Ce
qui est surprenant dans le scénario vénézuélien qui se dessine c’est à
quel point les similitudes sont grandes avec celui qui s’est déroulé en
Libye en 2011.
Le
23 janvier 2019, contre toute attente et surtout contre le droit
international, Juan Guaido, le tout nouvellement élu (5 janvier 2019)
président du parlement de Caracas, s’autoproclame président de la
République par intérim. Il est immédiatement adoubé par les Etats-Unis,
ses alliés occidentaux et onze membres sur quatorze du groupe de Lima
(1).
Le
26 janvier 2019, Paris, Berlin et Rome lancent un ultimatum au
président Maduro l’enjoignant d’annoncer une élection présidentielle
sous huit jours faute de quoi, ils reconnaîtront Juan Guaido comme « président en charge
» (2). Le 31 janvier, l’Union européenne crée un groupe de contact
chargé d’accompagner l’organisation d’élections. Ce groupe est composé
de plusieurs pays européens et du groupe de Lima (3). La première
réunion aura lieu le 7 février à Montevideo.
Le 22 janvier 2019, l’UE impose des sanctions à sept hauts responsables vénézuéliens et gèle leurs avoirs (4).
Le
28 janvier 2019, les Etats-Unis sanctionnent une entreprise pétrolière
appartenant à l’Etat vénézuélien, Petroleos de Venezuela SA, dans le but
de transférer le contrôle de cette compagnie à l’opposition (5). Puis,
dans un même mouvement, les autorités américaines et Juan Guaido tentent
de faire main basse sur sa filiale américaine Citgo (6).
Scénario libyen
Le
5 mars 2011, un mystérieux Conseil National de Transition (CNT) voit le
jour et déclare être la seule autorité représentative en Libye. Cinq
jours plus tard, la France reconnaît le CNT, suivi le lendemain par
l’Union européenne, puis par le Qatar. Si John McCain n’adoube cet
étrange attelage, parmi lesquels figurent des islamistes radicaux, qu’à
la fin avril 2011, c’est seulement pour ne pas donner l’impression
d’être à la manœuvre, soucieux de ne pas prendre de retours de bâtons en
cas d’échec. Les Américains ont envoyé leurs alliés en première ligne,
mettant ainsi en application leur doctrine « empreinte légère » (7).
Le
26 février 2011, le Conseil de Sécurité de l’ONU impose des sanctions
aux proches de Kadhafi et le gel de leurs avoirs, en réalité, ce qui est
appelé les avoirs de Kadhafi sont ceux de l’État libyen, deux jours
plus tard, l’UE approuve et met en place ces mesures (8).
Le
29 mars 2011, à Londres est créé un groupe de contact sur la Libye avec
la participation de l’OTAN, il se propose d’être un organe pour faire
le lien entre les parties libyennes et la « communauté internationale
» Le 13 avril 2011, ce groupe se retrouve à Doha et crée le Mécanisme
Financier Temporaire (TMF) pour financer le CNT. Ce mécanisme permettra
de reverser sous forme de prêts ou tout simplement de dégel, une partie
des avoirs libyens au CNT (8).
A
ce jour, les centaines de millions déversés au CNT ont disparu dans la
nature, et il est impossible de savoir ce que deviennent les centaines
de milliards gelés dormant dans les banques ou les entreprises
occidentales. La presse Belge est la seule à avoir trouvé quelques
éléments dans un dossier sur lequel pèse une lourde chape de plomb.
Comme l’IVERIS le rappelait dans un article intitulé « Argent public libyen, le mystère reste entier »,
le journal le Vif.Be rapportait que 10 des 16 milliards libyens gelés
détenus en Belgique avait disparu, il écrivait également que les Nations
Unies avaient imposé un blackout total sur ces transferts de fonds.
Le trésor de Caracas
Le trésor de Caracas
Dès lors le président Maduro, quel que soit son bilan, au passage peu reluisant, a-t-il tort lorsqu’il déclare : « Quel
est le casus belli de Donald Trump contre le Venezuela ? Le casus
belli est le pétrole du Venezuela, les richesses du Venezuela, son or,
son gaz, son fer, ses diamants et d’autres richesses matérielles. » ?
En
2011, trois ans après la crise financière, les fonds libyens ont permis
aux banques et aux sociétés occidentales de se renflouer à peu de
frais. Actuellement, de nombreux experts, comme Jean-Luc Baslé, ou
même la directrice du FMI, Christine Lagarde, s’accordent à dire qu’une
autre grande crise, pire que la précédente, couve (11). Donald Trump
l’anticiperait-il ?
Cette
entreprise réussira-t-elle ? Depuis 2011, le monde a changé,
l’hyperpuissance américaine s’est affaiblie, l’Europe aussi, d’autant
qu’elle est aujourd’hui divisée, l’Italie n’a pas reconnu Juan Guaido et
a bloqué une résolution de l’UE sur le Venezuela (12). L’ONU n’a pas
répondu présente, le doigt sur la couture du pantalon, comme elle a pu
le faire dans le passé ; Antonio Guterrez a souhaité garder une position
neutre et parie sur le dialogue (13). La Chine et la Russie qui
avaient voté la résolution 1970 du Conseil de Sécurité sur les sanctions
et le gel des avoirs libyens, puis s’étaient abstenus sur la résolution
1973, n’entendent plus répéter les mêmes erreurs. D’autant que ces deux
Etats sont de très importants créanciers de Caracas, à hauteur
respectivement de 28 milliards de dollars et 8 milliards de
dollars (14). Si le scénario libyen se répétait, ces deux pays verraient
leurs dettes partir en fumée et Donald Trump ferait d’une pierre deux
coups : il renflouerait les caisses des Etats-Unis et gagnerait une
manche dans sa guerre commerciale avec la Chine…
Pendant
ce temps, la Libye est toujours en proie à un chaos indescriptible et
les Nations Unies cherchent 202 millions d’euros pour lancer un grand
plan d’action humanitaire chargé de venir en aide à un demi-million de
Libyens (15)…
(1)( https://fr.wikipedia.org/wiki/Groupe_de_Lima)
(2)http://www.leparisien.fr/international/venezuela-paris-madrid-et-berlin-reconnaitront-guaido-faute-d-elections-annoncees-d-ici-8-jours-26-01-2019-7997385.php
(2)http://www.leparisien.fr/international/venezuela-paris-madrid-et-berlin-reconnaitront-guaido-faute-d-elections-annoncees-d-ici-8-jours-26-01-2019-7997385.php
(4) http://www.rfi.fr/ameriques/20180123-venezuela-sanctions-financieres-union-europeenne-gel-avoirs
*Source : IVERIS
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