samedi 21 novembre 2015

Voici comment DAECH voit le monde

C’est la « coexistence Occident-islam  » qui a été visée par les attentats du vendredi 13 novembre. De ce point de vue, les terroristes islamistes sont exactement sur la même longueur d'onde et les mêmes thématiques que les Néocons américains, les sionistes ou que l'extrême droite européenne, dont l'archétype est Marine Lepen. Pour mieux comprendre cette idée, il est utile de prendre le temps de lire les textes publiés par les Daéchiens.

image non affichéeL’Etat islamique ou les chevaliers de l’apocalypse djihadiste

La violence extrême du monstre djihadiste tient largement aux convictions apocalyptiques de nombre de ses recrues. Ce monstre a réussi à imposer au monde entier l’appellation qu’il s’est choisie d’Etat islamique (EI), DAECH en arabe, alors qu’il n’est pas un Etat, mais une machine de guerre, et que sa doctrine totalitaire menace avant tout les musulmans.
A la différence d’Al-Qaïda, dont il est issu, la base de l’EI, à défaut de sa hiérarchie, est portée par des croyances millénaristes à l’impact dévastateur.
On a désormais des dizaines de témoignages de «  volontaires  » étrangers de l’EI qui révèlent leur angoisse, mais aussi leur exaltation à l’approche de la fin des temps. Le «  pays de Cham  », DAECH, cette Grande Syrie des géographes, est en effet, tout comme l’Irak, la terre privilégiée de l’accomplissement de ce type de prophéties.

Apocalypse de la terreur

L’Ultime Bataille, celle qui verra dans un effroyable bain de sang la victoire des Fidèles, y sera menée. Une telle apocalypse de la terreur est évoquée comme imminente sur les réseaux sociaux. C’est même un argument martelé pour inciter à rejoindre sans tarder les troupes du faux  «  calife  » Baghdadi [1], car la participation à cette Bataille vaudra mille combats moins auréolés de gloire eschatologique.
Cette redoutable collusion entre la technologie moderne et les superstitions les plus obscurantistes est encore mieux illustrée par le titre même du magazine de l’EI en langue anglaise. Cet organe de propagande s’appelle en effet Dabiq. Il a vite supplanté dans les rédactions occidentales la publication Inspire d’Al Qaeda pour la péninsule arabique (AQPA), la branche yéménite d’Al Qaeda.
Dabiq, numéros 1 et 2 :
Dabiq, numéros 1 et 2 : « Le retour du Califat »
et « L’Etat islamique ou le déluge »

Dabiq comme Inspire avant lui offrent en effet l’avantage de fournir sans filtre linguistique des éléments que l’on croit précieux pour la compréhension de la mouvance djihadiste. Tout en mettant en garde contre le danger de telles publications, les journalistes qui leur consacrent des articles assurent ainsi le relais des thèses djihadistes.
Le même phénomène d’écho s’est produit avec les vidéos de massacres diffusées par l’EI, et reprises dans le monde entier avec les avertissements d’usage.

Tradition prophétique


Dabiq, au nord de la Syrie
Mais revenons à Dabiq qui, à la différence de Inspire, est un titre un peu obscur. Dabiq est physiquement une localité du nord de la Syrie, enjeu de combats acharnés entre factions djihadistes.
Au-delà de cet enjeu militaire, Dabiq est mentionnée dans une tradition prophétique particulièrement populaire chez les djihadistes comme le théâtre de la bataille décisive entre les musulmans et les «  Roum  », littéralement les Romains, en fait les Byzantins (au temps de Mohammed). Les «  Roum  » sont aujourd’hui dans la propagande djihadiste les «  Croisés  » et les Occidentaux en général.

En attendant l’« Heure dernière »

Voici la traduction libre que je vous propose de ce «  hadith  » (tradition) de Dabiq, tirée de la compilation dite «  authentique  » (Sahih) d’Abou al-Hussein Muslim, un des traditionalistes les plus respectés au IXe siècle. Je précise que ce «  hadith  » a été cité fréquemment dans les discours djihadistes, y compris par Abou Moussab al-Zarqaoui, le mentor de Baghdadi, tué dans un bombardement américain en Irak en 2006.
«  L’Heure dernière n’arrivera pas avant que les Byzantins n’attaquent Dabiq. Une armée musulmane regroupant des hommes parmi les meilleurs sur terre à cette époque sera dépêchée de Médine pour les contrecarrer. Une fois les deux armées face à face, les Byzantins s’écrieront  : “Laissez-nous combattre nos semblables convertis à l’islam.”
Les Musulmans répondront  : “Par Allah, nous n’abandonnerons jamais nos frères.”
Puis la bataille s’engagera. Un tiers s’avouera vaincu  ; plus jamais Allah ne leur pardonnera. Un tiers mourra  ; ils seront les meilleurs martyrs aux yeux d’Allah. Et un tiers vaincra  ; ils ne seront plus jamais éprouvés et ils conquerront Constantinople. »
Les Byzantins sont donc les Infidèles au sens large et Constantinople la ville qui sera la cible de la terreur des Fidèles (je vous laisse choisir une cité européenne).
Les Byzantins modernes viendront traquer les volontaires djihadistes, que Baghdadi refusera de livrer, d’où l’affrontement. La "Médine" de 2014 est Mossoul, où le «  califat  » de l’EI a été proclamé en juin dernier.

