samedi 27 juillet 2019

Comment les médias occidentaux soutiennent le terrorisme d’Etat qui fait des millions de victimes


Quatre universitaires examinent la couverture médiatique des affaires étrangères dans un article censuré (puis refusé) par une grande publication libérale.

Quand Noam Chomsky observa pour la première fois que les Etats-Unis avaient attaqué le Sud Vietnam, il ne faisait que souligner un exemple particulièrement significatif du conformisme médiatique de l’époque, à savoir que l’Occident combattait les communistes au Nord pour défendre Saigon. Cependant, le jeune professeur avait spectaculairement raison. À la fin de la guerre, les deux tiers des bombes américaines - deux fois plus que le total largué pendant la Seconde Guerre mondiale - étaient tombées sur le Sud.
L’historien militaire Bernard Fall - qui croyait en la présence US sur place – déclara à l’époque que ’le Vietnam en tant qu’entité culturelle et historique... est menacé d’extinction...[car] la campagne meurt littéralement sous les coups de la plus grande machine militaire jamais déployée sur une région de cette taille’. Pourtant, comme Chomsky l’a fait valoir, les médias grand public considéraient les actions des Etats-Unis au Vietnam soit « comme une ’noble cause’ qui aurait pu être gagnée avec plus de dévouement », soit « comme ’une erreur’ qui s’est avérée trop coûteuse ».
Tel un maelström, la guerre a tout engouffré : Le Vietnam, le Cambodge, le Laos, et même Bernard Fall lui-même, tué par une mine.
Timor limitée
De même, lorsque l’Indonésie envahit le Timor oriental en 1975, Chomsky et son co-auteur, Edward S. Herman, furent bien seuls lorsqu’ils observèrent qu’une attaque avait même eu lieu. Les bombardements aériens, les exécutions massives et la famine forcée firent 200.000 morts, mais l’occupation ne fut pratiquement pas couverte par les médias US.
Nous avons constaté que les reportages sur le Timor oriental dans des journaux canadiens comme le Globe and Mail diminuèrent après l’invasion et ont pratiquement disparu lorsque les atrocités ont atteint leur sommet en 1978. Deux décennies plus tard, le documentaire Bitter Paradise http://www.elainebriere.ca/bitterparadise.html : The Sell-Out of East Timor (1996) d’Elaine Brière raconta l’histoire, mais fut à son tour acheté - puis enterré - par un important média canadien.
L’autre exception fut Death of a Nation : The Timor Conspiracy (1994) de John Pilger, diffusé en Grande-Bretagne par la chaîne ITV. Pilger, le réalisateur David Munro et le journaliste Christopher Wenner entrèrent au Timor en se faisant passer pour des représentants d’une agence de voyage et le film révéla la complicité occidentale dans ce que la plupart des analystes considèrent comme un génocide.
Pilger cita l’ancien officier de la CIA, C Philip Liechty, qui était en poste à Jakarta, disant que le président indonésien Suharto « a reçu le feu vert [des États-Unis] pour faire ce qu’il a fait. Nous leur avons fourni tout ce dont ils avaient besoin [des] fusils M16 [au] soutien logistique militaire américain... Quand les atrocités ont commencé à apparaître dans les rapports de la CIA, la réaction fut de les dissimuler le plus longtemps possible. »
Exemples jumelés
En tant que spécialistes des médias engagés de manière critique dans les travaux de Herman et Chomsky sur la propagande, nous nous intéressons particulièrement aux points de vue ignorés dans les médias dominants, en particulier par les médias les plus progressistes.
Au cours des 10 dernières années, dans une série d’études révisées par des pairs sur les représentations médiatiques occidentales dans de nombreux pays, nous avons observé que les ennemis de l’Occident sont toujours représentés très différemment de ses alliés, comme les dictatures de l’époque de la guerre froide au Sud Vietnam et en Indonésie.
Les crimes commis par les régimes ’anti-occidentaux’ dans des pays comme la Serbie/Yougoslavie, l’Afghanistan, l’Iran et la Syrie suscitent régulièrement des campagnes médiatiques pour une intervention extérieure. Si une telle indignation morale peut se justifier, les Etats-Unis et le Royaume-Uni - aux côtés d’alliés tels qu’Israël, l’Egypte et la Colombie - commettent des atrocités qui sont à peine mentionnées ou accompagnées d’une interprétation positive.
Certains coups d’état sont cools
Par exemple, notre travail montre comment le Venezuela a été diabolisé dans les médias en tant que ’dictature socialiste’ depuis l’élection présidentielle de 1998 du très populaire Hugo Chavez.
