L’effondrement de nos libertés accompagne notre déclin
intellectuel moral, militaire, économique. Nous ne sommes bons qu’à détruire
les restes de notre civilisation. Il n’y a plus de socialisme, plus de
capitalisme, juste un système infect – un ultra-capitalisme bonimenteur et
gaspilleur – bon à creuser des dettes immondes pour remplacer ses populations
et saccager des vies. Notre hyper-apocalypse n’offre même pas la grandeur
épique dont nous eussions rêvé en des temps plus reculés. C’est un
environnement crade qui se contente de ruiner la qualité de la vie tout en
doublant le prix de tout à chaque instant.
Il faudra écrire un livre sur le rôle de la technologie,
arrogante, puérile, envahissante, dans le déclin de la civilisation
technicienne occidentale. Déclin des transports, du nucléaire, de la
construction, de la pharmacie, de l’espace, de l’alimentation… Depuis les
années 70, la technologie américaine infantilise d’un côté (les jeux, «
l’information ») et de l’autre elle rend vicieuse des élites qui copient
les investisseurs qui ont remplacé l’industrie par l’agiotage. La technologie a
tué le cinéma dont les effets spéciaux sont devenus ridicules, comme ceux des Marvel-Mossad
comics. Et ce n’est
pas avec des sabres laser que nos zélés infantilisés mettront au pas russes,
iraniens, chinois ; déjà qu’on pleurniche avec le Yémen ou le Hezbollah…
Il faut évoquer les deux historiens impériaux Samuel
Huntington et Victor Davis Hanson. Car on assiste à la fin du « monopole de la violence »
occidentale, de sa « culture du carnage » qu’Hanson fait
remonter aux guerres médiques. Mais Hanson oublie la
victoire des Parthes contre Crassus
(lisez sa vie par Plutarque) et la chance historique contre les
mongols qui firent demi-tour (Batu khan) pour des raisons familiales avant de
raser de près le petit cap asiatique. Quant à Huntington toujours mal lu, il
affirmait que l’Occident s’était imposé par sa violence organisée («
superiority in applying organized violence »), pas par la supériorité
ontologique de sa civilisation…
Fred Reed s’est magnifiquement défoulé sur unz.com,
alors on va le laisser parler. Fred Reed rappelle sa carrière :
Pendant quelques décennies, j’ai couvert les questions
militaires pour diverses publications, comme le Washington Times et Harper’s,
et j’ai tenu une chronique militaire pour le Universal Press Syndicate.
Je suivais le principe bien connu des journalistes avisés : « Ne demandez
pas ce que vous pouvez faire pour le journalisme, mais ce que le journalisme
peut faire pour vous. » Vivre au rythme militaire était un excellent
passe-temps, permettant de voler dans des avions de combat et de naviguer dans
des sous-marins. Mais si vous prenez l’étude au sérieux, comme je l’ai fait,
vous apprenez des choses intéressantes. Comme par exemple le fait qu’une guerre contre un « vrai »
pays, comme la Russie, la Chine ou même l’Iran, serait une aventure insensée.
Reed évoque la sinistre fonction de l’armée US :
Les armées inutilisées se détériorent. La flotte
américaine n’est plus entrée en guerre depuis 1945, ni l’armée de l’air depuis
1975, ni l’infanterie dans une vraie guerre depuis le Vietnam. Le bombardement
de paysans sans défense, la principale fonction de l’armée américaine, n’est
pas la guerre.
Sur la conscription, Reed souligne une débandade
morale :
Les États-Unis ne peuvent pas mener une grande guerre
terrestre, comme par exemple contre la Russie, la Chine ou l’Iran. Une telle
guerre nécessiterait de recourir à la conscription. Le public ne l’accepterait
pas. Les États-Unis ne jouissent plus du genre d’unité patriotique qu’ils
avaient au début de la guerre contre le Vietnam. De lourdes pertes seraient
intolérables. Les gens d’aujourd’hui sont beaucoup plus disposés à désobéir au
gouvernement fédéral. Notez que de nombreux États ont légalisé le cannabis au
mépris de la loi fédérale et que de nombreuses juridictions du pays refusent
tout simplement d’aider les autorités fédérales en matière de lois sur
l’immigration. Toute tentative d’envoyer des femmelettes au combat entraînerait
une désobéissance civile généralisée.
