S’il apparaît régulièrement dans la presse internationale que le
conflit syrien peut dégénérer en 3ème Guerre mondiale, il est étonnant
que les enjeux énergétiques et les intérêts particuliers qui se cachent
derrière, puissent être si peu développés. La position officielle
« Angloricaine » se trouve fort embarrassée, à l’image de Tony Blair, sur ses responsabilités quant à ses collusions avec l’extrémisme sunnite dans cette partie du monde.
Alors que depuis la première guerre d’Irak, les Américains ont promis
une croisade du bien contre l’axe du Mal en vue d’offrir à l’humanité un
nouveau siècle de paix et de prospérité, il est difficile aux
gouvernants, impliqués dans les délires mystiques de la famille Bush, de
ne pas constater que le monde devient de plus en plus dangereux et
misérable. Pire encore, depuis les attentats du 11 septembre 2001, les
États-Unis enjoignent le monde à combattre le diable Ben Laden et son
groupe Al-Qaida et condamnent la Russie pour avoir mis de l’ordre dans
vingt ans de chaos « Angloricains ».
La Syrie, un nouveau corridor de Dantzig
Les géants de l’énergie semblent abandonner la chimère du pic
pétrolier tant l’abondance appuie sur les cours du brut mondial, tandis
que l’extraction et l’utilisation du gaz apparaissent comme bien plus
lucratifs dans les prochaines décennies et offre également un meilleur
alibi écologique. Pendant que l’Arabie Saoudite s’enfonce aveuglément
dans une politique de surproduction suicidaire de pétrole, les actuels
et futurs acteurs du marché mondial du gaz s’activent pour mettre en
place un réseau de gazoducs à l’usage des plus gros clients du monde :
l’Europe.
Déjà, le conflit ukrainien a pour but l’affaiblissement économique de
la Russie et son soutien aux rebelles de l’Est de l’Ukraine a pour
conséquences de dures sanctions européennes et un intérêt croissant vers
le gaz de schiste américain au détriment du gaz russe.
Cette alternative temporaire n’est pas viable de par sa faisabilité et son coup de transport. L’Europe a tout misé sur la destitution du président syrien pour favoriser le gaz du Moyen-Orient.
Cette alternative temporaire n’est pas viable de par sa faisabilité et son coup de transport. L’Europe a tout misé sur la destitution du président syrien pour favoriser le gaz du Moyen-Orient.
Dans sa boulimie d’investissements/retours sur investissements et ses
velléités dominatrices comme premier producteur exportateur mondial de
Gaz Naturel Liquéfié (GNL), le Qatar n’a pas hésité à miser plus de 3
milliards de dollars sur le djihadisme takfiriste pour tenter de
renverser le président syrien Bashar Al-Assad, seul obstacle à la mise
en route du gazoduc Qatar Turquie. La partie turque est déjà prête à
recevoir le gaz qatari pour l’acheminer dans toute l’Europe via l’ouest
et le gazoduc Nabucco.
Nabucco était en concurrence directe avec le projet Paneuropéen South Stream, un gazoduc qui devrait être construit par le consortium de Gazprom (Russie) et ENI (Italie) en 2015, EDF devait détenir 10% des parts, remarquable perte due à la diplomatie française car ce projet a été remplacé par le Turkish Stream en 2014, signé par Poutine avec la Turquie. Cette dernière, point de passage obligatoire des deux projets, est gagnante dans tous les cas.
De son côté, Israël soigne discrètement les rebelles syriens de tout bord et bombarde de temps en temps le régime de Bachar Al-Assad dans l’espoir de se réserver la part du lion dans les gisements les plus prometteurs : sur le plateau du Golan qu’il occupe en violation des lois Internationales et ainsi que celui du Léviathan au large de la Méditerranée.
