Le rapport de
Zerohedge via Reuters selon lequel l’Arabie saoudite est furieuse
contre les États-Unis qui ont examiné un projet de loi exposant
l’OPEP à la législation antitrust américaine est un ballon d’essai.
Les chances de l’entrée en vigueur
du projet de loi américain connu sous le nom de NOPEC [1] sont minces et il est peu
probable que l’Arabie saoudite obtempère, mais le fait que Riyad envisage une
mesure aussi radicale est un signe de la contrariété du royaume face aux
éventuels défis juridiques américains opposés à l’OPEP.
Si ces choses sont si improbables,
alors pourquoi rendre la menace publique ? Il y a de nombreuses raisons.
Premièrement, il faut se rappeler que les Saoudiens subissent
une hémorragie financière. Leur déficit budgétaire primaire en 2018 était
d’environ 7% du PIB. Depuis l’effondrement des prix du pétrole en 2014, la
dette souveraine est passée de presque zéro à $180 milliards pour
financer les dépenses, soit environ 22% du PIB.
Le déficit du budget de 2019 sera
encore plus important à cause des mesures pour la croissance. La nécessité
d’un prix du pétrole plus élevé est intégrée au budget principal,
mais pas les coûts de production, qui sont parmi les plus bas au monde.
Deuxièmement, les Saoudiens ont finalement ouvert
les livres de comptes de Saudi-Aramco cette
semaine. Ils ont révélé que le géant est beaucoup plus rentable que prévu.
Il a pris des participations dans certains des plus grands projets pétroliers
et gaziers du marché, ici et là, au cours des deux dernières années. Il lance
son premier emprunt obligataire en bourse pour acquérir une participation dans SABIC
afin de profiter de la chaîne de valeur des marchés pétroliers
intermédiaires en aval.
Troisièmement, le déficit budgétaire des Saoudiens est directement
lié au fait qu’ils ont indexé leur monnaie, le riyal, sur le
dollar américain, ce qui les laisse à la merci du prix du pétrole exprimé en
dollars. Les Saoudiens n’ont pas la marge de manœuvre de la Russie, le rouble
flotte librement depuis fin 2014, afin de payer les
dépenses domestiques en monnaie locale dévaluée lorsque les prix du
pétrole chutent.
C’est la raison pour laquelle les
Saoudiens ont des difficultés financières et Aramco cherche à utiliser
sa puissance pour enfin commencer à se faire des amis et à influencer des
personnes partout dans le monde.
La menace de dissocier le dollar des
ventes de pétrole saoudiennes est donc une menace qui se prépare depuis
longtemps. J’en parle
depuis la création de ce blog et même avant lorsque j’écrivais pour Newsmax.
Le pétrodollar constitue
toujours l’épine dorsale qui permet au dollar américain de maintenir
son statut de monnaie de réserve. Le fait que l’essentiel du commerce du
pétrole soit encore réglé en dollars crée une exigence structurelle de
demande pour la dette américaine, ce qui, à son tour, assure la
liquidité du commerce international.
Les Saoudiens ont besoin de
flexibilité budgétaire pour aider à la réalisation du projet Vision
2030 du prince héritier Mohammed bin Salman qui veut refaire de l’économie
saoudienne une réalité. Les budgets déficitaires et le déséquilibre de la
balance des comptes courants du pays ne sont pas la voie vers une prospérité
durable.
Mais depuis l’affaire Kashoggi à
l’automne dernier, les relations entre les États-Unis et l’Arabie saoudite se
sont détériorées. L’écart entre une législature américaine désormais
hostile et un Trump en train de négocier s’élargit.
Le Congrès oblige le président Trump
à opposer son veto au projet de loi pour mettre fin au soutien américain à la guerre des
Saoudiens au Yémen, une autre tragédie de Bin Salman. Dans le même
temps, l’Arabie saoudite est un élément clé des plans de Trump pour assurer la
paix en Israël – vendu
comme son Accord du siècle, à dévoiler le jour anniversaire de
l’indépendance israélienne, rien que ça.
