Les zigzags
politiques du président américain obligent à s'interroger sur sa stratégie:
soit il n'en a strictement aucune et tout est commandé par l'instant et
l'instinct, soit elle est particulièrement complexe. La première hypothèse est
défendue par ses détracteurs et finalement n'apporte pas grand-chose. Tentons
donc de comprendre cet étrange pas de danse que Trump joue tant avec des forces
politiques aussi hostiles que fortes, que des alliés assez dubitatifs.
Comprendre cet intérêt qu'il porte à la Russie, intérêt qui peut venir de la
focalisation de ses ennemis.
Le dernier
évènement ayant provoqué un nouveau pas de côté fut évidemment le sommet
d'Helsinki: la rencontre entre les présidents américain et russe a relancé la
vague d'hystérie, à laquelle le système idéologique globaliste [1] nous habitue dès qu'il s'estime en danger
potentiel (voir nos textes sur l'avant sommet et le sommet lui-même). Ce qui commence à être assez souvent et
laisse entendre une certaine paranoïa de fin de règne. Quoi qu'il en
soit, affaibli le canard bouge encore, et ce cher système idéologique bien
vivant se met à mordre tout ce qui dépasse du rang. En l'occurrence, la Russie.
En plus du
rapport Mueller qui doit tomber cet automne, de l'incrimination
pour ingérence de militaires russes à trois jours de la rencontre des
présidents, une jeune activiste politique, Maria Butina, qui n'a pas
réussi à faire carrière en province russe, a été arrêtée et présentée comme le
lien tant attendu entre le soft power russe et l'ingérence dans les
élections, dont l'influence sur les résultats reste très putative.
La question
de l'ingérence, mais surtout de l'influence sur les résultats des élections,
est fondamentale pour les États-Unis, dans les deux camps [2]. D'un côté, il est plus agréable de faire
reporter le poids de son échec sur les épaules d'un "ennemi sur
mesure", que de se remettre en question, et de reconnaître qu'il
est le résultat naturel des dérives du système dit démocratique dans lequel
nous vivons et qui ne supporte plus aucune nuance, sans même parler de remise
en cause de ses excès antidémocratiques et liberticides. Trump est le signe de la rupture entre une élite vaporeuse et une voix
populaire ancrée dans la réalité quotidienne:
On rappelle notamment que l’électorat
populaire serait en révolte contre la mondialisation sauvage, l’immigration
massive et la décomposition des repères collectifs. C’est juste. Mais il
faut ajouter une explication trop rarement mentionnée : l’exaspération du
commun des mortels devant la tyrannie du politiquement correct. [3]
Pour sa
part, Trump ne peut de toute manière reconnaître l'influence d'une ingérence
russe, car sa légitimité lui vient de son soutien populaire, non de son soutien
extérieur. Ce combat est donc central pour la politique intérieure
américaine.
Pour
comprendre les déclarations en zigzag de Trump, il faut se souvenir que son but
n'est pas défendre les intérêts russes, c'est à la Russie à le faire, son but
est de lutter contre le système de la globalisation. La Russie peut être un
allié, elle est en tout cas un instrument qu'il brandit et repose en fonction
des besoins de son combat. À la Russie de décider dans quelle mesure cela
recouvre ses propres intérêts stratégiques et de varier sa participation au
jeu.
Ainsi, ses
allers-retours sur la question de l'ingérence. Il tente de ménager la chèvre et
le chou, se retournant vers l'un ou l'autre en fonction des embûches du chemin
et elles sont plus que nombreuses.
Lors du sommet d'Helsinki, il dénie l'influence de la Russie sur
les résultats électoraux - ce qu'il maintient toujours, c'est la ligne rouge de
sa légitimité. Il dénie aussi rapidement l'ingérence en elle-même, mais déclare
en même temps faire confiance à ses services. Tout en remettant en cause leurs
conclusions.
À son
retour, il est accusé de trahison, le risque politique est énorme, même si les
élections de mi-terme s'annoncent très bonnes pour lui. Sa réaction est alors
double. D'une part, il se lance dans des explications improbables sur une
incompréhension de ses paroles et d'une double négation avalée:
Mais
parallèlement, il continue sur sa voie et lance une invitation officielle pour
Vladimir Poutine à Washington en automne:
Pourquoi Trump
s'attache-t-il autant à la Russie? Parce qu'elle est redevenue un acteur
international avec lequel il faut compter? Oui - aussi. Mais surtout parce que les
adversaires de Trump, en ont fait un symbole et que le seul moyen de lutter
contre un système idéologique est de lutter contre ses symboles. Pour les
globalistes, qu'ils soient à Washington, à Tel-Aviv,
à Londres, à Bruxelles, à Berlin ou à Paris, la Russie est le mal, car si elle
accepte la globalisation économique, elle refuse toujours la globalisation
politique qui la sous-tend.
En soutenant la position souverainiste de la Russie,
devenue symbole du refus de cette globalisation politique, Trump fragilise le
système globaliste dans sa totalité, ces deux facettes de la globalisation étant
indissociables. Même si la Russie reste ancrée dans une politique
pro-globaliste économique.
Ce sont
finalement les ennemis de Trump qui font de la Russie l'un des principaux
instruments que le président américain manie avec tant de fougue. Ironie du
sort.
Les rajouts dans cette
couleur sont d’Hannibal GENSÉRIC
NOTES
[2] Nous avons vu que les seules et véritables ingérences
dans les élections américaines sont celles d’Israël et de la GB :
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