mercredi 1 juillet 2015

La Nouvelle Route de la Soie bouleverse l'équilibre mondial



On l’avait découverte dans le Livre des Merveilles de Marco Polo… Depuis, la Route de la Soie fait partie de ces mythes qui accompagnent l’Histoire du monde. Aujourd’hui, les anciennes cités de Samarcande, Bakou, Tachkent et Boukhara enflamment à nouveau l’imagination. La Chine vient de lancer le projet de développement et de construction le plus ambitieux, le plus fou jamais entrepris : la Nouvelle Route de la Soie. Ce projet vise rien moins qu’une révolution radicale de l’économie mondiale. Il est d’ailleurs ressenti comme une déclaration de guerre dans la lutte pour la domination de l’Eurasie.


Tout part de cette vision de recréer la Route de la Soie, comme un corridor économique et commercial moderne, qui irait de Shanghai à Berlin. La Route traversera la Chine, la Mongolie, la Russie, la Biélorussie, la Pologne et l’Allemagne, s’étendant sur environ 13 000 kilomètres, créant ainsi une zone économique qui couvrira le tiers de la circonférence de la Terre.
Il est prévu de tracer des voies ferrées à grande vitesse, des routes et des autoroutes, un réseau électrique et un réseau de fibre optique. On financera le développement des villes et des ports situés le long de la Route.
La Route maritime de la Soie, quant à elle, sera le pendant indispensable de ce projet sur mer. Tout aussi ambitieux que le volet terrestre [on l’appelle aussi la Ceinture, NdT], reliera la Chine au golfe Persique et à la Méditerranée via l’océan Indien.
Une fois terminée, tout comme l’ancienne Route, cette voie reliera entre eux trois continents : l’Asie, l’Europe et l’Afrique. Tous ces projets d’infrastructure vont créer la plus grande zone économique mondiale, avec une population de 4,4 milliards d’habitants et une production annuelle de $21 000 Mds.

Le financement, une arme politique 

C’est M. Xi Jinping, le Président chinois, qui a annoncé lui-même cette idée de Nouvelle Route de la Soie en 2013. L’année suivante, M. Xi a lancé officiellement  la Banque internationale des infrastructures de l’Asie (AIIB), y apportant les premiers fonds : $47 Mds.
La Chine a invité la communauté internationale à jouer un rôle important comme actionnaire de cette banque et partenaire du projet. On attend des fonds privés et des investissements de groupes publics, des fonds internationaux, y compris ceux de la Banque mondiale.
Quelque 58 pays se sont déjà engagés à rejoindre la banque, et notamment presque tous les pays européens, en plus des pays directement traversés par la Route. Il y a 12 membres de l’Otan parmi les États fondateurs (Grande-Bretagne, France, Pays-Bas, Allemagne, Italie, Luxembourg, Danemark, Islande, Espagne, Portugal, Pologne et Norvège), et également trois alliés importants des États-Unis sur la façade du Pacifique (Australie, Corée du Sud et Nouvelle-Zélande).
Après les tentatives infructueuses de Washington pour empêcher ses alliés de se joindre à cette banque, les Américains ont changé leur fusil d’épaule, et disent maintenant qu’ils soutiennent le projet – un mensonge qui ne trompe personne ; leur opposition n’était pas un secret. Le Wall Street Journal écrit en novembre 2014 que «les États-Unis ont jeté tout leur poids dans la balance pour contrer ce projet chinois de banque de développement… notamment lors des conférences du G7».
Alastair Crooke, du Huffington Post, écrit à ce sujet : «Pour toutes sortes de raisons, les États clés du Moyen-Orient (Iran, Turquie, Egypte et Pakistan) se sont tournés vers l’Est. On ne saisit pas toute l’importance, en Occident, de la Ceinture et de la Route ouvertes par la Chine (et par la Russie, entièrement intégrée au projet). Les États de la région voient que la Chine est un partenaire très sérieux qui crée des infrastructures considérables de l’Asie vers l’Europe. Ils voient aussi que tout le monde investit dans la Banque de développement des infrastructures de l’Asie (AIIB) – à la grande inquiétude de l’Amérique. Ces États veulent monter dans le train.»
Soutenant cet effort, la Chine prévoit d’injecter au moins $62 Mds dans trois banques engagées dans le projet : la Banque chinoise de développement (CDB) va recevoir $32 Mds, la Banque chinoise pour l’import-export (EXIM), $30 Mds, et le gouvernement chinois injectera aussi des fonds dans la Banque chinoise de développement agricole (ADBC).

