L’implication
croissante de la Turquie et de la Russie en Libye suscite une crainte :
celle de voir ce pays basculer dans un scénario à la syrienne.
Plusieurs responsables occidentaux ont mis en garde contre un tel
risque. À l'image du ministre français des Affaires étrangères,
Jean-Yves Le Drian, ou encore de Stéphan Townsend, le général commandant
les forces américaines en Afrique. Quelles sont les implications d'un
tel scénario ?
C’est
un partage d’intérêts stratégiques, économiques et d’influences entre
deux acteurs majeurs qui sont déjà bien présents en Syrie, et qui le
sont aujourd’hui en Libye. Il s’agit de la Russie et la Turquie, qui
essaient de marginaliser les autres acteurs internationaux et régionaux
qui interviennent dans ce dossier très compliqué.
Ces
deux pays avaient des investissements énormes en Libye avant 2011 et
s’étaient toujours opposés à une intervention de l’Otan contre le
colonel Kadhafi. Tous deux semblent aujourd’hui décidés à conserver
leurs intérêts déjà en place et cherchent surtout à accroître leur influence politique et militaire.
Dans leur manière de s’impliquer en Libye, ils mettent chacun en jeu de lourds moyens en armes
et en mercenaires. Ils espèrent ainsi devenir, demain, maîtres de la
paix comme ils sont aujourd’hui maîtres de la guerre. Plusieurs
analystes imaginent déjà une conférence nationale conçue par les deux
pays pour la Libye à l’identique d’Astana pour la Syrie.
Depuis
janvier, des fuites font état d’un accord entre Moscou et Ankara pour
partager ce pays riche en hydrocarbures, et qui octroie une grande
partie de cette richesse à la Russie, ce que les Américains tentent
d’éviter en changeant leur fusil d’épaule et en soutenant le
Gouvernement d'union nationale (GNA) après avoir soutenu le maréchal
Haftar.
Selon
des experts, les Russes ne laisseront pas passer l'occasion de se
retrouver sur les rebords sud de l’Europe. Les Américains et les
Occidentaux craignent que la Russie s’installe à long terme en Libye, ce
qui entraverait leurs intérêts en Afrique et qui susciterait des
craintes sécuritaires pour les pays du sud de l’Europe. De plus, une
présence permanente de la Russie à l’Est libyen préoccupe certainement les Américains, qui ont cherché à avoir une base militaire en Libye du temps de Kadhafi, ce qui leur a été toujours refusé.
*Source : RFI
Des avions russes font craindre le pire
En déployant des avions de
combat en Libye, la Russie vole au secours de son protégé le maréchal
Khalifa Haftar. Ce dernier est très affaibli depuis deux mois par
l’intervention de la Turquie qui soutient le camp libyen rival de Fayez
al-Sarraj. Moscou risque d’aggraver encore une guerre civile qui dure
depuis 2011.
Dans la capitale Tripoli (à l’ouest), le Gouvernement d’accord national (GNA) est présidé par le Premier ministre Fayez al-Sarraj, 59 ans.
Reconnu par l’Onu, le GNA s’appuie sur des milices islamistes et les
combattants de puissantes tribus de la cité marchande de Misrata. Outre
le soutien symbolique de la communauté internationale, le GNA est aidé
financièrement par le Qatar et surtout militairement par la Turquie.
Basé en Cyrénaïque, (à l’est), le maréchal Khalifa Haftar, 76 ans, ancien général disgracié de Kadhafi, revenu d’exil en 2011,
a unifié des forces disparates autour de son Armée nationale libyenne
(ANL). Haftar est soutenu par l’Égypte, les Émirats arabes unis et
l’Arabie saoudite qui financent des mercenaires soudanais. Sans oublier
les paramilitaires russes qui combattent pour lui avec le feu vert du
Kremlin…
La
guerre civile libyenne est donc également un affrontement pour le
leadership régional, mais aussi une prolongation de la guerre en Syrie où la Russie et la Turquie soutiennent des camps opposés… Moscou et Ankara ont d’ailleurs déployé en Libye, dans chaque camp, des mercenaires syriens !
Pourquoi la Russie renforce-t-elle son engagement ?
Pour enrayer la dégringolade de son protégé. Sur le point de
prendre Tripoli fin 2019, le maréchal Haftar a subi défaite sur défaite
depuis que la Turquie a envoyé en Libye conseillers militaires,
terroristes et mercenaires islamistes transférés de Syrie, matériels antiaériens et surtout des drones de
combat, qui se sont révélés décisifs sur les champs de bataille.
Les forces du camp Sarraj ont successivement repris ces deux
derniers mois les villes côtières à l’ouest de Tripoli jusqu’à la
frontière tunisienne, puis la base aérienne stratégique d’al Watiya, obligeant les forces d’Haftar et les mercenaires russes à décrocher de Tripoli.
Le déploiement des avions russes a d’ailleurs probablement
pour objectif de protéger le repli des Russes sur la ville
de Bani-Walid, à 150 kilomètres au sud-est de Tripoli. Le message aux
Turcs est simple et limpide :
Risque-t-on un affrontement direct Turquie/Russie ?Si vous ou vos protégés avancez trop, ou si vous bombardez Bani-Walid, nous avons les moyens de vous faire très mal.
Dans le camp Haftar, l’arrivée des avions russes a poussé un
de ses commandants à promettre une prochaine offensive aérienne de
grande ampleur. Rien n’est moins sûr. Russie et Turquie savent
« jusqu’où ne pas aller trop loin ». Comme en Syrie, où ils défendent
des camps opposés depuis 2011 mais où ils ont toujours su s’unir quand
il le fallait contre les Occidentaux, les Kurdes ou l’État islamique.
Spécialiste reconnu du conflit libyen, Wolfram Lacher, de
l’Institut allemand des affaires internationales et de sécurité, estime
dans un entretien au Financial Times que le déploiement des Mig vise à
remettre la Turquie à sa place et à limiter son ambition de repousser Haftar hors de la Libye occidentale. Pour lui,
la grande question est de savoir si la Russie et la Turquie peuvent pousser une fois de plus leurs clients libyens à négocier un cessez-le-feu ».
Source : Ouest France
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