Une quantité considérable d’encre a
été dépensée
dans des écrits
sur la Révolution dans les affaires militaires. C’est un concept qui affirme
que de nouvelles doctrines, stratégies, tactiques et technologies militaires
entraîneraient un changement abrupt et significatif dans la conduite de la
guerre.
Les «experts» américains ont tendance à utiliser
cette expression pour commercialiser de nouveaux concepts et systèmes d’armes
coûteux. La guerre centrée sur les réseaux et les frappes de précision devait
changer la façon dont les guerres sont menées. Mais les guerres américaines en
Afghanistan et en Irak ont démontré qu’il n’y avait pas eu de révolution. Même
avec tous ses nouveaux gadgets, les États-Unis n’ont pas gagné.
Le nouveau livre d’Andrei Martyanov traite
de La (vraie) Révolution des affaires militaires. Martyanov était un
officier de marine des garde-côtes soviétiques, puis russes. Il vit maintenant
aux États-Unis et écrit des blogs sur le site Reminiscence of the Future
…. dont le blason est : Si Vis Pacem, Para Vino !
La véritable
révolution dans les affaires militaires est le développement de nouveaux
types d’armes par la Russie.
Armes que les États-Unis ne peuvent pas contrer et pour lesquelles ils n’ont
pas d’équivalent. La conséquence de la révolution est la perte de la suprématie
géopolitique américaine. Une des causes de cette perte est au cœur du livre
précédent de Martyanov : Perte de la Suprématie Militaire, la
myopie de la planification stratégique américaine.
Le nouveau livre offre une vision élargie de la
situation.
Les experts américains ont une influence considérable
sur les décisions politiques en matière de guerre et de paix. Un grand nombre
d’experts, dans une myriade de groupes de réflexion et de groupes de pression, représentant des intérêts
particuliers émettent un flot continu de conseils. Malheureusement,
la plupart de ces «experts» n’apprécient pas correctement le pouvoir
géopolitique. Ils manquent souvent de la compréhension la plus élémentaire des
affaires militaires et des véritables guerres.
Martyanov explique pourquoi les modèles utilisés par
les «experts» échouent. Il montre comment calculer l’avantage d’un
système d’arme par rapport à un autre. Les personnes ayant suivi une formation
militaire connaissent ces formules. Ceux qui n’étudient que les sciences
politiques n’en ont probablement jamais entendu parler.
Le résultat de ces calculs est bien exprimé dans une
citation de l’amiral Turner, citée par Martyanov : « Ce
n’est pas le nombre de quilles ou la taille des navires qui compte, mais la
capacité de faire ce qui peut être décisif dans une situation donnée. »
Les nouveaux missiles anti-navires extrêmement rapides
développés par la Russie rendent la flotte américaine de porte-avions inutilisable dans une
guerre plus vaste contre un ennemi compétent. La Russie a développé ces
armes comme moyen de défense pour contrer une éventuelle agression
américaine. Comme le ministre russe de la Défense, Shoigu, l’a expliqué
récemment :
Nous n’avons pas besoin de porte-avions,
nous avons besoin d’armes pour les couler.
La révolution dans les affaires militaires, à laquelle
les Américains croyaient, a largement déçu. L’arme de précision, les
ordinateurs et les gadgets n’ont pas résolu la loi fondamentale de la guerre.
L’ennemi a toujours une voix dans le résultat.
En 2018, la Russie a présenté
un certain nombre de types d’armes entièrement nouveaux : missiles à
longue portée, torpilles à propulsion nucléaire et systèmes hypersoniques.
Martyanov montre que ceux-ci ont balayé l’invulnérabilité que les
États-Unis pensaient avoir. Les États-Unis n’ont pas de systèmes comparables et
leur développement est en retard de plusieurs années.
Le concept américain de guerre conventionnelle
consiste toujours à acquérir d’abord la suprématie aérienne. Les troupes sont
supposées envahir ensuite. Les développements récents dans le domaine de la
défense aérienne et antimissile en Russie empêchent les États-Unis de mener une
telle guerre contre la Russie ou contre quiconque possède de telles armes.
