mercredi 26 février 2020

Bahreïn : Les rapports entre la dynastie Al Khalifa et le terrorisme islamiste


Le Bahreïn commémore, le 14 février 2020, le 9 me anniversaire du soulèvement populaire contre la dynastie Al Khalifa, dans l’indifférence quasi générale de l’opinion occidentale davantage préoccupée par celui qui est présenté comme le croquemitaine iranien que par le rôle hideux de ce petit royaume dans son alliance avec le terrorisme islamique, la répression de sa population et la subversion clandestine de son environnement.
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1 – Bahreïn: Alliance avec Al-Qaïda et rampe de lancement aux drones israéliens pour le survol de l’Iran
Indice d’un comportement schizothymique, la dynastie décriée d’Al Khalifa, alliée majeure des États-Unis dans le golfe, a non seulement fait alliance avec Al-Qaïda, "l’ennemie jurée" [Al-Qaïda n'a jamais été l'ennemie des États-Unis ni d'Israël, mais leur allié et proxy contre les états arabes républicains et/ou nationalistes, comme nous l'avons démontré dans ce Blog] de l’Amérique, mais ce pays le plus en pointe dans sa normalisation avec Israël, pourrait avoir servi de rampe de lancement aux drones israéliens pour l’espionnage des installations nucléaires iraniennes.
Retour sur le Royaume de Bahreïn, pays hôte du sommet concernant le volet économique de la transaction du siècle, en juin 2019, qui s’est révélé être un concentré de toutes les turpitudes.
Curieux comportement des pétromonarchies: Si le Qatar est le parrain de la confrérie des Frères Musulmans, qui figure sur la liste noire du terrorisme, le Bahreïn, lui, a fait alliance avec Al-Qaïda, la déclinaison dégénérative de ce groupement islamiste takfiriste.
Des comportements erratiques de la part de ces deux pétromonarchies, tous deux sous forte protection américaine: Le Qatar qui abrite la plus importantre base aéro-terrestre américaine hors Otan, la base d’Aydid, à 30 km de Doha, dont le rayon d’action s’étend de l’Afghanistan au Maroc, et, le Bahreïn, point d’ancrage à la base navale de la 5eme flotte américaine dont la zone de compétence s’étend du Golfe à l’Océan Indien.
Tout se passe comme si ces deux roitelets du Golfe collaborent avec les (soi-disant) ennemis des États-Unis, avec la bénédiction, sinon sous la protection de la puissance américaine.
Le Bahreïn a ainsi missionné le groupement terroriste Al-Qaïda pour des assassinats extrajudiciaires de l’opposition chiite barheïnie et pour des missions de subversion à l’intérieur du territoire iranien; Révélatrice de sa duplicité, cette incohérence frappe de discrédit moral les États-Unis
Telles sont les principales révélations faites par Al Jazeera, le 14 juillet 2019, dans un documentaire sur Bahreïn, levant un coin de voile sur les rapports entre la dynastie Al Khalifa et le terrorisme islamiste, notamment Al-Qaïda.
Intitulé «Ceux qui jouent avec le feu», ce documentaire a été diffusé dans le cadre du programme d’investigation habituel de la Chaine qatarie «Ce qui a été masqué est pire», animé par le présentateur Tamer Al Mishal.
Le compte rendu de ce documentaire est paru dans le journal libanais «Al Akhbar» en date du 27 Août 2019, sous la plume d’Abbas Bou Safouane, journaliste et écrivain Bahreïni.
Pour le locuteur arabophone, ci joint le lien d’«Al Akhbar»
Le documentaire se fonde sur les aveux de deux anciens membres d’Al-Qaïda dont les déclarations ont été enregistrées en juillet 2011, lors du déclenchement du «printemps arabe», avant qu’il ne soit «fuité» vers Al Jazeera.
La chaîne s’est abstenue toutefois de révéler la provenance du documentaire ou l’identité du pourvoyeur.
Le documentaire comporte en outre des entretiens avec deux officiers et de conseillers dissidents traitant notamment des sujets suivants:
  • Rapports entre Bahreïn et Al-Qaïda;
  • La défection d’officiers Bahreïnis hostiles à la dynastie;
  • Les difficultés de la dynastie Al Khalifa dans ses rapports avec les grandes familles sunnites;
  • La guerre sournoise menée par la dynastie régnante visant à tarir la vitalité du segment chiite de la population, largement majoritaire dans ce pays.
Hamad a succédé à son père fin 1999 et exerce donc le pouvoir depuis 20 ans. L’Émir s’est auto-proclamé Roi en 2002, inaugurant son règne par une grande réconciliation nationale, en février 2001, et l’établissement de rapports prometteurs avec le Qatar, en mars 2001, dans la foulée du règlement de leur contentieux territorial.
