La frappe au
missile qu’ont lancée les États-Unis, la France et le Royaume-Uni, le samedi 14
avril à l’aube, contre la Syrie, sous prétexte d’une attaque chimique
concernant laquelle aucune enquête n’a eu lieu, compte parmi les interventions
militaires les plus importantes d’une coalition occidentale dans un pays tiers.
Or, cette intervention n’est pas une simple opération militaire mais un signe
de changements stratégiques qui se sont récemment produits sur l’échiquier
régional, voire mondial.
Voici les cinq
conclusions qu’on peut tirer de cette attaque après le retour au calme en
Syrie :
1. Le bloc occidental plus divisé qu’il y a
15 ans
Vous vous
rappelez l’attaque des États-Unis contre l’Irak en 2003 ? À cette
époque-là, l’Irak a été accusé de posséder des armes de destruction massive. Le
Conseil de sécurité n’a pas donné son feu vert à une offensive militaire contre
l’Irak, mais le département d’État américain est arrivé à réunir 49 pays pour
attaquer l’Irak, grâce à la relative autorité qu’exerçait le bloc occidental
sur les organisations internationales. Il est vrai que certains de ces 49 pays
n’ont eu qu’un rôle minime dans l’invasion irakienne, mais il reste à
savoir comment une coalition composée de 49 pays a pu se réduire à
seulement trois pays aujourd’hui.
2. Les trois pays ayant attaqué la Syrie
étaient les destinations de MBS
Le bloc anglo-sioniste
était tellement réticent à une
intervention militaire directe dans un pays du Moyen-Orient que seuls les
pétrodollars de l’Arabie saoudite ont pu le pousser à passer à l’acte. Le prince
héritier saoudien Mohammed ben Salmane avait discuté, lors de ses déplacements
au Royaume-Uni, aux États-Unis et ensuite en France, des dossiers iranien et
syrien, et le président américain Donald Trump avait officiellement assujetti
toute intervention en Syrie à une grosse aide financière de l’Arabie saoudite.
Cependant, les méga-contrats militaires et économiques, scellés jusqu’ici avec
les Saoudiens, furent tellement importants que la France, le Royaume-Uni et les
États-Unis ont accepté de lancer un feu d’artifice pour complaire à Mohammed
ben Salmane.
Dans ces conditions, on peut dire que Trump, May et Macron-la-fiotte ont agi comme des mercenaires ou des sicaires : ils ont été payés par un mafioso, MbS, pour tuer un maximum de Syriens et détruire un maximum de choses en Syrie.
Avec les centaines de milliards de dollars qui pleuvent chaque jour sur l'Arabie Saoudite, provenant des pauvres musulmans qui se bousculent comme des forcenés pour les pèlerinages à la Mecque, MbS peut financer les mercenaires occidentaux, israéliens et même le diable pour tuer des Syriens ou des Yéménites, y compris avec des gaz chimiques (que les Occidentaux refusent de voir) et des armes bactériologiques. C'est aussi cela l’islamisme.
Cette action
militaire tripartite contre la Syrie laisse présager une autre action
coordonnée à propos de l’accord nucléaire, car le dossier iranien, lui aussi,
était au menu des discussions de Mohammed ben Salmane avec les dirigeants
britanniques, américains et français.
3. L’inefficacité des armes
lourdes dans les conflits asymétriques du Moyen-Orient
L’offensive
militaire contre la Syrie a prouvé, une fois de plus, qu’en dépit des
rodomontades des superpuissances concernant leurs armes très
sophistiquées, celles-ci sont plutôt destinées à dissuader
leurs rivaux qu’à attaquer des États ayant la dimension géopolitique
des pays du Moyen-Orient. Face à un pays comme la Syrie, les superpuissances ne
peuvent pas réaliser leurs objectifs avec leurs armes de pointe. Les
fortes capacités militaires des superpuissances peuvent néanmoins leur
permettre de recourir à deux tactiques face aux États du
Moyen-Orient :
Tactique de la terre brûlée : une
campagne de bombardement d’envergure rend le terrain propice à la présence des
forces terrestres américaines. Cette tactique a été déjà utilisée en Irak. Le
résultat : la formation d’un État indépendant et anti-américain.
Tactique de l’anéantissement total : les
armements sophistiqués des grandes puissances servent uniquement à ce que
Donald Trump a évoqué lors de son discours à l’Assemblée générale des Nations
unies à propos de la Corée du Nord : l’anéantissement total ! Cette
tactique, elle aussi, est très coûteuse mais inefficace, notamment contre les
pays du Moyen-Orient.
