Les dimensions de l’attaque de samedi contre les
installations pétrolières de l’Arabie sont considérables. La production de
pétrole de ce gros et gras royaume si choyé par les dirigeants du bloc-BAO est
diminuée de moitié, ce qui représente 5% de la production de pétrole mondiale.
L’attaque a affolé les marchés comme jamais depuis plusieurs décennies,
mais surtout, pour nous dans tous les cas, elle ouvre une phase
nouvelle dans la situation de la sécurité au Moyen-Orient.
Désormais, et
quoi qu’en disent et menacent d’en faire, – à défaut de faire, – les
omniprésents américanistes et leur usine à gaz pentagonesque, la sécurité de l’Arabie et l’existence du régime sont en jeu, en même temps que certains équilibres
économiques mondiaux ; et cette fois, il ne sera pas question d’une
Amérique venant au secours de Ryad avec la maîtrise démontrée en 1990-1991 et
après avoir suscité le conflit (comme en 1990-1991 également), car que ce soit
les Houthis soutenus
par l’Iran (très probable) ou l’Iran par un autre biais (beaucoup
moins probable), l’équilibre des forces en
présence n’est pas loin d’avoir basculé complètement au désavantage des
américano-saoudiens, au contraire de 1990-1991.Photo satellite des raffineries ARAMCO en feu |
En fait, ce qu’a prouvé l’attaque de samedi, et encore
plus si elle vient des Houthis comme c’est probable, c’est qu’un conflit avec
l’Iran, y compris comme riposte US à l’attaque de samedi, plongera
toute la région dans la guerre et fera comme première
victime assurée l’Arabie et son régime des Saoud. L’attaque de
samedi, malgré le soutien hypersophistiqué mais complètement bidon des USA (où
étaient les Patriot samedi ? En congé de week-end ?) a
démontré l’extraordinaire fragilité de l’Arabie. S’il y a guerre au
Moyen-Orient à cause des folies américaniste et israélienne, l’Arabie
en sera la victime assurée, en plus de diverses bases et forces US dans la
région.
Le commentaire de WSWS.org donne une
très petite mesure du sentiment dominant chez les Saoudiens et chez les militaires
US : « L'Arabie
saoudite dispose d'un énorme budget militaire, – l'année dernière, elle s'est
classée au troisième rang mondial pour les dépenses d'équipement militaire,
avec un montant estimé à 67,6 milliards de dollars. La capacité des rebelles
Houthi à pénétrer les défenses saoudiennes et à frapper les infrastructures
pétrolières cruciales a fait craindre de nouvelles attaques. »
Crise
du pétrole, comme au bon vieux temps
…Dans tous les cas, nous voilà de retour dans une
phase de panique mondiale concernant le prix du pétrole. Vieux classique de la
Grande Crise, avec (sans compter celui de Suez de 1956 qui est un peu
hors-séquence) un premier épisode en 1973-1974, suivi par nombre d’autres
(1979, etc.) et des montagnes et rapports et de livres d’analyse sur
les spéculations concernant le sort de l’économie du monde par rapport
au pétrole.
Exemple exotique de l’épisode depuis samedi, avec son défilé
de pourcentages, de prix du baril et ainsi de suite :
« Les prix de l’or noir ont augmenté en
moyenne de 12 à 13% à l’ouverture des marchés lundi 16 septembre. Le baril de
Brent de la mer du Nord était monté en séance de 19%, un record depuis presque
30 ans.
» Les cours de l’or noir s'envolent en moyenne
de 12 à 13% lundi 16 septembre après un week-end marqué par des attaques de
drones contre des installations pétrolières saoudiennes et revendiquées par les
rebelles yéménites Houthis. Celles-ci ont temporairement réduit de moitié la
production de pétrole du royaume.
» La hausse du Brent de mer du Nord a atteint
en séance un niveau sans précédent depuis la guerre du Golfe en 1991. Il prend
notamment 10,08% à 66,29 dollars le baril après avoir gagné jusqu'à 19,5%, du
jamais vu depuis le 14 janvier 1991, à 71,95 dollars, indique Reuters.
» Le West Texas Intermediate (WTI), brut léger
américain, est en hausse de 8,97% à 59,77 dollars après avoir pris jusqu'à
15,5%, sa plus forte hausse journalière depuis le 22 juin 1998.
» L'Arabie saoudite est le plus gros
exportateur mondial de pétrole et les attaques contre deux installations
stratégiques de la compagnie Aramco ont réduit la production de 5,7 millions de
barils par jour, soit près de la moitié de la production saoudienne, ou
l'équivalent de 5% de la consommation quotidienne mondiale.