Deux décennies plus tard, il a fallu déchanter. Bahreïn se retrouve sous la tutelle de l’Arabie saoudite, qui avait dépêché un bataillon d’un millier de soldats pour mater le soulèvement populaire Bahreïni, en février 2011, et faire dévier, avec l’aide des pays occidentaux, la contestation populaire de la zone inflammable du Golfe vers les pays à structure républicaine de la rive méditerranéenne, (l’Algérie, la Tunisie, l’Égypte) la Libye et la Syrie, deux pays pétroliers sans endettement extérieur.
Pis, non seulement sous la tutelle saoudienne, Bahreïn est apparu comme l’un des adeptes les plus actifs du boycottage du Qatar et, dernier et non le moindre, le pionnier au sein de la corporation pétromonarchique dans la normalisation avec Israël.
Sous la nouvelle monarchie, Bahreïn qui abrite la base navale américaine pour la Vè flotte, (Océan indien-Golfe), s’est en outre engagé dans une coopération poussée avec les pays occidentaux marquée par leur présence militaire marquée dans l’archipel;
L’accentuation de la dette publique avec l’acquisition d’un système de défense anti aérienne américaine Patriot d’une valeur de 12 milliards de dollars; la précarisation économique de la population, dont un tiers de la force ouvrière vivote avec un salaire de près de mille dollars par mois; une politique forcenée de naturalisation afin de réduire l’importance démographique de la population chiite avec, en complément, l’exacerbation du confessionnalisme.
Cette politique a suscité la défiance des grandes familles sunnites à l’égard de la famille régnante Bahreïnie conduisant certaines d’entre elles à se refugier au Qatar, entraînant une rupture complète des relations entre le pouvoir et l’opposition avec son corollaire, une guerre secrète du trône contre les diverses composantes de la population chiite;
Enfin, -vraisemblablement sous la pression d’Abou Dhabi et de l’Arabie saoudite-, une brouille durable de Bahreïn avec les Frères Musulmans.
Les protagonistes du documentaire
Tous les protagonistes du documentaire sont des loyalistes.
A – Mohamad Saleh: Un des dirigeants d’Al-Qaïda-Bahreïn a confirmé l’existence de relations officieuses entre le mouvement terroriste et l’appareil sécuritaire du Bahreïn. Les liens ont été noués en 2003, dans la foulée de l’invasion américaine de l’Irak, via un officier de la sécurité d’état, à l’initiative du pouvoir.
L’homme a été chargé de procéder à des liquidations extra judiciaires de l’opposition Bahreïnie, notamment Abdel Wahab Hussein, un des meneurs de l’opposition; un homme de conviction, de grande perspicacité jouissant de surcroît d’une grande popularité
Mohamad Saleh réside à Manama. Il n’a pas été interpellé par les autorités à la suite de la diffusion de son interview par Al Jazeera. Bien au contraire, il est apparu sur les écrans de la télévision Bahreïnie pour confirmer la véracité de ses propos, faisant valoir que ses aveux devaient servir de police d’assurance pour prévenir son éventuelle arrestation ou de tout autre dirigeant de son mouvement.
B- Hicham Balouchi: Maître d’œuvre d’un attentat meurtrier contre les Gardiens de la Révolution iranienne, en 2015, et abattu, depuis lors, par l’Iran. Chef du groupement «Ansar al Forkane», Balouschi a admis avoir reçu du pouvoir Bahreïni, un équipement logistique, des armes et de l’argent en vue de se livrer à des «opérations sur la rive occidentale du Golfe».
Cet aveu recueilli avant sa disparition va à l’encontre de la propagande pétromonarchique, relayée par les médias occidentaux, qui accuse l’Iran d’intrusion permanente dans les affaires intérieures des pays voisins (Bahreïn, Yémen, Irak, etc…)
C- Yasser Al Jalahmane, ancien officier de l’armée Bahreïnie, a été interviewé à Doha en 2013 où il a trouvé refuge. Il a admis avoir commandé un bataillon de 700 hommes fortement armés en vue de briser le sit-in pacifique organisé par l’opposition, au rond point «Al Lou’lou’a», le rond point de la perle, lieu mythique de la contestation populaire bahreïnie, le 16 février 2011, et détruit depuis lors. Un sit-in organisé au lendemain de l’instauration de l’Etat d’urgence et du débarquement des troupes saoudiennes, sans mandat de l’ONU, sur l’archipel.
L’officier Bahreïni assure que les manifestations n’étaient munis d’aucune arme et protestaient pacifiquement. Il soutient que l’appareil sécuritaire a placé une grande quantité d’armes alors que les manifestants commençaient à se disperser pour suggérer leur intention subversive et justifier a posteriori la sévérité de la répression.