Par exemple, après un coup d’État au Venezuela en 2002, le New York Times approuva une dictature de courte durée soutenue par les États-Unis comme une ’manifestation rafraîchissante de la démocratie’. Et la presse grand public - sans oublier certains jeux vidéo à vous glacer le sang - continua de préconiser un nouveau coup d’État contre le successeur de Chavez, Nicolás Maduro, élu président en 2013, que les médias justifient par sa prétendue mauvaise gestion économique.
Lorsque, le 30 avril 2019, l’homme politique de l’opposition et président autoproclamé Juan Guaidó appela l’armée vénézuélienne à renverser Maduro, les médias occidentaux se montrèrent réticents à qualifier cet appel de tentative de coup d’État.
Une étude réalisée par l’organisation de surveillance des médias américain, Fairness and Accuracy in Reporting (FAIR), a révélé qu’aucun commentateur important américain ne s’est opposé à la tentative de coup d’Etat d’avril 2019, la décrivant comme un ’soulèvement’, une ’protestation’ ou même un ’défi lancé par l’opposition et soutenu par des militaires’.
De nouvelles sanctions américano-britanniques ont été célébrées dans les médias grand public, alors même qu’elles exacerbent la crise. Les États-Unis ont bloqué l’importation d’insuline, des appareils de dialyse, et de médicaments contre le cancer et le Sida, y compris ceux que le Venezuela avait déjà payés.
Selon un rapport publié par d’éminents économistes du Center for Economic and Policy Research, basé à Washington, 40.000 Vénézuéliens sont morts entre août 2017 et décembre 2018 uniquement à la suite de ces sanctions. Le rapport établit en détail comment, en l’absence de sanctions, un État disposant de « telles réserves pétrolières aurait la capacité d’éviter ce type de crise économique ».
Dans le cadre d’une délégation de Vétérans Pour la Paix au Venezuela en mars 2019, Dan Shea, un ancien combattant américain de Portland, Oregon, nous a demandé pourquoi, « s’ils sont là pour des raisons humanitaires, les États-Unis imposent-ils des sanctions aux gens, pour les affamer, pour leur enlever leurs médicaments, pour leur interdire de vivre ? Il est contraire aux Conventions de Genève d’empêcher l’arrivée de fournitures médicales et de nourriture. Ils empêchent tout d’entrer, puis les États-Unis se pointent et accusent le gouvernement Maduro de tout ça. »
Les sanctions ont été formellement condamnées aux Nations unies, où un ancien secrétaire du Conseil des droits de l’homme de l’ONU les a décrit comme un siège médiéval et un ’crime contre l’humanité’. Aucune de ces informations n’a été publiée dans une publication nationale grand public aux États-Unis ou au Royaume-Uni, à l’exception d’un article dans le quotidien The Independent.
Guerre altruiste
Le Venezuela n’est pas l’exception mais la règle. En février 2011, lorsque le conflit éclata entre le gouvernement libyen et les groupes d’opposition, nos médias ont décrit les actions du gouvernement libyen comme des crimes aveugles, ordonnés par les plus hauts niveaux du gouvernement. Toutefois, il s’est avéré que les forces de sécurité libyennes n’avaient pas ciblé les manifestants sans discernement après tout, comme l’a confirmé plus tard la Chambre des communes du Royaume-Uni.
L’un des deux seuls articles publiés par le New York Times qui critiquaient l’intervention dirigée par la France de l’OTAN en Libye, cité dans une étude post universitaire exhaustive, déplora la ’folie’ des ’guerres altruistes sans fin’. Ces articles s’opposaient aussi à la guerre pour des raisons tactiques tout en ignorant les points de vue des universitaires qui critiquaient l’intervention pour des raisons beaucoup plus fondamentales.
Peu importait donc aux médias que l’intervention de l’OTAN, selon une étude parue dans la revue réputée International Security, multiplia au moins par sept le nombre de morts en Libye.
Meurtres au Moyen-Orient
En Égypte, après le renversement par l’armée, le 3 juillet 2013, du premier président démocratiquement élu du pays, Mohamed Morsi, des manifestants occupèrent la place Rab’a al-Adawiya au Caire pour demander son rétablissement.
Le 14 août, les forces de sécurité égyptiennes du général Abdel Fatah al-Sissi - un allié occidental précieux qui deviendra président en 2014 après un coup d’État - tuèrent 817 personnes en dispersant le sit-in de Rab’a al-Adawiya.
Human Rights Watch le qualifia d’’un des plus grands assassinats de manifestants en une seule journée dans l’histoire récente’ - mais il n’a donné lieu qu’à de légers reproches dans les médias occidentaux et dans la communauté diplomatique.