Il est hypocrite dans le camp occidental de ne pas condamner le
financement du terrorisme en Syrie par le Qatar et l’Arabie saoudite,
intéressés également par l’utilisation du gazoduc Nabucco. Quand le
mercantilisme est à ce point apparent et nauséabond, toute déclamation
libérale et « droit de l’hommesque » est grotesque et malvenue. Il est
évident que les ronds de jambe de Manuel Valls et François Hollande dans
les monarchies du Golfe relèvent de la même hypocrisie. Toutes les
sanctions économiques à l’encontre de la Russie sont ridicules et ses
répercussions sur le monde agricole sont infiniment plus graves que
celles infligées à Moscou. Si l’intervention de la Russie sauve le
pouvoir d’Al-Assad, la diplomatie française aura sacrifié son
agriculture sans avoir atteint Moscou qui se retrouvera avec son gaz en
position de force face à une Europe obligée de plier devant sa
dépendance aux fournitures russes.
Les vérités qu’il ne faut pas dire
La Russie n’est donc pas allée en Syrie sauver le régime de Bachar
Al-Asad et sa base navale de Tartous mais pour préparer et confirmer
l’avance dans la livraison de gaz à l’Europe par la Turquie, qui est
quasi définitive. Le gazoduc Turkish Stream doit entrer en fonction en
décembre 2016, sa capacité sera de 63 milliards de mètres cubes par an
de gaz nature. Dans tous les cas de figure, la perte de livraison en
Europe de l’ouest sera compensée par les nouveaux clients qui ont déjà signés les contrats d’approvisionnement avec Moscou.
Les intérêts économiques supérieurs du Club prévalent sur tout autre
considération. Il n’est donc pas surprenant de constater que le Qatar,
l’Arabie saoudite et l’Europe « TAFTAienne », servent ces intérêts très
particuliers, les désastres humanitaires étant le cadet de leurs soucis.
Cette alliance contre-nature implique l’attaque de l’arc chiite (Iran,
Syrie, Liban) comme l’avaient décidé le tandem Chirac-Bush, le premier
suite à l’assassinat de son ami et conseiller libanais, Rafik Hariri, le
second en vertu du pacte de Quincy et de son indéfectible alliance avec
Israël. Jusqu’à la 2eme guerre d’Irak pour en finir avec Saddam, la
Syrie a travaillé avec l’administration américaine pour contrer la
montée d’Al-Qaida. Malgré cette collaboration, George Bush, dans son
fumeux discours sur l’état de l’Union en 2003, plaça la Syrie sur la
liste de l’axe du Mal. Damas, durant le conflit et pendant cinq ans, reçue à elle-seule entre 1,2 et 1,5 millions d’irakiens sur les 4 millions qui ont fuit la guerre. En remerciement des procédés « angloricains », Bachar Al-Assad renvoya les terroristes d’Al-Qaida à leurs expéditeurs en Irak.
Le fantôme de l’Armée de Syrie Libre (ASL)
Selon la recette éprouvée lors des événements de Libye, où BHL est
allé soutenir une opposition libyenne inconnue jusque là, la France et
ce dernier, ont inventé le Conseil National Syrien (CNS) composé de
Bourhan Ghalioun et Bassma Kodmani, deux universitaires sinistrement
inconnus dans leur pays et de Frères Musulmans imposés et soutenus par
le Qatar et la Turquie dans cette pantomime de démocratie à la sauce
BHL. A peine intronisés par l’entremise d’Alain Juppé au théâtre de
l’Odéon en présence de tout le gratin politique et culturel,
apparaissait une opposition armée composée de ces islamistes dont tout
le monde connaît l’humanisme. Vers ce CNS, afflua de nombreux dons du
Qatar et de la Turquie via les Frères Musulmans à quelques conditions
sans équivoques : les groupes rebelles devaient avoir une terminologie
islamiste et que chaque vendredi, les manifestations devaient
revendiquer le djihad, selon Eric Chevallier, ambassadeur en poste à
Damas à cette époque.
Rapidement, cette farce nationale syrienne inventée à Paris, ne
trompait plus que les dindons qui l’avaient inventé. On assiste
aujourd’hui à une réorganisation du Jahbat Al-Nosra – jadis dirigé par
un certain Abou Mohammad al-Joulani aujourd’hui passé de vie à trépas
mais qui fût dans le cercle intime de Abou Moussab al-Zarqaoui, ancien
responsable d’Al-Qaïda en Irak – considéré comme rebelles modérés par
les occidentaux et dont Fabius prétend « qu’ils font du bon boulot ».
