La
célébration du 1er centenaire de la proclamation de «l’État du Grand Liban»
apparaît comme le chant de cygne d’une puissance jadis radieuse dont le Liban
lui renvoie sur sa face hideuse, ses stigmates indélébiles.
En cette célébration du premier
centenaire de la proclamation de l’«État du grand Liban», la France apparaît au
Liban comme un phénomène d’hystérésis, un astre, brillant certes, mais un astre
mort, brillant uniquement dans l’imaginaire de ses anciens supplétifs … au
titre du fantasme.
«Quelque soit la durée de la nuit,
le soleil finira par se lever…Avec ou sans nous» – proverbe béninois.
1 – Emmanuel Macron à Gemayzeh, un retour du refoulé.
La France célèbre le 1er septembre
2020 le premier centenaire de la proclamation du «Grand Liban», dans une
démarche incantatoire, passéiste, nostalgique d’une grandeur flétrie d’un pays
jadis à la tête d’un des deux grands empires mondiaux, relégué désormais au
rang de 7eme puissance économique mondiale. Et, sur le plan local, réduit à sa
portion congrue au Liban du fait des ravages du confessionnalisme qui a
gangrené la vie politique libanaise, de même que de sa politique erratique en
direction du Monde arabe.
La visite de solidarité d’Emmanuel
Macron à Beyrouth, le 6 août 2020, au lendemain de l’explosion dévastatrice de
la capitale libanaise ne saurait gommer de la mémoire du peuple libanais le
comportement hideux de son ancienne «tendre mère» à son égard; à savoir la mise
sur pied du Tribunal Spécial sur le Liban, (Tribunal Hariri), tribut de Jacques
Chirac à son pensionnaire posthume le milliardaire saoudo-américain, ainsi que
l’hideuse manipulation de Manuel Valls, lequel, -courage fuyons- avant de
prendre la poudre d’escampette vers l’Espagne, avait refusé de signer l’ordre
d’expulsion de Georges Ibrahim Abdallah, bloquant la libération du militant
communiste libanais, laissant du même coup la France s’empêtrer dans un
imbroglio juridique inextricable.
2- Le verdict du tribunal Hariri, un magistral camouflet pour la France.
Au passage le verdict rendu le 18
Août 2020 par le tribunal Hariri assurant qu’il n’existait «pas d’indice d’une
implication de la Syrie et du Hezbollah» dans l’assassinat de l’ancien premier
ministre libanais constitue un magistral camouflet infligé à la France, dont l’ambassadeur
au Liban à l’époque des faits, Bernard Emié, actuel directeur de la DGSE, avait
forgé la fumeuse théorie de la «responsabilité implicite de la Syrie» dans cet
attentat.
Une théorie qui s’est révélée comme
étant la plus grande imposture des annales de la justice pénale internationale
en ce que son auteur a outrepassé ses fonctions diplomatiques, sans le moindre
mandat juridictionnel international, pour la théoriser par supputation, en
l’absence de moindre indice irréfragable.
Le forcing diplomatique du
pro-consul français au Liban, Bernard Emié, en vue de la mise en place d’un
Tribunal Spécial sur le Liban s’est faite hors approbation du Président de la
République et du Parlement libanais, dont le fonctionnement est assuré à titre
paritaire avec le Liban, en vertu d’une imposture juridique- la théorie de la
«responsabilité induite de la Syrie et du Hezbollah»- en vue de criminaliser la
Syrie et le Hezbollah, dans une démarche qui s’est apparentée à une sorte de la
«reconnaissance du ventre» du président français à son pensionnaire posthume,
son ami le milliardaire assassiné, chef du clan saoudo-américain au
Moyen-Orient.
Une plaisanterie de très mauvais
goût de la part d’un pays qui se prétend «grand ami du Liban» dont la
bousouflure intellectuelle a néanmoins empoisonne la vie politique libanaise
pendant deux décennies. Drôle d’ami.
·
Pour aller plus loin sur ce thème cf
: https://www.madaniya.info/2017/08/28/liban-banc-dessai-dune-diplomatie-francaise-plein-desarroi/
La déambulation de M. Macron à
Gemayzeh, dans le secteur chrétien de Beyrouth, dont l’artère principale porte
le nom anachronique du Général Gouraud, marque incontestablement un «retour du
refoulé» dans le subconscient français en ce qu’elle visait à exalter la
splendeur nostalgique des temps du mandat français au sein d’une population
plongée dans les affres d’un désespoir sans fin.
