Extrait du rapport de l'historien A. Foursov au forum international «La
russophobie et la guerre d'information contre la Russie»
Préambule. Une conférence sur la russophobie dans
notre situation est en retard au moins d'un quart de siècle. Je dis «notre
situation» me référant à ce qui suit. Les trois ou quatre dernières années ont
démontré à tout le monde – à tous ceux qui ne sont pas aveugles, qui voient –
que l'Occident restera un ennemi de la Russie indépendamment du régime
politique que nous aurons ; et voici que les militaires américains disent
déjà que les relations entre les États-Unis et la Russie resteront
conflictuelles même après le départ de Poutine. Alors que la ministre de la
Défense allemande, mère de sept enfants, a déclaré le 22 juin 2015 qu'il
fallait traiter la Russie à partir d'une position de force. Apparemment, la
date de la déclaration n'a pas été choisie par hasard. Mme la ministre a oublié
comment la tentative de son compatriote et fondateur de la première Union
européenne [Adolf Hitler, NdT] de commencer le 22 juin 1941 [invasion de la
Russie par les nazis, NdT] la conversation avec la Russie à partir d'une
position de force s'est terminée. Elle pourrait au moins plaindre ses
enfants ; le sort des enfants de Goebbels et le drapeau rouge sur le
Reichstag sont-ils déjà oubliés ?
Cette conférence est tardive, mieux vaut tard que
jamais, mais la perte de temps ou de rythme, comme diraient les joueurs
d'échecs, est évidente. La clarté est toujours nécessaire, en particulier la
clarté au regard des adversaires historiques, pour parler franchement, les
ennemis. L'affaiblissement et la soumission de la Russie, l'effacement de l'identité
russe en tant que nation formant l'État, dans le but de la prise de contrôle de
ses ressources et de l'espace russe (l'importance et la valeur de ce dernier
augmentent avec la menace de la catastrophe géoclimatique) est un objectif de
longue date des groupes dirigeants de l'Occident. Dans sa forme systématique,
cet objectif a été formulé dans le dernier tiers du XVIe siècle dans
les versions catholique (les Habsbourg) et protestante (Angleterre, John Dee).
Le désir de subjuguer le vaste territoire, détruire
l'État le contrôlant, soumettre et briser le peuple constituant l'État était
justifié par le caractère prétendument hostile aux Européens de l'État et du
peuple russes, par leur agressivité – imaginaire, bien sûr: «Tu es coupable
parce que j'ai faim». Un accent particulier était mis sur l'altérité religieuse
des Russes, leur orthodoxie. Jusqu'aux années 1820, l'accentuation de
l'altérité des Russes par rapport aux Européens de l'Ouest était principalement
de nature religieuse, même s'il y avait une composante nationale, ou plus
précisément, ethnique. Depuis les années 1820 la situation a changé : à la
pointe de la guerre d'information et psychologique (psycho-historique) contre
la Russie sont concentrées les composantes ethno-historique, nationale,
culturelle et politique, formant la russophobie dans le sens strict. C'est là
où la guerre psycho-historique de l'Occident contre la Russie commence
sérieusement. C'est un changement qualitatif, mais avant que nous en parlions,
il faut déterminer ce que l'on entend par les termes la guerre
psycho-historique et la russophobie.
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La guerre
psycho-historique est un ensemble d’actions systématiques, ciblées et à long
terme, ayant pour but d’établir un contrôle sur la psychosphère de la société,
principalement sur la psychosphère de son élite intellectuelle et dirigeante,
en allant progressivement au-delà des groupes cibles primaires, d’effacer
la psychosphère attaquée et de lui substituer la sienne.
Les domaines
principaux, ou les fronts, pour mener la guerre psycho-historique sont :
l’éducation, les sciences sociales, les médias – qu’on peut appeler les médias
de publicité, de propagande et de désinformation – conçus pour les pauvres
d’esprit, bavant de plaisir à la vue de crétins de salon qui discutent de ce
soi-disant «Tout le monde parle» le soir, en plaisantent.