La commission d’enquête chargée d’établir la véracité des faits sur la répression du Rond Point Lou’lou’a -la rapport Bassiouny- a confirmé en mars 2011 le caractère pacifique de la manifestation.
D- Mohamad Boufalassa, ancien officier de l’armée, a, lui, rallié les manifestants en Mars 2011, accusant le gouvernement de se livrer à des «actes de terrorisme».
E – Salah Al Bendar: ancien conseiller du gouvernement, a accusé le pouvoir d’avoir manipulé le processus électoral, attisé les dissensions interconfessionnelles entre Chiites et Sunnites, et cherché à confiner les Chiites dans des cantons. D’origine soudanaise, Salah Al Bendar a mis en garde que le Bahreïn ne se transforme en un nouveau Darfour, par allusion à la province sécessionniste du Soudan.
2- Les circonstances de cette alliance avec Al-Qaïda.
Les aveux de Mohamad Saleh ont confirmé l’existence de liens effectifs entre les deux présumés partenaires ; un fait qui demeurait jusqu’à présent du domaine de lr’hypothèse:
Les liens Bahreïn-Al-Qaïda ont été noués en 2003 à la suite de l’invasion américaine de l’Irak à l’arrière plan d’une double crainte:
-La crainte des États-Unis  d’une montée en puissance d’Al-Qaïda en Irak à la faveur de l’amplification de la résistance irakienne à l’occupation américaine.
-La crainte de Bahreïn et des autres pétromonarchies de l’accroissement de l’influence politique des Chiites en Irak, et au delà de l’Iran, par effet d’aubaine, à la suite de l’éradication des assises du pouvoir sunnite en Irak, avec le démantèlement de l’armée et du parti Baas.
3- Les motivations contraires de Bahreïn et d’Al-Qaïda.
Chacune des parties cherchera à tirer profit de ce partenariat, mais la suspicion demeurera la règle dans leurs rapports.
Mamana a ainsi instrumentalisé les terroristes sunnites islamistes contre l’opposition chiite, tout en leur recommandant fortement de ménagerles édifices gouvernementaux Bahreïnis et les installations militaires américaines sur l’Archipel notamment la base navale de Manama, point d’ancrage de la Vme flotte américaine.
Le 2me objectif de Manama a été d’utiliser Al-Qaïda comme épouvantail en direction de l’opposition chiite, mettant en garde celle-ci contre une évolution de la situation selon le schéma de type irakien.
Méfiants, les États-Unis  gardaient présent à l’esprit le fait que leurs anciens partenaires de la guerre anti soviétique d’Afghanistan, (1980-1989) ont été les maîtres d’oeuvre du raid contre les symboles de l’hyperpuissance américaine, le 11 septembre 2001. Ils réclamaient sans cesse l’arrestation de ces extrémistes, mais Manama faisait la sourde orielle, se contentant de neutraliser exclusivement les terroristes dûment fichés.
Tout à son exaltation, Mohamad Saleh, chargé des assassinats extrajudiciaires des opossants Bahreïnis, ne s’est jamais interrogé sur les raisons qui poussaient Manama à lui fournir des armes avec parcimonie.
Il sera arrêté par les forces saoudiennes lors de leur débarquement et incarceré plusieurs mois. Il sera libéré à la suite d’une intercession du Roi du Bahreïn, qui lui promit un dédomagement pour sa période de détention.
Dans leur démarches, les extrémistes islamistes avaient intégré le fait que Bahreïn conférait une priorité absolue à ses relations privlégiées avec les États-Unis , sachant petinement que la sollicitude de Manama à l’égard d’Al-Qaïda répondait surtout au souci de Bahreïn d’instrumentaliser l’organisation terroriste contre l’opposition chiite et contre d’autres pays arabes à la faveur du printemps arabe (Yémen, Syrie etc..).
4 – Naturalisation de nouveaux Bahreïnis et exil des habreinis d’origine.
L’exode de grandes familles sunnites de Bahreïn vers Qatar a considérablement affecté l’image de la dynastie Al Khalifa. Proches du pouvoir pour la plupart, occupant des postes de responsabilité et détentrices par conséquent de nombreux secrets, leur présence à Doha a donné la possibilité au Qatar de thésauriser un lot considérable de secret sur le fonctionnement du régime, ses forces et, surtout, ses faiblesses. Parallèlement, et depuis 2011, Bahreïn a déchu de leur nationalité près de 1.000 de ses ressortissants au prétexte de leur appartenance partisane.
Les cas de Yasser Al Jalahmane et d’Ali Al Mouhammadi sont significatifs à cet égard.