Une démarche d’une démagogie
consommée pour un président qui a ordonné la répression de ses propres «gilets
jaunes» à coup d’une arme sublétale, le LBD (Lanceur de balles de défense»
(LBD), incompatible avec la connivence manifestée par le président français
avec les révoltés libanais.
·
Pour aller plus loin sur ce thème,
cf : https://www.middleeastmonitor.com/20200816-hands-off-lebanon-macrons-self-serving-new-pact-must-be-shunned/
Dernier et non le moindre des
arguments: Au delà des considérations humanitaires, la précipitation d’Emmanuel
Macron au Liban a répondu de manière sous-jacente au souci de la France de
marquer son territoire dans son ancienne chasse gardée face à la Turquie, sur
fond d’une épreuve de force entre Ankara et Paris en Méditerranée pour la
prospection des richesses énergétiques offshore, alors que la France a déjà
perdu la Syrie et que la gangrène néo ottomane gagne le nord Liban sunnite et
que le président Erdogan vise à établir une ligne démarcation de sa zone
d’influence allant de Tripoli (Libye) à Tripoli Liban).
Dans cette perspective, l’amputation
du district d’Alexandrette de la Syrie et sa cession à la Turquie, -l’ennemi de
la France lors de la 1 ère guerre mondiale et le massacreur des Arméniens-,
prend rétrospectivement une saveur particulière. Le face à face franco turc
contemporain prend une saveur d’autant plus piquante lorsque l’on songe que
Paris et Ankara ont été les principaux partenaires de la destruction de la
Syrie au début de la séquence dite du «printemps arabe», en 2011. Ce parcours
chaotique, cahoteux, n’a suscité la moindre interpellation de la représentation
nationale, ni le moindre justificatif gouvernemental…une parfaite illustration
du fonctionnement de la démocratie à la française. …. et de la rationalité
cartésienne.
Dans ce contexte, nourrir l’idée
d’une possible restauration des Maronites dans la plénitude de leur pouvoir,
qu’ils ont perdu de leurs faits et de leurs méfaits dans la foulée de la fin de
la 2eme guerre inter libanaise (1975-1990), relève d’une chimère mortifère.
Fossoyeur du camp chrétien par son
alliance souterraine avec Israël, le leadership milicien maronite est tout au
plus confiné désormais à un rôle de nuisance nauséabonde, nonobstant ses
connections internationales et la capacité de mobilisation de sa diaspora
notamment en France, aux Etats-Unis et en Amérique latine.
Pour aller plus loin sur ce thème :
·
L’équipée suicidaire des milices
chrétiennes libanaises : https://www.renenaba.com/chretiens-dorient-le-singulier-destin-des-chretiens-arabes-2/
·
Explosion du port de Beyrouth:
Bachir Gémayel l’a pillé, le nitrate l’a achevé : https://www.madaniya.info/2020/08/12/liban-explosion-du-port-de-beyrouth-bachir-gemayel-la-pille-le-nitrate-la-acheve/
3- Les objectifs sous-jacents de «l’État du Grand Liban»
La proclamation de l’État du Grand
Liban le 1er septembre 1920 par le Général Henry Joseph Eugène Gouraud,
représentant de la puissance mandataire française sur la Syrie, –trois ans
après la promesse Balfour (2 novembre 1917) conférant un «Foyer National Juif»
en Palestine– répondait au souci des puissances coloniales européennes de
briser le continuum stratégique du Monde arabe afin d’éviter la constitution
d’un «seuil critique» sur le flanc méridional de l’Europe, qui fera obstacle à
l’expansion européenne vers l’Asie.
Le «Foyer National Juif» a été octroyé
en Palestine. L’«État du Grand Liban» a été aménagé par son détachement de la
Syrie, dont le général Gouraud en avait la charge.
Sous prétexte de coexistence inter
confessionnelle, la France visait, dans le prolongement du «Foyer National
Juif» en Palestine, à constituer un «foyer chrétien au Liban», sous le
leadership maronite, avec la caution des sunnites.
