Cela a
été présenté poliment comme un « compromis » franco-allemand lorsque
l’UE a hésité à adopter une directive sur le gaz qui aurait sapé le projet Nord
Stream 2 avec la Russie. Néanmoins,
rhétorique diplomatique mise à part, le blocage par Berlin la semaine dernière
de la tentative du président français Emmanuel Macron d’imposer une
réglementation plus sévère sur le projet gazier Nord Stream 2 était sans aucun
doute une rebuffade ferme à Paris.
Macron
voulait donner à l’administration européenne à Bruxelles un contrôle accru sur
le nouveau pipeline reliant la Russie à l’Allemagne. Mais finalement, le
prétendu « compromis » était un rejet de la
proposition de Macron, réaffirmant
l’Allemagne dans le rôle principal de mise en œuvre du Nord Stream 2, aux côtés de la Russie.
L’oléoduc
de 11 milliards de dollars, d’une longueur de 1 200 kilomètres, devrait être
opérationnel à la fin de cette année. Venant de Russie, sous la mer
Baltique, il doublera l’approvisionnement de l’Allemagne en gaz naturel russe.
Le gouvernement berlinois et l’industrie allemande considèrent ce projet
comme vital pour l’économie toujours vigoureuse du pays.
L’approvisionnement en gaz sera également distribué, depuis l’Allemagne, vers
d’autres États européens. Les consommateurs, particuliers et entreprises, ont
tout à gagner d’une baisse du prix du gaz.
Ainsi,
l’ingérence bizarre et tardive de Macron a été repoussée par Berlin. La
pression accrue exercée par Washington pour que le projet Nord Stream 2 soit annulé a également été
critiquée. La semaine dernière, l’ambassadeur américain en Allemagne, Richard
Grenell, et deux autres émissaires américains ont écrit un éditorial pour Deutsche Welle dans lequel ils accusaient la
Russie d’essayer d’utiliser le « chantage de
l’énergie » dans la géopolitique européenne.
Pourquoi
la France de Macron, a-t-elle tenté, à la dernière minute, de saper le projet
en imposant des règles plus strictes ? C’est une question curieuse. Ces
réglementations supplémentaires, si elles avaient été imposées, auraient
potentiellement rendu l’approvisionnement en gaz russe plus cher. En fin de
compte, le projet sera exécuté sans restrictions sévères.
En bref,
Macron et les tactiques néfastes de Washington, ainsi que des États de l’Union
européenne hostiles à la Russie, la Pologne et les pays baltes, ont
été remis à leur place par l’Allemagne, et l’affirmation de ses intérêts
nationaux, afin de garantir un approvisionnement gazier économique et abondant
en provenance de Russie. Les autres États membres de l’UE ayant soutenu Berlin
sur Nord Stream 2 étaient l’Autriche, la Belgique,
Chypre, la Grèce et les Pays-Bas.
Les
affirmations de Washington, selon lesquelles Nord Stream 2
donnerait à la Russie un levier sur la sécurité de l’Europe, ont été reprises
par la Pologne et les États baltes. La Pologne et l’Ukraine, non membre de
l’UE, risquent de perdre des milliards de dollars en frais de transit. Une
telle décision est toutefois la prérogative de l’Allemagne et de la Russie pour
trouver un mode de livraison plus économique. En outre, de quel droit
l’Ukraine peut-elle revendiquer quoi que ce soit sur une question bilatérale
qui ne la concerne pas ? La mauvaise foi antérieure de Kiev, qui refusait
de régler ses factures d’énergie à la Russie, discrédite le bien fondé de
ses objections.
Un autre
facteur est la russophobie inhérente aux politiciens polonais et baltes, qui
voient tout ce qui concerne la Russie à travers un prisme paranoïaque.
Pour les
Américains, il s’agit bien évidemment de chercher à vendre leur propre gaz
naturel, beaucoup plus coûteux, au marché géant de l’énergie en Europe, au lieu
du gaz russe. Sur la base de chiffres objectifs fournis par le marché, la
Russie est le fournisseur le plus compétitif de l’Europe. Les Américains
tentent donc de s’emparer d’une affaire stratégique par tous les moyens de
propagande et de pression politique. Ironiquement, l’ambassadeur des
États-Unis, Richard Grenell, et les autres émissaires américains ont écrit
récemment : « L’Europe doit garder
le contrôle de sa sécurité énergétique ».
Le mois
dernier, Grenell a menacé les entreprises allemandes et européennes impliquées
dans la construction de Nord Stream 2
d’encourir des sanctions punitives américaines dans l’avenir. À
l’évidence, c’est la partie américaine qui utilise le « chantage » pour contraindre les
autres à se soumettre, pas la Russie.
Retour à
Macron. Que faisait-il dans ses tactiques dilatoires tardives sur le Nord Stream 2 et en particulier les problèmes
qui se poseraient à l’Allemagne si la réglementation supplémentaire avait été
imposée ?
