Vietnam en 1973,
accord qui avait d’abord été proposé en 1968. Barack Obama a aussi reçu son
prix Nobel de la paix mais a continué à détruire la Libye, la Syrie, l’Ukraine
et le Yémen, et a perpétuer la guerre des drones au Pakistan et dans d’autres
endroits. Parfois, avoir le prix Nobel de la paix apparaît un peu comme un
permis de tuer.
L’entreprise
de Dick Cheney, Halliburton, a gagné des milliards de dollars tandis que Cheney
supervisait le programme de torture sous l’administration Bush. Bush, Cheney,
Rumsfeld et d’autres affabulateurs sur l’Irak se promènent tranquillement,
libres, tandis que ceux qui ont dévoilé la vérité, Manning, Assange et
Snowden sont l’un emprisonné, l’autre piégé dans une ambassade, et le
troisième en exil. Beaucoup d’autres dénonciateurs, comme Binney,
Drake et Kiriakou, ont également été sanctionnés. Mais John Yoo, qui a écrit
les mémos sur la torture dans lesquels il affirmait
que la torture était légale, est maintenant un membre hautement rémunéré du
corps professoral à l’Université de Berkeley. De toute évidence, il y a
des cas où la vérité ne va pas vous libérer, alors que les mensonges sont
richement récompensés.
Alors, qu’en
est-il des conséquences? Nous aimons à expliquer à nos enfants que s’ils se
gardent de faire de mauvaises choses à de bonnes personnes, ils finiront par
être récompensés. Mais jusqu’à présent, il ne semble pas y avoir trop de
conséquences négatives pour les auteurs de ces atrocités.
Pour
l’instant
Par exemple,
il y a le problème des réfugiés, qui semble affecter tous les pays qui ont
bombardé, envahi ou perturbé d’une façon ou d’une autre les pays qui sont
maintenant à l’origine de la crise des réfugiés [mais pas les US dans ce
cas : –Papa c’est encore loin l’Amérique? –Tais-toi et nage! NdT]. Il
n’est jamais venu à l’esprit des bureaucrates eurocrétins®, très bien
rémunérés, qu’aider l’empire américain à détruire l’Irak, l’Afghanistan, la
Libye, la Syrie et le Yémen et semer le chaos dans tout le Moyen-Orient se
traduirait un jour par une marée d’hommes sur leurs plages.
Et maintenant, ils en sont réduits à hurler à pleins poumons que la crise
des réfugiés n’a rien à voir avec leur politique étrangère.
De l’autre
côté de l’Atlantique, il n’est jamais venu à l’esprit des Américains
que leur soutien aux coups d’État fomentés par des régimes
d’extrême-droite en Amérique centrale, comme celui, récent, au Honduras, leur
soutien à la folle guerre de la drogue au Mexique, la violence massive, les
destructions et la pauvreté qu’ils sèment dans la région, conduiraient au
problème épouvantable de l’immigration illégale à la frontière sud des US,
dont Donald Trump fait ses choux gras actuellement.
Besoin
d’autres exemples? L’Australie, parmi ses manifestations de
soutien à l’Empire, a participé, entre autres, aux bombardement sur le
Vietnam et a soutenu le massacre et le génocide perpétré par le dictateur
Suharto contre son peuple au Timor oriental, en Indonésie. Suharto a régné
pendant trois décennies, volé des milliards et vécu jusqu’à l’âge
avancé de 86 ans. Devenir un dictateur génocidaire semble être un bon plan
si vous voulez vivre vieux [Pinochet : 91 ans, NdT]. L’Australie, d’autre
part, a aussi un problème de réfugiés – venant exactement de cette région.
Autres conséquences
à venir, les responsables de l’UE n’ont toujours pas pleinement réalisé qu’en
aidant les États-Unis à commencer une nouvelle guerre froide par leur
soutien aux marionnettistes responsables d’un coup d’État en Ukraine, puis
en imposant des sanctions à la Russie sous de faux prétextes, ils rendaient un
mauvais service à leurs économies, perturbant le commerce et aidant à affaiblir
l’euro. Mais ils apprennent vite.
Et puis il y
a la plus grande conséquence de toutes : les États-Unis et l’Europe
semblent souffrir d’une série dévastatrice de problèmes climatiques tels que
des vagues de chaleur, des incendies de forêt, des sécheresses, des
inondations, des ouragans etc. La Californie, en particulier, est frappée par
une sécheresse extrême depuis quatre ans. Cet État américain incarne le
consumérisme, la culture autour de la voiture qui est en grande partie
responsable de la forte augmentation des émissions de CO2, et exporte dans le
monde entier ce mode de vie toxique à travers l’industrie du divertissement de
Hollywood. Les catastrophes climatiques semblent se déchaîner aux
États-Unis – pays qui est la source de l’essentiel des émissions de CO2
qui sont maintenant responsables du changement climatique. Ce pays a même
subi un vortex polaire, ultra froid, chaque hiver lors des deux
dernières années, affectant sa côte Est. Mais ce n’est que le début ;
dans quelques décennies, l’ensemble du littoral est des États-Unis, où vit
la moitié de la population, va être sous l’eau.
Appelez cela
coïncidence, appelez-le karma, pensez que c’est un manque de chance, tout ce
que vous voulez. Mais qu’en est-il s’il y a bien un lien de cause à effet?
Qu’en est-il si cela prend un certain temps, et que les conséquences de
vos actions reviennent finalement vous hanter?
Par Gary –
Le 7 septembre 2015 – Source cluborlov
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Traduit par
Hervé, relu par jj pour le Saker Francophone