4 – Un projet désormais obsolète et anachronique.
Un tour de prestidigitation qui se
révélera machiavélique avec l’institutionnalisation du confessionnalisme
politique, –c’est à dire la répartition des plus hautes charges de l’état selon
l’appartenance religieuse et non selon le mérite ou la compétence– à l’origine
de la nécrose des circuits décisionnaires du pays et de deux guerres civiles,
qui ont fait près de 300.000 morts.
Machiavélique mais obsolète et
anachronique face au grand bouleversement stratégique opéré dans la zone, un
demi siècle plus tard, avec la montée en puissance de l’Iran, dans la décennie
1980, en tant que fer de lance du combat contre l’hégémonie israélo-américaine
au Moyen orient.
Par extension, l’affirmation de la
communauté chiite libanaise unifiée sous le tandem Hezbollah-Amal, jadis la
plus méprisée du Liban, de même que ses exploits militaires face à Israël, face
à des partenaires libanais disparates et déconsidérés, -une communauté maronite
exsangue de ses guerres fratricides; une communauté sunnite dont le leadership
est littéralement inféodé à l’Arabie saoudite, l’incubateur absolu du
terrorisme islamique; enfin, une communauté druze tributaire d’un saltimbanque
hybride, Walid Joumblatt, féodal mais paradoxalement, progressiste, socialiste
mais allié du grand capital pétromonarchique-, va frapper de caducité
l’équation française.
Dans l’ordre symbolique, Beyrouth
Sud, la banlieue chiite de la capitale libanaise, se substituera ainsi
inexorablement à Beyrouth Ouest comme fief de la résistance à Israël, une
fonction exercée auparavant par le secteur sunnite de la capitale, lors de
l’invasion israélienne du Liban, en 1982.
Au XXI e, la France est non
seulement la 7eme puissance économique, mais pire, elle est reléguée derrière
le Japon et l’Allemagne, les deux grands vaincus de la II me Guerre Mondiale
(1939-1945), mais aussi derrière la Chine et l’Inde, deux pays sous colonisation
occidentale à l’époque de la proclamation du Grand Liban.
Pis, au niveau linguistique, le
français, socle de son rayonnement culturel, est surclassé par la langue arabe
au niveau du nombre des locuteurs dans par le monde (450 millions arabophones) contre
250 millions de francophones, de surcroît majoritairement présents au Maghreb
et en Afrique occidentale, la population bariolée objet d’une stigmatisation
électoraliste dans le débat public français.
5- Des turpitudes de la France envers le Monde arabe
Au delà des statistiques, la France
paie au Liban la politique la plus résolument hostile au Monde arabe parmi les
pays occidentaux; un siècle de forfaitures et de turpitudes, dont les faits les
plus saillants auront été l’amputation du district d’Alexandrette de la Syrie
et son rattachement à la Turquie; la carbonisation des Algériens de Sétif, le 8
mais 1945, le jour da la victoire alliée dans la 2me guerre mondiale; la
fourniture de la technologie militaire au centre atomique de Dimona (Israël);
la guerre de répression de l’indépendance de l’Algérie (1954-1960); l’agression
tripartite de Suez, en 1956, contre Gamal Abdel Nasser; l’accompagnement des
pulsions bellicistes de Saddam Hussein dans sa guerre contre l’Iran
(1979-1989), au point que la France s’est hissée au rang de cobelligérante; la
destruction de la Libye (2011) et de la Syrie (2011-2020);
Enfin, l’affairisme des présidents
post gaullistes Jacques Chirac avec le premier ministre libanais Rafic Hariri
et de Nicolas Sarkozy avec l’Émir du Qatar, Hamad Ben Khalifa Al Thani.
La liste non limitative est énumérée
ci- joint.
- Cession
du district syrien d’Alexandrette à la Turquie dans la foulée du génocide
arménien, alors que la Turquie était l’alliée de l’Allemagne contre la France
durant cette guerre. Une prime à l’agresseur en somme.
