Au cours des dernières décennies, la Russie et l’Iran
ont tous deux dû se donner les moyens de se protéger contre une menace sans
cesse croissante de la part des États-Unis et de leurs alliés. Tous deux ont
trouvé des moyens uniques de créer une dissuasion adaptée à leur situation.
Ni les États-Unis ni leurs alliés n’ont réagi à ces
développements en adaptant leurs stratégies ou leurs moyens militaires. Ce
n’est que récemment que les États-Unis ont pris conscience de la situation
réelle. La perte
de la moitié de sa capacité d’exportation de pétrole pourrait finalement
réveiller l’Arabie saoudite. La plupart des autres
alliés américains dorment encore.
Lorsque l’OTAN s’est
étendue à l’Europe de l’Est et que les États-Unis ont quitté le Traité
antimissile balistique, la Russie a annoncé qu’elle élaborerait des
contre-mesures pour empêcher les États-Unis de l’attaquer. Dix ans plus tard, la Russie a tenu sa promesse.
Elle a mis au point un certain nombre de nouvelles
armes qui peuvent pénétrer la défense antimissile balistique installée
par les États-Unis. Elle a également mis l’accent sur sa propre défense
aérienne et antimissile, ainsi que sur les radars et les contre-mesures
électroniques qui sont devenus si efficaces qu’un général américain les a
qualifiées d’« épouvantables ».
Tout cela a permis à Poutine de taquiner
Trump en lui offrant d’acheter des missiles hypersoniques russes. Comme nous
l’avions analysé :
Trump a
tort de prétendre que les États-Unis fabriquent leurs propres armes
hypersoniques. Bien que les États-Unis en aient en développement, aucune ne
sera prête avant 2022 et probablement beaucoup plus tard. Les armes
hypersoniques sont une invention soviétique/russe. Celles que la Russie met en
service aujourd'hui font déjà partie de la troisième génération. La mise au
point de tels missiles par les États-Unis accuse un retard d'au moins deux
générations par rapport à celle de la Russie.
On sait
depuis 1999 que les radars russes peuvent voir les avions furtifs, c'est l'année où une unité de
l'armée yougoslave a abattu un avion furtif américain F-117
Nighthawk. La défense aérienne et antimissile russe a prouvé en Syrie
qu'elle peut vaincre les attaques massives de drones et de missiles de
croisière. La défense
aérienne et antimissile américaine en Arabie saoudite ne parvient même pas à
détruire les missiles primitifs utilisés par les forces houthies.
Hier, lors d’une conférence de presse à Ankara avec
ses collègues turcs et iraniens, Poutine s’est moqué
de l’Arabie saoudite (vidéo
@38:20) avec une offre similaire à celle qu’il avait faite à Trump :
Q : La Russie a-t-elle l'intention de fournir
à l'Arabie saoudite une aide ou un soutien pour la remise en état de son
infrastructure ?
Poutine : Quant à l'aide à l'Arabie saoudite, il est
également écrit dans le Coran que toute forme de violence est illégitime, sauf
pour protéger son peuple. Afin de les protéger et de protéger le pays, nous
sommes prêts à fournir l'assistance nécessaire à l'Arabie saoudite. Tout ce que
les dirigeants politiques de l'Arabie saoudite ont à faire, c'est de prendre
une sage décision, comme l'Iran l'a fait en achetant le système de missiles
S-300 et comme le président Erdogan l'a fait en achetant le dernier système
antiaérien russe S-400 Triumph. Ils offriraient une protection fiable pour
toutes les infrastructures saoudiennes.
Le
Président de l'Iran, Hassan Rouhani : Doivent-ils
plutôt acheter le S-300 ou le S-400 ?
Vladimir Poutine : C'est à eux de décider.
Erdogan,
Rouhani et Poutine ont bien ri de cet échange.
Les alliés américains, qui doivent acheter des armes
américaines, ont suivi une stratégie d’investissement de défense similaire à
celle des États-Unis eux-mêmes. Ils ont acheté les systèmes d’armes les plus
utiles pour les guerres
d’agression, mais n’ont pas investi dans des systèmes d’armes
défensives qui sont nécessaires lorsque leurs ennemis sont capables de
riposter.
C’est la raison pour laquelle l’Arabie saoudite
possède plus de 350 avions de combat modernes mais seulement relativement peu
de systèmes de défense aérienne à moyenne et longue portée, et ceux-ci
datent des années 70.
La défense aérienne saoudienne ne peut protéger que
certains centres de population. La plupart de ses frontières et de ses bases
militaires ne sont pas défendues.
La
disposition actuelle du réseau de défense laisse de grandes parties du pays non
protégées. Bien que l'on puisse faire appel à des avions de chasse pour
défendre ces zones si nécessaire, la présence de grandes lacunes dans la
défense aérienne à l'échelle nationale laisse de nombreuses vulnérabilités
exploitables par un agresseur étranger.
La défense aérienne saoudienne telle que documentée par Amir à Iran GeoMil.
De plus, la protection en place est unidirectionnelle.
