Il y a un truc qui me chiffonne, quand j’écoute les médias Mainstream.
- La Russie est (comme toujours) méchante, car elle bombarde les gentils terroristes d’Al Quaïda, armés par l’Occident, et ne s’attaque pas aux méchants terroristes de l’État islamique – même si elle dit qu’elle le fait, mais ce sont des menteurs les Russes ;
En revanche, l’Occident défend la Démocratie, et les Stazunis, la Grande-Bretagne et la France (soit 60 % à l’aise des dépenses militaire du monde) bombardent durement le méchant État islamique depuis un an et demi – même si ça ne l’a hélas nullement empêchée de conquérir toujours plus de territoires…Mais alors, c’est étrange, pourquoi les types de l’État islamique ont-ils détruit un avion russe moins de 2 mois après le début des frappes russes ????? Étrange non ?Par ailleurs j’ai également trouvé éloquent la manière assez insidieuse qui a été employée pour limiter la compassion envers les victimes russes.Un exemple : L’état islamique a revendiqué immédiatement l’attentat – sachant que les experts indiquent qu’ils n’ont jamais menti à ce jour. Mais tout a été fait pour ne pas trop privilégier cette piste.Même quand l’État islamique a diffusé une vidéo qu’il indique être celle de l’explosion (moi, je ne leur accorde guère de confiance, c’est peut-être un montage (je vois mal comment ils auraient filmé ça en Égypte) mais c’est un élément, quand même, qu’on n’a guère vu dans nos médias, contrairement à d’autres pays…)…
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Il y a une semaine, le vol 9628 de la compagnie MetroJet/Kogalymavia,
qui transportait 224 passagers et hommes d’équipage tous de nationalité
russe, a explosé en plein vol au-dessus du Sinaï. Les débris ont été
retrouvés, identifiés, et idem pour les fameuses boîtes noires qui sont
en cours de dépouillement ou qui sont entièrement dépouillées. Au
départ, il y avait une sorte d’entente générale pour écarter l’hypothèse
d’un tir de missile, d’envisager sans réelle conviction l’hypothèse
d’une bombe, et de privilégier l’incident mécanique aux conséquences
radicales et extraordinaires. Aujourd’hui, c’est la thèse de la bombe à
bord qui émerge de plus en plus précisément, avec les Britanniques
extrêmement actifs pour toutes sortes de raisons, mais notamment parce
qu’il y a 20.000 de leurs nationaux en vacances à Charm El-Sheikh. Les
Britanniques ont pris la décision peu ordinaire d’interrompre tous les
vols prévus pour le retour normal de ces touristes, qui restent donc sur
place, presque dans l’extraordinaire position d’être comme des “otages”
ou des “prisonniers” d’on ne sait quoi. (DEBKAFiles, qui, dès le premier jour, a affirmé qu’il s’agissait d’une attaque terroriste, les désigne ce 5 novembre comme : « 20.000 Britons under siege »)
On a là-dessus une toute petite idée du désordre qui accompagne cet
évènement, où chacun joue double, sinon triple jeu, tout cela
correspondant à la complexité inouïe de la situation au Moyen-Orient, et
la complexité à mesure, multiplié géométriquement par les esprits
enfiévrés de narrative, des effets imprévus et inattendus des actions des principaux acteurs.