- Amputation
du «Grand Liban» de la Syrie, en contradiction des instructions d’Artisde
Briand, ministre français des Affaires étrangères à son consul à Beyrouth, le
négociateur Georges Picot. https://www.madaniya.info/2016/05/16/sykes-picot-un-siecle-calamiteux-pour-la-france/
- 1945
– Carbonisation de plusieurs milliers de personnes de la population de Sétif et
Guelma (Algérie), le 8 Mai 1945, le jour même la victoire alliée lors de la II
me Guerre Mondiale, à laquelle les Arabes et les Musulmans ont largement
contribué en substitution de la capitulation honteuse de la France et de sa
collaboration avec le Nazisme.
- 1954-1960
: Guerre de répression de l’Indépendance de l’Algérie
- 1955
– Attribution de la technologie nucléaire à Israël (Dimona), en 1955, en
compensation du génocide juif en France. Un transfert qui a placé le Monde
arabe sous la dépendance du feu nucléaire israélien.
- 1956
– Agression tripartite de Suez en 1956, menée de concert avec Israël, et le
Royaume Uni, contre L’Égypte pour châtier le président Gamal Abdel Nasser
d’avoir nationalisé le Canal de Suez.
- 1979
– Co belligérance de l’Irak dans sa guerre contre l’Iran s’aliénant la force
montante chiite au profit des pétrodollars des pétromonarchies, les incubateurs
absolus du terrorisme islamique (Qatar- Arabie saoudite).
- 1990
-Partenariat affairiste entre le président français Jacques Chirac et le
premier ministre libanais Rafic Hariri durant la décennie 1990 sur ce lien, cf:
https://www.renenaba.com/la-france-et-le-liban-le-recit-dune-berezina-diplomatique/
- 2000
– Caillassage du premier ministre Lionel Jospin à Bir Zeit pour avoir qualifié
le Hezbollah de «terroriste».
- 2005
– Forcing diplomatique du pro-consul français au Liban Bernard Emié en vue de
la mise en place d’un Tribunal Spécial sur le Liban (tribunal Hariri),
- Ostracisation
de l’unique président chrétien du Monde arabe, le président Emile Lahoud, pour
avoir servi de soupape de surêté diplomatique au Hezbollah Libanais face à
Israël dans sa guerre de destruction du Liban, en juillet 2006.
- Partenariat
affairiste entre le premier président philo-sioniste déclaré de France, Nicolas
Sarkozy avec l’Émir du Qatar, Hamad Ben Khalifa Al Thani, faisant office en la
matière de «béquille financière de la France, la caution arabe du plus pro
israélien des dirigeants français dans les guerres de destruction de la Libye
et de Syrie. https://www.madaniya.info/2017/06/01/france-monde-arabe-1967-2017-un-demi-siecle-d-inflechissements-successifs/
- Exfiltration,
sous la présidence de Nicolas Sarkozy, du «faux témoin» Zouheir Siddiq du
procès Hariri, de France vers le Golfe, via un faux passeport d’Europe
centrale.
- Offres
de service à la Tunisie et au Bahreïn pour mettre à la disposition de ses deux
pays alliés de l’Otan, mais en butte à un soulèvement populaire, son expertise
technique dans le domaine de la répression des masses, la «gestion démocratique
des foules», selon le jargon français.
- 2011
– Guerre de destruction de la Libye puis de la Syrie
- 2014
– Financement de l’organisation terroriste Daech via le cimentier Holcim
Lafarge, doublé de l’éloge d’une autre organisation terroriste «Jabhat An Nosra
qui fait du bon boulot en Syrie»…Le signe d’une dépravation morale
absolue. Un acte d’une aberration d’autant plus dommageable que cette équipée
était dirigée contre un des rares pays du Monde arabe avec le Liban à continuer
à ériger des Églises et voué avec l’aide de la Russie à abriter la version
miniature de la Cathédrale Sainte Sophie à Istanbul, transformée en mosquée par
le nouveau calife ottoman.
- Soutien inconsidéré aux groupements
terroristes néo islamistes dans la guerre de destruction de la Syrie, un siècle
plus tard, qui aboutit à la destruction du Mémorial du génocide arménien à Deir
Ez Zor, (2011-2019), avec en corollaire, la tentative de provoquer un nouveau
démembrement de la Syrie par la constitution d’un état autonome kurde dans le
secteur de Raqqa
- Obstruction aux négociations sur le
nucléaire iranien, pour le compte d’Israël, alors que la France aura été un des
grands pollueurs atomiques de la planète avec le transfert de la technologie
nucléaire à Israël, à l’Afrique du sud du temps de l’Apartheid et au chah
d’Iran.