Les médias
multinationaux de publicité, de propagande et de désinformation, associés
formellement aux États, cherchent à dépeindre la Russie, son régime de pouvoir
et celui qui le personnifie, presque comme l’ennemi numéro un de
l’humanité. «Le régime est criminel», «les Russes ont annexé la Crimée», «la
Russie mène une guerre contre l’Ukraine», «la Russie est à blâmer pour le
Boeing malaisien abattu», «la Russie s’est appropriée les ressources de la
Sibérie qu’elle n’est pas en mesure de mettre en œuvre», «en Russie on
persécute les homosexuels», etc.
Il est clair
qu’à la fin du XXe siècle le journalisme classique comme celui de la
TV s’est dégradé, étant devenu obsolète, transformant la profession en une
occupation alimentaire ; il est également clair que l’homme de la rue
occidental est un philistin indifférent et croit en ses médias de
publicité, de propagande et de désinformation ; il est clair que la
cinquième colonne en Russie interprète son show de strip-tease
principalement à destination des consommateurs étrangers,
profitant des voyages à l’étranger, des récompenses ; il est clair
qu’argumenter avec eux est inutile. Et, néanmoins, je voudrais poser une
question : si de 1991 à nos jours plus de guerres ont balayé le monde que
de 1945 à 1991, si ces guerres ont été, d’une manière ou d’une autre, attisées
par l’Occident, en quoi cela peut-il concerner la Russie ? Il n’y a aucune
preuve que le Boeing malaisien a été abattu par les miliciens, en revanche il y
a beaucoup de preuves que c’est le fait des Ukrainiens. En Russie il n’y a
pas de loi sur la persécution de l’homosexualité. Celle-ci, aux yeux de
beaucoup, non seulement n’est plus une perversion sexuelle, mais est devenue
quelque chose de beaucoup plus important, à savoir une mode dans les
cercles de l’élite et/ou quasi-élite, un signe d’appartenance :
l’empressement à transgresser la nature biologique et les normes sociales
traditionnelles est un signe d’allégeance aux Maîtres du monde, un symbole de
la volonté de soumission, non seulement au sens figuré, mais littéralement :
quelle est la différence avec l’humiliation sexuelle en prison ? Le
caractère volontaire ? Ou la différence avec l’épouillage
d’un dominant dans une bande de babouins ? Le fait que ce sont
des êtres humains qui font ça ? Sont-ils vraiment humains ?
Derrière
toutes les fausses accusations proférées par les dirigeants occidentaux
contre la Russie, si l’on creuse bien, se cache la crainte du seul
pays non occidental qui non seulement ne s’est pas couché devant l’Occident
capitaliste comme une colonie ou un protectorat, non seulement lui a
résisté avec succès, mais pendant quatre siècles lui infligé des
défaites, et au XXe siècle a créé un système alternatif au
capitalisme, le communisme – un anticapitalisme systémique. La Russie
n’est pas l’Occident, mais en même temps, les Européens (les autres Européens)
ont créé une culture européenne alternative à la culture occidentale et basée
sur des valeurs russes. Quelqu’un a dit à juste titre que si les écrivains
occidentaux de premier rang (Balzac, Dickens, Zola) évoquent l’argent
et le carriérisme, les écrivains russes de premier rang (Tolstoï,
Dostoïevski) sont préoccupés par le sens de la vie et les questions
morales. La Russie, c’est l’Europe chrétienne d’Orient, une autre Europe qui
s’est propagée sur l’ensemble de l’Eurasie du Nord et qui vit selon ses propres
règles. Ce qui est déjà, en soi, désagréable et inacceptable pour l’Occident.
De là émerge une russophobie agressive comme arme psycho-historique
fondamentale dans la guerre contre la Russie.