Al-Sissi, après tout, était considéré comme un dirigeant plus stable, dans le moule de l’ancien président Hosni Moubarak. Aujourd’hui encore, le New York Times s’abstient de qualifier al-Sissi de ’dictateur’ - bien qu’il ait prévu de gouverner jusqu’en 2034 - et le qualifie plutôt de ’rempart contre le militantisme islamiste’.
Ce n’est pas que l’Occident soit opposé aux fondamentalistes islamiques en soi. Un autre allié occidental clé, l’Arabie saoudite, ne fait que commencer à s’empêtrer dans son discours sur les droits humains. La guerre de l’Arabie saoudite contre le peuple du Yémen est devenue la pire crise humanitaire au monde.
Dans le même temps, les services de renseignements US ont conclu que son émir dictateur avait ordonné le meurtre de Jamal Khashoggi. L’assassinat et le démembrement sordide du journaliste du Washington Post ont été largement rapportés et condamnés dans les médias, mais la couverture de la guerre au Yémen a été catastrophique, surtout dans les premières années du conflit.
Dans une incroyable tentative de justification qui n’a pas attiré de commentaires, le ministre britannique des Affaires étrangères Jeremy Hunt a récemment insinué, dans le magazine Politico, qu’en étant le deuxième plus grand fournisseur d’armes à Arabie Saoudite, le Royaume-Uni était dans une position unique pour aider à mettre rapidement fin à la violence. D’une manière ou d’une autre, un jour ou l’autre – après quatre ans...
En effet, la guerre est la paix.
Le faux-fuyant
Et puis il y a ’ Russiagate ’, un récit à couper le souffle, longtemps promu par les Démocrates US, selon lequel le président russe Vladimir Poutine contrôle secrètement le président américain Donald Trump en menaçant de révéler ses secrets - et s’est ingéré dans les urnes et les médias sociaux pour manipuler la politique étrangère américaine et truquer le résultat de l’élection présidentielle américaine de 2016.
Le rapport tant attendu de Müller sur ces transactions présumées a considérablement affaibli la théorie du complot entre Trump et la Russie, même si des influences beaucoup plus évidentes, telles que les grandes entreprises et le gouvernement israélien et, en fait, l’énorme influence des États-Unis eux-mêmes sur les systèmes démocratiques des autres pays, ont été atténuées.
Le récit du ’Russiagate’ s’effondre également lorsque l’on examine les données sur la publicité à contenu politique. Selon Facebook, une entreprise russe, l’Internet Research Agency, a dépensé environ $100.000  en publicité sur Facebook pendant la campagne électorale présidentielle américaine de 2016. En revanche, les campagnes électorales d’Hillary Clinton et de Donald Trump ont dépensé ensemble $81 millions en publicité sur Facebook, soit 810 fois plus. Donc, pour Facebook le fait que l’Internet Research Agency ait dépensé 0,01% du total dépensé par les candidats est extrêmement grave et démontre que « Poutine a biaisé les élections » !!
De plus, contrairement à l’agence russe, les équipes de la campagne Trump and Clinton ont également travaillé avec les géants des médias sociaux pour améliorer leurs performances en ligne. Facebook a même envoyé du personnel pour aider la campagne Trump qui a dépensé des dizaines de millions sur la plateforme.
Comme le commentent Daniel Kreiss et Shannon McGregor, spécialistes des communications : Le rôle de Facebook pendant l’élection présidentielle de 2016 a fait l’objet d’un examen extraordinaire... Mais notre recherche montre qu’un autre aspect, moins discuté, de l’influence politique de Facebook a été beaucoup plus important en termes de résultats électoraux. L’utilisation massive de Facebook par la campagne de Trump et d’autres personnes - une grande partie des 1,1 milliard de dollars de publicité numérique payante au cours de la campagne - a probablement eu beaucoup plus d’influence que les robots russes et les faux sites d’information. (Le montant de 1,1 milliard de dollars comprend les dépenses des politiciens et des groupes en dehors des campagnes Trump et Clinton.)
Pourtant, la dernière fois qu’un sceptique de ’Russiagate’ a été autorisé sur MSNBC, la chaîne de télévision la plus libérale des États-Unis, c’était en janvier 2017, au moment où Trump a pris ses fonctions.
« Russiagate » a provoqué une nouvelle guerre froide. De plus, l’obsession des médias à l’égard de la Russie a détourné encore plus l’attention des autres actions plus dangereuses de l’administration Trump sur des sujets tels que le changement climatique, le droit à l’avortement et les cadeaux fiscaux aux entreprises.