Les États-Unis, partenaire improbable de la Route de la Soie

Les États-Unis vont-ils se joindre au projet ? Si le nouveau Partenariat trans-Pacifique (qui clairement laisse de côté la Russie et la Chine, deux acteurs majeurs de la région) est un début de réponse, la participation américaine semble incertaine, et son opposition évidente.
Mais, rationnellement, Washington ne peut sacrifier son propre leadership dans la région au profit de la Chine. Un projet aussi vaste et complexe que la Route de la Soie aura besoin de la technologie américaine, de l’expérience et des ressources américaines pour minimiser les risques, lever les réticences des autres alliés de l’Amérique, comme le Japon, tout en maintenant l’influence de Washington sur la région. La Route de la Soie pourrait favoriser les objectifs américains, et l’appui américain pourrait en améliorer les résultats.
Un éditorial du Wall Street Journal reprend l’idée que les accords commerciaux proposés par Washington à Pékin et la Route de la Soie sont complémentaires. Le but de ces accords est d’écrire noir sur blanc les règles pour le commerce international, tandis que le but des Chinois est de développer les infrastructures, elles-mêmes nécessaires pour développer le commerce.

Le projet initial 

Un coup d’œil au projet initial, toujours en développement, montre comment les Chinois s’organisent.
Le premier effort de développement se fera au Pakistan, où les Chinois travaillent depuis des années, créant et finançant un port stratégique en eaux profondes à Gwadar, sur la mer d’Arabie, qui sera géré par la Chine en tant que locataire à long terme.
Gwadar deviendra la tête de pont du pipeline de gaz naturel Iran–Pakistan, depuis si longtemps dans les cartons, et qui sera finalement étendu à la Chine, la section iranienne étant déjà construite et la section Chine-Pakistan déjà largement financée et construite par la Chine.
Il est prévu que le pipeline traverse le pays, longeant l’autoroute du Karakoram vers le Tibet, et franchissant la frontière chinoise dans la province du Xinjiang. L’autoroute sera aussi élargie et modernisée, une voie ferrée la reliera à Gwadar.
Au départ, ce plan devait étendre le pipeline à l’Inde, et le Qatar aurait rejoint l’Iran comme fournisseur de gaz naturel, créant ainsi ce que certains voyaient comme un pipeline de la paix entre l’Inde et le Pakistan, mais l’Inde s’est rétractée, suite aux pressions des États-Unis et aux inquiétudes venant du fait qu’elle serait approvisionnée par son principal adversaire, le Pakistan.

Les blocages viennent de l’Inde

Ce n’est pas une surprise, l’Inde, un allié de Washington, a contrecarré l’initiative chinoise en mettant en avant son propre projet, annonçant à son tour un accord pour construire un port en Iran, sur le débouché de la mer d’Arabie, à seulement quelques centaines de kilomètres de Gwadar.
Bien que ce pourrait être une alternative au port de Gwadar sponsorisé par la Chine, les États-Unis ont demandé à l’Inde de ne rien faire tant que l’accord nucléaire actuellement négocié entre l’Iran et les Occidentaux n’aboutit pas.
Ces projets, tant indiens que chinois, passent ouvertement outre les sanctions internationales contre l’Iran, et ces deux pays ne s’en soucient guère. La Chine pourrait même être doublement accusée d’aller contre les sanctions, au vu des contrats pharaoniques qu’elle ne cesse de signer avec la Russie.
Les milieux d’affaires du monde entier vont certainement suivre, pour ne pas risquer de perdre leur place dans cette nouvelle ruée vers l’or en Asie, alors que le monde est toujours en proie à la récession. New Delhi n’a pas hésité à dire cette vérité crue : les compagnies américaines sont en train de négocier des contrats avec l’Iran. Avec, sur leurs talons, les Allemands qui sont attendus à Téhéran, eux-mêmes coiffés au poteau par les Français, qui ont une longueur d’avance.
Alors, qu’en est-il des sanctions? Les sanctions ne peuvent fonctionner que dans un monde uni derrière elles. Si une bonne partie du monde choisit de les ignorer, on ne peut pas les imposer.

