mercredi 17 avril 2019

Ultime trahison : l’Arabie Saoudite sur le point de lâcher le pétrodollar


Le rapport de Zerohedge via Reuters selon lequel l’Arabie saoudite est furieuse contre les États-Unis qui ont examiné un projet de loi exposant l’OPEP à la législation antitrust américaine est un ballon d’essai.
Les chances de l’entrée en vigueur du projet de loi américain connu sous le nom de NOPEC [1] sont minces et il est peu probable que l’Arabie saoudite obtempère, mais le fait que Riyad envisage une mesure aussi radicale est un signe de la contrariété du royaume face aux éventuels défis juridiques américains opposés à l’OPEP.
Si ces choses sont si improbables, alors pourquoi rendre la menace publique ? Il y a de nombreuses raisons.
Premièrement, il faut se rappeler que les Saoudiens subissent une hémorragie financière. Leur déficit budgétaire primaire en 2018 était d’environ 7% du PIB. Depuis l’effondrement des prix du pétrole en 2014, la dette souveraine est passée de presque zéro à $180 milliards pour financer les dépenses, soit environ 22% du PIB.
Le déficit du budget de 2019 sera encore plus important à cause des mesures pour la croissance. La nécessité d’un prix du pétrole plus élevé est intégrée au budget principal, mais pas les coûts de production, qui sont parmi les plus bas au monde.
Deuxièmement, les Saoudiens ont finalement ouvert les livres de comptes de Saudi-Aramco cette semaine. Ils ont révélé que le géant est beaucoup plus rentable que prévu. Il a pris des participations dans certains des plus grands projets pétroliers et gaziers du marché, ici et là, au cours des deux dernières années. Il lance son premier emprunt obligataire en bourse pour acquérir une participation dans SABIC afin de profiter de la chaîne de valeur des marchés pétroliers intermédiaires en aval.
Troisièmement, le déficit budgétaire des Saoudiens est directement lié au fait qu’ils ont indexé leur monnaie, le riyal, sur le dollar américain, ce qui les laisse à la merci du prix du pétrole exprimé en dollars. Les Saoudiens n’ont pas la marge de manœuvre de la Russie, le rouble flotte librement depuis fin 2014, afin de payer les dépenses domestiques en monnaie locale dévaluée lorsque les prix du pétrole chutent.
C’est la raison pour laquelle les Saoudiens ont des difficultés financières et Aramco cherche à utiliser sa puissance pour enfin commencer à se faire des amis et à influencer des personnes partout dans le monde.
La menace de dissocier le dollar des ventes de pétrole saoudiennes est donc une menace qui se prépare depuis longtemps. J’en parle depuis la création de ce blog et même avant lorsque j’écrivais pour Newsmax.
Le pétrodollar constitue toujours l’épine dorsale qui permet au dollar américain de maintenir son statut de monnaie de réserve. Le fait que l’essentiel du commerce du pétrole soit encore réglé en dollars crée une exigence structurelle de demande pour la dette américaine, ce qui, à son tour, assure la liquidité du commerce international.
Les Saoudiens ont besoin de flexibilité budgétaire pour aider à la réalisation du projet Vision 2030 du prince héritier Mohammed bin Salman qui veut refaire de l’économie saoudienne une réalité. Les budgets déficitaires et le déséquilibre de la balance des comptes courants du pays ne sont pas la voie vers une prospérité durable.
Mais depuis l’affaire Kashoggi à l’automne dernier, les relations entre les États-Unis et l’Arabie saoudite se sont détériorées. L’écart entre une législature américaine désormais hostile et un Trump en train de négocier s’élargit.
Le Congrès oblige le président Trump à opposer son veto au projet de loi pour mettre fin au soutien américain à la guerre des Saoudiens au Yémen, une autre tragédie de Bin Salman. Dans le même temps, l’Arabie saoudite est un élément clé des plans de Trump pour assurer la paix en Israël – vendu comme son Accord du siècle, à dévoiler le jour anniversaire de l’indépendance israélienne, rien que ça.
Donc, Trump a besoin des Saoudiens pour son plan. Mais les tensions montent parce que les Saoudiens peuvent voir l’évolution des vents politiques et économiques. Trump a été odieux avec les Saoudiens, les bousculant pour la vente d’armes, tout en essayant de leur prendre une part du marché pétrolier.
La haine contre l’Iran, qui est dirigée par le cabinet archéo-néo-cons-Israël d’abord de Trump, est à peu près le seul domaine sur lequel ils sont en accord. Les Saoudiens sont dans une position de plus en plus intenable et ne peuvent obtenir aucun soulagement, ni des États-Unis, ni de la Russie.
Ainsi, le bon sens commun, exprimé par les Saoudiens, dit que les États-Unis ont besoin du pétrodollar pour conserver leur position de puissance mondiale. C’est exactement ce que Trump tente de faire, non pas en imposant aux Saoudiens de se soumettre, mais en augmentant ses exportations nationales de pétrole tout en limitant l’offre des producteurs marginaux comme la Libye, le Venezuela, l’Irak et l’Iran.
Cela donnerait à Trump l’influence dont il a besoin pour affronter la Chine, un important importateur d’énergie. Mais la Chine est également un important client saoudien et c’est là que cette menace devient intéressante.
La Chine pousse les Saoudiens à accepter le yuan pour leur pétrole. Détacher le riyal du dollar est la seule façon pour ces derniers de le faire tout en gérant leurs réserves de change.
Dans le même temps, Trump souhaite un dollar plus faible, car il en a besoin pour financer ses débauches budgétaires et enfermer les petits-enfants américains dans une prison de dettes.
Il est même allé jusqu’à demander à la Fed d’arrêter le resserrement de la planche à billet – Quantitative Tightening (QT), de baisser les taux et, au contraire, de faire plus de  Quantitative Easing (QE) parce que « l’économie est très forte ». Il est devenu une caricature de lui-même à ce stade. Il a besoin de la Fed pour mettre fin au QT afin de pouvoir vendre sur le marché plus de mille milliards de nouvelles dettes à  bas taux.
Et cela conforte la théorie selon laquelle Trump tente en réalité de mettre fin au statut de monnaie de réserve du dollar. Mais, comme je viens de le dire, s’il était intéressé à le faire, il ne provoquerait pas le plus gros déficit de l’histoire du pays, mais il réduirait globalement les dépenses.
La situation est au-delà du compliqué, mais elle se résume à la plus simple des choses. Ce qui est insoutenable finira. Le pétrodollar est l’une de ces choses. Il sera détruit par les besoins de dépense des Saoudiens, la volonté de la Chine d’acheter du pétrole à tout le monde, y compris aux États-Unis, et la faible influence de ces derniers au Moyen-Orient.
Si ce n’est pas aujourd’hui ou la semaine prochaine, ce sera dans un proche avenir. La question est de savoir si les États-Unis sont préparés ou non. En ce moment, le dollar est roi. Une décennie de ZIRP [taux nul] a créé une énorme quantité de dollars sous forme de dette des sociétés et de biens immobiliers de marchés émergents.
Mais après ça ? Après cette situation qui pousse le dollar beaucoup plus haut et le prix du pétrole vers son plancher ? C’est là que les choses deviennent vraiment intéressantes. Pour le moment, les Saoudiens font du bruit. Avec le commerce du pétrole dans les $60 le baril, personne ne perd trop d’argent ou de part de marché trop rapidement.
Et donc, le statu quo prévaudra, pour le moment.
Le 5 avril 2019 – Source tomluongo.me

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