• … Mais restons-en à DEBKAFiles. Dès le premier jour, le 31 octobre, le site israélien a privilégié la thèse de l’attentat, accréditant de facto le “communiqué” de Daesh du
31 octobre dans l’après-midi, et continuant à insister sur la
possibilité qu’il s’agisse d’une attaque par missile. Le 5 novembre
encore, dans le texte cité, la possibilité d’une attaque par missile est
explicitée par la référence à l’organisation terroriste opérant en
Libye Ansar al Sharia, responsable de l’attaque de Benghazi qui coûta la
vie à l’ambassadeur des USA. Ansar al Sharia disposerait de missiles de
fabrication russe Buk (code-OTAN SA-11), de moyenne portée (entre 5 et 50 kilomètres), venus des arsenaux libyens du temps de Kadhafi. « Ce
groupe terroriste ultra-violent a des liens opérationnels très étroits
avec le groupe ISIS dans le Sinaï, et il est tout à fait possible qu’il
ait transféré ce système de Libye dans le Sinaï… »
D’abord plutôt “satisfait” de cette attaque présentée comme une
riposte efficace à l’activité russe en Syrie qui gêne les opérations
israéliennes, DEBKAFiles a changé de ton le 5 novembre, pour se
faire plus alarmiste pour un certain nombre pays, y compris Israël, ce
qui pourrait refléter effectivement le sentiment des sources du
renseignement israélien du site, et leur volonté de le faire savoir… « Alors
que de plus en plus de gouvernements occidentaux se rapprochent de la
thèse que le crash de l’avion russe a été causé par un engin explosif,
les sources contre-terroristes de DEBKAFiles répètent que l’on ne peut
pas écarter la thèse d’un tir de missile. L’argument développé mercredi
par Washington et Londres selon laquelle les organisations terroristes
ne disposent pas de missiles capables d’atteindre et d’abattre de tels
avions est simplement incorrecte. La possession par ISIS-Sinaï de
systèmes de missiles sol-air avancés met non seulement en danger les
avions dans l’espace aérien de la péninsule, mais aussi les avions
volant au-dessus du Canal de Suez ainsi que sur des parties de l’Arabie
saoudite, de Jordanie et d’Israël. »
• Le même texte considère d’un œil critique l’absence d’initiative de
certains pays particulièrement concernés par la situation à
Charm-Sinaï, notamment les Britanniques, qui se sont beaucoup agité et
ont affirmé dès mardi leurs doutes quant à la possibilité d’un attentat,
jusqu’à la décision de suspendre tout vol de ou vers Charm avec des
nationaux britanniques à bord, – effectivement comme s’ils craignaient
des tirs de missiles. En attendant, observe DEBKAFiles, ils
n’ont préparé aucun plan pour les “20.000 vacanciers britanniques
assiégés” à Charm El-Cheikh. Conclusion du site israélien : Jusqu’ici,
les hésitations, changements de version, refus de commentaire, etc., des
principaux pays concernés n’ont qu’un but : « …gagner du temps pour
ne rien faire contre ISIS dans le Sinaï. Ni les USA, ni la Russie, ni
la Grande-Bretagne, ne sont prêts à envoyer des forces dans la péninsule
pour affronter directement les terroristes. »
Ces commentaires signalent qu’on est en train de passer de la seule affaire de la destruction en vol (accidentelle ou provoquée) d’un charter russe à celle de la sécurité sur le territoire du Sinaï, qui est un point très important d’affrontement avec le terrorisme, en plus des points classiques (Syrie, Irak, Afghanistan). Si on s’est tant attaché aux évolutions et précisions de DEBKAFiles, c’est parce que le site donne une bonne idée, vues ses connexions directes, de l’évolution des évaluations des services de sécurité israéliens. L’on a donc vu l’humeur passer d’une certaine “satisfaction” que la Russie, qui a pris un certain monopole du contrôle du ciel syrien, ressente un contrecoup de cette opération qui frustre les Israéliens en les privant d’une partie importante de leur liberté de manœuvre ; à une inquiétude affirmée pour la sécurité de l’espace aérien de la région (dont celui d’Israël) devant l’activité des groupes terroristes, sans doute équipés, pour certains dont DEBKAFiles, de systèmes d’armes avancés et dévastateurs, hérités soit des aventures catastrophiques des pays du bloc BAO (Libye), soit de l’incroyable tortuosité de la politique US multidirectionnelle et multi-contradictionnelle. Qui plus est, effectivement, l’affaire du vol 9628 montre, une fois de plus, l’impréparation des acteurs militaro-politiques extérieurs devant certaines actions ou certains théâtres de l’action des terroristes, alors qu’ils sont pour la plupart responsables de la constante aggravation de la situation et du renforcement des groupes terroristes toujours pour les mêmes raisons.
