mercredi 11 septembre 2024

L’Arabie saoudite accélère le déclin du pétrodollar en faisant la promotion du pétroyuan

Le ministre saoudien de l’industrie et des ressources minérales a déclaré que son pays « essaierait de nouvelles choses » – notamment l’utilisation du yuan dans les transactions pétrolières – alors que Riyad cherche à intégrer des produits chinois tels que les véhicules électriques, l’avion de ligne C919 et les infrastructures d’énergie renouvelable. Cela marque un changement majeur, étant donné que les liens étroits de l’Arabie saoudite avec les États-Unis ont donné naissance au pétrodollar.


« Le pétroyuan n’est pas substantiel pour [le ministère], nous pensons que l’Arabie saoudite fera ce qui est dans son meilleur intérêt… mais je pense que l’Arabie saoudite essaiera toujours de nouvelles choses et est ouverte aux nouvelles idées, et nous essayons de ne pas mélanger la politique et le commerce », a déclaré le ministre de l’industrie et des ressources minérales Bandar Alkhorayef dans une interview le 7 septembre à Hong Kong et publiée par le South China Morning Post.

L’adoption plus large du pétroyuan – abréviation de l’utilisation de la monnaie chinoise dans les règlements transfrontaliers du pétrole brut – est largement considérée comme la prochaine étape de l’internationalisation du yuan et un défi au dollar américain omniprésent sur les marchés mondiaux des matières premières.

Riyad est la deuxième source d’importations de pétrole brut de la Chine.

Bien que le ministre saoudien ait décrit le sentiment positif de son pays à l’égard de l’utilisation du pétroyuan dans les transactions, il n’a pas donné de calendrier pour la mise en œuvre de cette mesure. Il a expliqué que d’un point de vue commercial, entre un fournisseur et un client, un tel arrangement peut se produire avec la liberté dont ils disposent et que ce n’est pas quelque chose que Riyad envisagerait d’un point de vue politique.

Dans le même temps, les Saoudiens cherchent à diversifier leur économie et à devenir un centre manufacturier au Moyen-Orient dans le cadre de leur initiative Vision 2030, et les entreprises chinoises sont désireuses d’explorer des marchés alternatifs alors que l’effort de confinement / sanctions mené par les États-Unis élargit sa portée. Ces développements complémentaires ont conduit à des relations plus étroites entre les deux pays.

Alkhorayef a déclaré qu’il souhaitait la bienvenue aux entreprises chinoises qui viennent d’investir dans les véhicules électriques et qu’il invitait tout fournisseur de solutions à participer à l’initiative des usines du futur de l’Arabie saoudite.

Dans le secteur de l’aviation, le régulateur de l’aviation saoudien, l’Autorité générale de l’aviation civile, a signé en mai un protocole d’accord avec la Commercial Aircraft Corporation of China (COMAC) pour explorer la localisation de son industrie aéronautique et développer la chaîne d’approvisionnement locale. Cela est crucial car l’Arabie saoudite sera un acheteur d’avions pour les 25 prochaines années et, avec la croissance rapide, elle examinera plusieurs fournisseurs.

L’Arabie saoudite a lancé l’initiative Vision 2030 en 2016 pour libérer l’économie du pays de sa dépendance au pétrole d’ici la fin de la décennie. Ces efforts comprennent le développement de secteurs dits « mous », tels que le tourisme et les industries de services. Tout cela est ancré dans des principes économiques qui favorisent la création d’industries qui n’existaient pas dans le passé, notamment des projets liés à la culture, au divertissement et au sport. La Chine joue un rôle essentiel dans tous ces domaines.

En fait, alors que les États-Unis et l’Union européenne manœuvrent pour réduire leur exposition économique à la Chine, il faut se rappeler que le ministre saoudien de l’Économie et de la Planification, Faisal Alibrahim, a déclaré plus tôt cette année que son pays cherchait à nouer des liens plus étroits avec la puissance asiatique.

« Nous avons une relation commerciale solide avec la Chine. Et nous pensons qu’il est très sage de continuer à renforcer cette relation avec la Chine ainsi qu’avec nos autres partenaires », a déclaré le ministre dans une interview au journal Nikkei Asia.

En même temps, Alibrahim a souligné qu’avec la Chine, « nous avons une relation très forte qui comprend des investissements et des échanges commerciaux des deux côtés. Il existe de nombreuses opportunités pour la Chine d’investir en Arabie saoudite. En même temps, nous accordons la priorité à l’investissement dans le monde entier, y compris en Chine en termes d’opportunités ».

L’Arabie saoudite, ainsi que d’autres États régionaux, l’Iran et les Émirats arabes unis, ont été sélectionnés comme les nouveaux membres des BRICS. Les analystes notent que ce basculement apparent vers la Chine, ainsi que vers la Russie, risque d’affaiblir la position traditionnellement favorable de Riyad à l’égard des États-Unis et la domination du pétrodollar qui a émergé en raison de cette relation.

Cela se concrétise déjà puisque l’Arabie saoudite a rejoint la révolution de la monnaie numérique de la Banque centrale en juin en devenant membre à part entière du projet mBridge, une collaboration entre la Thaïlande, Hong Kong, la Chine et les Émirats arabes unis qui donnera au pays arabe un accès immédiat à des transactions monétaires transfrontalières à faible coût, qu’il utilisera pour vendre du pétrole à la Chine, et également pour contester la domination de SWIFT dont la Russie a été bannie en février 2022.

