Après 14 ans de lutte anti-terroriste, l’Occident est
devenu un maître dans la pratique de la barbarie et de la mise en place d’États « en
faillite ».
Depuis quelques années, les gens se demandent « mais
d’où vient Daech ? ». Les explications varient, mais tournent
invariablement autour de questions géopolitiques (hégémonie américaine),
religieuses (sunnites contre shiites), idéologiques (wahabisme)
ou écologiques (réfugiés climatiques). De nombreux commentateurs et même
d’anciens officiels militaires s’accordent à dire que la guerre en Irak est ce
qui a libéré les forces que nous connaissons aujourd’hui sous le nom d’ISIS,
ISIL, Daech, etc….
J’espère apporter ici quelques réflexions utiles ainsi
que quelques anecdotes.
Cauchemars mésopotamiens
Lorsque j’étais stationné en Irak avec le 1er
bataillon, 7ème corps de Marines entre 2003 et 2005, je ne
savais pas quelles répercussions allait avoir cette guerre, mais je savais
qu’on aurait à rendre des comptes. Ce châtiment, qui parait sans fin, est le
retour de bâton que nous vivons aujourd’hui autour du monde (que ce soit en
Irak, Afghanistan, Libye, Syrie, France, Tunisie, Californie, au Yémen, Liban,
et ainsi de suite).
A cette époque, j’ai vu et participé quotidiennement à
des obscénités. Bien sûr
l’horreur de la guerre n’a jamais été reconnue en Occident. Les
organisations pacifistes ont bien entendu tenté de dénoncer les atrocités de la
guerre en Irak, mais les médias conventionnels, le monde universitaire et les
forces politiques et d’affaires n’ont jamais permis un examen sérieux du crime de guerre le plus atroce du 21ème
siècle.
Lorsque nous patrouillions la vaste province irakienne
d’Al Anbar, jetant nos déchets de MRE (Meal Ready to Eat- n.d.t ration militaire)
par la fenêtre, je ne me suis jamais posé la question de savoir comment les
livres d’histoire se rappelleraient de nous. Je voulais seulement faire de la
place dans mon Humvee (n.d.t- véhicule militaire). Des années
plus tard, alors que j’assistais à un cours d’histoire de civilisation
occidentale à l’université, écoutant mon professeur parler du berceau de la
civilisation, j’ai repensé à mes déchets de MRE jonchant le sol du désert
mésopotamien.
En me remémorant certains évènements récents en Irak
et en Syrie, je ne pouvais m’empêcher de penser aux enfants que mes camarades
bombardaient avec des skittles de leurs rations (n.d.t sorte de
bonbons enrobés au chocolat). On ne lançait pas seulement des bonbons
contre les enfants, mais aussi des bouteilles d’eau remplies d’urine, des
cailloux, des débris et d’autres choses. Je me demande combien de membres Daech
et d’autres organisations terroristes se rappellent ces petites choses.
Mais surtout, je pense à ces centaines de personnes
que nous avons fait prisonnières et que nous avons torturé dans des centres de détention
où travaillaient des jeunes gens venant du Tennessee, de New York et de
l’Oregon. Je n’ai jamais eu la malchance d’y travailler mais je me souviens des
histoires. Je me rappelle des Marines me racontant comment ils
cognaient, giflaient, tapaient à coups de pied, de coudes, de genoux et de tête
les Irakiens. Je me souviens des histoires de torture sexuelle : comment ils forçaient
les hommes irakiens à avoir des rapports sexuels avec d’autres détenus pendant
que les Marines tenaient des couteaux contre leurs testicules, les sodomisant quelques fois
avec des bâtons.
Cela dit, avant que ces abominations ne puissent avoir
lieu, ceux de l’infanterie comme moi avaient le plaisir d’arrêter ces Irakiens
lors de raids nocturnes, les menottant et leur passant un sac sur la tête avant
de les jeter à l’arrière du Humvee et de camions, pendant que leurs
femmes et enfants tombaient à genoux et pleuraient.