» Aramco n'a pas fourni de calendrier de
retour à la normale, se contentant de déclarer dimanche qu'elle ferait dans
environ 48 heures un nouvel état des lieux.» Une source au fait de
la situation a déclaré à Reuters qu'un retour à la normale de la production de
pétrole saoudienne devrait prendre “des semaines plutôt que des jours”. »
L’Arabie et ses inaltérables amis que sont les USA,
avec un Trump complètement immergé dans ses engagements pro-saoudiens
(parallèlement aux engagements pro-israéliens, tout cela sous le conseil
éclairé du gendre Jared Kushner), crawlent désespérément pour rassurer
tout le monde dans le monde super-sensible de la corde raide économique. Tout
va tellement bien dans le Système que la moindre étincelle est perçue comme un
irrésistible départ de feu, comme d’une forêt amazonienne, dans un
environnement dévasté et si ouvert à cette sorte de destruction, comme l’est
notre environnement véritable qui ne cesse de se détruire lui-même du fait de
nos entreprises.
« L'Arabie saoudite, de concert avec les
États-Unis et ses alliés, a cherché à rassurer les marchés nerveux sur le fait
que toute chute de la production pétrolière sera temporaire et n'affectera pas
l'approvisionnement. Riyad a déclaré qu'elle serait en mesure de fournir du
pétrole à partir de ses réserves et de mettre en service une production
supplémentaire. Trump a signalé qu'en cas de besoin, il pourrait mettre du
pétrole à disposition à partir de la réserve de pétrole stratégique américaine.
» L'Agence internationale de l'énergie, basée
à Paris, représente les principaux pays consommateurs d'énergie et
coordonnerait toute libération de réserves. La dernière fois qu'elle a procédé
à une libération d'urgence au milieu de l'intervention militaire menée par les
États-Unis en Libye en 2011, elle a fourni une capacité de production de 1,7
million de barils par jour.
» Plusieurs analystes ont noté que les
réparations du centre de traitement du brut d'Abqaiq, qui prépare près de 70 %
du pétrole saoudien pour l'exportation, pourraient être plus difficiles que ce
qui est officiellement suggéré. Robert McNally, ancien conseiller énergétique
de la Maison-Blanche sous le président américain George W. Bush, a déclaré au
New York Times que l'équipement spécialisé serait difficile à remplacer. "Une attaque réussie contre Abqaiq est la pire chose à
laquelle les planificateurs de la sécurité énergétique pensent ",
dit-il.
» Les attaques de drones du week-end dernier
alimentent également les inquiétudes croissantes au sujet de l'économie
internationale. Le Financial Times, basé à Londres, a commenté : “Une
forte hausse des prix du pétrole intervient également à un moment délicat pour
l'économie mondiale. Les craintes d'un ralentissement se font de plus en
plus pressantes et il est peu probable que l'augmentation des coûts de
l'énergie y contribue.”
» Ces craintes ne feront qu’être aggravées par
la rhétorique belligérante de Washington qui menace de frapper l'Iran et qui
pourrait rapidement dégénérer en un conflit beaucoup plus vaste. » (WSWS.org)
Le
Yémen, mesure de l’ignominie du bloc-BAO
Dans la mesure de l’ignominie où nous avons depuis
deux décennies une riche expérience, la guerre contre le Yémen tient une place
particulière, à part, quelque chose comme l’archétype de l’ignoble. Le bloc-BAO, USA-UK
en tête, avec la France en fidèle flanc-garde, y joue un rôle
particulièrement remarquable et remarqué d’un sommet inégalé de l’hypocrisie
accouchée par l’hybris d’une hégémonie en train de s’effondrer.
L’attaque contre les installations pétrolières samedi n’a guère été placée sous
cet éclairage, les plaintes et geignements des commentateurs couvrant
essentiellement les dangers ainsi imposés à l’équilibre économique du monde via
le prix du pétrole et ne se préoccupant aucunement du cas humanitaire de la
guerre du Yémen.
« La guerre barbare menée par l'Arabie saoudite contre le Yémen, avec
l'aide de l'armée américaine, n'a pratiquement pas été prise en compte dans la
couverture médiatique des frappes de drone, écrit WSWS.org ce 16 septembre 2019. Depuis 2015, les
frappes aériennes menées par les Saoudiens contre des villes et des villages
dans les zones contrôlées par Houthi ont tué des dizaines de milliers de civils, laissant 80 pour cent de la
population au bord de la famine et nécessitant une aide alimentaire
et plusieurs millions de personnes sur le point de mourir.
» Des avions de guerre saoudiens, armés de
bombes américaines et britanniques et munis d'informations de ciblage fournies
par des officiers américains basés en Arabie saoudite, ont mené des attaques
répétées contre des cibles civiles, notamment des écoles,
des hôpitaux, des zones résidentielles, des mosquées et des marchés.
Jusqu'à la fin de l'année dernière, les États-Unis ont également assuré le
ravitaillement en vol de l'attaque saoudienne.