• Un autre point de vue est dominé par le facteur de la concurrence entre la Russie et les pays du bloc BAO. Il est exposé dans un texte de Justin Raimondo, sur Antiwar.com,
qui détaille les hypothèses et les louvoiements, notamment des USA et
de UK, vis-à-vis de la version de la destruction du vol 9628. Raimondo
cite diverses interventions, interprétations, etc., essentiellement du
côté US, pour en arriver à la conclusion qu’il s’agissait
essentiellement de créer continuellement une situation qui soit le moins
favorable à la Russie. Pour lui, si la partie USA-UK n’a pas
immédiatement évoqué la thèse de l’attentat, c’est pour éviter un
mouvement de sympathie de l’opinion publique en faveur des Russes. Il y a
eu aussi les diverses théories plus complexes jusqu’aux plus
rocambolesques, comme celle d’un “inside job” du FSB
(l’attentat organisé par le FSB lui-même, pour obtenir cet effet de
sympathie prorusse), qui a été aussitôt soutenue avec enthousiasme par
l’exceptionnel sénateur McCain.
• D’une façon générale, les Russes restent extrêmement prudents, se
retranchant derrière les procédures de l’enquête, dont l’appréciation
officielle était jusqu’à ces derniers jours qu’elles peuvent durer
plusieurs mois avant de donner leurs conclusions. Il n’empêche que
Poutine vient de décider, sur la recommandation du chef du FSB, d’annuler les vols russes vers l’Égypte,
sans qu’on sache précisément pour quelle durée ; par mesure de
précaution, certes, mais une précaution qui en dit long dans le climat
actuel. Même des partisans décidés de la Russie et de Poutine, comme le Saker-US,
concluent d’une façon assez nette, après plusieurs jours de silence
pour pouvoir mieux mesurer les éléments de cette affaire, que le vol
9628 a été victime d’un attentat. (Mais le Saker-US rejette
absolument l’idée d’un missile sol-air, pour favoriser l’hypothèse d’une
bombe posée à bord de l’avion, avec la complicité de l’un ou l’autre
membre des services de sécurité égyptiens, ou la très mauvaise qualité
de ces services en général.)
Quoi qu’il en soit, les Russes sont furieux vis-à-vis des Britanniques,
qui disent avoir eu des indices sinon plus de la préparation d’une
attaque avant la destruction du vol 9628. Leur argument est évident et
ne porte nullement sur la véracité des indications, mais simplement sur
ceci : “Si vous aviez des indices, vrais ou faux, pourquoi ne pas nous
les avoir communiqués ?” … La réponse étant sans doute, simplement :
“parce que vous êtes Russes”. La question qui se pose à propos de cet
incident est de savoir si les Russes protestent pour la forme, pour
avancer dans la guerre de communication avec le bloc BAO, ou bien s’ils
croient encore qu’il existe une forme ou l’autre de possibilité de
coopération sincère entre la Russie et le bloc BAO (ou, dans tous les
cas, certains pays du bloc BAO, essentiellement les Anglo-Saxons). Si
c’est la deuxième réponse, il faut alors déplorer chez eux un reste de
naïveté dont ils devraient se débarrasser au plus vite.
• Mais, incontestablement, le pays le plus touché par l’attentat est
l’Égypte, beaucoup plus que la Russie. Il est d’ailleurs raisonnable de
penser que l’attitude des Russes, plutôt embarrassés entre leur prudence
sinon le déni de certaines indications, et tout de même certaines
mesures de précaution, vient pour beaucoup de leur volonté de ménager au
maximum l’Égypte, d’éviter de mettre Sissi dans l’embarras en
renforçant l’idée que ce pays n’a pas de système de contrôle de sécurité
efficace. La Russie a misé gros sur ses relations stratégiques avec
l’Égypte d’une part, et d’autre part elle pourrait calculer qu’à
l’occasion de cet incident, au cours duquel le couple USA-UK n’a rien
fait pour aider l’Égypte bien au contraire, ce pays devrait se
rapprocher décisivement de l’axe Russie-Syrie-Iran-Irak dont il est déjà
proche.
(Il ne nous semble pas que ce soit un gros risque de la part des
Russes de réagir de façon si mesurée. Notre sentiment est que, pour
l’opinion publique, la destruction du vol 9628 a plus à voir avec
l’attaque terroriste constante dont la Russie est l’objet depuis plus
d’une décennie qu’avec la présence russe en Syrie. Le Saker-US nous semble avoir raison lorsqu’il écrit : « As
soon as the Russian military operation in Syria began, officials were
asked whether this would not dramatically increase the risks of
terrorist attacks against Russian. Their answer was always the same
one: “we already are under maximal threat, this does not make it
worse“. This is forgotten in the West, but Russia is still battling a
terrorist insurgency in Dagestan. Wahabi crazies are regularly arrested
even in Moscow! »
A notre sens, la réaction de l’opinion publique
russe pourrait être contraire à celle que certains pourraient attendre :
un durcissement vis-à-vis du terrorisme, une assimilation plus complète
de l’intervention russe eh Syrie à la lutte contre le terrorisme
qu’elle n’était faite jusqu’alors, – plutôt que comme un simple soutien à
Assad.)