Pour conclure 

La Chine et une grande partie du monde s’apprêtent à lancer le projet de développement économique le plus gigantesque de toute l’Histoire; un projet qui pourrait changer complètement l’économie mondiale.
Cela prendra des décennies, et des centaines de milliards de dollars seront dépensés, voire des milliers de milliards. Tout ce que cela signifie pour l’économie et le commerce mondiaux reste inimaginable. Essayez d’imaginer que les plus grands fonds spéculatifs du monde, comme Goldman Sachs et Blackstone, se précipitent pour commercialiser un nouveau fonds d’investissements internationaux pour les infrastructures, fonds disposant de plusieurs milliards de dollars?
Bien sûr, un projet aussi énorme et complexe comporte certainement des failles, et il devra faire face à des tentatives de sabotage de la part des Occidentaux. Le Grand jeu continue. Notez ces propos de Barack Obama, qui sait que le temps lui est compté. «Si nous n’écrivons pas les règles, c’est la Chine qui le fera pour toute la région», a-t-il rappelé aux membres du Partenariat Trans-Pacifique.
Dans un monde où la croissance est atone, avec une Europe engluée dans les suites de la récession générale, avec une Chine qui voit sa croissance ralentir, où pourrions-nous trouver un projet avec de telles perspectives?
On peut parier que les grandes compagnies minières comme Vale [brésilienne, NdT], qui n’ont pas vu leur chiffre d’affaires tomber aussi bas depuis treize ans, sont en train de calculer les quantités d’acier nécessaires à cette ligne à grande vitesse longue de 13.000 kilomètres. Si ce projet aboutit, ce sera très certainement un Eldorado pour tout le secteur minier, pour celui des infrastructures et de la construction, secteurs aujourd’hui en plein marasme.
Imaginez combien d’emplois pourraient être créés par des projets de construction qui s’étendraient sur des décennies et sur d’immenses régions du monde. Dans pratiquement tous les secteurs d’activité, il y aura des opportunités incroyables pour un redémarrage du commerce.
L’ancienne Route de la Soie a augmenté le commerce dans l’ensemble du monde connu, mais c’était bien plus qu’une route commerciale. Par elle, transitaient la connaissance, l’apprentissage, la découverte, les idées.
Au-delà des richesses matérielles – les soieries, les épices, les pierres précieuses – on peut penser que la chose la plus importante que Marco Polo a rapportée de Chine est une carte nautique du monde, carte qui sera à la base de l’une des plus fameuses cartes publiées plus tard en Europe, une de celles qui ont provoqué les grandes découvertes. Christophe Colomb s’est guidé avec cette carte et on sait qu’il avait emporté le livre de Marco Polo, longuement annoté, lors de sa première expédition sur la route des Indes.
Pour le monde dans son ensemble, les décisions concernant la Route sont tout simplement essentielles. Cet énorme projet peut impulser une Renaissance pour le commerce, l’industrie, la recherche, la pensée et la culture, comme l’avait fait l’ancienne Route de la Soie. Mais il est clair  aujourd’hui que les conflits géopolitiques réveillés par ce projet peuvent mener à une nouvelle guerre froide entre l’Est et l’Ouest pour la domination de l’Eurasie.
L’avenir est loin d’être écrit.

La Route de la Soie : trois projets pour changer l’Eurasie


Il est important de comprendre que la nouvelle Route n’est pas un plan formel, mais plutôt un cadre général pour des programmes à long terme, un processus en cours, qui se développe au gré des projets et des négociations entre les différents pays concernés. La Route n’est pas non plus une création sortie du néant, mais elle prend forme à partir de nombreux programmes lancés avec les partenaires de la Chine.