Certaines fois, nous les arrêtions en pleine journée.
La plupart du temps, ils n’opposaient aucune résistance. Certains se tenaient
par la main pendant que les Marines leur assénaient des coups de fesse
au visage. A leur arrivée aux centres de détentions, ils étaient détenus
pendant des jours, des semaines ou même des mois. Leurs familles n’étaient
jamais tenues au courant, et lorsque nous les relâchions, nous les conduisions
en plein milieu du désert, à plusieurs kilomètres des leurs maisons. Là, après
leur avoir délié les mains et ôté les sacs de la tête, certains de nos Marines
les plus dérangés tiraient des salves de leur AR-15 en l’air ou dans le sol,
effrayant les captifs récemment libérés. Toujours
pour rire. Beaucoup d’Irakiens se mettaient à
courir, encore traumatisés par le calvaire enduré au centre de détention, en
espérant qu’une certaine forme de liberté les attendait de l’autre côté.
Qui sait combien de temps ils survivaient. Après tout,
personne n’en avait rien à faire.
La capacité à déshumaniser le people irakien a explosé
de façon surprenante une fois que les balles et les explosions cessèrent, car
de nombreux Marines passaient leur temps libre à prendre des photos des
morts, mutilant très souvent leur corps pour le
plaisir ou enfonçant des bâtons dans ces corps gonflés, pour rire. Parce que les iPhones n’existaient pas encore
en ces temps-là, de nombreux Marines étaient venus en Irak avec des
appareils photo. Ces derniers contiennent l’histoire cachée de la guerre en
Irak, une histoire que l’Occident espère que le monde oubliera. Cette histoire
ainsi que ces appareils contiennent aussi des enregistrements de massacres gratuits et de nombreux autres crimes de guerre, des réalités que les Irakiens n’ont pas ce luxe
d’oublier.
Je pourrais malheureusement raconter un nombre
incalculable d’anecdotes atroces qui se sont passées lorsque j’y étais. Des
innocents n’étaient pas seulement arrêtés, torturés et emprisonnés, ils étaient
aussi incinérés par centaines de milliers, certaines études parlant même
de millions.
Seuls les Irakiens comprennent la nature du mal qui
s’est abattu sur leur pays. Ils se rappellent le rôle de l’Occident pendant les
8 années de guerre entre l’Iran et l’Irak, les sanctions de Clinton dans les
années 90 qui ont entraîné la mort de plus de 500 000 personnes en
majorité des femmes et des enfants.
Puis en 2003, l’Occident a achevé son travail. Aujourd’hui l’Irak est un Etat
complètement dévasté. Le peuple a été empoisonné et mutilé et
l’environnement naturel a été intoxiqué par des bombes à l’uranium enrichi. Après 14 ans de guerre anti-terroriste, une chose
est certaine, l’occident est passé maître dans la
pratique de la barbarie et la création d’Etats en « faillite ».
Vivre avec des fantômes
Les regards chaleureux et vitreux des enfants irakiens
me hantent continuellement, comme il se doit. Les visages de ceux que j’ai tué,
ou du moins, de ceux dont le corps était assez près pour que je puisse les voir
ne me quittent jamais. Mes cauchemars et mes pensées me rappellent sans cesse
d’où vient Daech et pourquoi ils nous haïssent tant. Cette haine, compréhensible bien
que regrettable, sera dirigée contre l’Occident pour encore des décennies à
venir. Comment en pourrait-il être autrement ?
En effet, le
niveau de destruction commis par l’Occident au Moyen-Orient est totalement
inimaginable pour une grande majorité de personnes
vivant dans un pays développé. On ne soulignera jamais assez ce point surtout
lorsque les occidentaux continuent de se demander naïvement « mais
pourquoi nous haïssent-ils tant ?».
Au bout du compte, les guerres, les révolutions et les
contre-révolutions se succèdent et les générations qui suivent vivent avec
leurs conséquences : les civilisations, sociétés ; cultures, nations
et individus survivent ou périssent. C’est comme cela que fonctionne l’Histoire.
