samedi 16 mars 2019

Venezuela : une fois de plus, on tente de nous vendre une guerre

J'avais 23 ans lorsque nous avons envahi l’Irak, et je n’étais pas sûr que c’était fondé sur des mensonges, mais quelque chose dans mon for intérieur – une vague impression — me disait que c’était fondé sur des mensonges. Un peu comme vous, si votre nouveau rendez-vous trouvé sur un site de rencontre arrivait avec un téléphone portable à rabat de 2004. Cela semblerait vaguement inquiétant, et aucune explication qu’il ou elle pourrait donner ne vous mettrait à l’aise. De plus, toute autre personne qui agirait comme si c’était normal deviendrait également suspecte.
L’invasion de l’Irak m’a semblé être fondée sur un mensonge. Et il s’est avéré que j’avais raison, que c’était un mensonge et que l’ensemble des médias grand public et notre gouvernement avaient tort, mentaient ou, la plupart du temps, les deux.
Aujourd’hui, notre gouvernement et nos médias tentent par tous les moyens de nous plonger dans une autre guerre, cette fois avec le Venezuela. Ils nous disent que le peuple vénézuélien est désespérément à la recherche de produits de première nécessité comme du dentifrice, alors que des journalistes indépendants montrent des étals pleins de tubes de dentifrice abordable à Caracas.