Les niveaux
principaux pour mener la guerre psycho-historique sont ceux de l’information,
de la manipulation des concepts, et de la métaphysique (du sens).
Au niveau de l’information, le niveau primaire, se fabrique la distorsion des faits ; au niveau conceptuel se trouve l’interprétation et le formatage de l’information (des faits qui, par une interprétation erronée, se muent en faits mensongers) en vue d’imposer à un groupe cible une vision prédéterminée ; le niveau métaphysique (sémantique) – c’est la haute voltige de la guerre psycho-historique où l’essentiel se passe : la destruction de la signification originelle chez le groupe cible et son remplacement par une signification étrangère importée, afin de priver la cible de ses références métaphysiques structurantes et briser ainsi sa volonté de résistance.
Au niveau de l’information, le niveau primaire, se fabrique la distorsion des faits ; au niveau conceptuel se trouve l’interprétation et le formatage de l’information (des faits qui, par une interprétation erronée, se muent en faits mensongers) en vue d’imposer à un groupe cible une vision prédéterminée ; le niveau métaphysique (sémantique) – c’est la haute voltige de la guerre psycho-historique où l’essentiel se passe : la destruction de la signification originelle chez le groupe cible et son remplacement par une signification étrangère importée, afin de priver la cible de ses références métaphysiques structurantes et briser ainsi sa volonté de résistance.
Une des
stratégies pour affecter les trois niveaux consiste à créer une image
négative de la cible et, in fine, de l’introduire dans
le psychisme des groupes dominants de la société cible
(l’auto-phobie, la haine de tout ce qui est sien, la haine de soi et
l’amour pour l’étranger). On essaie de leur instiller l’idée qu’ils
sont presque comme nous, presque Européens/Américains aux yeux de
l’Occident ; ils n’ont qu’à faire un petit effort pour se débarrasser de
ce presque ; ou alors intégrer la haine ou au moins le mépris de
leur propre pays pour le livrer à l’Occident, devenant une sorte de
collaborateurs sous un régime d’occupation. Un des exemples de
l’auto-phobie est la russophobie. En tant que concept, il s’agit
de l’inimitié – jusqu’à la haine – dirigée contre les Russes en tant
que tels, leur type physique, leur histoire, leurs caractéristiques
identitaires – valeurs, psychologie, mentalité et genre de vie. La russophobie
comme pratique est un ensemble d’actions – informationnelles, économiques,
politiques et autres – ayant pour but la suppression de la nature russe comme
complexe psycho-historique. La russophobie comme stratégie est le désir
d’établir un contrôle sur les Russes en tant qu’entité ethno-historique
particulière formant un État, pour ensuite l’anéantir, le sortir de l’histoire,
le dissoudre parmi les autres peuples.
La mise en
œuvre pratique de la russophobie n’est pas rare. Les nazis pendant la Grande
guerre patriotique l’ont démontré massivement sous une forme extrême ; de
nos jours les autorités des pays baltes et de l’Ukraine sympathisent avec les
nazis, avec l’assentiment ou l’approbation silencieuse de l’Union européenne et
des États-Unis, réalisant la russophobie sous la forme de la discrimination des
Russes [et de leur culture] dans ces pays. Au niveau de la propagande, la
russophobie effrénée caractérise les actions des sphères politique et
médiatique de l’Occident au cours des dernières années. Dans son acharnement
elle dépasse la propagande antisoviétique et anticommuniste pendant la
guerre froide ; si on touchait les Russes à cette époque, c’était plus
indirectement, plus ou moins à mots couverts : on attaquait le communisme, le
système soviétique, l’idéologie communiste.