Sur la marine US devenue invalide, il dit :
Un porte-avion est une vessie de carburéacteur
enrobant de puissants explosifs. Les implications sont considérables. Un
missile balistique hypersonique plongeant, guidé en phase terminale, perforant
le poste de pilotage et explosant dans le pont du hangar, enverrait n’importe
lequel d’entre eux dans les chantiers de réparation pour une année. Les Russes
et les Chinois développent ou ont déjà mis au point des missiles spécifiquement
conçus pour éliminer ces porte-avions. Notez que la portée de certains de ces
missiles est beaucoup plus grande que le rayon de combat leurs avions. Oups.
Pour Reed, le soldat US devient une poule mouillée :
Jusqu’au Vietnam, les guerres américaines ont été
menées par des jeunes hommes coriaces, souvent issus de milieux ruraux,
connaissant bien les armes à feu et le travail physique pénible. Je le sais
bien, ayant grandi et ayant servi avec eux dans la marine. La discipline, si
elle n’est pas vraiment brutale, était très stricte. Les exigences physiques
étaient élevées. En AIT (entraînement avancé d’infanterie), au Camp Lejeune,
c’était «La compagnie S sur la route ! » à 3h30 du matin, suivie d’une course à
pied et d’un entraînement intensif aux armes jusqu’à minuit. Oui, les vieux
aiment se rappeler comment c’était à l’époque, mais c’était vraiment comme ça.
Aujourd’hui, l’Amérique a une armée corrompue par une
politique de justice sociale. Les recrues ne sont plus taillées comme des
bûcherons. L’obésité est commune. Le Pentagone a abaissé ses standards
physiques, caché les problèmes raciaux, assoupli son entraînement. Les
officiers ont peur du nombre grandissant de femmes militaires au sein des
unités de combat. Une plainte pour sexisme et c’en est fini de votre carrière.
Trait important, il y a le pourrissement du corps des
officiers :
En temps de paix prolongée, le corps des officiers se
désintègre. Tous les officiers du second tour sont des politiciens, surtout
au-dessus du lieutenant-colonel. On ne bénéficie pas de promotion en suggérant
que les hauts gradés mentent pour des raisons politiques, mais en insistant sur
le fait que la guerre en Afghanistan est en train d’être gagnée. Le temps de
paix encourage les carriéristes qui avancent en ne faisant pas de vagues. Dans
une grande guerre, de tels généraux d’éclat n’ayant fait le coup de feu que sur
PowerPoint doivent être éliminés à un coût élevé en vies humaines.
L’armée d’aujourd’hui ne fera rien de bon dans un
combat égal contre des Afghans, des Russes ou des Iraniens. L’armée américaine
n’a pas réussi à vaincre les villageois afghans en dix-huit ans avec un immense
avantage en termes de puissance aérienne, de cuirassés, de blindés, d’artillerie,
de soins médicaux et d’équipement. Que pensez-vous qu’il arriverait s’ils
devaient combattre les Talibans sur un pied d’égalité : sandales, fusils,
lance-roquettes et pas grand-chose d’autre ?
Incompétence et corruption sont la norme :
Pourquoi donc construire ces armes ? Parce que
Northrop-Grumman a tellement d’argent que ses lobbyistes utilisent des pelles à
neige pour remplir les poches des membres du Congrès. À l’époque où je couvrais
le Pentagone, chaque fois qu’une nouvelle arme était achetée, par exemple
l’hélicoptère d’attaque AH-64, le contractant principal communiquait une liste
de sous-traitants dans de nombreux États – dont les membres du Congrès
soutiendraient l’arme afin d’obtenir les emplois. Tout est une question
d’argent. Parfois, le Congrès oblige l’armée à acheter des armes qu’elle dit
explicitement ne pas vouloir, comme un plus grand nombre de chars M1 de l’usine
de Lima, dans l’Ohio. Pour les emplois.
En bref, de nombreuses armes sont achetées pour des
raisons économiques et non pour une utilisation en temps de guerre. De mon
temps, j’ai vu de nombreuses armes non utilisables. Le B1, B2, DIVAD, le véhicule de combat Bradley, le M16, le V-22, le LAW.
Rien n’a changé.