Les cercles rouges désignent la portée théorique des systèmes de défense
aérienne PAC-2 de fabrication américaine installés en leur centre. Mais la
portée réelle de ces systèmes ne couvre que moins d’un demi-cercle. Les
systèmes PAC-2 et PAC-3 ont des défenses sectorielles car leurs radars ne
pivotent pas. Ils ne peuvent voir qu’un arc de 120°. Dans le cas des Saoudiens, ces radars ne regardent
que vers l’est, en direction de l’Iran, qui est l’axe d’attaque le
plus probable. L’usine de traitement de pétrole brut d’Abqaiq n’était donc pas
du tout protégée contre les attaques venant d’une autre direction. Ni l’Arabie saoudite ni les États-Unis ne savent d’où vient
vraiment l’attaque.
L’expérience russe contre les attaques d’essaims de drones dirigées par les États-Unis contre sa base aérienne
d’Hmeymim en Syrie a montré que les défenses aériennes à courte portée et les
contre-mesures électroniques sont la meilleure défense contre les attaques
massives de drones et de missiles de croisière.
L’Arabie saoudite n’a pas de défense aérienne à courte
portée contre les drones et les missiles de croisière parce que les
États-Unis n’ont
pas de tels systèmes. Elle n’a pas non plus de contre-mesures
électroniques sophistiquées parce que les États-Unis ne peuvent pas en fournir
de décentes.
Les Saoudiens ont besoin du système de défense
aérienne à courte portée russe Pantsir-S1, des
dizaines d’entre eux, et du système de guerre électronique Krasukha-4. Les Russes
pourraient bien offrir au moins le premier article. Mais les États-Unis
autoriseraient-ils les Saoudiens à en acheter ?
L’Arabie
saoudite, comme les États-Unis, n’a jamais pris ses adversaires au sérieux. Elle mis le Yémen en miettes par ses
bombardements et ne s’attendait pas à une riposte. Elle a longtemps poussé les
États-Unis à lancer une guerre contre l’Iran, mais n’a pris que peu de mesures
pour se protéger d’une contre-attaque iranienne.
Après l’attaque à longue portée du Yémen en
août, elle a été avertie que la portée des missiles houthis avait
augmenté. L’Arabie saoudite a ignoré cet avertissement et n’a pris aucune
mesure notable pour protéger le centre de traitement d’Abqaiq, qui est pourtant
un point névralgique lui procurant la moitié de ses revenus.
L’Iran, en
revanche, a développé ses armes selon une stratégie asymétrique, tout comme la
Russie.
L’Iran n’a pas d’armée de l’air moderne. Il n’en a pas besoin parce qu’il n’est pas agressif.
Il a depuis longtemps mis au point d’autres moyens pour dissuader les
États-Unis, l’Arabie saoudite et d’autres adversaires au Moyen-Orient. Il
dispose d’un grand nombre de missiles balistiques de moyenne portée développés
par ses soins et d’une réserve importante de drones et de missiles de croisière
de courte et moyenne portée. Ceux-ci peuvent atteindre n’importe quelle cible économique ou
militaire dans un rayon de 2 000 kilomètres.
Ce pays fabrique également ses propres défenses
aériennes, ce qui lui a récemment permis d’abattre
un coûteux drone américain. Voici le général Amir Ali Hajizadeh,
commandant de la Force aérospatiale du Corps des gardiens de la révolution
islamique, qui explique
comment cela a été fait (vidéo, sous titres en anglais).
L’Iran a développé des relations avec des groupes de
population amis dans d’autres pays, les a formés et équipés des moyens de
défense nécessaires. Il
s’agit du Hezbollah au Liban, de divers groupes en Syrie, du PMG/Hashd en Irak,
des Houthis au Yémen et du Hamas à Gaza.
Aucun de ces groupes n’est totalement un
proxy de l’Iran. Ils ont tous
leur propre politique locale et sont parfois en désaccord avec leur grand
partenaire. Mais ils sont également prêts à agir au nom de l’Iran si le besoin
s’en faisait sentir.
L’Iran a mis au point un certain nombre d’armes
destinées exclusivement à ses alliés, qui diffèrent de celles qu’il utilise
lui-même. Il permet à ses partenaires de construire eux-mêmes ces armes.
Le missile de croisière et les drones utilisés par les Houtis au Yémen sont
différents de ceux que l’Iran utilise pour ses propres forces.
Les nouveaux drones et missiles exposés en juillet 2019 par les forces armées houthis du Yémen. |
L’Iran a donc la possibilité de nier lorsque des
attaques, comme celle qui a récemment eu lieu à Abquiq, se produisent. Le fait
que l’Iran ait fourni des drones d’une portée de 1.500 kilomètres à ses alliés
au Yémen signifie que ses alliés au Liban, en Syrie, en Irak et ailleurs ont
accès à des moyens similaires.
Les Saoudiens n’ont longtemps pas pris en
considération la contre-stratégie de l’Iran, tout comme les États-Unis n’ont
pas pris en considération celle de la Russie. Tous deux devront changer leurs
stratégies agressives. Tous deux vont maintenant devoir (re)développer de
véritables moyens défensifs.
Par Moon
of Alabama – Le 17 septembre 2019
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