Cependant,
les marionnettistes et leurs agents de service accompagnateurs étaient
parfaitement conscients que la lutte était dirigée contre la Russie –
soit, à l’époque, l’URSS. Zbigniew Brzezinski s’est prononcé à ce sujet
ouvertement et clairement dans les années 1990 dans une entrevue avec
le magazine parisien Le Nouvel Observateur. Interrogé sur la lutte de
l’Occident et en particulier des États-Unis contre le communisme, Brzezinski a
répondu dans le sens qu’il ne fallait pas se faire d’illusions :
l’Occident «ne combat pas le communisme, mais la Russie, peu importe comment
elle s’appelle». Il est significatif que Yakovlev, un des «directeurs de la
perestroïka», ait parfaitement compris cette approche de ses
maîtres : dans une interview il a déclaré qu’avec la perestroïka, ses
agents abattaient non seulement l’Union soviétique, mais l’ensemble du modèle
millénaire de l’histoire russe. Dans les deux cas (Brzezinski et Yakovlev),
nous traitons de la russophobie dans sa mise en œuvre.
Il est
important de noter que la soviétophobie n’est qu’une forme voilée de la
russophobie. Bien que les détracteurs du passé soviétique s’efforcent de
justifier leur position par le patriotisme russe, l’orthodoxie, la grandeur de
l’Empire russe – opposé à l’Union Soviétique – comme quelque chose de positif
(l’ensemble de la monarchie, de la révolution de février 1917, de la Garde
blanche comme positivité de l’histoire du pays), le rejet du stalinisme et
ainsi de suite, en fait leur dénigrement est de caractère russophobe. L’Union
soviétique est à bien des égards un sommet du développement de la
civilisation russe : c’est une véritable modernité russe, un développement
réel, une phase mondiale de l’histoire de la Russie ; enfin, c’est
le seul système social dans l’histoire basé sur une valeur centrale
de la Russie, la justice sociale.
Les ennemis
de la Russie, les russophobes à l’étranger et en Russie, le comprennent parfaitement :
la campagne de soviétophobie, le dénigrement du passé soviétique, des
réalisations soviétiques, des victoires soviétiques, est un coup porté
à la Russie, sur le «siècle court» russe (1917-1991), qui a prouvé la
solidité historique, le triomphe de la nature russe dans sa forme soviétique.
Ce n’est pas par hasard si la communauté des experts soviétologues a joué
un rôle important dans le développement de la russophobie en Occident
et en particulier aux États-Unis. Beaucoup de ses représentants ont travaillé à
différents moments dans les diverses administrations américaines. Parmi ces
gens il y avait beaucoup d’immigrants en provenance d’Europe de l’Est et
leurs descendants – les Polonais, les Tchèques, les juifs, les Ukrainiens, les
Roumains, etc. En règle générale, tous : Zbigniew Brzezinski, Paula Dobriansky
(la fille d’un collaborateur de Bandera qui travaillait dans
l’administration de Bush junior), Wolfowitz ou Perle – leurs noms
sont légion – détestaient l’Union soviétique comme une manifestation de
puissance de la Russie historique. L’empreinte de cette haine
transparaissait dans les études de soviétologie ; pas dans toutes les
études, bien sûr, il y avait quand même beaucoup de travaux sérieux et
intéressants, et parmi les immigrants en provenance d’Europe de l’Ouest tous
n’étaient pas les ennemis de l’Union soviétique ou de la Russie. Mais… il y
avait la tendance.