La liste des égarements français
n’est pas limitative.
Pis, la France mettra un siècle à
reconnaître le génocide turc des Arméniens non pas tant dans une démarche de
justice réparative, mais par dépit de la duplicité de la Turquie dans la guerre
de Syrie. Une décision tardive, incomplète et quelque peu opportuniste.
6 -La France supplantée par la Russie dans son rôle de protectrice des chrétiens d’Orient.
Avanie supplémentaire, la France est
désormais supplantée par la Russie dans son rôle de protection des minorités
chrétiennes d’Orient.
«C’est depuis Damas que Vladimir
Poutine a entamé sa reconquête du statut de superpuissance et d’interlocuteur
incontournable…C’est Damas qui détient la clé de maison Russie…. La grande
Syrie est partie intégrante du grand ensemble orthodoxe allant de l’Orient aux
Balkans et aux Russies.
«C’est cette perception historique
qui a amené la Russie actuelle à reprendre au pays du Cham (Bilad As Sham) le
flambeau -que les Français lui ont longtemps disputé- de la «protection des
chrétiens», assénera Michel Raimbaud, ancien ambassadeur de France, aux
hiérarques néo-conservateurs du Quai d’Orsay dans son ouvrage «Les guerres de
Syrie», dépité de la dégradation de son pays du rôle de «chef de file de la
coalition internationale de la guerre de Syrie» au rôle d’«affinitaire».
7- Georges Abdallah, une souillure morale indélébile
Preuve irréfutable de la
déliquescence morale de la classe politique libanaise et son asservissement à
l’oukaze occidental, le maintien en détention de Georges Ibrahim Abdallah et la
remise en liberté du tortionnaire de la prison de Khyam, Amer Fakhoury, ancien
supplétif libanais de l’armée israélienne au sud Liban, porteur de la double
nationalité israélienne et américaine.
Captive d’un double oukaze de la
part d’Israël et des Etats Unis, la «Patrie de la Déclaration des Droits de
l’Homme» s’est livrée à un déni de droit doublé d’un abus de droit dans la
gestion du cas de Georges Abdallah, mythique héros du combat palestinien
injustement jugé, injustement incarcéré, injustement maintenu en détention au
delà du délai de sa peine purgée. Une souillure morale indélébile.
Fait sans précédent dans les annales
diplomatiques franco-libanaises, la France s’est révélée malvenue au Liban à
l’occasion du soulèvement populaire qui a secoué ce pays plusieurs semaines à
partir d’Octobre 2019.
La France, qui entretient des
relations séculaires avec le Liban, dont elle fut la puissance mandataire au XX
me siècle, s’était proposée à ce titre d’offrir ses «bons offices» pour dégager
une sortie de crise à la faveur du soulèvement populaire d’octobre 2019.
Elle a, pour ce faire, dépêché à
Beyrouth, M. Christophe Franaud, Directeur du département Moyen Orient Afrique
du Nord au Quai d’Orsay, ancien ambassadeur au Lesotho.
Avec pour objectif sous-jacent de
renflouer son poulain Saad Hariri, en plein naufrage politique, qu’elle se
proposait de reconduire à la faveur d’une nouvelle configuration dans ses
fonctions de premier ministre, malgré sa propre faillite financière personnelle
et ses extravagances para matrimoniales.
Pour aller plus loin sur ce sujet
ci-joint un article de l’Hebdomadaire Le Point «Saad Hariri plus généreux avec
les mannequins qu’avec ses employés» https://www.lepoint.fr/monde/saad-hariri-genereux-avec-un-mannequin-pas-avec-ses-employes-02-11-2019-2344823_24.php#
A la grande surprise de nombreux
observateurs, l‘émissaire français a reçu un accueil digne du ressentiment
qu’éprouve une grande majorité des Libanais à l’égard de leur ancienne «tendre
mère».
