Depuis la tragédie de Sousse (38 morts), le 26 juin, et celle du
musée du Bardo (22 morts), trois mois auparavant, on découvre tous les
jours de nouvelles failles dans le système sécuritaire tunisien.
Dresser le constat des innombrables carences et dysfonctionnements
de l’exécutif, de la police, de l’armée, des services de renseignements
et même des hôteliers revient, hélas, à ressasser l’évidence. La
situation est grave, et la Tunisie paraît totalement démunie face à une
menace dont elle a insuffisamment pris la mesure. Elle n’y parviendra
pas seule.
Or que voit-on ? Pour l’instant, rien. En dehors de vagues promesses
de soutien dont on voit mal pourquoi elles seraient mieux tenues que
toutes celles que lui ont faites la communauté internationale et les
institutions financières depuis la révolution, personne, mis à part
l’Algérie, ne se porte à son secours. Et pas davantage à celui d’une Libye qui, entre les mains de l’État islamique, s’enfonce chaque jour un peu plus dans le chaos.
C’est d’ailleurs là le fond du problème : la gestion calamiteuse des
suites de l’intervention occidentale dans l’ex-Jamahiriya, il y a quatre
ans, a, de Bamako à Rabat, déstabilisé tout le nord-ouest de l’Afrique.
Et la Tunisie plus que d’autres, qui a dû accueillir sur son sol des
centaines de milliers de « réfugiés » libyens.
C’est le devoir de la France. Mais si, d’aventure, elle continuait de s’y soustraire, il faudrait lui rappeler que c’est aussi son intérêt
Les États-Unis, qui n’étaient pourtant pas le fer de lance de
l’aventureuse opération destinée à liquider Mouammar Kadhafi, et
l’Algérie, qui y était opposée, sont aujourd’hui les deux nations qui
prennent le plus nettement leurs responsabilités, tandis que l’Europe,
et la France en premier lieu, s’évertue à les fuir. Pour autant que l’on
sache, ce sont Nicolas Sarkozy et Bernard-Henri Lévy – à l’époque son
quasi-ministre des Affaires étrangères – qui sont en grande partie
responsables de l’effroyable fiasco libyen. François Hollande ne peut
l’ignorer et se contenter de belles déclarations ou de chaleureuses
étreintes à l’adresse de Béji Caïd Essebsi. La France doit à tout prix
réparer sa faute morale et politique. En fournissant du matériel, des
armes, des moyens financiers, des conseils et de la formation. En
soutenant l’économie tunisienne et en contribuant concrètement à la
sécurisation de la frontière tuniso-libyenne. C’est son devoir. Mais si,
d’aventure, elle continuait de s’y soustraire, il faudrait lui rappeler
que c’est aussi son intérêt : laisser le cancer libyen proliférer aura,
tôt ou tard, des conséquences dramatiques sur l’Europe elle-même.
Publié le 13 juillet 2015