Il y a une
dizaine de jours, les manchettes de notre bonne presse se réjouissaient
ouvertement de la possible mort du Nord Stream II suite à la mascarade
Navalny, prouvant presque par défaut que les deux affaires étaient liées.
Aucune surprise pour les lecteurs de nos Chroniques :
A l'Ouest de l'échiquier eurasien, la farce Navalny
est une énième tentative foireuse, et tellement prévisible, de découpler le
Rimland européen et le Heartland russe :
En cet auguste mois, la journaloperie a trouvé son
feuilleton de l'été. Une vraie saga, avec empoisonnement raté et opposant ciblé
par le terrible Poutine, mais qui peut quand même tranquillement partir à
l'étranger se faire soigner, et dont la guérison miraculeuse rendrait jaloux le
sanctuaire de Lourdes. Le scénario est quelque peu bancal mais nos plumitifs
ne sont plus à ça près...
Derrière cette mascarade, évidemment, la pression
impériale pour renouveler/durcir les sanctions
euronouilliques à l'égard de Moscou, notamment à un moment charnière pour le
Nord Stream II. Frau Milka a bien vu la manœuvre et veut absolument découpler les deux
événements : le gazoduc n'a rien à voir avec le blogueur, meine Herren, qu'on
se le dise.
Depuis, dame Angela a reçu les pressions adéquates et,
en bonne euronouille feudataire, semble avoir à moitié retourné sa gabardine. Sur le cas Navalny, mais
pas seulement, nous y reviendrons dans le prochain billet...
Sans surprise, le Nord Stream II est à nouveau sous le
feu des critiques de tout ce
que l'Allemagne et l'UE comptent de pions impériaux. C'était évidemment le but de la manœuvre alors
que, comme nous l'expliquions en
juillet, l'achèvement du pipeline de la discorde se jouera dans les arrêts de
jeu.
Cependant, les
fidèles piliers de l'empire ont dû mettre un peu d'eau (baltique ?) dans leur
coca cola. Si la Première Ministre danoise a tombé le masque, avouant qu'elle avait
toujours milité contre le tube, le fait que Berlin n'ait pas réagi au quart de
tour pour annuler le gazoduc a, semble-t-il, pris de court les impatients
affidés de Washington.
Même CNN, dans un article remarquable
d'objectivité (une fois n'est pas coutume), s'est cru obligé de reconnaître que
l'abandon du projet n'était pas aussi simple. En cause, cette satanée et agaçante réalité économique, sur
laquelle se fracassent souvent les mirages impériaux faits de sable et de vent.
La
mise en place du Nord Stream II fera baisser le prix du gaz de
25% en Europe. De plus, les compagnies énergétiques européennes ont
déjà investi cinq milliards d'euros dans le projet et n'ont pas l'intention de
les passer par pertes et profits, pouvant d'ailleurs réclamer des dommages et
intérêts aux États responsables de l'annulation.
C'est ce qu'a dit en substance Klaus
Ernst, président de la Commission de l’économie et de l’énergie du Bundestag et
membre du parti Die Linke. Chose intéressante, les divisions de la scène
politique allemande sur le pipeline se font jour au sein même des partis et un petit point sur la
situation n'est peut-être pas inutile.
Les élections
fédérales de 2017 ont donné la législature suivante, le gouvernement de
coalition mis en place par Merkel comprenant la CDU/CSU et le SPD :
La CDU est
divisée, certains appellent à l'arrêt des travaux, d'autres à leur
continuation. D'après ce qu'on en sait, la CSU souhaite la poursuite du projet.
Quant au SPD, ses ténors ont toujours été et restent favorables au Nord
Stream II (n'oublions pas que l'ancien leader du parti, Schröder, est le
patron du consortium). Voilà pour la coalition gouvernementale.
Le reste du
Bundestag a également son mot à dire. Là aussi, la division règne et l'on
retrouve d'ailleurs, mise à la sauce allemande, notre fameuse opposition entre
Li-Li et Bo-Bo :
J'ai plusieurs fois abordé dans les commentaires la
véritable division de la politique française et, partant, européenne, depuis un
demi-siècle et qui transcende la fausse opposition droite-gauche : BO-BO vs
LI-LI. D'un côté, la droite bonapartiste et la
gauche "bolchévik", qui prend sa naissance dans
l'alliance de facto entre De Gaulle et le PCF et court jusqu'à l'actuel duo Le
Pen-Mélenchon. Ce courant indéniablement patriote a depuis plus de cinquante
ans une certaine idée de l'indépendance nationale et de l'équilibre
international, étant très critique vis-à-vis du système impérial américain et
de ses alliances pétromonarchiques, préconisant un rapprochement avec la
Russie, plus récemment avec l'Iran, Assad etc. Dans les années 60, le grand
Charles et les communistes ont fait partir l'OTAN ; en 1991, Georges Marchais
et Le Pen père s'opposaient à la guerre du Golfe, rebelote en 1999 et la guerre
du Kossovo, jusqu'au copié-collé actuel des positions du FN et du FG sur toutes
les questions internationales. Ce qui est vrai en France l'est également en
Europe : sur la Syrie, l'Ukraine, la Russie ou le Moyen-Orient, UKIP, Podemos,
Syriza, La Ligue du nord, Wildeers disent exactement la même chose. Jamais à
court de mépris, la mafia médiatique parle d'alliance, populiste forcément,
"rouge-brune".