Au milieu de citations de sourates du Coran et de photos de victimes torturées, pendues ou décapitées, plusieurs citations détaillent la vision du monde voulu par Daech. C’est un monde bipolaire où l’on trouve :
  • d’un côté, les gens du califat, que Daech considère comme les vrais musulmans ;
  • et de l’autre, les croisés – les Occidentaux.
  • entre les deux, il y a la "zone grise" : elle contient la masse des musulmans qui non seulement ne se reconnaissent pas dans ce califat, mais qui le combattent parce qu'ils en sont les principales victimes.
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Terres du califat projeté par DAECH
On peut lire dans cet extrait situé au début d’un dossier de treize pages du numéro 7 de Dabiq :
« Les opérations bénies du 11 septembre [2001] ont montré que le monde se divise en deux parties, le camp de l’islam – à l’époque, le califat n’existait pas pour le représenter – et le camp de la mécréance – la coalition des croisés.
Comme Oussama Ben Laden l’a dit : “ Le monde aujourd’hui se divise en deux camps. Bush a dit vrai quand il a dit ‘Soit vous êtes avec nous, soit vous êtes avec les terroristes.’” Cela veut dire soit vous êtes pour la croisade, soit vous êtes pour l’islam. »
Capture d'écran de la revue de Daech
Capture d’écran de la revue de Daech

Plus de 99% des musulmans sont contre DAECH

Entre ces deux zones, il y a une zone que Daech appelle la «  zone grise  » et dont les auteurs font remonter la théorisation aux attentats du 11 septembre 2001. On y trouve aujourd’hui la plupart des êtres humains de la planète, c’est-à-dire les gens qui n’ont rejoint aucun camp :
«  Après le 11 Septembre, les deux camps ennemis étaient d’un côté la communauté musulmane divisée et de l’autre, les croisés.
Maintenant – d’après les croisés eux-mêmes – il y a d’un côté l’Etat islamique, et de l’autre, les croisés. La zone grise a eu différentes acceptions à ces deux époques.
Par le passé, elle était constituée d’hypocrites, de déviants et de ceux qui ont abandonné le djihad. Depuis l’établissement du califat, la zone grise regroupe aussi les musulmans “indépendants” et les “neutres” qui refusent de rejoindre le califat. » Selon les chiffres de l'automne 2014, l'État islamique exerce son autorité sur environ 10 millions de personnes, sur des territoires ruraux et urbains à majorité sunnite d'Irak et de Syrie. Sachant qu'il y a actuellement 1,2 milliards de musulmans, le faux califat n'exerce donc son autorité que sur 0,83% des musulmans. Autrement dit, la fameuse "zone grise" couvre 99,17% des musulmans. D'autre part, d'après les chiffres de la "twittosphère" [2], on voit que le nombre de "twitts" (dans les pays arabes) favorables à Daech, après les attentats à Paris, est de 1% dans la totalité des pays arabes. Par conséquent, la "zone grise" couvre, au minimum, 99% de la population musulmane. Les "vrais musulmans", c'est à dire les Daéchiens, représentent, au maximum, 1% de la population musulmane existante sur terre.
Pour Daech, cette zone doit disparaître.
Pour parvenir à ce monde bipolaire, des attaques ciblées doivent modifier la façon dont les musulmans se sentent et sont perçus dans les pays occidentaux, pour les inciter à rejoindre le califat. Sinon, ils seront considérés comme des traîtres, comme le détaillent longuement les écrits de Daech :
«  L’établissement du califat avant les événements en Europe [les attentats de janvier, ndlr] a un peu plus démoli cette zone grise, puisque beaucoup de musulmans vivant en Europe et aux États-Unis justifiaient leur présence parmi les mécréants parce que les pays musulmans étaient eux-mêmes sous la loi d’apostats mécréants. »
Et plus loin :
«  Les musulmans des pays occidentaux vont maintenant rapidement se retrouver face à un choix, soit ils s’apostasient et adoptent la religion mécréante propagée par Bush, Obama, Blair, Cameron, Sarkozy et Hollande pour vivre au milieu des mécréants, […] soit il font leur hijra (Note d'H.G. : l'équivalent de l'Alya pour les juifs sionistes, avec lesquels DAECH a une forte proximité dogmatique, militaire et politique[2]) vers l’Etat islamique et ainsi échappent à la persécution des gouvernements et citoyens croisés. »
 

Les terroristes islamistes arrivant au Paradis des Houris
Voir Mokhtar au Paradis des Houris 


[1] Le "Calife" Baghdadi est un juif israélien
[2] Twitosphère : Les amis de la France -Arabie & Koweït- applaudissent aux "exploits" daéchiens