Ces armes prolifèrent. D’autres États pourraient
bientôt avoir des capacités similaires à celles de la Russie – et de la Chine.
Ils peuvent également décider de développer des armes moins chères et plus asymétriques,
comme des drones. Au Yémen, les Houthis ont utilisé des drones et des missiles
de croisière bon marché pour lutter contre des cibles de grande valeur
qui étaient défendues par des systèmes de défense aérienne américains très
coûteux, mais pas
très performants. Ces
attaques ont montré que le rapport de forces au Moyen-Orient avait changé.
Martyanov voit le monde au début d’une nouvelle ère
dans laquelle le pouvoir mondial sera réorganisé en un système multipolaire. Le
fondement de cela est la véritable révolution dans les affaires militaires que
la Russie et d’autres ont créée alors que les États-Unis étaient encore occupés
à imaginer que leur pouvoir ne pouvait que croître.
Dans son post-scriptum, Maryanov déclare que les
États-Unis sont en réalité une puissance en déclin.
Le livre d’Andrei Martyanov fournit les connaissances
indispensables à quiconque veut comprendre les développements géopolitiques
actuels.
La (vraie) Révolution dans les affaires militaires est disponible
au format poche et sous forme électronique. Il comporte 193 pages plus 22 pages
de notes de fin.
Par Moon
of Alabama − Le 23 septembre 2019
-------------------------------------------
-------------------------------------------
La Russie, l’Iran et la “guerre hybride”
Les
diverses crises opérationnelles, notamment pour prendre la plus récente celle
de l’attaque par des drones de l’Aramco, autant que les diverses crises du
technologisme, notamment pour prendre la plus récente en plus d’être endémique
celle de la
situation catastrophique des grands porte-avions d’attaque US,
suscitent des interventions, des commentaires et des réflexions importantes
sur la “situation de la guerre” et sur l’“évolution des conceptions [des
moyens] de la guerre”. On peut considérer la
dernière intervention du ministre russe de la défense Shoigou comme
une contribution importante au jugement sur la situation militaire russe, avec
ses choix et ses orientations, par rapport à la situation des
USA dans le même domaine. Shoigou parle bien entendu, lorsqu’il cite les
« moyens
que nous pourrions utiliser contre les groupes d'attaque [de
porte-avions] » des missiles hypersoniques antinavires que la Russie a
développés, et où elle exerce par rapport aux USA, et conjointement avec la
Chine, un leadership
particulièrement redoutable... C’est une plaidoirie contre les
énormes dépenses militaires inutiles, où les USA sont les maîtres incontestés,
par opposition à l’efficacité de certaines technologies plus ou moins nouvelles
mais dans tous les cas assez peu coûteuses.
« Le
budget militaire de la Russie a été augmenté il y a quelques années pour un
programme de réarmement massif, mais il a été réduit ces dernières années.
L'Institut international de recherche pour la paix de Stockholm a estimé que la
Russie serait le sixième plus grand pays du monde pour les dépenses de défense
en 2018, derrière les États-Unis, la Chine, l'Arabie saoudite, l'Inde et la
France. Pendant ce temps, le Pentagone a été inondé d'argent sous
l'administration Trump, éclipsant ainsi les budgets militaires d'autres pays.
» Mais le
responsable du ministère russe de la Défense dit que ses compatriotes russes
n'ont aucune raison de s'inquiéter, parce que les roubles des contribuables
sont bien dépensés.