Car les médias appartiennent tous à l'autre bord, le
système LI-LI (droite libérale et gauche libertaire)
qui a pris le pouvoir au tournant des années 70 (Giscard + soixante-huitards)
et ne l'a plus lâché depuis (UMPS). Ce courant est marqué par un tropisme pro-américain évident.
Est-ce un hasard si les maoïstes de Mai 68,
peut-être d'ailleurs l'une des premières révolutions de couleur de l'histoire
de la CIA, sont aujourd'hui les plus fervents supporters des guerres
néo-conservatrices (BHL, Cohn-Bendit, Glucksman, Barroso) ? Les LI-LI vouent une admiration béate pour l'UE, l'OTAN
et la pax americana, une haine féroce envers Poutine et le monde multipolaire
etc. Au fil des décennies, ce système est devenu un tout à peu près
cohérent, unifié. Union
européenne = médias = OTAN = UMPS = alliance saoudienne = TAFTA = soutien au
Maidan ou aux islamistes djihadistes syriens...
Retour au
Bundestag. Sans surprise, les Verts et les libéraux du FDP
s'opposent au Nord Stream II. Fidèles à leur hypocrisie désormais légendaire, les
"écologistes" préfèrent sans doute le transport
extrêmement polluant du gaz naturel liquéfié US ou qatari par méthaniers...
A l'inverse,
Die Linke (partiellement) et l'AfD (totalement),
américano-sceptiques dans l'âme, sont favorables à la poursuite du projet, ce
qui ne manquera pas d'entraîner les habituels commentaires du camp du Bien sur
ces horribles "populistes d'extrême-drouaaate" mangeant dans la main
de l'abominable Poutine des neiges.
On le voit,
jusqu'à présent, la farce Navalny n'a eu pour effet que d'exacerber des
divisions déjà existantes sans réussir (encore ?) à faire dérailler le gazoduc
de la discorde. Le feuilleton de l'été continue...
Source : Chroniques du Grand Jeu
L’Allemagne devrait rester avec Nord Stream 2 malgré
l’empoisonnement de Navalny
L’Allemagne
subit une pression croissante pour retirer son projet controversé de gazoduc
géant avec la Russie, à la suite de l’empoisonnement présumé du politicien
d’opposition russe Alexei Navalny.
Les
experts disent que Berlin est peu susceptible de le faire pour le moment,
cependant, étant donné que le projet Nord Stream 2 est achevé à plus de 94%
après près d’une décennie de construction, implique de grandes entreprises allemandes
et européennes et est nécessaire pour les besoins énergétiques actuels et
futurs de la région.
Dans ce
cas, les intérêts économiques et commerciaux pourraient l’emporter sur la
pression politique pour punir la Russie.
« Je
ne vois pas encore l’Allemagne se retirer du projet », a déclaré jeudi à
CNBC, Carsten Brzeski, économiste en chef pour la zone euro et responsable
mondial de la macro chez ING.
« Mais
le débat interne de ces derniers jours a montré clairement que la patience est
à court. Beaucoup y sont toujours favorables. Mais ils auront besoin que Moscou
démontre clairement qu’une coopération pragmatique est possible et peut
effectivement porter ses fruits – par exemple en matière de gestion la
situation en Biélorussie », a-t-il dit.
Le ministre
allemand des Affaires étrangères, Heiko Maas, a laissé entendre dimanche
dernier que la Russie devait jouer son rôle lors de l’enquête sur l’attaque
contre Navalny.
Critique
féroce du président russe Vladimir Poutine, Navalny est resté gravement malade
après un empoisonnement présumé avec un agent neurotoxique Novichok.
« J’espère
que les Russes ne nous forceront pas à changer de position concernant le
gazoduc Nord Stream 2 », a déclaré le ministre allemand des Affaires
étrangères Heiko Maas au journal Bild am Sonntag.