Avec
l’effondrement de l’URSS ils semblaient avoir perdu leur utilité et leur
travail, mais ils se sont rapidement recyclés en kremlinologues, spécialistes
du Kremlin post-soviétique. La haine persistait, maintenant sans besoin de se
cacher dans les vêtements anticommunistes. Avec chaque nouvelle administration,
après Bush père, ces experts devenaient de plus en plus nombreux, leur activité
augmentait et a atteint son apogée au cours de l’hystérie anti-Poutine ;
de nombreuses bévues au sommet du pouvoir étasunien contre la Russie
devraient être attribuées à cette image que créait le segment russophobe de la
communauté des experts. Le problème est que ce public russophobe est toujours
pris au sérieux, en tant que scientifique, alors qu’en fait, ce sont des agents
ordinaires de la guerre de l’information (indépendamment de la nationalité –
que ce soit Fiona Hill ou Lilia Shevtsova) ; mener avec elles des
discussions purement scientifiques afin de trouver la vérité serait pour
le moins stupide. Le but de l’ennemi n’est pas de rechercher la
vérité, mais de porter préjudice à la Russie : dans ce cas-là, par la
guerre psycho-historique d’information. Et si les russophobes antérieurs se
drapaient dans la toge de l’anticommunisme, maintenant ils portent
l’affublement des «critiques du régime de Poutine» et des «combattants pour la
véritable démocratie en Russie». Ce genre de démocratie, nous l’avons vu en
1993, 1996 et 1998. La démocratie avec le visage de
Eltsine–Gaïdar–Tchoubaïs ? Non merci. La russophobie ne change que sa
forme, l’essence reste la même et n’a pas sensiblement changé depuis les années
1820.
C’est à
cette période que la russophobie comme arme de base des élites
occidentales dans la guerre psycho-historique «contre la Russie, peu
importe la façon dont elle s’appelle», a été lancée. Ce moment n’a pas été
choisi par hasard : la Russie est alors devenue un ennemi mortel des trois
forces qui avaient organisé la Révolution française de 1789-1799, ou avaient
activement contribué à son émergence et à son développement, et qui ont
commencé à construire un nouvel ordre mondial immédiatement après
l’achèvement de sa «version d’exportation» – les guerres napoléoniennes.
Premièrement,
c’est le Royaume-Uni qui, se disputant avec la France l’hégémonie dans le
système capitaliste mondial, a remporté une victoire au premier chef grâce
aux forces de la Russie. En raison de la victoire de l’armée russe sur
Napoléon, qui a fait de cette dernière une forte puissance continentale,
elle est devenue l’ennemi numéro un aux yeux des Britanniques.
Deuxièmement,
c’est le capital financier européen, relativement nouveau, qui a pris son
essor pendant la Révolution française et les guerres napoléoniennes –
en raison de ces phénomènes. Nous parlons surtout des Rothschild, qui déjà en
1818, dictaient leurs volontés aux grandes puissances d’Europe occidentale
(Allemagne, Autriche, Prusse, France) – mais pas à la Russie. Immédiatement
après la défaite de Napoléon, les Rothschild (dans les intérêts financiers),
aussi bien que les francs-maçons et les Illuminati, ont commencé à parler de
quelque chose qui ressemblerait à un gouvernement mondial, montrant
ainsi clairement leurs revendications. Les Rothschild ont été soutenus par
d’autres banquiers, britanniques et suisses. Cependant, la Russie était un
obstacle à la mise en œuvre de ces plans – d’abord sous Alexandre Ier,
puis sous Nicolas Ier – concernant les plans non seulement
politiques, mais aussi économiques : les tsars russes n’autorisaient pas
le capital financier occidental à se déployer dans toute
son ampleur en Russie, en le limitant.
Dans les
années 1820-1840 commence l’opposition entre les Rothschild – une force de
frappe du capital occidental (essentiellement juif) – et les Romanov,
c’est-à-dire la Russie de ce temps-là, son régime au pouvoir. Fait révélateur,
lorsque les émissaires d’Alexandre II et d’Alexandre III ont essayé de
faire la paix avec les Rothschild (demandant que ces derniers cessent de
financer les mouvements antigouvernementaux en Russie entre
1870 et 1890), on leur a dit que, pour les Rothschild, la paix
avec les Romanov était impossible. Il va sans dire que les Rothschild sont les
alliés (et soutiens financiers) principaux de la Couronne britannique, aussi
bien que d’une certaine partie de l’establishment britannique, pas seulement
juif. Il va aussi sans dire que dans leur hostilité à la Russie, les
Rothschild ont agi avec le Royaume-Uni comme s’ils étaient eux- mêmes un
État.
