Max Ernst, L’Ange du foyer (Le triomphe du surréalisme), 1937
Le
nombre de morts libanais des bombardements a dépassé 1.640, et les
« exploits » israéliens se sont multipliés. Inaugurés par l’épisode
des bipeurs, qui a suscité la pâmoison de nombre de commentateurs occidentaux
devant « l’exploit technologique ». Tant
pis pour les victimes , tuées, défigurées, aveuglées, amputées, passées par
pertes et profits. On répétera ad nauseam qu’il ne s’agit après tout que
du Hezbollah, d’une « humiliation », organisation que la
France ne considère pas comme une organisation terroriste. Comme si les
explosions n’avaient pas touché l’ensemble de la société, tuant miliciens ou
civils de manière indifférenciée. Pourtant, le recours à des objets piégés est
une violation du droit de la guerre, comme l’ont rappelé plusieurs spécialistes
et organisations humanitaires1 .
Les
assassinats sommaires des dirigeants du Hezbollah, dont celui de son secrétaire
général Hassan Nasrallah, accompagnés chaque fois de nombreuses « victimes
collatérales », ne font même pas scandale. Dernier pied de nez de
Nétanyahou à l’ONU , c’est au siège même de
l’organisation qu’il a donné le feu vert pour le bombardement de la capitale
libanaise.
À
Gaza et dans le reste des territoires palestiniens occupés, les membres du
Conseil de sécurité de l’ONU enfouissent chaque jour un
peu plus les avis de la Cour internationale de justice (CIJ ).
La Cour pénale internationale (CPI ) tarde à émettre un
mandat contre Benyamin Nétanyahou, alors même que son procureur fait état de
pressions « par des dirigeants mondiaux » et par d’autres
parties, y compris personnelles et contre sa famille2 . Avons-nous entendu Joe Biden, Emmanuel Macron ou Olaf
Scholz protester contre ces pratiques ?
Cela
fait presque un an que quelques voix, qui passeraient presque pour les fous du
village, dénoncent l’impunité israélienne, encouragée par l’inaction
occidentale. Jamais une telle guerre n’aurait été possible sans le pont aérien
des armes américaines — essentiellement, et dans une moindre mesure
européennes —, et sans la couverture diplomatique et politique des pays
occidentaux. La France, si elle le voulait, pourrait prendre des mesures qui
frapperaient vraiment Israël, mais elle refuse encore de suspendre les licences
d’exportation d’armement qu’elle lui a accordées. Elle pourrait aussi défendre
à l’Union européenne, avec des pays comme l’Espagne, la suspension de l’accord
d’association avec Israël. Elle ne le fait pas.
Cette
Nakba palestinienne qui n’en finit pas et cette destruction en règle qui
s’accélère au Liban ne sont pas seulement des crimes israéliens, mais aussi des
crimes occidentaux, dans lesquels Washington, Paris et Berlin portent une
responsabilité directe. Loin des gesticulations et des mises en scène dont
l’Assemblée générale de l’ONU a été le théâtre ces
jours-ci, ne soyons dupes ni des colères de Joe Biden, ni des vœux pieux
énoncés par Emmanuel Macron sur la « protection des civils »,
lui qui n’a jamais manqué une occasion pour montrer un soutien sans faille au
gouvernement d’extrême droite de Benyamin Netanyahou. Oublions même nombre de
ces diplomates qui ont quitté la salle de l’Assemblée générale de l’ONU au moment de la prise de parole du Premier ministre
israélien, dans un geste qui relève davantage de la catharsis que de la
politique. Car si des pays occidentaux sont les premiers responsables des
crimes israéliens, d’autres, comme la Russie ou la Chine n’ont pris aucune
mesure pour mettre fin à cette guerre dont le périmètre s’étend chaque jour, et
déborde sur le Yémen aujourd’hui et peut-être sur l’Iran demain.
Cette
guerre nous enfonce dans un âge sombre où les lois, le droit, les garde-fous,
tout ce qui empêcherait cette humanité de sombrer dans la barbarie, sont
méthodiquement mis à terre. Une ère où une partie a décidé de la mise à mort de
l’autre partie jugée « barbare ». Des « ennemis
sauvages », pour reprendre les mots de Netanyahou, qui menacent « la
civilisation judéo-chrétienne ». Le premier ministre cherche à
entraîner l’Occident dans une guerre de civilisation à connotation religieuse,
dont Israël se pense comme l’avant-poste au Proche-Orient. Avec un succès
certain.
Par
les armes et les munitions dont ils continuent à alimenter Israël, par leur
soutien indéfectible à un fallacieux
« droit à se défendre » , par le rejet de celui des Palestiniens à
disposer d’eux-mêmes et à résister à une occupation que la CIJ
a décrété illégale et dont elle ordonne l’arrêt — décision que le Conseil de
sécurité de l’ONU refuse d’appliquer —, ces pays
portent la responsabilité de l’hubris israélien. Membres d’institutions aussi
prestigieuses que le Conseil de sécurité de l’ONU ou le
G7, les gouvernements de ces États entérinent la loi de la jungle imposée par
Israël et la logique de la punition collective. Cette logique était déjà à
l’œuvre en Afghanistan en 2001 et en Irak en 2003, avec les résultats
que l’on connaît. Déjà en 1982, Israël avait envahi le Liban, occupé le
Sud, assiégé Beyrouth et supervisé les massacres des camps palestiniens de
Sabra et Chatila. C’est cette « victoire » macabre qui a abouti à
l’essor du Hezbollah, tout comme la politique israélienne d’occupation a abouti
au 7 octobre. Car la logique de guerre et de colonialisme ne peut jamais
déboucher sur la paix et la sécurité.
Alain
Gresh
Spécialiste du
Proche-Orient, il est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont De quoi la
Palestine est-elle le nom ?
Sarra
Grira
Journaliste,
rédactrice en chef d’Orient XXI.
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Commentaire :
Le gouvernement Netanyahou
poursuit et ne peut poursuivre ce plan criminel que parce qu’il est
soutenu et armé par les États-Unis et l’Europe dont l’Allemagne, la France et l’Italie .
La seule chose que l’on puisse faire pour arrêter cette bête vicieuse
devenue folle est de l’affamer, en ne lui donnant plus d’armes et en
n’achetant plus de produits israéliens, tout en faisant payer aux
gouvernements européens le prix politique nécessaire pour l’action
criminelle qu’ils sont en train de mener.
La folie criminelle de l’État israélien n’est cependant pas isolée. En effet, une large majorité du Parlement européen a voté
l’intensification de la guerre et des sanctions contre la Russie et a
demandé aux pays européens - et donc à l’OTAN - de donner le feu vert
pour lancer leurs missiles depuis l’Ukraine sur la Russie. Il ne s’agit
pas en effet de donner à l’armée ukrainienne la permission d’utiliser
des armes occidentales, car l’armée ukrainienne n’est pas capable de les
utiliser. Le Parlement européen a donc demandé aux États européens
membres de l’OTAN d’utiliser leurs propres armes directement contre la
Russie, c’est-à-dire d’ouvrir la Troisième Guerre mondiale sans l’avoir
déclarée.
Cette guerre aura pour premier théâtre l'Europe, car Biden a refusé de donner ce feu vert aux ukronazis.
H. G.
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