Jusqu’à
présent, l’Allemagne a hésité à lier le sort de son implication dans Nord
Stream 2 à l’incident de Navalny, et Maas a admis que l’arrêt de la
construction du gazoduc nuirait non seulement à la Russie, mais aux entreprises
allemandes et européennes.
« Quiconque
demande l’arrêt du projet doit être conscient des conséquences. Nord Stream 2
implique plus de 100 entreprises de douze pays européens, dont environ la
moitié d’Allemagne », a-t-il déclaré.
Jane
Rangel, analyste gazière chez Energy Aspects, a déclaré mercredi à CNBC qu’elle
et ses collègues « surveillaient la situation parce qu’elle
évoluait » et a noté que l’empoisonnement Navalny « met l’Allemagne
dans une position difficile ».
« C’est
un autre défi pour le projet d’être terminé et cela augmente certainement le
risque que l’Allemagne puisse prendre des mesures, l’une des solutions les plus
évidentes pourrait être que l’Allemagne refuse d’accorder l’approbation
réglementaire » pour le gazoduc, a-t-elle ajouté.
La chancelière
allemande Angela Merkel pourrait choisir de dire à Bundesnetzagentur,
l’organisme officiel responsable de l’autorisation du pipeline, de ne pas
approuver le projet, a déclaré Rangel.
« À
ce stade, nous supposerions que Gazprom le traduirait en justice s’il
n’obtenait pas l’approbation réglementaire. Ensuite, le tribunal pourrait
éventuellement l’annuler et cela signifie que le gouvernement allemand marque
son point politique, mais le projet est finalement approuvé. »
Politique vs commerce
De son côté,
la Russie, qui nie toute implication dans l’incident de Navalny, a minimisé
tout impact sur le projet Nord Stream 2. Le porte-parole du Kremlin, Dmitri
Peskov, a déclaré mardi que la Russie ne voyait pas de risque en Allemagne de
suspendre le pipeline.
« Il
n’y a aucune base pour examiner cette question au niveau politique »,
a-t-il déclaré, selon Bloomberg. « C’est plus un projet commercial
international. Pourquoi parler de mesures avec un signe moins concernant le
projet international dans lequel des entreprises allemandes sont également
impliquées? Cela ne semble pas raisonnable. »
En un
mot, Nord Stream 2 est une collaboration entre la société gazière publique
russe Gazprom et cinq grandes sociétés énergétiques européennes, dont E.ON,
Shell et ENGIE, bien que Gazprom soit le plus grand actionnaire.
Le
gazoduc, qui coûterait environ 9,5 milliards d’euros (11,3 milliards de
dollars) à construire, doublera la quantité de gaz naturel pouvant être
transportée vers l’Allemagne sous la mer Baltique (à environ 110 milliards de
mètres cubes par an) et fonctionnera parallèlement à un pipeline existant, Nord
Stream 1, qui a été achevé en 2011.
La
Russie était le plus grand fournisseur de gaz naturel de l’UE, à la fois en
2018 et en 2019, selon la Commission européenne.
L’un des
principaux objectifs de la Russie avec le nouveau gazoduc est de lui permettre
de contourner l’Ukraine, un pays avec lequel la Russie a tendu ses relations
géopolitiques et commerciales, car il transporte du gaz vers l’Europe. L’Ukraine,
comme les États-Unis, s’oppose avec véhémence à Nord Stream 2, car le pays
prétend qu’il renforce l’influence énergétique de la Russie en Europe et sape
la sécurité énergétique de la région, ce que la Russie et l’Allemagne nient.
Néanmoins,
l’opposition au projet a affecté ses progrès, notamment avec les sanctions
américaines annoncées en décembre dernier contre les navires posant des
conduites sous-marines pour le projet. Cela a incité un groupe de services
offshore suisse-néerlandais, Allseas, à suspendre sa participation au projet.
Les
législateurs américains envisagent de nouvelles sanctions sur le projet bien
que, avec 2300 kilomètres sur 2460 de l’ensemble des pipelines (Nord Stream 1
et 2) ayant déjà été posés, il n’y a pas beaucoup de temps pour que ceux-ci
aient un impact significatif s’ils sont approuvés.
Un
porte-parole de Nord Stream 2 a déclaré à CNBC qu’en tant que développeur d’un
investissement commercial, il ne pouvait pas commenter les débats politiques.
« Notre
projet est basé sur les investissements de six grandes sociétés énergétiques,
dont cinq dans les pays de l’UE. La mise en œuvre du projet est basée sur les
permis de construire des autorités de quatre pays de l’UE et de la Russie
conformément aux exigences légales de la législation nationale, du droit de
l’UE et des conventions internationales », a déclaré le porte-parole Jens
Mueller.