Troisièmement,
la fin du XVIIIe et la première moitié du XIXe correspondent
à une période de forte activité de la maçonnerie européenne, cette forme
historiquement première des structures supranationales fermées pour l’harmonisation
et la gestion mondiale. «L’ère des révolutions» (Cf. Eric Hobsbawm) des années
1789-1848 a été largement l’ère des révolutions maçonniques – dans le sens
où ces dernières se déroulaient sous les slogans maçonniques «liberté,
égalité, fraternité». Les francs-maçons étaient la principale force de
base qui guidait et supervisait les révolutions, qui utilisait les
véritables contradictions structurelles de l’ancien ordre pour les tourner
en contradictions systémiques. Les structures maçonniques représentaient une
forme déguisée d’organisation politique de la bourgeoisie, en procurant – «par
des liens fraternels» – des formes institutionnelles de collusion et de
compromis avec une partie de l’aristocratie. Enfin, les francs-maçons (ou leurs
représentants) se trouvaient souvent à la tête des États
post-révolutionnaires, la franc-maçonnerie a adopté une forme étatique
comme un ensemble fermé de structures supranationales de coordination et de
gestion.
C’est
pendant cette «ère des révolutions» qu’a fortement augmenté l’expansion
pratiquement libre de la franc-maçonnerie en Europe – à nouveau, à l’exception
de la Russie. Ici, malgré le nombre croissant de loges maçonniques, ils se sont
heurtés à la puissance de l’autocratie russe. Inutile de dire que l’autocratie
russe (surtout pendant le règne de Nicolas Ier) est devenue un
ennemi mortel de la franc-maçonnerie, qui s’était ancrée solidement à la tête
d’un certain nombre de pays européens. Pratiquement toutes les loges d’Europe
continentale ont été contrôlées par les Britanniques – par les loges
britanniques insulaires, étroitement liées à l’establishment britannique et la haute
finance. Dans leur hostilité à la Russie ils ont coïncidé, créant ainsi une
seule alliance anti-russe, une sorte d’hydre russophobe à trois têtes
(Royaume-Uni, finance, francs-maçons).
Chaque tête dans
la lutte contre la Russie poursuivait ses objectifs. Le Royaume-Uni
cherchait à affaiblir la Russie pour prévenir l’apparition ou l’existence d’une
force continentale prédominante capable, en raison de sa position, de la
contester à l’Est. Les financiers cherchaient à mettre la Russie et ses
autorités sous leur contrôle financier pour faire leurs juteuses affaires. Les
maçons visaient la destruction de l’autocratie et son remplacement par une
République soumise aux loges européennes fraternelles et qui serait
certainement plus malléable que la monarchie autocratique. Et ça n’a pas
manqué après le coup de février de 1917, dans lequel les intérêts de l’hydre
occidentale coïncidaient avec les intérêts de certains groupes révolutionnaires
en Russie utilisés discrètement par l’Occident. Toutefois, février 1917 a été
le résultat d’un long chemin, presque séculaire, sur lequel les adversaires de
la Russie – le Royaume-Uni et les forces économiques et politiques
supranationales de l’Occident – s’étaient engagés dans les années 1820.
Pour saper la Russie, tous les membres de l’union s’épaulaient les uns les
autres : le Royaume-Uni épaulait les financiers (surtout juifs) et les francs-maçons; les
financiers les maçons et le Royaume-Uni; les maçons le Royaume-Uni et le
capital financier.
