Le 28 février dernier à Hanoï, où leur seconde rencontre au sommet
était sur le point de tourner court, Donald Trump a remis au dirigeant nord-coréen
Kim Jong-un une feuille de papier l'enjoignant à transférer au États-Unis les
armes nucléaires et le combustible nord-coréens, selon ce documents que
l'agence Reuters a pu consulter.
Les exigences que le président américain a données au dirigeant
nord-coréen dans l'hôtel Métropole de la capitale vietnamienne étaient rédigées
en anglais et en coréen, précise une source proche des discussions entre les
deux dirigeants.
C'est la première fois, ajoute cette source, que Trump fournissait
directement à Kim la définition explicite de ce qu'il entend par
dénucléarisation. Ce même jour, le déjeuner devant réunir les deux dirigeants a
été annulé et le sommet s'est achevé sur un échec.
Devant la presse, Trump l'avait imputé à la volonté du numéro un
nord-coréen d'obtenir une levée totale et immédiate des sanctions
internationales frappant la République démocratique populaire de Corée
(RPDC).
Mais la feuille de papier remise par Trump pourrait aussi avoir joué
un rôle.
"MODÈLE LIBYEN"
L'existence de ce document a été révélée par le conseiller à la
sécurité nationale de Trump, John Bolton, dans des interviews accordées à des
chaînes de télévision après le sommet de Hanoï.
Mais l'ancien ambassadeur des États-Unis à l'Onu n'avait pas dévoilé
son contenu: que la Corée du Nord transfère vers les États-Unis ses armes
atomiques et ses stocks de matière fissile.
Ce "modèle libyen", inspiré de la dénucléarisation de
la Libye de Mouammar Kadhafi, John Bolton le réclame pour la Corée du Nord
depuis 2004. Il l'a remis sur le devant de l'actualité l'an dernier, après
avoir été nommé par Trump au poste de conseiller à la sécurité nationale,
déclenchant la colère de Pyongyang.
Car pour les Nord-Coréens, qui présentent leur programme nucléaire
comme une assurance-vie pour leur régime, l'idée est inacceptable: après avoir
annoncé le démantèlement de ses armes de destruction massive en 2003 à l'issue
de négociations avec Londres et Washington, le dirigeant Mouammar Kadhafi a été
renversé et exécuté en 2011 au terme d'une « révolution » initiée,
financée et exécutée par les armées occidentales
La sortie de Bolton au printemps dernier avait menacé un temps la
tenue du sommet historique qui a réuni Trump et Kim le 12 juin à Singapour.
Et dans ses prises de parole publiques, Donald Trump avait alors pris ses
distances avec l'approche de son conseiller. "Le modèle libyen était un
modèle bien différent. Nous avons anéanti ce pays", déclarait-il ainsi
le 17 mai dernier, ajoutant qu'un accord avec Pyongyang permettrait à Kim "de
rester, de diriger son pays, un pays qui serait très riche".
Mais dans le document qu'il a remis à Kim, on retrouve bel et bien ce "modèle
libyen".
"MÉTHODES DE GANGSTERS"
L'objectif, dit notre source, était de fournir aux Nord-Coréens une
définition claire et concise de ce que les États-Unis entendent par
"dénucléarisation définitive et totalement vérifiable".
Aucun commentaire n'a pu être obtenu auprès de la Maison blanche. Au
département d'Etat, on s'est réfugié derrière le statut de document classé.
Après l'échec du sommet de Hanoi, le vice-ministre nord-coréen des
Affaires étrangères, Choe Son-hui, a dénoncé les "méthodes de
gangster" de John Bolton et de Mike Pompeo, le secrétaire d'Etat.
"C'est ce que Bolton voulait depuis le début et il était
évident que ça ne marcherait pas. Si les États-Unis envisageaient sérieusement
des négociations, ils auraient déjà compris qu'ils ne peuvent pas adopter cette
approche", note Jenny Town, spécialiste de la Corée du Nord au Stimson
Center, un centre d'étude de Washington.
Dans sa version anglaise, que Reuters a pu consulter, le document
appelle à un "démantèlement complet des infrastructures nucléaires de
la Corée du Nord, de ses programme militaires chimique et biologique et de ses
capacités afférentes à double usage (ndlr, civil et militaire), ainsi que les
missiles balistiques, les lanceurs et les installations associées".
En plus du transfert vers les États-Unis des armes atomiques et des
stocks de matière fissile de Pyongyang, le document liste quatre autres points
essentiels:
1. la Corée du Nord doit fournir une déclaration
complète sur son programme nucléaire et autoriser l'accès total des inspecteurs
américains et internationaux;
2. elle doit cesser toutes les activités liées à ce
programme;
3. elle doit éliminer toutes ses infrastructures
nucléaires;
4. elle doit enfin réaffecter à des activités
commerciales tous ses chercheurs et techniciens travaillant sur son programme
nucléaire.
Depuis l'échec du sommet de Hanoï, les discussions entre les États-Unis
et la Corée du Nord semblent au point mort.
Le 4 mars, Mike Pompeo a dit espérer pouvoir envoyer en Corée du Nord
une équipe de négociateurs "dans les toutes prochaines semaines".
En déplacement vendredi en Floride, Donald Trump a déclaré qu'il avait
renoncé à imposer de nouvelles sanctions à la Corée du Nord parce qu'il
souhaitait maintenir de bonnes relations avec Kim et parce que le peuple
nord-coréen "souffre déjà beaucoup".
(Henri-Pierre André pour le service français)
*Source : Boursorama
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