» “Les
États-Unis dépensent des
sommes énormes pour des entrepreneurs militaires privés, pour des
porte-avions. La Russie a-t-elle vraiment besoin de cinq à dix groupes
d'attaque de porte-avions, sachant que nous n'avons pas l'intention d'attaquer
qui que ce soit ?" Le ministre de la Défense
Sergei Shoigu a déclaré lors de cette interview à un journal russe :
“Nous avons besoin des moyens que nous pourrions utiliser contre les groupes
d'attaque de l'ennemi si notre pays subissait une attaque. Ils sont beaucoup
moins coûteux et bien plus efficaces”. »
Shoigou
a également dit un mot sur le concept qui connaît une grande fortune depuis
quelques années, et qui a évidemment été ressorti à l’occasion de l’attaque
contre Aramco : « Nos collègues occidentaux adorent accuser la
Russie de mener des ‘guerres hybrides’, ou quelque nom qu’on lui donne. Eh
bien, je dis que c'est l'Occident qui mène des guerres hybrides. Les États-Unis
sont sur le point de quitter l'Afghanistan quasiment réduite à des ruines et,
en même temps, ils travaillent dur pour faire bouger les choses au Venezuela,
– tout cela pour le ‘triomphe de la démocratie’ bien sûr. »
Ce
concept de “guerre hybride”, extrêmement sexy, est certainement en train de
se révéler pour ce qu’il est en ce qui concerne l’utilisation des technologies,
– simplement
une certaine évolution de la guerre en fonction des technologie nouvelles mais
non révolutionnaires puisque développées logiquement dans le
courant des améliorations de capacités électroniques éprouvées aux moindres
frais et en fonction de leur efficacité. Cette évolution s’inscrit directement
dans la logique du développement du technologisme, mais dans sa version la plus
prudente et la plus expérimentée d’un point de vue opérationnel, depuis les
années 1960 avec les RPV (avions sans pilote) de la firme Ryan déployés au
Vietnam et depuis 1972 avec l’apparition des “bombes intelligentes” (‘smart
bomb’ US à guidage laser au Vietnam). Aujourd’hui, le phénomène des
“drones” est l’héritier de cette évolution, et ce sont eux, les drones, qui ont permis
l’attaque d’une extrême efficacité de l’Aramco, – et à cette
occasion, effectivement, l’on parle à nouveau de ‘guerre hybride’. En réalité,
comme le montre bien l’article de Patrick Cockburn, il
s’agit d’une guerre “à bon marché”, avec des moyens peu coûteux mais très
efficaces. Cela conduit à apprécier l’Iran, puisque ce
pays est perçu comme directement ou indirectement le maître d’œuvre de
cette sorte d’attaque type-Aramco, comme la
« superpuissance
des drones ». Cette classification,
venue des commentateurs US, est pour le moins surprenante pour un pays que les
experts occidentaux considèrent avec le mépris dû aux pays hors de la sphère
occidentale, et qui est censé avoir été mis sur les genoux par la stratégie de
“pression maximale” des sanctions US ; mais elle est logique si l’on se
réfère à l’économie de cette sorte d’armement qui est finalement assez facile à
produire, et si l’on écarte un tant soit peu les clichés
absurdes et relevant du suprémacisme anglo-saxon, pour ce qui concerne “le
reste du monde” par rapport aux technologies.
En un
sens, c’est un peu la méthode qu’ont suivi les Russes dans leur développement
militaire, aujourd’hui avec un budget de dix à quinze fois moindre que celui des USA, et qui leur assure pourtant une
supériorité décisive dans nombre de domaines fondamentaux. Lorsque
Shoigou affirme que la Russie n’est pas intéressée par les énormes porte-avions
à $15-$20 milliards au bas mot l’unité, mais plutôt par les missiles
hypersoniques dont le coût est de cinq à dix mille fois moindre l’unité, et
dont deux ou trois coups au but envoient le porte-avions en cale sèche pour des
années ou dans les abysses humides du foond de la mer, il fait ce que le
bloc-BAO nomme avec une nuance de reproche comme l’on se dit entre enfants
“c’est pas d’jeu”, une ‘guerre hybride’ alors qu’il ne
s’agit que de faire une guerre efficace et bon marché.