En fait, ces
participants représentaient un ensemble, un système politique et économique
unique, qui s’est formé en grande partie pour lutter contre la Russie,
s’est renforcé au cours de cette lutte pour partager les fruits de la
victoire. La victoire en question exigeait une guerre – une guerre contre le
vainqueur de Napoléon. Les préparatifs pour une telle guerre, à leur tour,
impliquaient le traitement psycho-historique, principalement par l’information,
des élites intellectuelles et du pouvoir, à la fois en Europe et en Russie
elle-même. La russophobie conçue et lancée dans les années 1820 a été un moyen
pour ce traitement. Pendant les années 1830-1840, la russophobie a préparé à la
guerre, moralement et politiquement, toute une génération d’Européens. Les
Européens avec des vues politiques fondamentalement différentes ont commencé à
manifester des signes de russophobie : les quasi-libéraux (Disraeli), les
archi-conservateurs (archevêque de Paris), les ultra-révolutionnaires (Marx).
La leçon de ce qui a précédé de 25 ans la première guerre globalement
occidentale contre la Russie – la guerre de Crimée – est simple : la
guerre de l’information, toutes choses égales par ailleurs, prépare toujours
pour la guerre conventionnelle (que celle-ci, pour une raison quelconque, n’ait
pas eu lieu, n’est pas la question).
En 1820-1830
la russophobie commence à pénétrer en Russie elle-même et à se
répandre dans une partie des élites intellectuelles et du gouvernement. Le
niveau de vie des 20% à 25% de la classe dirigeante de la Russie conformément
au standard occidental exigeait une exploitation de la population de
plus en plus forte. M.O. Menchikov a appelé le XIXe siècle «le
siècle du déclin d’abord progressif et, à la fin, rapide et alarmant de la
richesse nationale en Russie. Nos gens souffrent de malnutrition chronique et
tendent à dégénérer, tout cela dans le but de maintenir l’éclat de l’européisme
et permettre à une petite couche de capitalistes de marcher au pas avec
l’Europe».
Il est
important de noter que l’objet de la russophobie était non seulement le peuple
russe, la culture russe et ainsi de suite, mais aussi – dans de nombreux cas –
l’État russe, le pouvoir autocratique. Le fait est que le centre autocratique
limitait, en partie dans ses propres intérêts, les appétits de l’élite russe
pour l’exploitation et devenait donc aussi la cible de la critique russophobe
comme despotisme asiatique, système de la tyrannie, etc. Dans cette approche,
une partie de l’élite et du capital russe coïncidait dans sa russophobie avec
les adversaires occidentaux de la Russie – tant étatiques (le Royaume-Uni, la
France) que supranationaux (la maçonnerie). Les russophobes sont caractérisés
par l’hostilité et la haine envers le peuple russe et le pouvoir russe – et
plus ce pouvoir est fort et indépendant par rapport à l’Occident, plus il prend
en compte les intérêts du peuple, de l’ensemble social, plus la haine est
forte, plus la russophobie est féroce. L’un des principaux motifs de la haine
des antisoviétiques envers le pouvoir des Soviets était qu’ils le percevaient
comme le pouvoir du peuple, ou au moins comme un pouvoir qui protégeait plus ou
moins les intérêts du peuple, ne permettant pas aux prédateurs éventuels de
prospérer. Leur rictus féroce s’est manifesté dans les années 1990 et plus tard
au cours des dernières années, s’exprimant en termes de «vatnik»
(traîne-savates) etc. Ainsi, la russophobie est autant et même plus un
phénomène de classe qu’un phénomène socio-culturel ou civilisationnel.
C’est-à-dire un phénomène de civilisation dans la forme, et de classe
(géopolitique) dans le fond. Il faut toujours bien s’en souvenir.
Par Andreï Foursov
– Le 25 novembre 2015 – Source traduitdurusse.ru
– Le 25 novembre 2015 – Source traduitdurusse.ru
Andreï
Foursov est directeur du Centre d’études russes de l’Université de Moscou
pour les sciences humaines, directeur de l’Institut de l’analyse stratégique,
académicien de l’Académie internationale des sciences (Innsbruck, Autriche)
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Comme l'islamophobie, la russophobie occidentale est née en France
Remarque : ce texte est facilement adaptable à l'islamophobie, ou à l'arabophobie en France.
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