Le projet Iran-Pakistan-Chine (ci-dessus) est le plus détaillé, mais il en est encore à l’état d’ébauche. Le deuxième, rendu public il n’y a pas longtemps, se tourne vers la Russie. Enfin, la Chine propose un partenariat à l’Inde pour le troisième projet.
Le projet avec le Pakistan est un programme ambitieux de développement qui viendrait se greffer à la Route de la Soie, tandis que la branche sino-russe pourrait devenir l’épine dorsale de l’ensemble du projet, le partenariat avec l’Inde devenant alors la clé de voûte qui donne toute sa cohérence à l’ensemble.

Russie et Chine, un partenariat qui prend de l’ampleur


Qu’est-ce qui rend la Russie si importante pour la réalisation de ce plan? Ou, mieux encore : comment serait-il possible de laisser de côté le plus grand pays de toute l’Eurasie, alors que la Route concerne l’ensemble du continent?

Lors d’une rencontre à Moscou, dans le cadre de la célébration de la victoire alliée de 1945 qui a vu les troupes indiennes, chinoises et russes défiler sur la place Rouge, la Chine et la Russie ont signé de nombreux protocoles d’accord pour lier le projet chinois de la Route de la Soie au projet russe de l’Union économique eurasienne (UEE).
L’UEE est l’établissement, par le Kremlin, d’un marché commun entre la Russie, le Kazakhstan, le Kirghizstan, la Biélorussie et l’Arménie. Une initiative que les médias occidentaux se sont empressés de blâmer, l’assimilant à une tentative de rétablir l’Union soviétique. En incluant la Russie, la Route de la Soie relierait ainsi Pékin à la frontière polonaise. On ne peut négliger la coopération, en pleine expansion, entre la Russie et la Chine, comme le répète M. Bhadrakumar, un ancien diplomate indien :
« Les cris d’orfraie de la propagande occidentale contre l’UEE n’ont pas pu dissuader la Chine… L’intégration de la Chine dans cet ensemble signifie en effet qu’une véritable locomotive économique vient de s’accrocher au projet russe. La Chine est clairement le futur de l’Union. La preuve : M. Xi – le président chinois – a prolongé sa visite à Moscou par un détour en Biélorussie et au Kazakhstan, les deux autres membres fondateurs de l’UEE… C’est essentiel pour la mise en œuvre de la Route de la Soie vers la Russie et l’Asie centrale. »
Les accords Chine-Russie couvrent huit projets différents, notamment la prolongation de la ligne transsibérienne à grande vitesse Moscou–Kazan (République du Tatarstan), qui ira ainsi jusqu’à la Chine, via le Kazakhstan. Les Chemins de fer chinois ont signé un contrat de $390 M pour construire cette ligne, la Chine contribuant pour un premier versement de $5,8 Mds à un montant total estimé à $21,4 Mds. Finalement, les signataires espèrent lier leur projet à la ligne russe à grande vitesse vers l’Europe.
La province chinoise de Jilii a proposé de construire une ligne transfrontière à grande vitesse entre les deux pays, reliant le principal port russe sur le Pacifique, Vladivostok. En plus, les deux pays ont renforcé leur partenariat énergétique avec de nombreux projets. Comme Oilprice le rapportait dans un article du 12 mai, «la compagnie russe d’énergie hydroélectrique RusHydro et le groupe chinois des Trois Gorges ont signé un contrat pour un projet de 320 mégawatts dans l’Extrême-Orient russe… juste à côté de la frontière russo-chinoise.» Ce serait donc le plus grand barrage, tant en Chine qu’en Russie, déjà en construction, et il devrait fournir 1,6 milliards de kilo-watts par an, pour un coût estimé à $400 Mds.
La Chine a également proposé de développer un corridor économique – une zone franche pour les échanges commerciaux – entre la Russie, la Mongolie et la Chine, un projet susceptible d’accueillir des membres de l’Union économique eurasienne et le premier pas dans la mise en place d’un des principaux composants de la Route de la Soie.
D’autres projets plus petits associés ont été également signés, notamment un fonds de financement pour l’agriculture de $2 Mds.