« Nord
Stream 2 et les entreprises qui soutiennent notre projet restent convaincus que
la mise en service la plus rapide possible du gazoduc est dans l’intérêt de la
sécurité énergétique de l’Europe, des objectifs climatiques, de la
compétitivité et de la prospérité des entreprises et des ménages
européens. »
Source : News24
Priorité
à l’exportation de ressources énergétiques américaines
Depuis
longtemps le gouvernement allemand voit dans la pression américaine contre Nord
Stream 2 un but avant tout commercial : imposer au marché européen un gaz
naturel liquéfié aux Etats-Unis et transporté par méthaniers à travers
l’Atlantique en remplacement du gaz russe.
Heiko Mass s’en était déjà offusqué, lors d’une visite à Moscou en juin 2017,
déclarant selon le quotidien allemand Handelsblatt : «Nous estimons
qu’il est inacceptable qu’une loi [américaine] puisse demander aux
Européens de renoncer au gaz russe pour nous vendre du [gaz] américain à la
place, à un prix bien plus élevé». Le chef de la diplomatie
allemande évoquait les nouvelles sanctions contre la Russie adoptées par le
Sénat américain à la mi-juin, et notamment un amendement précisant : «Le
gouvernement des Etats-Unis devrait donner la priorité à l’exportation de
ressources énergétiques [américaines] afin de créer des emplois américains,
aider les alliés et les partenaires des Etats-Unis et renforcer la politique
étrangère [américaine].»
Le 18 mai 2018,
lors d’une interview à la chaîne de télévision allemande ARD, le ministre
allemand de l’Economie, Peter Altmaier, livrait à son tour son analyse :
«Ils
ont une importante infrastructure de terminal de gaz naturel liquéfié dont ils
veulent tirer profit […] mais leur GNL [gaz naturel liquéfié] sera nettement
plus cher que celui du gazoduc …»
«Nord
Stream 2 contribuera à renforcer la sécurité énergétique de l’Europe
occidentale»
L’indépendance
énergétique de l’Europe est-elle menacée par la Russie comme le martèlent
les responsables américains ? Nord Stream 2 ou pas, elle importe de toute façon
plus de la moitié (55%) de son énergie et cette proportion devrait augmenter
dans les prochaines années. En effet, les réserves européennes, comme celles du
gaz de la mer du Nord, sont en train de s’épuiser. Or, la Russie effectivement,
occupait en 2018, la première place des fournisseurs de pétrole et de gaz de
l’Europe avec respectivement 29,8% et 40,1% de part de marché. Loin devant
l’Irak (8,7%) et l’Arabie saoudite (7,4%) pour l’or noir, ainsi que la Norvège
(18,5%), l’Algérie (11,3%) et le Qatar (4,5%) pour l’or bleu.
Pourtant, à
rebours des déclarations américaines ou est-européennes, certaines voix en
Europe estiment que «Nord Stream 2 contribuera à renforcer la sécurité
énergétique de l’Europe occidentale», comme le disait en juillet 2016 à RT
France Gérard Mestrallet, pdg de Engie de 2008 à mai 2016, et président
de son conseil d’administration jusqu’en mai 2018.
«Depuis
quelque temps, expliquait-il, la production du gaz est en déclin en
Europe et notamment en Mer du Nord, au Royaume-Uni comme aux Pays-Bas.
Nous serons donc obligés d’accroître les importations. Il faudra couvrir le
déficit à l’aide d’exportations en provenance de Russie, ce qui exige une
infrastructure appropriée. C’est pour cela que nous soutenons le Nord Stream 2
et sommes prêts à investir dans ce projet.»
Le gaz russe
qui passe par des pipelines offre en outre l’avantage de la stabilité de prix
et de fourniture, grâce à des contrats pluriannuels que ne
peuvent efficacement concurrencer des livraisons de gaz liquéfié avec,
pour leur transport par
voie maritime, une empreinte carbone très défavorable par rapport à des
tuyaux sous-pression.
VOIR AUSSI :
Hannibal GENSÉRIC
C'est une blague : l'empire abolira l'oléoduc comme il a aboli l'économie avec le virus.
RépondreSupprimerSi les Européens sont si ignares que ca alors tans pis .
RépondreSupprimerBonnal, 🌿Serge de beketch🦀 s'est si vite fâché 🍰avec toi..!...!
RépondreSupprimerOui ... Navalny a été personnellement empoisonné par V Poutine? Vladimir a mis le gaz neurotoxique russe le plus meurtrier Novichok dans la tasse de thé de Navalny!
RépondreSupprimerCroyez-moi ? Je suis un analyste des médias occidentaux tres "respecté".
Est-ce que je te mentirais ?