Ceci concerne également les États européens (rassemblés depuis 2014 dans
la coalition militaire arabo-occidentale dirigée par les États-Unis).
La France est militairement présente en Syrie depuis le début de la
guerre en 2011. Ses forces spéciales sont aux avant postes de la
déstabilisation de l’État syrien; elles encadrent les groupes
extrémistes d’al-Nosra /al-Qaïda (l’ASL n’était qu’une fiction) ainsi
que les Kurdes qui combattent le gouvernement légal.
Les Services
scientifiques du Bundestag allemand sont l’équivalent du Congressional Research
Service aux États-Unis. Les députés peuvent demander à ces Services de donner
un avis d’expert objectif sur des questions juridiques ou autres. La qualité
des avis des Services scientifiques est universellement reconnue.
Alexander Neu, député du parti de
gauche en Allemagne, leur a demandé un avis sur la légalité de la présence
militaire et des opérations de la Russie, des États-Unis et d’Israël en Syrie.
Le résultat
(pdf, en allemand) est tout à fait clair :
– Le gouvernement
syrien a demandé l’aide de la Russie. Sa présence en Syrie est sans aucun doute
légale en vertu du droit international.
– il y a deux
aspects aux activités des États-Unis en Syrie :
1. Changement
de régime
La fourniture
d’armes aux insurgés en Syrie par les États-Unis (et d’autres pays) était et
est toujours illégale. Il s’agit d’une violation de l’interdiction du recours à
la force en droit international, en particulier de l’article 2(4)
de la Charte des Nations Unies :
Tous les Membres
s’abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou
à l’emploi de la force contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance
politique de tout État, ou de toute autre manière incompatible avec les buts
des Nations Unies.
2. Lutte
contre l’Etat islamique
Les États-Unis soutiennent
que leur présence en Syrie est de la légitime défense (collective) en vertu de
l’article 51 de la Charte des Nations Unies parce que l’État islamique en Syrie
menace d’attaquer les États-Unis. Comme ce serait insuffisant en soi, car la
Syrie est un État souverain, les États-Unis ajoutent que l’État syrien « ne
veut pas ou ne peut pas » lutter contre l’État islamique.
Les Services
scientifiques affirment que l’allégation « de refus ou d’incapacité »
était déjà contestable lorsque l’opération américaine a commencé. Ceci pour
deux raisons :
-Il ne s’agit pas
d’une loi ou d’une doctrine juridique reconnue à l’échelle internationale. (Les
120 membres du Mouvement des pays non alignés et d’autres ne sont absolument
pas d’accord).
-Le gouvernement
syrien combattait l’EI, mais il ne pouvait pas opérer dans de grandes parties
de son territoire où l’État islamique avait pris le contrôle. Certains
soutiennent que cela justifie l’argument de l’ « incapacité ».
Mais l’EI est maintenant largement défait et n’a plus de contrôle territorial
significatif.
Les arguments
juridiques déjà contestables à l’appui de la présence des États-Unis (et
d’autres troupes de la « coalition » en Syrie) ne peuvent donc plus
être invoqués. La présence
américaine en Syrie est illégale.
– L’attaque
d’Israël contre le Hezbollah et les unités et installations iraniennes en
Syrie, ainsi que contre la Syrie elle-même, est qualifiée par Israël
d’ « autodéfense anticipée » au sens de l’article 51 de la
Charte des Nations Unies. Mais l’« autodéfense anticipée » ne peut
être invoquée que si les attaques contre Israël sont imminentes. Or rien
n’indique que ça ait été le cas. Les attaques israéliennes sont donc de l’ « autodéfense
préventive », ce qui n’est pas un argument reconnu en droit international.
On n’a pas demandé
aux Services d’avis sur l’incursion de la Turquie en Syrie, mais ils notent que
l’argument d’ « autodéfense », de la Turquie, dans sa lutte
contre les entités kurdes en Syrie, est souvent invoqué abusivement à des fins
géostratégiques.
Voilà, jusqu’à
nouvel ordre, l’avis des Services scientifiques.
Les conclusions
juridiques des Services ne sont pas une nouveauté. Cela fait longtemps
que certaines personnes/entités ont fait le même raisonnement et sont arrivées
aux mêmes conclusions.
Mais l’Allemagne
est un partenaire de la coalition américaine contre l’EI. Ses militaires ont
effectué des missions de reconnaissance à partir de la Turquie et de la
Jordanie pour soutenir l’opération américaine en s’appuyant sur le même
argument juridique que les États-Unis. Il est désormais peu probable que le
parlement allemand renouvelle le mandat de l’opération anti-EI. D’autres pays
suivront probablement et mettront fin à leur participation à la coalition
américaine.
Cela ne changera
pas la situation sur le terrain en Syrie, mais cela change l’atmosphère
politique internationale. Le
gouvernement syrien en sort « réhabilité » devant le public européen,
car il ne peut plus être considéré comme un « ennemi ».
Traduction : Dominique Muselet
Article original: Publié le 10 juillet 2018 sous le titre German Parliament Report: U.S. Presence in Syria Is Illegal
Source: Arret
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