La géopolitique à l’aide de la Route de la Soie 


Jusqu’à très récemment, il était généralement admis que les États-Unis entraîneraient leurs alliés occidentaux dans leur campagne contre l’établissement de la Route de la Soie entre la Chine et la Russie, mais un retournement complet vient de se produire.

Avec un Barack Obama tentant désespérément d’empêcher les guerres au Yémen, en Syrie et en Irak de s’étendre à toute la région, la politique américaine au Moyen-Orient est à la croisée des chemins, et rien ne sera résolu, quelles que soient ses décisions, avant la fin de son mandat. Clairement, le président américain veut se concentrer sur l’Asie et réduire la présence américaine au Moyen-Orient, une région qui a toujours porté malchance aux présidents US depuis plus de 20 ans.

Une porte de sortie ?


Et voilà, après plus de deux années sans mettre les pieds en Russie, John Kerry et ses proches collaborateurs ont sollicité une entrevue avec MM. Poutine et Lavrov, réunion qui a été accordée par le Kremlin.

Serait-ce la raison de la position de l’Arabie saoudite sur l’approvisionnement en pétrole?
Il y a un développement de l’énergie incroyable dont nous avons gardé la trace pour vous au cours de la dernière année … C’est la raison pour laquelle l’Arabie saoudite agit en désespoir de cause … baisser les prix du pétrole … et même risquer des troubles internes. Leur  survie (et celle de l’OPEP) même est menacée.
Et nous croyons que nous avons mis en place une incroyable vidéo révélant comment cela fonctionne.
Les spéculations n’ont pas cessé de s’exciter sur ce qui s’est passé entre les murs du Kremlin ce 8 mai. En fait, le simple fait qu’il y ait eu une réunion est en soi plus important que ce qu’on y a décidé, parce que cela montre clairement que les relations entre ces différents pays sont en train d’avancer.
Hors de Russie, la rumeur veut que John Kerry ait demandé l’aide de Vladimir Poutine pour résoudre les conflits au Moyen-Orient et en finir avec le dossier du nucléaire iranien. En échange, les Américains calmeraient la situation en Ukraine. On ne semble pas avoir reparlé du statut de la Crimée, alors que la visite de John Kerry s’est conclue sur un appel pour que Kiev applique les accords de Minsk 2 et observe la trêve dans les régions de l’Est.
La plupart des médias se demandent si les États-Unis ne sont pas en train d’abandonner leurs présomptions à l’encontre du Kremlin. Que ce soit vraiment un rameau d’olivier tendu à la Russie est une hypothèse, mais même si cela se confirmait, on ne sait pas jusqu’où les Américains seraient prêt à aller. Stratfor, la lettre d’information bien connue sur le renseignement, spécule sur le fait que Washington voudrait commencer à sortir de la logique des sanctions contre la Russie.

Des pays inquiets : Israël et les monarchies du Golfe


Pour les Israéliens, tout apaisement des tensions entre la Russie et l’Iran est une très mauvaise nouvelle. Au Moyen-Orient, Israël est une sentinelle avancée, toujours le premier pays à sentir les moindres signes avant-coureurs d’orages.

Il ne faut pas se tromper sur la réaction d’Israël à l’accord États-Unis–Iran sur le nucléaire et à la coordination américaine avec l’Iran et la Russie sur la Syrie et l’Irak. Israël a toujours tout misé sur sa capacité à interdire de tels accords, et là, il a perdu, en endommageant peut-être gravement sa relation avec son meilleur allié, l’Amérique.
Maintenant, tous les médias israéliens sont vent debout contre ces accords, criant à la trahison, et il n’y a pas qu’Israël qui s’inquiète. L’Arabie Saoudite, elle aussi, se sent abandonnée dans cet accord avec l’Iran.

La Chine et l’Inde finiront-ils par devenir des partenaires ?