En effet, l’Arabie saoudite a contribué à donner naissance au pétrodollar, et c’est maintenant le même pays qui fait du pétroyuan une réalité, ce qui conduira inévitablement à son lent déclin.

11 septembre 2024

Ahmed Adel

Ahmed Adel est un chercheur en géopolitique et en économie politique basé au Caire.

4 commentaires:

  1. Oui ... et l'Arabie Saoudite va s'acheter une centaine de chasseurs équipés de divers missiles en occident (US, UK ou FR). C'est d'une logique. Idem pour les Emirats qui négocient une nouvelle tranche de Rafales avec Dassault.
    D'autre part, la Chine qui regorge de dollar n'a pas forcément l'intention de la voir s'effondrer aujourd'hui.
    Ces articles, c'est un peu comme les pays de l'AES qui s'alignent sur la Russie mais qui conservent le FCFA. On peut se poser des questions ? Non ?

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    1. 1. «(...), ET NOUS ESSAYONS DE NE PAS MÉLANGER LA POLITIQUE ET LE COMMERCE»
      « (...) de continuer à renforcer cette relation avec la Chine AINSI QU’AVEC NOS AUTRES PARTENAIRES»
      2. «(...). En même temps, nous accordons la priorité à l’investissement DANS LE MONDE ENTIER, (...)»
      Bien que je ne sois pas supporter absolu des Saoud ni un opposant hostile systématique, c'est ce qu'on appelle la souveraineté dans un monde multilatéraliste naissant.
      Sans vous manquer de respect, votre logique est desuète, l'ère des impérialismes français, britanniques et autres absorbés par l'impérialisme unipolaire étatsunien, contesté par la majorité des nations, est sur le point de devenir dépassé et archaïque; ce qui, à mon avis, serait une bonne chose pour l'humanité.

      À vous lire, on pourrait penser que les pays de l'AES s'accrochent au Franc CFA car il leur serait bénéfique. Hors, ces pays savent très bien que leurs malheurs et l'impossibilité de se développer est dû, entre autres, au Franc CFA. Je cite :
      « il n’y a jamais eu de décolonisation française, et encore moins d’indépendance donnée par la France en Afrique».
      «C'est la politique de la Françafrique, ce système-pieuvre insatiable de l’économie africaine, qui permet à Paris de garder ses anciennes colonies dans son giron»
      Sylvain Takoué, écrivain ivoirien dans ‟L’Assimisme vaut le souverainisme”, paru récemment.
      «La Côte d'Ivoire peut continuer à accepter la gouvernance qui en fait un pion-clé de la Françafrique ou choisir une voie de rupture pour tracer elle-même son propre destin national. (...) cette bannière du souverainisme et j' espère voir mon pays se joindre à ceux de l'AES qui ont empoigné leur souveraineté retrouvée.»

      «Il y avait une volonté de maintenir l'Afrique dans l'obscurité. Serge Espoir Matomba, premier secrétaire du parti du Peuple uni pour la rénovation sociale au Cameroun en marge du SPIEF 2024.»

      La stratégie postcoloniale de la France consistât à installer par divers moyens des dirigeants autoritaires et à les soutenir pour protéger ses intérêts, les populations appauvries et asservies ne faisant partie de l'équation qu'uniquement comme élément de main d'œuvre peu chère et malléable à merci, leur développement et leurs intérêts étant, comme à l'époque coloniale, totalement et sciemment ignorés.
      Le retrait des capitaux des anciennes colonies vers Paris s'effectue à l'aide d'un système financier francocentrique construit sur la base du Franc CFA. En contrepartie de garantir la convertibilité de cette monnaie supranationale, les pays africains ou plutôt leurs dirigeants autoritaires et corrompus, se sont engagés à transférer au Trésor français de 50 à 65 % de leurs réserves de liquidités placées sur un compte spécial, ainsi qu'à réserver 20 % supplémentaires de ressources financières pour l'exécution des engagements extérieurs.
      Combien d'argent reste réellement entre les mains des "heureux" participants de Francafrica ? Faîtes le calcul, nul besoin d'être un expert !
      Les pays de l'AES travaillent à créer leur propre monnaie, sachant que Paris, l'Europe et l'hégémon feront tout pour les en empêcher.

      Ceci n'est qu'une infime partie de l'inanité des bienfaits pour les africains que serait le Franc CFA et des croyances sur une quelconque mission civilisatrice, sur une fausse aide à l'Afrique et autres propagandes trompeuses.

      Dominer sans porter la souillure du mal est le fantasme absolu du dominant. Car « dominer en étant innocent et bon est normalement un impossible. Or, l'Occident, tout comme l'entité occupant la Palestine, veut imposer cet impossible.

      Aujourd'hui, la France qui avait durant des décennies exploité l’afrique, tout en étant le premier facteur de l’instabilité a fini par devenir persona non grata sur le continent.

      Les français devraient s'inspirer de la philosophie humaine et politique des russes et de quelques autres.

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  2. Certes le dollar perd du terrain, mais il en a encore beaucoup sous le pied. D'ailleurs beaucoup de pays ne souhaitent pas le voir disparaitre avant d'en avoir débarrassé leurs réserves.

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  3. Arabie saoudite = Saoudi darabite
    Ces gens là ne méritent pas votre article.

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