Reed rappelle comme Philippe Grasset la nullité des nouveaux équipements :
Mais nous avons maintenant le F-35, le dernier
chasseur à tout faire aux coûts grotesques. On dirait un coucou mal conçu et
souffrant de problèmes infinis. Selon la presse technique, il s’agit d’une
reine de hangar ayant des taux de sortie très bas, une préparation médiocre et
nécessitant une maintenance électronique complexe, souvent à des échelons
distants.
Alors l’efficacité est remplacée par la folie :
Supposons que Bolton [ou Pompeo] obtienne sa guerre
contre l’Iran. Les conseillers lui disent qu’elle sera brève et facile,
chirurgicale, une promenade de santé. Avons-nous déjà entendu cela ? La Marine a
affirmé qu’elle peut garder le détroit d’Ormuz ouvert, grrr, waf ! Mais s’il se
trouve que l’Iran ne suit pas le scénario, ne se rend pas. Et que la marine, à
sa grande surprise, ne trouve pas les missiles anti-navires profondément
enterrés et transportés par camion qui continuent de frapper les pétroliers.
Ceux-ci continuent à brûler. Bientôt, personne ne les assurera. Ils arrêtent de
circuler. Trois semaines après le début de la guerre, le monde réclame du
pétrole à grands cris, il n’y a pas de fin en vue, Trump ne peut admettre qu’il
a fait une gaffe, et Bolton [ou Pompeo] veut lancer une bombe nucléaire contre
Téhéran.
Ou Washington pousse trop fort dans la mer de Chine
méridionale, une collision accidentelle se transforme en un échange de tirs, et
les Bannonites Pompeo-Boltoniens ordonnent à la flotte de donner une leçon aux
Chinetoques. Malheureusement, les missiles anti-navires chinois s’avèrent
plutôt meilleurs que prévu, un porte-avion est détruit et trois destroyers
transformés en tas de ferraille.
Que fait-on maintenant ? Les egos surdimensionnés et
mal informés à Washington ne peuvent accepter la défaite. D’une part, cela
mettrait fin à la crédibilité américaine en tant que puissance hégémonique, et
tout le monde voudra acheter des missiles anti-navires chinois. La vanité joue
un plus grand rôle dans les affaires mondiales que ne le disent les manuels.
Washington, bêtement mais inévitablement, irait dans la surenchère et
commencerait une guerre totale contre la Chine. À ce stade, les choses
deviendraient imprévisibles.
Puis Reed rappelle que la guerre nucléaire envisagée
par l’ahuri que le Donald a mis à la place du regretté Bolton n’est pas
gagnable :
Les hommes d’une stupidité incalculable et d’une
insuffisance sexuelle probable parlent d’une guerre nucléaire comme gagnable.
Ils peuvent toujours rêver. Réfléchissez : les villes américaines ne peuvent
pas se nourrir elles-mêmes. Trois jours sans envois de nourriture et les
New-yorkais auront vidé les rayons des supermarchés. Une semaine et ils
tueraient pour des conserves de thon. Deux semaines et ils se mangeraient les
uns les autres. Un très petit nombre de bombes nucléaires sur les centres de
transport empêcherait la distribution de nourriture pendant des mois. Même un
plus petit nombre encore de bombes au cobalt, conçues pour produire un maximum
de radiations persistantes, rendraient les zones fermières mortellement
radioactives pour une décennie.
Les «intellectuels de la Défense», généralement
tellement stupides qu’ils devraient vivre dans des arbres, discutent de la domination
par l’escalade, du facteur d’intimidation et de la défense antimissile
imperméable. Ils sont complètement fous. Ce dont ils ont vraiment besoin, c’est
d’une coquille et d’un abonnement à Pornhub Premium.
Et Reed de conclure :
C’est la raison pour laquelle c’est vraiment une très
mauvaise idée d’avoir un dingue psychopathe, deux chrétiens fanatiques et un
fils-à-papa pathologiquement agressif en mesure de déclencher une guerre.
On a compris qu’il ne reste à ces élites technophiles
infantiles, que le fanatisme théologique et messianique pour justifier le rôle
princier que les hallucinés indices boursiers leur concèdent encore.
Il faudra le mettre au pas cet Occident. Il lui reste
son marché, ses dollars, ses marottes écolos ou humanitaires. Mais sa manière
de s’auto-halluciner, un peu comme un dealer qui succombe à sa dope, le rend de
plus en plus inopérant.
Par Nicolas Bonnal – Septembre 2019 – Source nicolasbonnal.wordpress.com
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