Ronald Reagan a adopté la Mouqaddimah d'Ibn Khaldoun comme livre
de chevet, Mark Zuckerberg a choisi son grand ouvrage comme l’un des
choix de son club de lecture et l’historien britannique Arnold Toynbee
l’a décrit comme “sans
aucun doute la plus grande œuvre de ce genre qui ait jamais été créée par un
esprit quelconque, en tout temps et en tout lieu“. Ce sont des
témoignages assez inhabituels pour un historien nord-africain du 14e siècle,
mais Ibn Khaldoun était alors un homme exceptionnellement doué. Sa Mouqaddimah est une
introduction – ou un prolégomènes – à une histoire du monde beaucoup plus
longue.
De telles histoires étaient
courantes chez les écrivains arabes, mais personne avant lui n’avait développé
une théorie aussi
avancée sur les raisons de l’essor des civilisations et de leur déclin.
Il s’est penché sur les facteurs matériels de l’histoire et a jeté un regard
sceptique sur les récits et les contes extravagants des œuvres précédentes.
Musulman fervent, il n’attribue cependant pas les événements uniquement aux
ordonnances divines : le facteur humain l’emporte toujours. H. Genséric
IBN KHALDOUN (né le 27 mai 1332 à Tunis et mort le 17 mars 1406 au Caire, est un
historien, économiste, géographe, démographe, précurseur de la
sociologie et homme d'État), figure emblématique de la Tunisie, du
Maghreb et de la Méditerranée, ne cesse de susciter l’intérêt des chercheurs
dans le Monde pour avoir, il y a plus de six siècles, posé les fondements de la
sociologie moderne et développé un certain nombre de concepts et de théories
dans le domaine économique qui demeurent, pour la plupart d’entre eux, d’une
grande actualité.
Comment se présente la pensée économique d’IBN KHALDOUN
?
Comment cette personnalité hors pair a su intégrer
dans ses analyses les dimensions sociologiques, économiques et politiques ?
Quelles sont les caractéristiques des théories et des
axiomes développés par le grand érudit ?
Ces différents aspects ont fait l’objet d’un débat
organisé par le Forum IBN KHADOUN pour le
Développement le 2 mai 2017 .
Les grandes lignes de la présentation introductive au débat
La MUQADDIMA d’IBN KHALDOUN
a jeté les bases de la science de l’économie.
Après avoir participé, en tant qu’homme politique, à
façonner l’histoire de la Tunisie, du Maghreb et de la Méditerranée, ABDERRAHMÈNE
IBN KHALDOUN a fondé la science sociologique et a lancé, par ricochet, les
principes fondateurs de la science économique dans le cadre de la MUQADDIMA (les
Prolégomènes en français) écrite en 1377. Pour le grand penseur, il faut
comprendre la société avant d’écrire son histoire. Le peuplement et la
fondation d’une société sont une nécessité pour l’homme. Celui-ci est sociable
par nature. Le mobile fondamental étant le besoin, l’individu est incapable de
subvenir à ses besoins tout seul. Il est donc obligé de se mettre en communauté
pour le travail, la création et le partage des richesses.
L’homme est fondamentalement
« HOMO-OECONOMICUS »
« HOMO-OECONOMICUS »
Si la cité est, pour ARISTOTE, un phénomène éthique,
elle est pour IBN KHALDOUN un phénomène économique, qui se manifeste dans le
rapport dialectique entre la production et la consommation, concrétisé par
l’échange. Environ le tiers de la MUQADDIMA est consacré aux questions
économiques, en l’occurrence le contrôle des marchés, la monnaie, l’impôt, le
commerce, les prix, le mode de vie et la circulation des marchandises dans
l’espace et dans le temps. Dans cet ouvrage, IBN KHALDOUN a énoncé les prémices
de la division du travail, source d’excédent de richesse et d’accumulation du
capital. Il considère que la valeur économique d’un bien est fondamentalement
définie par la quantité de travail qu’il comporte, devançant les penseurs de la
renaissance en Europe. Il établit, à ce propos, une corrélation entre le
développement de la société, l’avancée de la civilisation et le
perfectionnement du travail. Du rudimentaire au cycle rural, l’homme devient
raffiné, de plus en plus perfectionné et technique à la phase urbaine. Il
précise que le travail est l’essence de la valeur et le déterminant du prix,
sachant qu’il y a une différence entre la valeur et le prix. La valeur dépend
de la quantité de travail cristallisée dans le produit alors que le prix prend
en compte, en plus de la valeur du produit, d’autres frais et droits.