Et même s’ils n’avaient pas de dentifrice, cela ne semble pas être une bonne raison pour que l’Amérique commence à laisser tomber ses mauvaises décisions de longue portée sur la tête d’innocents. Transformer une ville en cratère au nom d’une bataille contre la gingivite semble un peu extrême.
Les médias grand public et la quasi-totalité du gouvernement américain nous disent que Juan Guaido est le « président par intérim », même s’il n’a jamais été élu à ce poste et que le président actuel dirige toujours le gouvernement et l’armée vénézuéliens. Donc, je suppose que ce terme « d’intérim » désigne le laps de temps situé entre le moment où Guaido n’était personne et le moment où il retournera à l’anonymat. Au moins, il pourra dire aux femmes, dans les soirées : « Vous savez, j’ai été président par intérim ».
Les médias grand public nous informent également que l’armée vénézuélienne a mis le feu à des camions d’aide américains, alors que des vidéos prouvent que c’était l’opposition qui incendiait les camions. [Le New York Times a effectivement été obligé de publier une correction, NdT]. De plus, l’idée selon laquelle le Venezuela devait prendre « l’aide humanitaire » du pays dont les sanctions les écrasent équivaudrait à demander aux Sioux de Standing Rock d’accepter des menus cadeaux de la part des équipes de construction qui transforment leurs terres en gruyère pour poser le pipeline Dakota Access [dont les Sioux ne veulent de toutes façons pas parce qu’en plus de passer sur leurs terres ancestrales, il est beaucoup trop polluant pour la terre et les rivières d’où ils tirent leur eau potable, NdT].
À moins que les paquets cadeaux ne soient remplies d’essuie-tout industriels pour les aider à nettoyer les flaques de pétrole, je ne vois pas en quoi ce serait bénéfique. Parfois, il faut en effet regarder la denture d’un cheval de Troie (ou devrais-je dire « chien de Troie » ?) [La compagnie responsable de la pose du pipe-line Dakota Access lance des chiens d’attaque contre les Sioux qui tentent de protester contre sa construction, NdT].
Ce n’est pas la première fois que notre gouvernement et nos médias conspirent pour entraîner le peuple américain dans une guerre contre un autre pays — ou aider à perpétrer un coup d’État aux effets forcément désastreux. J’ai donc pensé que c’était le moment idéal pour passer en revue les quatre principales productions US.
Numéro 4 : La guerre hispano-américaine
Elle est largement considérée comme le point de départ de la propagande médiatique moderne, parce que c’était la première guerre réellement déclenchée par les médias. Les journaux avaient inventé des atrocités dans une quête incessante de lectorat.
Et comme l’avait noté le New York Times, « Le reportage sensationnaliste sur le naufrage du cuirassé américain Maine dans le port de La Havane le 15 février 1898… et tous les autres reportages grotesques qui ont mené à la guerre hispano-américaine auraient pu être considérés comme des caricatures s’ils n’avaient pas mené à un conflit international majeur ».
Dommage que le NYT ne s’en soit pas tenu à cette éthique et se soit lui-même fait un avocat des guerres.
Numéro 3 : La guerre du Vietnam
Bien sûr, presque tout le monde sait que la guerre catastrophique du Vietnam a été précipitée par l’Incident du golfe du Tonkin : des navires de la marine américaine avaient été attaqués sans aucune raison par des torpilleurs nord-vietnamiens. Après cette escarmouche, le ministre de la Défense Robert McNamara avait recommandé au président Johnson de riposter, et l’horrible guerre du Vietnam a commencé. Mais la plupart des Américains ne savent toujours pas qu’il n’y a jamais eu d’incident dans le golfe du Tonkin, à part des navires de la marine américaine qui avaient tiré des salves, littéralement, contre des phénomènes météorologiques qu’ils avaient vus sur leur radar. Le documentaire de 2003 « The Fog of War » a finalement révélé la vérité. L’ancien secrétaire à la Défense Robert McNamara a avoué que l’attaque du Golfe du Tonkin n’avait pas eu lieu.
C’est comme ça. Ça ne s’était pas produit. Tout comme les lutins, les dragons ou le talent de certaines célébrités, c’était imaginaire.
Les mensonges de notre gouvernement, soutenus par les reportages serviles de nos médias, ont entraîné la mort de 3,8 millions de Vietnamiens et de 58 000 militaires américains.
Le gouvernement des États-Unis possède l’un des départements de désinformation les plus puissants jamais créés. C’est une merveille moderne qui n’a d’égale que la Grande Pyramide de Gizeh et le coup droit de Rafael Nadal.
Numéro 2 : La guerre d’Irak
Bien sûr, il y a le mensonge le plus évident au sujet de l’Irak, à savoir que Saddam Hussein avait tellement d’armes de destruction massive qu’il en utilisait comme gratte-dos dans sa baignoire. Mais ce n’est pas la seule intox qui a conduit à l’anéantissement complet de la nation souveraine gouvernée par Saddam Hussein. Il y en a eu d’autres, par exemple que Saddam était lié à Al-Qaïda et qu’il avait peut-être joué un rôle dans les attentats du 11 septembre. William Safire du New York Times, en mai 2002, écrivait : « Selon le service de renseignements tchèque, Mohamed Atta, qui allait être le principal pirate de l’air suicidaire du 11 septembre, aurait rencontré au moins une fois l’automne dernier le chef de l’espionnage de Saddam Hussein à l’ambassade d’Irak ».
Oui, Safire a été capable de briquer tout un tas de conneries avec tant de soin qu’il brillait comme un saphir. Et cette chronique est toujours en ligne sur le site Web du NYT, sans correction ni rétractation. Je dirais que le Times n’est utile que pour couvrir le fond d’une cage à oiseaux, mais je craindrais que le papier n’entraîne même votre cacatoès domestique dans une invasion malavisée qui tuerait des millions de personnes.
Mais la propagande ne s’est même pas arrêtée là. Il y a eu aussi les attaques à l’anthrax, à la suite du 11 septembre 2001. De l’anthrax avait été envoyé par la poste aux médias et aux bureaux des politiciens. À ce jour, beaucoup de gens croient encore que cela avait quelque chose à voir avec l’Irak ou Al-Qaïda à cause de hontes nationales primées comme le « journaliste » Brian Ross.
Brian Ross, d’ABC News, avait écrit : « Le bacille du charbon contenu dans la lettre envoyée au leader de la majorité au Sénat, Tom Daschle, contenait de la bentonite, et la bentonite est une marque du programme d’armes biologiques du leader irakien Saddam Hussein ». Comme l’a clairement dit Salon, « toutes ces affirmations censément factuelles […] étaient complètement fausses, de façon démontrable et incontestable … Pourtant, ni ABC ni Ross n’ont jamais rétracté, corrigé, clarifié ou expliqué ces articles frauduleux. »
Et, comme on pouvait s’y attendre, Brian Ross n’a pas perdu son emploi à la suite de ces faux reportages. En fait, il n’a été mis au vert par ABC News que l’an dernier, quand il a rapporté que « Michael Flynn, conseiller à la sécurité nationale, était prêt à témoigner que Trump lui avait dit de contacter les Russes pendant la campagne ».
