L’intellectuel américain a tenu une conférence à l’Université Libre
de Bruxelles, sur le thème » Crise économique, guerre et transformation
sociale ». Il a apporté son point de vue sur les grands faits de
l’actualité internationale, notamment à propos des bouleversements que
connaissent les pays arabes.
« La Libye est un punching-ball »
Selon Chomsky, la Libye est un pays qui possède une qualité
inestimable : du pétrole. Mais en parallèle, il cultive un sacré défaut :
il n’est pas assez obéissant.
Les occidentaux ont soutenu Kadhafi pendant des années. Et ils le
feraient même encore aujourd’hui. Par exemple, les États-Unis, la
Grande-Bretagne et les Pays-Bas ont empêché le Tribunal Pénal
International de la Haye de mettre en accusation le Guide de la
Révolution, accusé d’atrocités sur des civils. Noam Chomsky évoque même
la relative absence des occidentaux et l’agitation française autour d’
une éventuelle intervention. Ça s’agite beaucoup, mais rien ne se passe
au final.
Notre intellectuel américain rappelle d’ailleurs que les États-Unis ont bombardé la Lybie en 1986, sans réelles raisons.
Le pays de Kadhafi est donc un punching-ball, sur lequel les occidentaux aime taper sans cesse. Sans réelles conséquences.
De Madison au Caire
Selon Noam Chomsky, le soulèvement égyptien a été poussé par des
travailleurs de la ville de Madison (Wisconsin). Ces travailleurs en
grève ont envoyé un message de soutiens aux insoumis égyptiens, afin de
marquer leur solidarité.
Dans les deux pays, les actions ont pour but de réclamer une
démocratie plus « authentique ». Mais dans les finalités, on remarque
des revendications différents. Au Caire, on se bat pour acquérir des
droits fondamentaux. A Madison, on lutte pour ne pas perdre des droits
durement acquis.
L’Europe obéit aux USA
Les États-Unis n’ont pas intérêt à ce que l’Europe prenne des
décisions de manière indépendante. Et pour cela, ils se servent de l’Otan
(une organisation créée à l’origine pour contrer les ambitions
soviétiques). En 1989, avec la chute du communisme, l’OTAN perd son
principal ennemi. Mais l’organisation ne disparait pas pour autant. Elle
continue même de s’étendre.
A partir de cette période, l’OTAN ne fait plus miroiter une menace
russe, mais plutôt la crainte d’un nationalisme exacerbé, notamment au
Moyen-Orient. C’est d’ailleurs pour cela, qu’aujourd’hui, les troupes de
l’OTAN gardent le contrôle des grands accès maritimes utiles aux
pétroliers et des oléoducs dans cette zone. Par cela, ils garantissent
la toute puissance américaine et gardent une mainmise sur l’Europe.
L’Occident ne veut pas de la démocratie dans les pays arabes
Les pays occidentaux ont peu soutenu les manifestations en Tunisie et
en Égypte. Après les révolutions récentes, seuls les noms des personnes
en place ont changé. Mais les régimes et les élites dominantes restent
les mêmes. Par exemple, l’armée est toujours autant présente en Égypte,
ce qui constitue une barrière indéniable pour une accession vers la
démocratie.
Chomsky cite un sondage réalisé dans le monde arabe, qui évoque les
principales menaces ressenties par les populations. Ce qui en ressort,
c’est que les arabes craignent en grande proportion Israël et les
États-Unis. Tandis que l’Iran, l’ennemi « officiel », inquiète seulement
10% des personnes interrogées.
Autre point marquant de ce sondage : 80% des égyptiens souhaitent que l’Iran se dote d’armes nucléaires.
A en croire ces études, les perspectives arabes ne sont pas
compatibles avec la présence ou les intérêts des États-Unis et de leurs
alliés.
Paradoxe : lorsque l’Iran souhaite développer son influence,
notamment chez ses voisins irakiens ou afghans, on parle de
« déstabilisation ». Mais quand les États Unis envahissent ces mêmes
zones, on parle de « stabilisation ».
Obama, produit de l’année
2008 fût l’année de la plus grande campagne de marketing politique
jamais réalisée. Barack Obama en est sorti grand vainqueur, en terme de
suffrage comme de marketing. Noam Chomsky note certaines dérives,
notamment à cause de l’augmentation des prix des campagnes électorales.
Ce recours à de plus en plus de capitaux privés accroit encore davantage
le pouvoir des entreprises dans la sphère politique.
L’échec du néo-libéralisme
Les différentes phases de la crise économique prouvent que le
néo-libéralisme est en grande partie un échec. La Main Invisible, qui
viendrait réguler « naturellement » le libre-échange, telle qu’imaginée
par Adam Smith, relève surtout du phantasme. Preuve en est : les dettes
grecques, irlandaises, ou encore les bulles immobilières.
Les syndicats, des pouvoirs à la hauteur
Les syndicats constituent la force la plus importante aujourd’hui,
selon Chomsky, pour faire face au pouvoir trop fort des grandes
entreprises. C’est d’ailleurs parce qu’ils constituent un adversaire de
poids que les syndicats sont systématiquement attaqués par le monde des
affaires.