S’il était possible de mettre la politique de côté, il n’y a pas de doute que le meilleur partenaire de la Chine pour la Route serait l’Inde, son voisin de plus d’un milliard d’habitants, mettant ainsi en relation les deux plus importants marchés mondiaux avec l’ancienne Route de la Soie. Comme l’écrit l’agence Associated Press, le 14 mai :

«Les deux pays sont membres des BRICS, qui viennent de créer un système de crédit, la Banque du nouveau développement, qui sera basée à Shanghai et dirigée par un grand banquier indien. L’Inde est également membre fondateur de la future Banque des infrastructures de l’Asie, une institution lancée par la Chine.»
La coopération entre les deux se développe peu à peu, leurs besoins sont compatibles, comme le rappelle Associated Press :
«La Chine compte sur le marché indien pour ses productions de haute technologie, depuis ses trains à grande vitesse jusqu’à ses réacteurs nucléaires, tandis que l’Inde tient absolument à attirer les investissements chinois pour ses productions et ses infrastructures. Avec une croissance qui décélère, des capacités en surproduction et près de 4 000 milliards de réserves, la Chine est disposée à répondre à la demande indienne pour de grands projets d’infrastructures – aéroports, routes, ports et voies ferrées – un marché estimé à $1 000 Mds. »
Si l’Inde choisit le partenariat avec la Chine pour la Route de la Soie, cela pourrait occuper la Chine pour le reste du siècle, dans un projet qui allierait les deux pays les plus peuplés du monde, avec plus de 2,6 milliards d’habitants. Avec la Russie déjà partie prenante, et l’Iran prêt à se joindre au projet, cela amènerait encore 250 millions de personnes – soit au total le tiers de la population mondiale. Difficile de trouver plus prometteur.
Seulement, il y a un contentieux historique entre l’Inde et la Chine, des disputes frontalières non résolues depuis 50 ans; les relations entre la Chine et le Pakistan – l’ennemi héréditaire de l’Inde – sont au beau fixe; et l’Inde entretient des liens étroits avec le Japon et les États-Unis, tous deux opposés aux revendications de la Chine en mer de Chine Méridionale.
Lors d’une entrevue récente à Pékin, la Chine et l’Inde ont signé des accords économiques d’un montant de $22 Mds – décevant de nombreux observateurs qui les comparaient aux $47 Mds signés entre la Chine et le Pakistan. L’ancien diplomate indien déjà cité, M. Bhadrakumar, explique que «la méfiance stratégique ne s’efface pas du jour au lendemain», et que «l’Inde n’est pas encore prête à renoncer à l’Occident comme partenaire de son développement».
Il semble que l’influence américaine freine encore les espoirs de recruter l’Inde comme partenaire majeur de la Route de la Soie. Mais ce n’est pas si simple de prédire vers où penchera la balance : tant de pays sont dépendants des accords commerciaux avec la Chine – des centaines de milliards de dollars par an – et sont aussi des partenaires actifs de la Russie et de l’Iran.
Durant toute la guerre froide, l’Inde a adopté un non-alignement scrupuleux entre l’Union soviétique et les États-Unis, ce qui lui permettait de jouer sur deux tableaux. Pour ce pays pragmatique, les choix de partenariats économiques peuvent dépendre de cette simple formule «suivez l’argent». Or, la Chine est l’un des rares pays à avoir les capacités financières de reconstruire les infrastructures indiennes.
La ruée des Occidentaux, y compris l’Inde, pour rejoindre la Banque des infrastructures de l’Asie – un projet impulsé par la Chine – montre clairement que les milieux d’affaires de l’Ouest sont impatients de prendre part aux projets de la Route. Il y a sans doute peu de banques dans le monde qui hésiteraient à financer les éléments majeurs du projet Route de la Soie.
Les États-Unis eux-mêmes pourraient-ils s’impliquer dans les projets de la Route de la Soie? Après les derniers changements de rapports de forces navals entre eux et la Russie… C’est pour le moment une question sans réponse.

 
Par Robert Berke – Le 21 mai 2015 – Source : Oilprice.com
Robert Berke est un analyste financier spécialisé dans le secteur de l’énergie. Il a notamment conseillé l’État d’Alaska.
A suivreEt si la Nouvelle Route de la Soie apportait la paix à toute l’Eurasie? [2/3]