La valeur d’une information n’est pas forcément déterminée par des forces puissantes. Il n’est pas non plus surprenant ni nécessairement nuisible qu’un consensus se forme autour de certaines idées. Mais le pouvoir joue à l’évidence un rôle clé et les points de vue consensuels sont clairement en phases avec les intérêts des élites.[1]
Alors que des mouvements de masse mondiaux réagissent aux multiples échecs de la politique étrangère à une époque de mauvaise gouvernance, les grandes institutions médiatiques continuent de soutenir les lignes narratives officielles.
Distraction de masse
Le cas le plus spectaculaire a peut-être été celui de l’Irak et du fiasco des armes de destruction massive. D’importantes études sur la couverture médiatique de la guerre en Irak par les médias américains et britanniques montrent que ces derniers reflétaient les opinions des élites politiques et militaires. Il n’était guère dans l’esprit des médias que l’invasion-occupation de l’Irak constituait une agression, le crime international suprême en droit international.
Cela dit, au moins les caméras tournaient lorsque l’invasion de 2003 a marqué le début d’une campagne qui devait faire - même selon les estimations les plus basses - un nombre de morts violentes qui se chiffre dans les centaines de milliers.
On peut se demander où étaient passées toutes les grandes voix occidentales au cours de la décennie précédente, lorsque les sanctions entraînèrent une explosion de la mortalité infantile - les chiffres font encore l’objet de débats, mais les meilleures indications sont qu’ils étaient comparables aux pertes extrêmement élevées causées par l’invasion de 2003 et l’occupation qui a suivi.
De même, nos travaux indiquent que la guerre en Syrie a été rapportée d’une manière très partisane, reflétant la piètre performance des médias pendant la guerre en Irak. Selon Patrick Cockburn [version française], correspondant chevronné, dans ce conflit les médias occidentaux se sont presque entièrement fié aux rebelles ’.
Par conséquent, selon M. Cockburn, dans le cas syrien, les nouvelles fabriquées et les reportages unilatéraux ont dominé les informations à un degré probablement jamais vu depuis la Première Guerre mondiale ’.
Mensonges en Syrie
Pour ajouter un autre exemple : l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) fut chargée d’enquêter sur les allégations d’attaques chimiques dans le conflit syrien par l’intermédiaire de sa mission d’établissement des faits (MEF).
En 2019, des dénonciateurs anonymes de l’OIAC ont divulgué des informations privilégiées sur le processus de collecte des faits de la MEF, ainsi qu’une évaluation technique qui semble avoir été censurée par l’OIAC.
Ces fuites au « Working Group on Syria, Propaganda and Media » (WGSPM) [Groupe de travail sur la Syrie, la propagande et les médias], basé au Royaume-Uni, ainsi que d’autres éléments rassemblés par le WGSPM, indiquent que certains rapports de l’OIAC furent manipulés par le secrétariat technique qui dirige la MEF.
Un rapport du WGSPM laisse entendre que le secrétariat technique est sous la coupe d’une alliance d’États dirigée par la France, le Royaume-Uni et les États-Unis.
Il montre en outre que certains rapports de l’OIAC ont exclu ou ignoré des éléments de preuve selon lesquels certaines des attaques chimiques présumées en Syrie auraient été mises en scène.
Ces révélations indiquent que les forces d’opposition syriennes auraient pu inventer des atrocités pour inciter l’Occident à une intervention militaire ’humanitaire’.
En fait, l’une des attaques chimiques présumées dont l’identité les auteurs est aujourd’hui remise en cause est celle d’avril 2018 à Douma qui déclencha une série de frappes militaires de la France, des États-Unis et du Royaume-Uni.
L’histoire des fuites de l’OIAC fit la une des médias indépendants, mais dans les grands médias fut largement confinée dans les article de Peter Hitchens dans le Daily Mail et de Robert Fisk dans The Independent (France24/AFP et Fox News en ont également parlé).
Des abus, pas la vérité
Partout dans le monde, les systèmes médiatiques nationaux, au lieu de dénoncer les abus des pouvoirs économiques et politiques, comme ils le prétendent sans cesse, les défendent régulièrement. C’est un problème à la fois dans les autocraties et les démocraties, à l’Est comme à l’Ouest. C’est une situation conforme aux prédictions avancées par le modèle de propagande d’Herman et Chomsky en ce qui concerne les modèles de performance des médias.
Des millions de gens meurent. Il s’agit de décès évitables causés par des personnes et des institutions puissantes en Occident et par les conséquences prévisibles des guerres économiques et militaires.