A l’appel du « Mouvement de la
jeunesse pour le changement », des manifestants se sont rassemblés mardi
12 novembre 2019 devant le siège de l’ambassade de France à Beyrouth pour
protester contre « toute ingérence étrangère », et renvoyant la
France à ses forfaitures. Les manifestants ont réclamé la libération de Georges Abdallah, figure
mythique du combat national libanais, détenu en France alors qu’il a purgé sa
peine depuis dix ans: «Libérez Georges. Non à l’Ingérence étrangère. Retournez
dans votre pays», lui ont-ils lancé à la face.
A propos de Georges Abdallah, cf ce
lien:
Au delà de l’ignominieuse détention
arbitraire de Georges Abdallah, bon nombre de libanais reprochent à la France,
particulièrement depuis la mandature du post gaulliste Nicolas Sarkozy, sa
partialité dans sa politique en direction du Moyen Orient, notamment envers
Israël, l’abandon de la «grande politique arabe de la France» initiée par
Charles De Gaulle.
Et, sous l’impulsion du lobby
militaro pétrolier, son infléchissement vers une politique pro sunnite, puis
pro-wahhabite, débouchant, dans un premier temps sur la co belligérance de la
France avec l’Irak sunnite contre l’Iran chiite (1979-1989), puis sa très forte
alliance avec les pétromonarchies du Golfe, son soutien à la guerre d’agression
des roitelets du Golfe contre le Yémen, et à leur bellicisme tout azimut qui a
déstabilisé les pays arabes, tant en Libye, que la Syrie, et, par ricochet le
Liban.
·
Pour aller plus loin sur ce thème,
cf: https://www.madaniya.info/2017/06/01/france-monde-arabe-1967-2017-un-demi-siecle-d-inflechissements-successifs/
Cet alignement s’est accentué avec
le post socialiste François Hollande et l’ultra libéral Emmanuel Macron, qui
s’est traduit par l’adoption d’une loi controversée assimilant la critique du
sionisme à de l’antisémitisme.
Circonstance aggravante, le député
porteur de la proposition de loi s’est inspiré du discours d’Emmanuel Macron
devant le dîner annuel du CRIF, en 2019, en faveur d’un tel amalgame.
Une loi mal perçue au Liban, –un
pays qui a fait l’objet de deux invasions de la part d’Israël, soumis
régulièrement à ses coups de boutoirs–, qui, de surcroît s’emploie à prévenir
l’annexion de sa zone maritime contiguë recelant de riches gisements pétroliers
off-shore.
- La demande de désarmement des
milices chiites d’Irak (Hached al Chaabi- La Mobilisation Populaire) et du
Hezbollah (Liban), sans que cette requête ne s’adresse aux milices kurdes de
Syrie, les supplétifs de la France dans la guerre d’usure de Syrie, ni non plus
aux Peshmergas irakiens.
- Le rôle de sous-traitant des
Etats-Unis dans la traque des personnalités chiites qui conduit la France à
prendre en otage des Libanais pour le compte de la justice américaine.
Du fait de Vichy et de son passif
colonial, la France a perdu la sympathie d’une large fraction des peuples
arabes du fait de son philo sionisme compensatoire. Le raccourci est audacieux
mais n’en correspond pas moins à la triste réalité. «La Partie des Droits de
l’Homme et du code de l’indigénat» a cherché à compenser l’antisémitisme
récurrent de la société française par une arabophobie virulente lors des
guerres d’indépendance des pays arabes (Suez, Algérie), puis par une
islamophobie rance, brandissant l’épouvantail des «territoires perdus de la
République».
Pour expier son crime de
collaboration avec le régime nazi et l’extermination de ses propres concitoyens
de confession juive, la France a été conduite à donner régulièrement des gages
à Israël, -exception faite de la parenthèse gaullienne-, sans pour autant obtenir
absolution.
En témoignent Dimona, l’expédition
de Suez en tandem avec Israël contre l’Egypte, le Tribunal Hariri, la
destruction de la Syrie, la détention arbitraire de Georges Ibrahim Abdallah,
la tétanie du débat public en France du fait juif avec son corollaire
l’adoption d’une loi assimilant la critique du sionisme à de l’antisémitisme
ainsi que le rôle prééminent du CRIF comme arbitre suprême des élégances.
