Un jour après la tentative de coup d’État américaine au Venezuela, le programme des États-Unis était déjà assez évident :
L’opposition vénézuélienne utilisera probablement l’argent « gelé »
[des fonds vénézuéliens illégalement bloqués par la Banque d’Angleterre,
NdT] pour acheter des armes et créer une armée de mercenaires pour
mener une guerre « civile » contre le gouvernement et ses partisans.
Comme en Syrie, les forces spéciales américaines ou certains
‘sous-traitants’ de la CIA seront prêts à aider. La route
d’approvisionnement pour une guerre de ce type passerait très
probablement par la Colombie. Si, comme en 2011 en Syrie, une guerre sur
le terrain est prévue, elle commencera probablement dans les villes
proches de cette frontière.
Les États-Unis se servent du prétexte d’un « acheminement d’aide
humanitaire » de la Colombie au Venezuela pour saper le gouvernement et
établir une ligne d’approvisionnement pour d’autres opérations. Il
s’agit d’une nouvelle tentative pour amener les militaires du côté des putschistes :
Si les camions arrivent à passer, l’opposition pourra se présenter
comme une réponse aux souffrances chroniques du Venezuela, tandis que
Maduro semblera avoir perdu le contrôle des frontières du pays. Cela
pourrait accélérer les défections du parti au pouvoir et de l’armée.
Dimitris Pantoulas, politologue à Caracas, a qualifié le plan d’aide de l’opposition de « pari à gros enjeux ».
…
« Il porte à 99 % sur l’armée et à 1 % sur les aspects humanitaires, a-t-il dit. « L’opposition teste la loyauté des militaires en augmentant le coût de leur soutien à Maduro. Ils sont avec Maduro ou pas ? Vont-ils rejeter l’aide ? Si la réponse est non, les heures de Maduro sont comptées. »
Un éditorial du New York Times par un ancien ministre des Affaires étrangères de droite du Mexique, Jorge G. Castañeda, détaille le potentiel d’escalade :
Selon M. Guaidó et d’autres sources, 20 millions de dollars de médicaments et de vivres américains seront livrés cette semaine juste à l’extérieur du territoire vénézuélien, à Cúcuta (Colombie), au Brésil et sur une île des Caraïbes – Aruba ou Curaçao – près des côtes du Venezuela.
Les militaires et troupes vénézuéliens exilés transporteront ensuite ces fournitures au Venezuela, où, si tout va bien, les troupes de l’armée loyale à M. Maduro n’arrêteront pas leur passage ni ne tireront sur eux. S’ils le font, les gouvernements brésilien et colombien pourraient être prêts à soutenir les soldats anti-Maduro. La menace d’une fusillade avec leurs voisins pourrait bien n’être que l’incitation dont les militaires vénézuéliens ont besoin pour abandonner M. Maduro, rendant ainsi inutile tout combat inutile.
Il est peu probable que cette stratégie d’escalade fonctionne, à
moins qu’il n’y ait d’autres provocations. Le gouvernement vénézuélien a
bloqué le pont frontalier entre Cúcuta en Colombie et San Cristobal au
Venezuela. Ses militaires sont prêts à interdire toute violation de la
frontière du pays.
Les États-Unis ont réagi au blocage de la route par un tweet moralisateur :
Secrétaire Pompeo @SecPompeo – 16:55 utc – 6 fév 2019
Le peuple vénézuélien a désespérément besoin d’aide humanitaire. Les États-Unis et d’autres pays essaient d’aider, mais l’armée vénézuélienne, sous les ordres de Maduro, bloque l’aide des camions et navires-citernes. Le régime Maduro doit LAISSER L’AIDE PARVENIR AU PEUPLE AFFAMÉ. #EstamosUnidosVE
Le gouvernement américain, qui aide activement à affamer le peuple
yéménite pour le soumettre, s’inquiète du Venezuela où personne n’est
mort de faim jusqu’à présent ? Même la dame ci-dessous en sourirait.
L’armée vénézuélienne n’a donné aucun signe d’intérêt envers ces manigances. L’aide soumise à conditions sera rejetée.
Le gouvernement vénézuélien ne rejette pas les aides qui arrivent sans ingérence politique. L’année dernière, il a accepté
une aide modeste de l’ONU qui consistait principalement en fournitures
médicales dont le Venezuela avait été privé en raison des sanctions
américaines. L’ONU a affirmé qu’environ 12 % des Vénézuéliens sont
sous-alimentés. Mais de telles affirmations sont faites depuis des
années alors que les rapports issus du Venezuela (vidéo) n’ont
confirmé qu’une rareté de certains produits spécifiques. Il n’y a pas
de famine au Venezuela qui nécessiterait une intervention immédiate.
La Croix-Rouge internationale, l’organisation d’aide de l’Église catholique Caritas et les Nations Unies
ont rejeté les demandes des États-Unis de participation à la fourniture
de l’aide actuellement prévue, car elle est de toute évidence politisée
:
« L’action humanitaire doit être indépendante d’objectifs politiques, militaires ou autres », a déclaré mercredi à New York le porte-parole de l’ONU, Stéphane Dujarric.
… « Ce qui est important, c’est que l’aide humanitaire soit dépolitisée et que seuls les besoins de la population déterminent quand et comment l’aide humanitaire est utilisée », a ajouté Dujarric.
Rejeter des aides pour des raisons politiques n’est pas inhabituel.