4. La Russie, une puissance mondiale, comme
l’admet l’Occident
Les endroits
touchés par les missiles des Occidentaux avaient déjà été évacués. Il n’y a
qu’une seule raison à cela : les Occidentaux avaient informé, une fois de
plus, la Russie de leurs cibles afin d’éviter toute atteinte à leurs intérêts
en Syrie. Cette coordination ne se justifie que par le fait
que l’Occident reconnait la Russie comme étant une superpuissance
mondiale.
5. Une confrontation entre les
superpuissances est beaucoup plus probable que le déclenchement
de conflits prémédités
Vous vous
rappelez la crise en Ukraine ? Soutenus par l’Occident, les
anti-Yanukovych ont donné naissance à une révolution sur la place Maïdan de Kiev.
Viktor Yanukovych s’est vu obligé de démissionner et de quitter le pays. En
réaction à cette évolution, la Russie a pris position dans la péninsule de la
Crimée où elle a légalisé sa présence via un référendum. Les puissances du G7
ont pris une série de mesures bien planifiées et agressives contre la
Russie et ont déclenché un conflit militaire entre les régions
de l’est de l’Ukraine et Kiev. Or, cette situation chaotique n’a jamais laissé
présager le déclenchement d’une guerre mondiale et les dirigeants allemands et
français se sont même assis à la table des négociations avec Vladimir
Poutine, à Minsk, afin de décider d’une feuille de route pour l’Ukraine.
Mais cette
fois-ci, un tweet de Donald Trump a tellement empoisonné l’atmosphère avant
l’attaque contre la Syrie que les rumeurs ont commencé à circuler sur une
attaque américaine contre les intérêts de la Russie en Syrie et une possible
riposte cinglante de Moscou qui pouvait se concrétiser sous la forme d’une frappe
visant les navires des pays occidentaux en Méditerranée et dans la mer Rouge.
En effet, la décision de Donald Trump d’attaquer la Syrie aurait risqué de se
transformer en une confrontation sérieuse et coûteuse entre les superpuissances
mondiales.
Mettant en parallèle
les vastes mesures des Occidentaux contre la Russie dans le dossier de
l’Ukraine avec cette opération limitée mais pas très claire contre la Syrie, on
peut conclure que c’est cette dernière qui est la plus susceptible
d’aboutir à une guerre mondiale.
Conclusion
Le scénario
d’une opération militaire sous prétexte d’une attaque chimique est usé
jusqu’à la corde et il appert de la situation actuelle que les États
occidentaux souhaitent reporter la fin des conflits en Syrie pour
trouver une porte de sortie aussi discrète qu’il se peut ou bien
implanter de nouvelles bases militaires dans le nord de la Syrie.
La première
possibilité transformerait la Syrie en l’Irak de 2011 et la deuxième
signifierait que l’Occident compte renforcer sa mainmise dans les régions pétrolifères
et gazières de Syrie. Ce serait alors similaire à ce que font les Américains en
Europe de l’Est en augmentant le nombre de leurs forces militaires dans cette
région. Dans ce cas-là, il apparaîtrait que les États-Unis ont recours à
une méthode fondée sur le militarisme, pour mettre la main sur différentes
régions du monde et imposer leur contrôle sur des États. La
sensibilité anti-américaine des peuples de la région pourra-t-elle
empêcher la répétition du scénario de l’Europe de l’Est au Moyen-Orient ?
http://www.presstv.com/
Emmanuel Todd : « Il ne s’est rien passé en Syrie ; l’Occident est perdu »
Je suis
un peu rassuré parce qu’il ne s’est rien passé. Quand on suivait la presse
anglo-américaine, ce que je fais tous les matins, on était dans une séquence
anti-russe. En fait ce qui montait depuis les affaires d’Angleterre, ce qui
montait dans le discours, c’était une sorte de montée en puissance d’une sorte
de russophobie absolument mystérieuse et qui mériterait analyse. Et les
derniers développements diplomatiques, c’était les Américains et Trump faisant
des tweets menaçant d’une frappe massive, etc. Et les Russes disant : eh bien
écoutez, si c’est ça, nous allons utiliser notre défense anti-aérienne et ce
système qui fait peur à tout le monde, le système S400 qui est paraît-il le
meilleur système de défense sol-air du monde.
Et là, on avait
simplement la possibilité d’une guerre majeure et d’une sorte de showdown,
c’est-à-dire la révélation de la fin d’une partie de poker, puisqu’en fait on
ne sait pas ce dont les Russes sont capables. Les S400 sont peut-être capables
de détruire en l’air tout ce qui vole et ça aurait été en dix minutes la fin de
l’imperium américain. Ou ça aurait été l’échec du S400 et c’était de
nouveau les États-Unis déchaînés.
Or là, on a tiré
des pétards, on a négocié avec les Russes. Il y avait une dynamique
anti-russe qui montait et puis finalement, les Américains, les Britanniques et
les Français ont tapé là où les Russes les autorisaient. Donc on est
revenu dans le rien. Au stade actuel de l’information, je suis plutôt rassuré.