Pour aller plus loin sur ce thème
·
1 er volet https://www.madaniya.info/2019/03/01/le-lobby-pro-israelien-au-sein-de-lunion-europeenne-1-3/
8 – La responsabilité de la France dans l’endettement du Liban
Motif supplémentaire de
mécontentement des Libanais, le désir effréné de la France de repêcher coûte
que coûte Saad Hariri, leur nouveau «cheval de troie», en subordonnant l’octroi
de crédits internationaux à son maintien à la tête du gouvernement libanais,
quand bien même ce milliardaire en faillite est grandement responsable, en
tandem avec son alter ego sunnite Fouad Siniora, et de leur protégé maronite
Riad Salamé, l’inamobible gouverneur de la Banque du Liban, du gouffre
financier dans lequel est plongé le Liban du fait de leur gestion erratique. Autrement
dit, de cautionner une élite «accro à la corruption», fortement impliquée dans
les rouages de l’économie de l’ombre.
A l’instar de la France dont
l’endettement public a atteint 100,4% du produit intérieur brut (PIB), en
septembre 2019, –soit 2.415 milliards d’euros, en hausse de 39,6 milliards par
rapport au trimestre précédent–, la corruption liée à l’endettement a atteint
des proportions gigantesques, avec de graves conséquences pour l’État comme
pour la société.
La dette est la principale source d’enrichissement. Le Liban est devenu le troisième pays le plus endetté au
monde, avec une
dette publique estimée à 80 milliards de
dollars en 2018,
soit 151 % du PIB.
La dette publique apparaît ainsi
comme moyen de corrompre les administrations publiques, d’éviter les impôts sur
la richesse, d’épuiser les finances publiques et de confisquer la richesse des
autres nations est une pratique pluriséculaire.
La colonisation par le biais de
prêts était courante au XIX siècle: Des paiements de dette exorbitants
entraînaient une réduction de l’investissement public, des troubles sociaux, un
ralentissement du développement et une vulnérabilité accrue à l’ingérence
étrangère.
Au début du XXI e siècle, le
gouvernement s’est tourné vers les marchés internationaux et a commencé à
emprunter en dollars (euro-obligations) sous le patronage politique de Paris.
C’est la deuxième caractéristique dangereuse de la dette publique du Liban: une
bonne partie de celle-ci est libellée en monnaie étrangère. En cas de
dévaluation de la monnaie locale, le coût de la partie en dollars montera en
flèche.
Plus de 700.000 Libanais ont
emprunté plus de 20 milliards de dollars, dont plus de la moitié constituent
des prêts immobiliers à près de 130.000 familles incapables de trouver des
locations abordables. Cela a créé une classe moyenne débitrice, en plus d’un
État endetté. L’alliance entre le lobby bancaire et la banque centrale n’a pas
encore été rompue ni ses fondements idéologiques libéraux renversé.
Pour aller plus loin sur ce thème,
cf :
·
«Le peuple veut la chute des banques» Une analyse de Hicham Saffieddine,
Lecturer in the History of the Modern Middle East at King’s College London
: https://www.middleeasteye.net/fr/opinion-fr/manifestations-au-liban-le-peuple-veut-la-chute-des-banques
·
Sur la gestion de Saad Hariri : https://www.renenaba.com/saad-hariri-un-heritier-problematique-un-dirigeant-off-shore/
·
Liban: La crise n’est pas une
fatalité : https://www.liberation.fr/debats/2019/12/10/liban-la-crise-n-est-pas-une-fatalite_1768400
9 – De la moralité publique de la France
Depuis la fin de la deuxième guerre
Mondiale et la condamnation du Maréchal Philippe Pétain pour collaboration avec
l’Allemagne nazie, la France compte un Président de la République condamné par
la justice pour des «emplois fictifs» et un second poursuivi par la justice
pour une série de procès….«avec les compliments du guide» de Libye.
Premier président français à être
condamné par la justice, le néo gaulliste Jacques Chirac a été cité dans une
dizaine d’affaires judiciaires qui ont marqué sa carrière. Mais l’ancien
président de la République n’a été condamné que pour l’une d’entre elles. La
plus emblématique peut-être: celle des emplois fictifs de la mairie de Paris.