Il
semble invraisemblable que Macron s’inquiète soudainement de la paranoïa de la
Pologne et des États baltes au sujet d’une prétendue invasion russe.
Macron
essayait-il d’obtenir des faveurs de l’administration Trump ? Depuis le
début de la présidence de Macron en 2017, ses rapports obséquieux avec
Trump se sont estompés. Après avoir tenté de saper le projet Nord Stream 2 à Washington, Macron tentait-il
d’entrer à nouveau dans les bonnes grâces de Trump ?
Les
contradictions concernant Macron sont légion. Il est censé être un champion des
« causes écologiques ». Le souhait de
l’Allemagne de réaliser le projet Nord Stream 2 est
en grande partie motivé par le fait que l’augmentation de l’approvisionnement
en gaz réduira la dépendance des centrales électriques européennes vis-à-vis
des combustibles polluants comme le charbon, le pétrole et le nucléaire. En
mettant en place des barrières réglementaires, Macron complique la tâche de
l’Allemagne et de l’Europe pour passer à des sources d’énergie plus
propres telles que le gaz naturel russe.
En
outre, si Macron avait réussi à imposer une réglementation plus stricte au
projet Nord Stream 2, il aurait inévitablement augmenté
les coûts supportés par les consommateurs pour leurs factures de gaz. Ceci
à un moment où son gouvernement est assailli par les manifestations
d’ampleur nationale des gilets jaunes contre la flambée du coût de la vie, en
particulier la hausse du prix de l’essence.
L’un des
facteurs pouvant expliquer la tentative de sabotage de Macron, dans
le cadre du projet allemand Nord Stream 2,
était son dépit face au rejet par Berlin de son programme de réformes tant
vanté pour le bloc de l’Eurozone au sein de l’UE. Malgré l’affichage très
public de son amitié avec la chancelière Angela Merkel, Berlin a constamment
repoussé les ambitions de réforme du dirigeant français.
Il est
difficile de discerner le véritable objectif des réformes Macron. Mais elles
semblent constituer une « Charte du
banquier ». De nombreux économistes allemands éminents
ont éreinté
ses projets, qui, selon eux, pousseraient davantage au renflouement,
financé par les contribuables, des banques insolvables. Ils disent que Macron
tente d’éloigner encore davantage l’Union européenne de l’économie sociale de
marché qu’elle ne l’a déjà fait.
Ce que
Macron, un ancien banquier de Rothschild,
semble viser est une réplique de la politique pro-riche et anti-travailleurs
qu’il impose à la France et son extension à l’ensemble de la zone euro. Berlin
n’en veut pas, sachant que de telles politiques vont éroder davantage le tissu
social. Cela pourrait être la raison principale pour laquelle Macron a tenté
d’utiliser le projet Nord Stream 2
comme levier pour faire plier Berlin.
À la
fin, Macron et Washington – bien que travaillant pour des objectifs
différents – ont échoué dans leurs tentatives de saboter le commerce
énergétique naissant entre l’Allemagne, l’Europe et la Russie. Nord Stream 2, comme Turkish Stream au
sud de l’Europe, semble inévitable par la force même du partenariat naturel.
À ce
sujet, les commentaires du gouvernement hongrois cette semaine étaient bien
adaptés. Budapest a accusé
certains dirigeants européens et américains de « grande
hypocrisie » en décriant toute association avec la Russie à
propos du commerce de l’énergie. Macron a déjà participé au forum
économique de Saint-Pétersbourg, et pourtant il a récemment tenté de « faire chanter » et de perturber
l’Allemagne au sujet de ses projets commerciaux avec la Russie.
Quant
aux Américains, leur arrogante hypocrisie dépasse les bornes de la décence. En
plus d’essayer de sermonner l’Europe sur les « principes du
marché » et la « sécurité
énergétique », on a appris cette semaine que Washington
demandait de la même manière à l’Irak de mettre fin à ses importations de gaz
naturel en provenance de l’Iran voisin.
L’Irak
souffre de pénuries d’électricité, et d’énergie, en raison de la guerre
criminelle que les États-Unis ont menée contre ce pays de 2003 à 2011 et qui a
détruit une grande partie de ses infrastructures. L’Irak a absolument besoin de
l’approvisionnement en gaz iranien pour faire fonctionner l’éclairage et les
ventilateurs. Pourtant, les États-Unis exigent maintenant de
l’Irak qu’il mettre fin à son importation essentielle de carburant iranien
afin de se conformer aux sanctions imposées par le gouvernement Trump contre
Téhéran. L’Irak est furieux de la dernière ingérence de Washington dans ses
affaires souveraines.
L’hypocrisie
de Washington et des politiciens élitistes tels que Emmanuel Macron est devenue
trop difficile à supporter. Peut-être que l’Allemagne et les autres réalisent
enfin qui sont les charlatans.
Par Finian Cunningham – Le 13 février 2019 – Source Strategic Culture
Traduit
par jj, relu par Cat pour le Saker Francophone
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