A l’avenir, la façon avec laquelle l’Occident gère le terrorisme dépendra
largement de sa décision de maintenir cette attitude terroriste. La façon la
plus évidente d’éviter la création de futures organisations du style de
Daech est de s’opposer à la militarisation occidentale sous toutes ses
formes : coups d’État de la CIA, guerre par procuration, frappes de
drones, campagnes de contre insurrection, guerre économique, etc….
Pendant ce temps-là, ceux qui ont participé dans cette
campagne militaire génocidaire en Irak continueront à vivre avec les fantômes
de la guerre.
Vincent Emanuele,
vétéran de la guerre d'Irak, est un auteur, journaliste radio et activiste. Il vit au Michigan, dans l’Indiana et peut être joint à l’adresse suivante : vince.emanuele@ivaw.org
vétéran de la guerre d'Irak, est un auteur, journaliste radio et activiste. Il vit au Michigan, dans l’Indiana et peut être joint à l’adresse suivante : vince.emanuele@ivaw.org
*Source : Information
Clearing House
Traduction et Synthèse : Z.E pour France-Irak Actualité
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En Algérie aussi, il y a deux siècles :
Peu de gens le savent, les
Algériens avant la colonisation française étaient nettement plus instruits que
les colonisateurs français qui vont venir les massacrer et occuper leurs
terres. Pour comprendre cette réalité historique passée sous silence durant des
décennies, nous republions aujourd’hui des extraits d’un livre très important,
mais méconnu en Algérie, écrit par un historien français qui avait révélé des
vérités historiques gênantes et cruciales pour la compréhension des dégâts du
colonialisme en Algérie.
"Dès lors
qu'on avait arrêté quelqu'un, il fallait qu'il soit coupable. Quand une bombe
avait éclaté, si on attrapait un type et qu'on trouvait qu'il avait la tête du
client, on ne s'en embarrassait pas plus", témoignage de
Jean-Claude Périer, membre du Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) en
1956.
« Avis
défavorable au recours » ou encore « Recours à rejeter » : ces deux formules tracées à l'encre bleue ont la
préférence de François Mitterrand quand, garde des Sceaux, il décide de donner
un avis au recours en grâce des condamnés à mort du FLN dont les dossiers lui
sont soumis. René Coty, président de la République - et décideur ultime -,
préfère barrer d'un long trait noir la première page du formulaire
administratif et indiquer sur l'autre, d'une écriture ronde d'enfant, qu'il
laissera « la justice suivre son cours ». Des
expressions qui reviennent tout au long des dossiers de condamnés à mort
exécutés durant la guerre d'Algérie. Sinistres périodes, sans parler des
"enfumages", sorte de gazage à bas coût des civils
"musulmans", ou des oreilles coupées, car il est plus facile de
transporter des tonneaux d'oreilles afin de décompter les morts, que de
transporter les cadavres ou les têtes. Elle était belle la civilisation
apportée par la France aux Algériens, à l'image de qu'apportent, en ce moment,
les Occidentaux aux Irakiens, aux Syriens et aux Yéménites.
« … Un plein baril d’oreilles…
Les oreilles indigènes valurent longtemps dix francs la paire et leurs femmes, demeurèrent comme eux d’ailleurs, un gibier
parfait… » (1). C’est en ces
termes choisis qu’un général français racontait les exploits de ses troupes
pendant la guerre de conquête de l’Algérie (2).
«… Tout ce qui vivait fut voué à la mort… On ne fit aucune distinction d’âge, ni de sexe… En revenant de cette funeste expédition plusieurs de nos cavaliers portaient des têtes au bout de leurs lances… ».
«… Tout ce qui vivait fut voué à la mort… On ne fit aucune distinction d’âge, ni de sexe… En revenant de cette funeste expédition plusieurs de nos cavaliers portaient des têtes au bout de leurs lances… ».
Hannibal GENSÉRIC
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