Ces derniers
mois, les Européens se sont peu à peu rendu compte du danger que représente la
nébuleuse djihadiste pour la stabilité régionale mais aussi pour l’Europe. Ces
inquiétudes se sont intensifiées à mesure qu’augmentait le nombre d’étrangers
dans les rangs de cette nébuleuse : ils seraient jusqu’à 25.000, selon
certaines estimations. Principal
mouvement de cette nébuleuse, l’État islamique (EI) comprendrait entre 60 et 80.000 combattants
dont au minimum 20.000 étrangers, parmi
lesquels plusieurs milliers d’Européens de l’ouest et de Russes.
La France et
la Russie sont du reste les deux seuls pays non musulmans à avoir dépassé le
seuil (officiel) des 1.000 engagés volontaires, puisque selon certaines
estimations, ce sont près de 1.700 citoyens français et 5.000
citoyens russes qui auraient rejoint l’EI, soit en proportion des
populations des deux pays, des quotas similaires.
On peut
constater deux foyers géographiques situés en ex-URSS sont les principaux
fournisseurs de combattants : la Tchétchénie dans le Caucase, et le Tadjikistan
en Asie centrale.
Le Caucase
Nettement
stabilisée depuis l’arrivée au pouvoir de Ramzan Kadyrov à sa tête, la
Tchétchénie n’en reste pas moins un territoire sensible. Certains terroristes
se sont jurés de prendre leur revanche, et de faire de la république russe une
tête de point de l’EI dans le monde russophone.
Avec 10% des
effectifs de l’État islamique, les Tchétchènes constituent un groupe actif au
sein de l’EI puisqu’ils occupent certains des postes de commandement importants,
et se sont illustrés lors de nombreuses batailles récentes, ou lors d’attentats kamikazes de
haute intensité. Ils seraient au moins 1.500 selon Mairbek Vatchagaev,
historien, analyste politique du Caucase du nord, des chiffres similaires à ceux donnés par l’ambassadeur syrien en
Russie tandis que certaines estimations montent à 2.000 hommes. La majorité
viendrait des pays arabes (50%), puis des pays occidentaux (23 à 30%) et
ensuite de Russie.
Ces brigades
tchétchènes de Syrie ont déjà ouvertement
menacé la Russie notamment lors de la prise de la base militaire de
Taqba en 2014, qui a abouti au massacre de près de 250 soldats syriens qui
avaient été capturés. Dans le même temps l’EI a lancé un magazine en langue russe
au printemps dernier et tente d’incruster des cellules au cœur du Caucase
russe.
L’Asie centrale
Tout aussi
grave, le nombre d’engagés volontaires des différents pays d’Asie centrale qui
ont également rejoint les zones de combat et dont le nombre pourrait atteindre jusqu’à 4.000 hommes. Ces
chiffres sont des estimations basses puisque selon l’organisation
internationale ICG, le nombre de Tadjiks pourrait atteindre à lui seul 4.000 hommes.
Ces
combattants du Turkestan ont particulièrement fait parler d’eux lorsqu’en
janvier 2015, un enfant de 10 ans a dans une vidéo exécuté deux hommes
présentés comme des agents du FSB, puis en mai dernier lorsque lors de l’assaut
de la province d’Idlib, la présence de combattants d’Asie centrale est apparue
au grand jour (au sein du Front Al-Nosra), ou encore que des unités composées
uniquement de ressortissants centrasiatiques aient commencé à faire leur apparition
au sein de l’EI.
Il y a
quelques mois, des ressortissants tadjiks avaient fait parler d’eux en brûlant leurs passeports
après avoir rejoint l’Émirat. Récemment, c’est le chef des forces spéciales du
Tadjikistan, Gulmurod Halimov, l’homme en
charge de la lutte contre l’extrémisme dans son pays d’origine, formé par les États-Unis dans ce but,
qui a rejoint l’EI.
Le Tadjikistan
apparait de plus en plus comme le principal fournisseur en capital humain de
l’EI en Asie centrale et semble avec le Caucase représenter les zones les plus
à risques pour la Russie sur son flanc sud élargi comme on peut le voir sur cette carte :
La réponse russe
Sans doute
pour cette raison, la Russie vient d’accorder une aide financière,
militaire et logistique considérable au Tadjikistan pour lutter contre le
terrorisme et l’EI dans le cadre de l’OSCE. Toujours dans le cadre de l’OSCE,
les forces russes ont déployé 2.500 hommes et 200 véhicules de combat à la
frontière afghano-tadjique en supplément des 7.000 déjà présents. Ces troupes
ont participé à une opération militaire en grandeur réelle de sécurisation de
la zone, tout en se préparant à envoyer plus de
troupes si la situation régionale devait se détériorer.
Sur le plan
intérieur, les troupes spéciales russes continuent les opérations spéciales
dans le Caucase pour éradiquer les cellules terroristes émergentes et le
Conseil des muftis de Russie a adopté une nouvelle doctrine sociale
des musulmans russes, la précédente datant de 2001, qui précise la place et le
rôle des musulmans dans la vie de la Russie et appelle les croyants à être
loyaux envers l’État.
Dans le même
temps, l’institut islamique de Moscou a lancé un programme de formation d’imams
destiné à lutter contre la propagande de l’EI
au sein de l’Islam russe.
Une guerre qui
ne fait vraisemblablement que commencer.
Alexandre
Latsa, le 03/07/2015
Source : fr.sputniknews.com
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