Finalement et outre de montrer une fois de plus le désordre général
de la situation, et des situations au Moyen-Orient, la destruction du
vol 9628 devrait surtout avoir pour effet de faire entrer l’Égypte de
plain-pied dans le chaudron moyen-oriental autour de la Syrie, beaucoup
plus qu’elle ne l’a fait jusqu’ici, avec des risques d’extension du
désordre international et multinational au Sinaï lui-même. L’Égypte va
être touchée de plein fouet par l’attaque, avec une réduction
supplémentaire du tourisme étranger dans le pays qui constitue une
grosse source de revenus. D’autre part, l’attaque met clairement en
lumière la connexion entre le centre syrien de la crise d’une part,
l’extension libyenne d’autre part, en rappelant le rôle que la Libye
joue comme pourvoyeuse de désordre dite “de second rideau”, et l’Égypte
coincée entre les deux. On y ajouterait même, cerise énorme sur le
gâteau, l’Algérie sur l’aile occidentale de la Libye, qui est
particulièrement “travaillée” par les divers groupes terroristes, de
contrebande, de crime organisé en ce moment où le pouvoir politique se
délite rapidement, et qui constitue actuellement la principale
préoccupation interne de certains services de renseignement d’un
possible embrasement à venir.
Dans ce cadre absolument menaçant, l’Égypte est pratiquement enfermée dans une position où les choix diminuent et où les urgences s’imposent. Notre appréciation est que l’Égypte ne pourra faire autrement que quitter son attitude passive et défensive, qu’elle devra nécessairement passer à l’offensive, éventuellement hors de son territoire strictement dit, sous peine de connaître des remous internes qui pourrait conduire à un basculement total du pays dans l’anarchie. C’est finalement une situation assez générale, lorsqu’on considère les évènements d’une façon intégrée. Le désordre grandit et s’étend à une telle rapidité, et l’incontrôlabilité de la situation à mesure, qu’il n’est plus possible, le plus souvent, de rester sur des positions défensives, selon une stratégie de la forteresse. Nous pensons qu’il va falloir très vite accepter l’argument, de la part des Russes, que le principal motif de leur intervention en Syrie est bien un effort pour bloquer l’extension du terrorisme vers le Caucase, directement ou indirectement. L’implication de l’Égypte, si elle se fait, devrait avoir des effets collatéraux importants, notamment sur ses relations avec l’Arabie qui est son principal pourvoyeur de fonds, mais qui se trouve elle aussi dans une situation en constante aggravation interne avec notamment une réduction notable de ses revenus pétroliers et surtout avec le conflit avec le Yémen, avec actuellement une situation militaire inquiétante. (Selon les Iraniens, les attaques et incursions yéménites en territoire saoudiens se multiplient.)
Quoi qu’il en soit, si la destruction du vol 9628 est bien un attentat de Daesh contre la Russie pour riposter contre l’intervention russe en Syrie, ce n’est pas une affaire qu’on peut maintenir dans ce strict cadre. C’est une affaire, une crise dans la crise comme d’habitude, dont les conséquences vont largement dépasser ce seul antagonisme Russie-Daesh, et même le seul théâtre conflictuel de la Syrie. Là aussi, le phénomène de la tache d’huile va jouer à fond, contribuant à élargir encore le cercle maléfique du désordre, avec des acteurs qui, de plus en plus, et même ceux qui paraissent les plus raisonnables, n’ont plus rien à perdre dans un engagement de plus en plus décisif ; il ne s’agit certainement pas d’un embourbement comme certains le prévoient en se référant à un cas classique d’une époque disparue, mais au contraire d’un accroissement de la potentialité explosive de l’ensemble qui constitue l’arrière-plan constant de la situation nouvelle.
Source : dedefensa, 06-11-2015