A – Yasser Al Jalahmane:
Cet officier a décidé de faire dissidence à la suite d’une altercation avec un militaire fraichement naturalisé, qui lui était subordonné. A la suite de cette altercation, Jalahmane a décidé de placer en détention préventive son subalterne en prévision de sa comparution en justice. Quelle ne fut la surprise de l’officier de constater la remise en liberté de son subordonné, sans sa consultation préalable. Le pouvoir a justifié sa décision par son souci de ménager les «naturalisés», voués à la lutte contre l’opposition chiite.
Dépité, Jalahmane s’est exilé au Qatar, en signe de protestation contre ce traitement qu’il a jugé inique et humiliant pour son autorité et son amour propre.
B- Ali Al Mouhannadi:
Ce président du conseil municipal d’une bourgade du sud de l’archipel a lui aussi fait l’objet d’un traitement discriminatoire, dans son contentieux avec un responsbale Bahreïni nouvellement naturalisé. En signe de protestation contre le traitement préférentiel réservé au bahrieni de fraiche date, Ali Al Mohannadi s’est exilé au qatar en compagnie son frère.
Depuis le soulèvement populaire de 2011, les Bahreïnis naturalisés de fraiche date ont pris de l’importance et leur influence ont gagné en ampleur s’étendant aux domaines suivants: Education, Armée, Sécurité, Justice, au détriment des brahreinis d’origine.
Signe de la défiance de la dynastie Al Khalifa envers les élites Bahreïnies, le pouvoir a procédé en douceur à une reconfiguration démographique du Royaume réduisant la proportion des Bahreïnis d’origine au profit de Bahreïnis naturalisés jugés plus fiable dans leur loyauté au trône. Une naturalisation visant de manière sous jacente à réduire la proportion des Chiites au sein de la population.
Contre toute attente, Bahreïn plutôt que de porter plainte devant une juridiction compétente en matière des delits de presse à la susite de la diffusion de ce documentaire, a saisi la Ligue arabe, où le Qatar, proriétaire de la chaine, est ultra minoritaire, face à la coalition pétromonarchique qui le maintient sous embargo en raison de son appui massif à la confrérie des Frères Musulmans.
Sur ce lien, le contentieux entre Qatar et les autres pétromonarchies:
5 -Bahreïn rampe de lancement des drones israéliens pour l’espionnage d’Iran.
Faisant feu de tout bois, mu vraisemblablement par un instinct de survie inconsidéré, tentant de concilier l’inconciliable, le Bahreïn passe pour avoir prêté son territoire pour servir de point de départ aux drones israéliens survolant l’Iran.
L’armée iranienne a annoncé vendredi 8 novembre 2019, avoir abattu un drone «non-identifié» dans la région de Bandar-é Mahchahr, port du sud-ouest de l’Iran donnant sur le Golfe, selon l’agence iranienne de presse IRNA, qui n’a toutefois pas précisé la nationalité de l’appareil.
Amir Moussawi, ancien diplomate iranien, s’est chargé de révéler l’identité du drone en question, précisant, dans un interview à la chaine libanaise «Al Mayadeen» que l’appareil était de nationalité israélienne et qu’il s’était élancé depuis l’archipel de Bahreïn.
Le drone a été abattu alors qu’il tentait de pénétrer l’espace aérien iranien pour survoler aux fins d’espionnage le secteur de Bouchher qui abrite une centrale nucléaire iranienne», a précisé M. Mousawi.
A l’intention du lectorat arabophone, pour aller plus loin sur cette affaire, cf ce lien
L’Iran avait abattu, en juin 2019, un drone américain appartenant à la famille des «Global Hawk», qui sont des drones de reconnaissance historiques américains. Des engins capables d’espionner les communications au sol depuis une altitude de près de 20 km.
Le RQ-4A Global Hawk, qui survolait les eaux internationales selon Washington, a une envergure similaire à celle d’un Boeing 737. Il est bien plus imposant et lent que les très redoutés drones Predator ou Reaper, utilisés par l’armée américaine pour les missions d’assassinats ciblés.
Les forces de sécurité iraniennes se sont rendus vers la zone ciblée par le drone israélien pour recueillir les débris de l’appareil, abattu par le dispositif balistique iranien «Mirsad», a conclu le diplomate iranien.
Par René Naba
14 février 2020
Journaliste-écrivain, ancien responsable du Monde arabo musulman au service diplomatique de l'AFP, puis conseiller du directeur général de RMC Moyen-Orient, responsable de l'information, membre du groupe consultatif de l'Institut Scandinave des Droits de l'Homme et de l'Association d'amitié euro-arabe. 
Les annotations dans cette couleur sont d'Hannibal Genséric

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