Le post gaulliste, Nicolas Sarkozy
est, lui, sous la menace de plusieurs procès. Renvoyé devant le tribunal
correctionnel dans deux affaires: dans celle dite des écoutes téléphoniques» où
il est suspecté d’avoir tenté d’obtenir, via son avocat, des informations
secrètes auprès d’un magistrat à la Cour de cassation;
Et dans l’affaire Bygmalion, pour
financement illégal de sa campagne électorale présidentielle de 2012. Il est
enfin mis en examen et placé sous contrôle judiciaire dans l’enquête sur les
soupçons de financement libyen de sa campagne électorale de 2007.
Au delà des deux présidents, deux
premiers ministres ont fait l’objet de condamnation judiciaire: Le «somnolent
des forums internationaux», Laurent Fabius, pour l’affaire du sang contaminé,
et le «droit dans ses bottes» Alain Juppé, pour les emplois fictifs de la
Mairie de Paris. Deux artisans du naufrage français en Syrie qui siègent,
paradoxalement, au Conseil Constitutionnel.
Le casier judiciaire des sommités de
la République française tranche avec son affirmation abusivement revendiquée de
«Patrie des Droits de l’Homme». Ce décalage devrait l’inciter à mettre en
sourdine ses vociférations moralisantes à l’adresse de la planète.
Au classement 2019 de l’Indice du
développement humain publié par le PNUD, le Liban y figure au 93 rang mondial,
sur 189 pays pris en compte, avec un score pour 2018, de 0.730. Un rappel
s’impose cependant, en 2015, le Pays des Cèdres figurait au 76ème rang mondial
et au 67ème rang mondial en 2014.
Au niveau régional, le Liban est
certes devancé par les pays pétroliers, mais aussi par l’Iran, pays pourtant
sous embargo depuis 40 ans, qui se situe en 65eme position et par la Tunisie,
91eme position.
A l’indépendance du Liban, le nombre
des locuteurs francophones, représentait 70 pour cent de la population, contre
30 pour cent d’anglophones. De nos jours, la tendance est
radicalement inversée, indice indiscutable de la régression de l’influence
française dans ce pays, le Liban, qui fut jadis le point d’ancrage de la France
au Moyen Orient, avec la Syrie.
10 – L’Hommage au Général Gouraud, une incongruité.
De surcroït, la célébration d’un
événement dont l’auteur est le Général Henry Joseph Eugène Gouraud, –dont le
nom d’ailleurs honore encore une des rues du secteur chrétien de Beyrouth–,
constitue une marque supplémentaire d’incongruité.
Honorer le fossoyeur du mouvement
indépendantiste africain dans les colonies françaises au Soudan français,
actuel Mali, en Mauritanie et au Tchad, de même qu’en Syrie, -à la bataille de
Maysaloun, l’acte fondateur du nationalisme syrien, sous le commandement du
ministre syrien de la défense, le kurde Youssef Al Azmeh- constitue la marque
d’un dévoiement intellectuel. D’un naufrage moral.
Au vu de ce bilan, la France aura
été médiatiquement pro-arabe, mais stratégiquement pro-israélienne, et la
fameuse «politique arabe de la France» initiée par le Général Charles de Gaulle
avec son cortège de «contrats du siècle» dans le domaine de l’armement tant
avec la Libye qu’avec l’Irak n’aura duré que l’espace d’une douzaine d’années
(1967-1979).
En témoigne la succession de
présidents philo-sionistes du «sang mêlé» Nicolas Sarkozy au socialo-motoriste
François Hollande, au balnéaire du Touquet qui amalgame anti-sioniste et
antisémitisme.
Dans cette perspective, la
célébration du 1er centenaire de la proclamation de «l’État du Grand Liban»
apparaît comme le chant de cygne d’une puissance jadis radieuse dont le Liban
lui renvoie sur sa face hideuse, ses stigmates indélébiles.
En cette célébration du premier
centenaire de la proclamation de l’«État du grand Liban», la France apparaît au
Liban comme un phénomène d’hystérésis, un astre, brillant certes, mais un astre
mort, brillant uniquement dans l’imaginaire de ses anciens supplétifs … au
titre du fantasme.
René Naba
31 août 2020
Source : madanya.info
Les imgaes ont été rajoutées par H. Genséric
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