Cette information, tout comme les affirmations d’intégrité journalistique de Brian Ross, s’est avérée absolument mensongère.
(À mon avis de professionnel, quiconque a eu quelque chose à voir avec la vente, la perpétration ou la planification de la guerre en Irak ne devrait pas occuper de poste plus élevé que celui d’assistant-stagiaire d’un préposé au ramassage des crottes d’un chien qui n’appartiendrait à personne de particulièrement en vue. Si cette position n’existe pas, nous, en tant que nation, devrions la créer juste pour ces personnages. Pourtant, malgré mes objections, Robert Mueller (chef du FBI au moment de l’invasion et grand partisan de celle-ci) conduit la plus grande enquête du pays, le Russiagate. John Bolton, qui avait préconisé l’invasion de l’Irak dès les années 1990, est maintenant Conseiller à la sécurité nationale. Bill Kristol, qui avait insisté pour faire la guerre en prédisant qu’elle serait finie en deux mois, est toujours régulièrement invité sur MSNBC. Et la liste continue.)
Contrairement au ministre de la défense McNamara, qui a admis que l’incident du Golfe du Tonkin ne s’était jamais produit, nous n’avons pas de preuve irréfutable que l’administration Bush ait délibérément raconté ces mensonges pour nous amener en Irak. … Oh, mais si ! Il s’avère que la déchiqueteuse du bureau ovale de Bush était en grève pour une augmentation de salaire en 2002, et qu’en fait, nous ayons une note de service écrite par le secrétaire à la Défense de Bush, Donald Rumsfeld, un an avant que les forces américaines ne déclenchent une ère de terreur pour le peuple irakien.
Sa note de service sur la guerre contre l’Irak disait :  » Par où commencer ? Les États-Unis découvrent le lien de Saddam avec le 11 septembre ou les attaques à l’anthrax ? Ou peut-être un différend sur les inspections d’ADM ? »
Je ne sais pas ce qui est le plus frappant – que cette note de service existe, ou qu’il semble que les gars de Bush aient planifié une invasion internationale massive de la même façon qu’un jeune homme de 35 ans fauché écrirait le brouillon du plan d’un mauvais roman dont il pense que ce sera son passeport pour la réussite.
« Comment commencer guerre horrible ? Peut-être découvrir que Saddam a un deuxième job comme star de porno ? »
Le fait est que de multiples intox complètement farfelues ont jeté les bases d’une invasion de l’Irak qui a fait plus d’un million de morts.
Numéro 1 : Le bombardement de la Syrie
Le président Bachar Assad aurait gazé son propre peuple, garantissant ainsi une extension de l’intervention américaine, et il l’aurait fait quelques jours seulement après que Donald Trump eut dit au Pentagone de commencer à retirer ses troupes de Syrie. Du moins, c’est l’histoire que les médias grand public ont répétée en boucle pendant au moins un mois, ne s’autorisant une pause que toutes les 10 minutes pour essayer de nous vendre des hamburgers ou des appareils pour augmenter la taille du pénis. [aux USA, les infos sont entrecoupées de publicités, NdT].
On s’attendait donc à ce que nous avalions qu’Assad ait fait la seule chose qui garantirait un durcissement de l’hostilité des États-Unis, et ce au moment même où il était sur le point de gagner sa guerre ? C’est un peu comme quand si moi, quand je suis sur le point de finir de donner une bonne raclée à un adversaire, je me mettais à me taper la tête contre un mur, juste pour que ça soit plus marrant.
Seymour Hersh et Robert Fisk, deux journalistes célèbres, ont fait un excellent travail en démontrant que les attaques chimiques n’ont jamais eu lieu, et il y a une nouvelle mise à jour : il y a un peu plus de deux semaines, un producteur de la BBC a déclaré que les images de l’attaque chimique de Douma, en Syrie, avaient été mises en scène [Lien en français, NdT].
Son tweet dit qu’après six mois d’investigations, il peut prouver qu’aucun décès n’est survenu à l’hôpital. Pourtant, nos médias grand public incroyablement ineptes, avec peu ou pas d’indices à l’appui, s’étaient précipités pour assurer : « Il y a eu une attaque chimique ! Ces pauvres gens ! Et ils n’ont pas de dentifrice non plus ! Nous devons les bombarder pour les aider ! »
Le fait essentiel ici est que nous avons remplacé depuis longtemps nos médias par des sténographes de l’élite dirigeante. La classe dirigeante invente un mensonge pour emporter l’adhésion des Américains à ses crimes de guerre-maison, et ce mensonge est ensuite passé par couches successives, comme un vernis, sur tous les citoyens américains lambda. Et cela continue jusqu’à ce que le citoyen moyen qui se pose ouvertement des questions sur ce mensonge soit considéré comme une bête de foire à deux têtes, dont une couverte d’excréments de rats.
Les « journalistes » qui arrosent le mieux le pays de mensonges obtiennent des récompenses, et des jets privés, et des cocktails avec des célébrités de seconde zone comme Chuck Norris. Nous en arrivons aujourd’hui au point où les dirigeants actuels — l’administration Trump – ne cachent même plus leur corruption. John Bolton a déclaré à Fox News que le but des USA est de voler le pétrole du Venezuela. Mais nos médias continuent de suivre la ligne de leur propagande. Même après les propos de Bolton, vous ne verrez pas Anderson Cooper, de CNN, ou l’un quelconque des hommes-troncs de Fox News dire : « Le Venezuela subit un coup d’État soutenu par les États-Unis parce que nous voulons voler leur pétrole. » C’est vraiment vertigineux que les médias grand public maintiennent leur propagande, même après que les « leaders » aient étalé leurs véritables intentions au grand jour.
« Défendez la matrice » clignote en rouge dans leurs yeux.
La ligne de propagande pour le Venezuela en ce moment est : « Nous voulons aider les pauvres Vénézuéliens. » Si vous voulez les aider, gardez les USA hors de leur vue. Ne les forcez pas à avoir quoi que ce soit à voir avec le pays qui a inventé le poulet frit industriel servi dans des seaux et les sprays nasaux aux opiacés. Personne, à aucun moment, n’a regardé la présidence de Donald Trump en se disant: « wow, ce pays a vraiment tout compris. J’espère qu’ils nous ferons profiter de la justesse de leurs décisions ».
Par Lee Camp ,satiriste politique, écrivain, acteur et activiste américain. Il anime l’émission satirique hebdomadaire Redacted Tonight sur RT America. Il a écrit pour The Onion et le Huffington Post. 
Traduction Entelekheia
Pour les anglophones, la vidéo de l’émission de Lee Camp dont cet article a été tiré.

2 commentaires:

  1. ne pas ignorer de cite la population qui elise et soutient leurs governments respectifs depuis des decenies car sans elle ces crminels chefs d'etat et gouvernemnts n'existeront pas.

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