Donc, Trump a besoin des Saoudiens
pour son plan. Mais les tensions montent parce que les Saoudiens
peuvent voir l’évolution des vents politiques et économiques. Trump a été odieux avec les Saoudiens,
les bousculant pour la vente d’armes, tout en essayant de leur prendre une part
du marché pétrolier.
La haine contre l’Iran, qui est
dirigée par le cabinet archéo-néo-cons-Israël d’abord de Trump,
est à peu près le seul domaine sur lequel ils sont en accord. Les Saoudiens
sont dans une position de plus en plus intenable et ne peuvent obtenir aucun
soulagement, ni des États-Unis, ni de la Russie.
Ainsi, le bon sens commun,
exprimé par les Saoudiens, dit que les États-Unis ont besoin du pétrodollar
pour conserver leur position de puissance mondiale. C’est exactement ce que
Trump tente de faire, non pas en imposant aux Saoudiens de se soumettre, mais en augmentant ses
exportations nationales de pétrole tout en limitant l’offre des producteurs
marginaux comme la Libye, le Venezuela, l’Irak et l’Iran.
Cela donnerait à Trump l’influence
dont il a besoin pour affronter la Chine, un important importateur d’énergie.
Mais la Chine est également un important client saoudien et c’est là que cette
menace devient intéressante.
La Chine pousse les
Saoudiens à accepter le yuan pour leur pétrole. Détacher le riyal du dollar est la
seule façon pour ces derniers de le faire tout en gérant leurs réserves de
change.
Dans le même temps, Trump souhaite
un dollar plus faible, car il en a besoin pour financer ses débauches
budgétaires et enfermer les petits-enfants américains dans une
prison de dettes.
Il est même allé jusqu’à demander à
la Fed d’arrêter le resserrement de la planche à billet – Quantitative
Tightening (QT), de baisser les taux et, au contraire, de faire plus de
Quantitative Easing (QE) parce que « l’économie est
très forte ». Il
est devenu une caricature de lui-même à ce stade. Il a besoin de la
Fed pour mettre fin au QT afin de pouvoir vendre sur le marché
plus de mille milliards de nouvelles dettes à bas taux.
Et cela conforte la théorie selon
laquelle Trump tente en réalité de mettre fin au statut de monnaie de réserve
du dollar. Mais, comme je viens de le dire, s’il était intéressé à le faire, il
ne provoquerait pas le plus gros déficit de l’histoire du pays, mais il
réduirait globalement les dépenses.
La situation est au-delà du
compliqué, mais elle se résume à la plus simple des choses. Ce qui est insoutenable finira. Le pétrodollar
est l’une de ces choses. Il sera détruit par les besoins de dépense des
Saoudiens, la volonté de la Chine d’acheter du pétrole à tout le monde, y
compris aux États-Unis, et la faible influence de ces derniers au
Moyen-Orient.
Si ce n’est pas aujourd’hui ou la
semaine prochaine, ce sera dans un proche avenir. La question est de savoir si
les États-Unis sont préparés ou non. En ce moment, le dollar est roi. Une
décennie de ZIRP [taux nul] a créé une énorme quantité
de dollars sous forme de dette des sociétés et de biens immobiliers de
marchés émergents.
Mais après ça ? Après
cette situation qui pousse le dollar beaucoup plus haut et le prix du
pétrole vers son plancher ? C’est là que les choses deviennent
vraiment intéressantes. Pour le moment, les Saoudiens font du bruit. Avec le
commerce du pétrole dans les $60 le baril, personne ne perd trop d’argent ou de
part de marché trop rapidement.
Et donc, le statu quo
prévaudra, pour le moment.
Le 5 avril 2019 – Source tomluongo.me
Traduit par jj, relu par Cat pour le
Saker
Francophone
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