Sans parler des flots de sang laissés dans le sillage de certaines industries obèses et choyées qui opèrent à partir de nos contrées - notamment celles du tabac, des mines et des armements, ou l’effet tout à fait disproportionné produit par les armées occidentales sur la pollution et le réchauffement climatique, ou de tout nouveau catastrophe qui pourrait être déclenché à tout moment en Iran, voire en Chine ou en Russie.
Des faits contraires incontestés, des analyses fiables et des récits alternatifs bien présentés peuvent être trouvés dans un large éventail de sources, telles que Media Lens, mais dans les médias commerciaux même les plus louables, ils sont au mieux fragmentaires.
Les médias sont complices. Et cela arrive tout le temps.
En fait, cela vient tout juste d’arriver.
Comment cet article fut censuré
Au printemps 2019, nous avions décidé d’écrire un article court et accessible pour la presse grand public, qui critiquait la manière dont les médias traitent la politique étrangère occidentale. Comme nous nous y attendions, nos efforts ont été carrément ignorés.
Cependant, le destin a voulu qu’une publication libérale [progressiste] de premier plan se montra enthousiasmée par ce projet. De plus, ils ont travaillé en étroite collaboration avec nous pendant plusieurs semaines pour créer une version de l’article que nous avons tous trouvée exceptionnellement bien faite.
Un rédacteur a même proposé un titre unique et brutal : ’Comment les médias occidentaux amplifient et justifient la guerre et la violence d’État - alors que des millions de personnes meurent’.
L’article devait être publié un jeudi matin d’avril, mais le rédacteur en chef est intervenu au dernier moment. Une heure plus tard, le premier rédacteur nous a appelés au téléphone pour nous dire qu’il y avait un problème et un retard.
« Alors que des millions de personnes meurent » avait été supprimé du titre. Toutes les références à la participation occidentale au Timor oriental, au Vietnam, en Indonésie et au Venezuela avaient été supprimées. Nos références à Ed Herman, Noam Chomsky, et même notre propre statut d’érudits de la propagande avaient été supprimés.
Le rédacteur en chef fut troublé par notre critique du New York Times. Il a pensé que leur utilisation tordue de la critique de l’intervention de l’OTAN en Libye (en déplorant la ’folie’ des ’guerres altruistes sans fin’) serait une ’bonne chose’ selon nos critères. Nous lui avons répondu en lui demandant si ce serait une critique juste et légitime que de reprocher au ʺdictateurʺ Syrien, par exemple, de poursuivre des ’guerres altruistes sans fin’.
Notre paragraphe sur le bombardement de la Libye par l’OTAN fut annoté : « besoin de précisions sur la nature du régime de Kadhafi. On ne peux pas ignorer ses atrocités ». En réponse, nous avons observé que des sources officielles ont clairement indiqué que c’était notre camp et nos ’rebelles’ en Libye, et non le gouvernement Kadhafi en particulier, qui avaient commis des violations massives des droits humains et des nettoyages ethniques - contre les Noirs africains.
Notre article contenait de nombreux liens vers les sources les plus complètes et les plus fiables disponibles, y compris nos propres articles originaux publiés dans revues après examen par un comité de lecture. Nous avons répondu à toutes les questions qui nous ont été posées et nous sommes restés en contact hebdomadaire avec la publication pendant plus d’un mois avant qu’on nous dise enfin d’aller le publier ailleurs.
Noam Chomsky nous a écrit au fur et à mesure que les événements se déroulaient :
« Une sacrée histoire. Bien que ces déclarations [sur les crimes de guerre historiques américains] aient été très controversées à l’époque, je pensais que les médias dominants pourraient les tolérer aujourd’hui - les transmuant en une histoire ancienne, à des erreurs, et ainsi de suite ». Au delà du ’choc’ et ’surprise’ de Chomsky devant la nature inhabituellement critique et clairement documentée de notre expérience, il observa que ’malheureusement, c’est la norme’.
Florian Zollman - Alan Macleod - Jeffery Klaehn - Daniel Broudy - Matthew Alford
  • Le Dr Matthew Alford enseigne les études américaines et les relations internationales à l’Université de Bath, au Royaume-Uni.
  • Le professeur Daniel Broudy enseigne la linguistique appliquée à l’Université chrétienne d’Okinawa, au Japon.
  • Jeffery Klaehn est un chercheur indépendant au Canada.
  • Le Dr Alan MacLeod est journaliste pour Fairness and Accuracy in Reporting, au Royaume-Uni
  • Le Dr Florian Zollmann enseigne le journalisme à l’Université de Newcastle, Royaume-Uni.
Source :  le Grand Soir
NOTES

[1] Affaire Epstein: nouvelles révélations sur le vilain visage de l'élite

Les rajouts dans cette couleur sont d’H. Genséric

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