Incroyable ignorance de notre Ministre qui a la fâcheuse coutume d’être
responsable, sans jamais être coupable quand on connaît la citation d’un
de ces dignitaires qui font la fierté de Fabius, Ibn Abdallah el-Hosni, le 10 Août 2011 :
« Pour que la révolution soit victorieuse, il faut trois conditions.
Qu’elle démarre avec quelques jeunes gens naïfs. Ensuite qu’elle se
diffuse d’une ville à l’autre, sans avoir un leader . Et enfin que
personne ne connaisse ses origines, ni son but. Mais aujourd’hui, nous
avons dépassé ce stade. Il faut maintenant placer cette révolution sous
l’égide du djihad sunnite, et qu’il soit bien clair qu’il s’agit d’un
combat purement religieux contre les chrétiens, les chiites et les
alaouites. »
Pour mémoire, la démarcation entre Al-Qaïda et L’Etat islamique se
résume simplement à une guerre des chefs entre Ayman al-Zawahiri et Abou
Bakr al-Baghdadi. Le but d’Al-Qaïda, comme celui de l’Etat islamique,
est de créer un califat mondial. Les deux groupes fondamentalistes sont
soutenus par des monarchies pétrolières du golfe mais Al-Nosra et ses
soutiens (Arabie saoudite, Qatar et Turquie) désirent aujourd’hui
« atténuer » leurs relations qui deviennent trop visibles et trop
gênantes également pour nos chers amis américains. Ces derniers
aimeraient faire oublier la rencontre entre le sénateur Mc Cain et le
chef de l’EI, Abou Bakr al-Baghdadi et encore plus les propos et les
promesses échangées.
Jahbat Al-Nosra, branche officielle d’Al-Qaïda en Syrie, compte
désormais 10 000 combattants mais pleure d’être abandonné par leurs
chers amis américains et français face aux frappes russes qui semblent n’être pas assez modérées.
La coalition « angloricaine » face à ses contradictions
La lutte de la coalition « angloricaine » contre le terrorisme en
Irak perdure depuis de nombreuses années, mais ne trompe plus personne
du simple citoyen aux chancelleries les plus éloignées. Plus le temps a
passé, plus l’Etat islamique s’est renforcé au nez et à la barbe de ceux
qui prétendaient les éradiquer. Même le moins informé des hommes est
apte à comprendre qu’un groupe terroriste qui se permet de vendre du
pétrole sur le marché international ou de recevoir des milliers de
véhicules flambants neufs bénéficient de collusions de la part du Club.
Plus personne ne peut déplacer de capitaux de cet ordre là dans le monde
sans être repéré et bloqué. De plus, la quantité d’armement livrée à
cette organisation ne peut pas se faire sans un certain laxisme douteux
de la part de nos chers amis Américains. Le président Obama a retiré ses
troupes en 2011 en déclarant : « Nous continuerons à voir comment nous
pouvons aider et équiper les forces irakiennes. Les Etats-Unis auront
toujours intérêt à un Irak stable, sûr et autonome ». Il semblerait
qu’il se soit trompé de camp pour les livraisons d’équipement militaire.
Dès son intervention, le
président Poutine a mis en déroute toute la logorrhée « obamesque » en
deux injonctions : « donnez-nous les cibles que vous considérez à 100%
comme terroristes ». Aucune réponse, autre tournure : « où ne faut-il
pas frapper ? Toujours pas de réponse ».
Maintenant que l’Irak a officiellement demandé à la Russie
d’intervenir, il serait heureux que les américains répondent aux Russes
concernant les cibles, au cas où les bombardements tombent
malheureusement sur quelques instructeurs ou mercenaires étasuniens se
retrouvant par hasard mélangés avec les terroristes de Daesh.
Denissto et David Bonapartian