La Russie est une puissance d’équilibre face aux États-Unis sur le plan militaire
Je parle d’un
point de vue a priori très favorable au monde anglo-américain. Je suis
français, mais comme la France est prisonnière d’un euro qu’elle ne contrôle
pas et que son action ne compte plus beaucoup, ça n’a pas tellement
d’importance. Alors, ce qui me préoccupe actuellement, quand on lit la presse
occidentale, pour moi, c’est que c’est une presse folle. C’est-à-dire que la
vision du monde dans laquelle on entretient les citoyens du monde occidental,
la vision d’une Russie hyper-puissante, menaçante, tentaculaire, totalitaire,
etc., est en fait une vision hallucinatoire.
La Russie a un
régime que j’appelle démocratie autoritaire. Poutine est élu. Il y a un certain
type de contrôle des organes de presse, mais les Russes sont informés. Tout le
monde est d’accord sur le fait que les Russes sont favorables à la politique de
Poutine. La Russie est un pays qui doit avoir un peu plus de 140 millions
d’habitants, c’est-à-dire dix fois moins que le monde dit occidental. C’est un
pays qui vient de retrouver un certain type de stabilité et de sécurité
sociale. Le taux de suicide s’y effondre. Le taux d’homicide s’y effondre. Un
certain type de confiance sociale vient d’être rétablie en Russie. La vraie
raison de la popularité de Poutine, c’est simplement qu’après la crise de
sortie du communisme, les Russes se sentent mieux. Ils ont un avenir. La
fécondité est un peu remontée, quoiqu’elle rebaisse un petit peu. Et, ça c’est
vrai, ce pays est revenu à parité sur le plan des technologies militaires. Il
ne fait aucun doute qu’ils ont fait une remontée technologique. Et de fait, la
Russie se trouve être la seule force au monde qui puisse faire face, être une
puissance d’équilibre face aux États-Unis sur le plan militaire.
Si on pense en
terme d’équilibre des pouvoirs, si on respecte la Constitution américaine, on
doit se dire que c’est mieux, quand même ! Parce que l’idée qu’un seul pays au
monde serait capable de faire ce qu’il veut n’est pas un bon concept du point
de vue libéral. Même si on n’aime pas la Russie, l’existence d’un pôle de
stabilité qui n’a pas de vrai capacité d’expansion – c’est trop petit en terme
de population – on devrait prendre ça pour une bonne nouvelle.
Et là [en
Occident, ndlr], la Russie, pas seulement Poutine, est un monstre, situé
en plus par rapport à des critères anthropologiques et familiaux qui ne doivent
rien avoir à faire avec la géopolitique, comme le statut des homosexuels ou
quelque chose comme ça. Il y a une vision extrêmement négative de la Russie.
Toutes les interventions russes, tout ce que disent les Russes est considéré
comme la parole de Satan, du mensonge, etc.
La fébrilité absolument incroyable des grandes démocraties occidentales
Et puis nous, on
fait comme si on était normaux. Mais la vérité, c’est que le monde le plus
occidental, les trois démocraties occidentales originelles – la France,
l’Angleterre et les États-Unis, c’est-à-dire les nations qui ont construit la
démocratie – peuvent être considérées comme dans un état de fébrilité
absolument incroyable. C’est un monde en crise. […] La vérité, c’est que dans
ces trois démocraties, on est dans une situation d’instabilité et de
schizophrénie.
[…] Je lis les
textes de Poutine, ou de Lavrov1,
ou qu’il s’agisse des contacts que j’ai pu avoir encore récemment à l’ambassade
de Russie, le niveau intellectuel des diplomates russes et des dirigeants
russes est très supérieur à celui des Occidentaux. Vous ne pouvez pas
comprendre la situation si vous ne voyez pas cette asymétrie. C’est-à-dire,
une interview de Lavrov ou une discussion avec Orlov, ambassadeur russe à
Paris, c’est des gens qui sont très supérieurs aux gens du quai d’Orsay.
Ils ont une vision de l’histoire, une vision du monde, une vision de la Russie,
une vision de l’équilibre des puissances, une vision du contrôle de soi, ce
qu’ils appellent professionnalisme.
[…] Si vous
arrêtez de lire Le Monde et de croire ce qu’il y a dedans, vous vous dîtes :
ben écoutez, où est la rationalité, ou est l’intelligence, où est le contrôle
de soi ? C’est ça qui est important.
La RUSSIE ne ressemble absolument pas à Satan! au contraire je pense qu'ils sont protégés et que ça va durer!!!! contrairement aux autres(...) qui eux sont vraiment des cons!
RépondreSupprimer