• Le “royaume” des Saoud présente tous les caractères d’une situation
extraordinairement rétrograde et barbare par
rapport à nos canons humanistes au nom desquels nous affirmons nos prétention
de puissance technologique et de supériorité morale, – tout ce qui fait le
suprémacisme anglo-saxon (et nullement “suprémacisme blanc”certes,
puisque tant de personnes de couleur et issues en ligne directe de “la
diversité” adhèrent avec empressement à ce suprémacisme-là,
l’anglo-saxon) ;
• Il est l’archétype de l’extrémisme salafiste et le
principal bailleur de fond des terroristes islamistes ;
• Il est couvert de l’argent, non de l’“or noir”
comme on l’appelle, mais de quelque chose comme le “sang noir” du
Système (“There will be blood”), puisque le pétrole
alimente en pourrissant le monde jusqu’à l’entropisation l’une des
trois révolutions du “déchaînement de la Matière”.
Couverte d’armements payés à prix d’or et de
corruption à mesure à l’industrie US qui ne sait plus fabriquer que des
simulacres d’équipements militaires hypersophistiqués, l’Arabie s’est imaginée qu’elle
ne ferait qu’une bouché des pouilleux rebelles Houthis, surtout avec
l’aide zélée du couple USA-UK et les bons vœux de Netanyahou. Ces deux-trois
dernières années, il est apparu que les Houthis, aidés puissamment par les
Iraniens qui n’ont plus aucune raison de freiner cette aide face aux “pressions
maximales” et aux menaces de guerre de la phalange
USA-Arabie-Israël, sont redoutablement sophistiqués et efficaces
dans leurs attaques en plein dans le cœur de l’Arabie.
Il s’agit bien
d’un événement essentiel, stratégique, autant que symbolique, autant que
métahistorique. A sa façon, il achève quelque chose, comme l’orbe d’une
révolution, qui avait commencé en 1945.
Le
fantôme de Roosevelt
En février 1945, retour de la conférence Yalta,
Roosevelt (FDR), transformé en l’ombre de lui-même, agonisant (il mourut deux
mois plus tard), ramené aux USA à bord du croiseur USS Quincy,
faisait escale par mouillage en plein Canal de Suez, dans le lac Amer, lieu
sanctuarisé contre toute attaque de sous-marin. Il reçut dans sa chaise longue,
recouvert d’une couverture, plusieurs visiteurs de marque, dont le roi Ibn
Saoud avec lequel il passa un pacte, un accord de parole à parole dit “Pacte
du Quincy”. Ce pacte garantissait de la part
des USA la sécurité du royaume, lequel assurait en retour l’alimentation des
USA en pétrole, source de la surpuissance du Système comme par l’irrigation
d’un flot de sang noir, – sorte de pacte
maléfique, sort of... Ce fut un des axes de
l’après-guerre, de l’hégémonie des USA, du suprémacisme anglo-saxon, de l’alliance
entre l’extrémisme militaro-technologique et théologico-démocratique des USA,
et le simulacre de tradition et l’extrémisme religieux de l’Arabie, devant,
après le règlement de comptes de la Guerre froide, déboucher à partir de 1979
sur le bouillonnement du terrorisme, du désordre et du chaos du monde. Tout le
programme du “déchaînement de la Matière” en pleine accélération de
surpuissance se trouve là, derrière l’ombre diaphane et déjà dans le
royaume des morts de Franklin Delano Roosevelt, sur le USS Quincy et
au cœur de l’American Century…Mais cette silhouette de FDR, n’est-ce pas
également celle de l’autodestruction ?
L’attaque du 14 septembre 2019 est un terrible
symbole. Les USA ont été dans l’incapacité,
ni de prévoir, ni de prévenir, ni de repousser une attaque dont les effets sont
absolument dévastateurs. Croulant sous son obsolescence, son
impuissance, son océan de corruption, ses engagements de déstructuration et de
terrorisme, sa fortune frelatée et déjà couverte de dettes, le royaume
de Saoud est une proie rêvée pour la machinerie terrible de la
métahistoire qui travaille désormais à plein régime pour briser
décisivement l’élan terrible du déchaînement de la Matière dont le pétrole est
son sang noir comme l’encre. Le plafond de plastique de l’invincible
hyperpuissance US a été crevé par quelques bouseux de rencontre et par la
grande tradition de l’histoire perse qui signale aux Etats-Unis d’Amérique que
l’histoire du monde n’a pas commencé avec eux.
On ignore s’il y aura la guerre, si les USA, se
tournant contre l’Iran, mettront leurs menaces entendues mille fois
depuis trente ans à exécution. Quelque chose nous en fait douter, car ce
quelque chose nous dit que, parmi les premiers étonnés et effrayés, on
trouve les officiers du quartier-général de CENTCOM, bardés d’informations,
d’analyses, de prévisions, et qui n’ont rien vu venir. Ainsi s’interrogent-ils, incrédules
et n’en croyant pas leurs neurones : et s’il était possible que la
puissance US fût ridiculisée sinon battue ?
Source : https://www.dedefensa.org/article/notes-sur-la-seconde-mort-de-fdr
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