Lorsque l’ouragan Katrina avait causé d’énormes dégâts le long de la
côte du golfe du Mexique, en 2005, un certain nombre de pays avaient
offert des aides humanitaires et techniques. Le président américain Bush
avait accepté l’aide de certains pays, mais en avait rejeté d’autres :
Une offre d’aide du président vénézuélien, Hugo Chávez, qui comprenait deux unités hospitalières mobiles, 120 experts en sauvetage et premiers secours et 50 tonnes de nourriture, avait été rejetée, selon le célèbre militant des droits civils Jesse Jackson.
M. Jackson a déclaré que l’offre du dirigeant vénézuélien, qu’il avait rencontré, comprenait 10 stations d’épuration d’eau, 18 générateurs électriques et 20 tonnes d’eau en bouteille.
L’intention des États-Unis d’établir une ligne d’approvisionnement
« d’aide humanitaire » au Venezuela a un objectif secondaire. Cette aide
serait une couverture idéale pour un approvisionnement en armes. Dans
les années 1980, les vols désignés « aide humanitaire » pour le
Nicaragua étaient remplis d’armes. Ces vols étaient organisés par Elliot Abrams, qui est maintenant l’envoyé spécial de Trump pour le Venezuela.
Alors que les camions en provenance de Colombie sont bloqués à la
frontière, d’autres « aides humanitaires » en provenance des États-Unis
sont arrivées dans le pays.
Des officiels vénézuéliens ont accusé les États-Unis
d’avoir envoyé une cache de fusils de grande puissance à bord d’un vol
de fret commercial en provenance de Miami, à destination des opposants
du président Nicolás Maduro.
Des membres de la Garde nationale bolivarienne [GNB] et du Service national intégré des douanes et de l’administration fiscale [Seniat] ont fait cette découverte un jour après l’arrivée de l’avion à l’aéroport international Arturo Michelena de Valencia.
Les inspecteurs ont trouvé 19 fusils mitrailleurs, 118 chargeurs et 90 radios sans fil en enquêtant sur le vol qui, selon leurs dires, était arrivé dimanche après-midi. La fouille de lundi a également permis d’obtenir quatre porte-fusils, trois lunettes de visée et six iPhones.
Les photos
montrent un équipement suffisant pour une escouade d’infanterie. Quinze
fusils d’assaut AR-15 (5.56), une arme automatique d’escouade (7.62)
avec chargeur à tambour, et un fusil pour sniper Colt 7.62, ainsi que
des accessoires. N’y manquent que des munitions.
Lorsqu’un chargement d’armes de ce type est saisi, il y a de fortes
chances pour qu’il y en ait d’autres. Mais pour mener une guerre contre
le gouvernement, il ne suffit pas de fournir des armes. Les États-Unis
devront établir une route d’approvisionnement pour des munitions lourdes
et encombrantes. C’est à cette étape que les convois « d’aide
humanitaire » entrent en jeu.
A moins qu’une grande partie de l’armée vénézuélienne ne change de
camp, toute tentative de renversement du gouvernement vénézuélien par la
force est vouée à l’échec. Les États-Unis pourraient se rabattre sur
leur puissance militaire pour détruire l’armée vénézuélienne. Mais le
Sénat américain se dispute déjà au sujet de l’envoi potentiel de forces américaines au Venezuela. Les démocrates le rejettent fermement.
Une résolution du Sénat visant à soutenir le leader de l’opposition vénézuélienne Juan Guaido, qui devait obtenir un soutien unanime, a été torpillée par un désaccord sur l’emploi éventuel de la force militaire, selon des assistants et des sénateurs travaillant sur cette question.
...« Je pense qu’il est important que le Sénat s’exprime sur la démocratie au Venezuela, qu’il appuie le président par intérim Guaido et qu’il appuie l’aide humanitaire. Mais je pense aussi qu’il devrait être très clair sur le fait que le soutien ne s’étendra pas à une intervention militaire », a déclaré le sénateur démocrate Bob Menendez à NBC News.
Il est peu probable que Trump ordonne une intervention militaire sans l’appui des deux partis.
L’insertion clandestine d’une force mercenaire de « guérilla » au
Venezuela est certainement possible. Des voies d’approvisionnement
mineures peuvent être établies par des moyens secrets. Mais, comme le
démontre l’exemple de la guerre contre la Syrie, de tels plans ne
peuvent être couronnés de succès que si le peuple accueille
favorablement la force antigouvernementale.
Sous le gouvernement actuel, la plupart des Vénézuéliens sont mieux
lotis que sous les gouvernements d’avant Chavez. D’énormes progrès ont
été réalisés sous Chavez et Maduro. Les gens ne l’oublieront pas, même
si la situation économique devient plus difficile. Ils savent qui tire les ficelles
derrière Guaido, le type choisi au hasard qui revendique maintenant la
présidence. Ils savent bien qu’il est peu probable que ces super-riches
souhaitent améliorer leur sort.
Les politiciens américains commettent les mêmes erreurs à l’égard du
Venezuela que lors des guerres de changement de régime en Irak et en
Syrie. Ils croient que tous les gens sont aussi corrompus et nihilistes
qu’eux. Ils croient que les peuples ne se battront pas pour leurs
croyances et leur mode de vie. Encore cette fois, ils auront tort.
Paru sur Moon of Alabama sous le titre Venezuela – U.S. Aid Gambit Fails – War Plans Lack Support
Traduction Entelekheia
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