(On
notera que cette conception russe n’est pas nécessairement celle de la Chine,
s’il s’avère que les Chinois construisent effectivement une grande flotte de
porte-avions. On ne peut que noter cette possibilité, sans élaborer plus avant,
sinon à observer que la Chine reste une puissance énigmatique quant à ses intentions
concernant les outils de la puissance, d’ailleurs sans référence historiques
dans le champ des grands affrontements internationaux du XXème siècle, avec
l’apparition des technologies avancées dans la guerre de haute intensité.)
Le
paradoxe de cette situation est que ce sont les USA
qui ont développé les premiers les drones, à partir de leur expérience depuis
1960-1970 et qui les produit massivement à partir de 2005-2006,
jusqu’à en faire un outil favori pour l’élimination de terroristes (avec les
ratages à mesure) sous l’administration Obama. Mais les grands services,
surtout USAF et Navy, n’ont pas pu accepter ni même concevoir que le
drone, si bon marché, pouvait devenir une arme centrale de l’offensive aérienne,
comme les Iraniens l’ont fait (et les Houthis, et le Hezbollah). Pour eux,
leurs drones, si développés et si chers soient-il pour la catégorie (les USA
arrivent toujours à rendre très cher ce qui est bon marché en y mettant toute
l’électronique imaginable), ne peuvent remplacer les très-grands systèmes
qui font la gloire-simulacre de leur puissance militaire, – du F-35 aux
porte-avions. Les drones sont en général cantonnés aux
missions d’élimination anti-terroristes, aux missions de surveillance
électronique, etc. ; jamais, ils ne pourraient concevoir le drone comme
arme centrale de l’attaque aérienne, comme ils l’ont été dans l’attaque contre
Aramco ; le drone, comme le missile guidé, reste une arme d’appoint à cet
égard.
Totalement sous
l’empire du Règne de la
Quantité dans une mesure qui relève de la métaphysique
comprise dans l’inversion des structures principielles, les USA
américanistes continuent à privilégier le poids, le “lourd”, le “très-cher”.
Ils sont donc totalement sous l’empire des mastodontes
bourrés d’électronique et finalement inutilisables à cause des
limites catastrophiques du technologisme, sinon à en faire des cibles en or
massif extrêmement vulnérables dont la perte, du fait des drones et missiles
hypersoniques adverses, deviendrait une catastrophe d’ampleur nationale.
De même, et toujours dans la logique de leur impuissance psychologique à
comprendre ce qu’il y a dans l’esprit de leurs adversaires, – cette absence d’“empathie opérationnelle”
liée à leurs psychologie d’inculpabilité-indéfectibilité,
– les USA ont totalement négligé les défenses rapprochées,
à la manière des Russes, qui seules permettent de s’opposer à des offensives de
drones.
Il nous
paraît absolument assuré et évident que les USA, c’est-à-dire ce monstre
autonome qu’est le Pentagone, ne changeront pas cette attitude, même après
l’attaque d’Aramco bien entendu. Cette impuissance à se dégager
des pressions de l’aspect quantitatif, tant matériel qu’économique, dans la
manifestation de leur puissance jusqu’aux limites de blocages
catastrophiques qu’ils expérimentent désormais, fait
partie intégrante et fondamentale du processus d’effondrement de leur puissance.
On ne change pas une formule qui perd quand on s’effondre ; on n’échappe
pas au Règne de
la Quantité quand on s’est entièrement soumis à lui pour répondre
à l’“idéal
de puissance”.
La
guerre “nouvelle” que décrit Patrick Cockburn dans UNZ.com dans
l’article ci-dessus, à partir de l’expérience de l’attaque de l’Aramco, sera
donc regardée avec un mépris et un hybris considérable
par les généraux et les bureaucrates du monstre-Pentagone, d’un
seul et même regard. (Le titre original de l'article de Cockburn est :
« The
Saudi Arabia Drone Attacks Have Changed Global Warfare ».)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Les commentaires hors sujet, ou comportant des attaques personnelles ou des insultes seront supprimés. Les auteurs des écrits publiés en sont les seuls responsables. Leur contenu n'engage pas la responsabilité de ce blog ou de Hannibal Genséric.