L’échange avec ses corollaires est
une nécessité sociale
une nécessité sociale
Selon IBN KHALDOUN, le commerce désigne la recherche
du profit par la fructification du capital en achetant bon marché et en
revendant plus cher et donc en faisant des bénéfices. Le commerce est loin
d’être parasitaire. Il est source de création de l’utilité au sens économique
du terme. En stockant les marchandises pour les périodes de forte demande,
l’utilisation des produits concernés est étalé dans le temps. En déplaçant les
marchandises dans l’espace géographique, elles sont mises à la disposition de
ceux qui ont le plus besoin. Dans les deux cas, il y a création de la valeur ;
sachant que la simple détention d’un capital n’explique pas seule le gain ou le
profit. Le commerçant doit savoir quand et comment investir et prendre en compte
la corrélation positive entre la rentabilité et le risque.
Rôle primordial de l’État
dans la régulation de l’économie
dans la régulation de l’économie
IBN KHALDOUN insiste sur la fonction de régulation de
l’Etat et sur sa responsabilité en matière d’émission monétaire et de
dynamisation de l’économie.Il condamne la thésaurisation et considère qu’elle
est source de blocage de la dynamique économique et inhibiteur de l’effet
multiplicateur.Il esquisse l’ébauche d’une théorie fiscalesuivant laquelle les
taux hauts tuent les totaux. Il considère qu’au départ les dépenses de l’Etat
naissant sont limitées grâce à la simplicité et au bédouinisme du souverain.
Les taux d’imposition sont bas, les contribuables sont incités à produire
davantage, l’assiette imposable s’élargit, les revenus fiscaux de l’Etat
augmentent. Par la suite, et avec le temps, la prospérité de l’Etat mène au
gaspillage du souverain, ce qui engendre dans son sillage un
3 cercle vicieux avec l’augmentation des impôts, la
démotivation des entrepreneurs à produire, le ralentissement de la croissance,
la réduction de l’assiette imposable et l’augmentation du déficit du trésor.
Pour IBN KHALDOUN, l’ultime pas vers la décadence de l’Etat est l’étape de
l’engagement de l’Etat dans les activités de production pour pallier au déficit
budgétaire. Cette démarche occasionne à la population des grandes difficultés
financières. Les paysans délaissent les champs, les commerçants ferment leurs
boutiques ; ce qui entraine l’effondrement des recettes de l’Etat.Mais, tout en
dénonçant l’intervention de l’Etat dans l’économie, IBN KHALDOUN admet son
intervention pour contrer les monopoles. Tout en louant l’économie libérale, et
la régulation des prix par les mécanismes du marché, il admet l’impératifde
l’intervention de l’Etat dans la fixation des prix des produits de première
nécessité.
II. Réflexions complémentaires
Les appréciations présentées par Salah HANNACHI, se
sont articulées autour de la notoriété de l’illustre personnalité, les
caractéristiques de sa pensée et la portée de son œuvre.
La notoriété d’une personnalité hors pair
La théorie d’IBN KHALDOUN est à la fois spéculative,
comme celle de Platon, d’Aristote, etexpérimentale, comme nul autre avant lui
en Occident et nul autre longtemps après lui, jusqu’à NICCOLO MACHIAVELLI
(1469-1527). Il est intéressant, toutefois, de noter que la pensée, à la fois
spéculative et expérimentale, de MACHAVELLI est très loin de la précision, du
détail concret, de la sophistication, de la cohérence et de la portée
historique de celle de IBN KHALDOUN. Il est intéressant aussi de noter que
comme dans le cas d’IBN KHALDOUN, dans « Le Prince » de MACHIAVEL, la pensée
spéculative est composée avec une penséeexpérimentale nourrie par la pratique.
En effet Machiavel a été, notamment, diplomate, politicien, historien, écrivain,
humaniste et conseiller militaire des princes, en particulier de la République
Florentine durant la période turbulente après l’expulsiondes Médicis. IBN
KHALDOUN déclare qu’il est possible d’adopter une approche scientifique à
l’étude de l’histoire et de la société. Son œuvre, Les PROLEGOMENES, précède
ainsi de plus de trois siècles l’œuvre de Giambattista VICO (1668- 1744). VICO
publia en 1725, son œuvre de vingt ans, « La Nouvelle Science », portant sur
les sciences sociales et la cité de l’homme par opposition à la Cité de Dieu de
SAINT AUGUSTIN. Par cette œuvre, VICO s’opposait aussi à la conception
prévalant au début du dix-huitième siècle affirmant que les mathématiques, les
sciences de la nature, et les sciences physiques étaient les seules vraies
sciences pouvant faire l’objet de connaissances scientifiques, selon les
critères de Descartes. VICO affirmait au contraire, comme IBN KHALDOUN trois
siècles plus tôt, que la société humaine et l’histoire
4 faits par l’homme, peuvent être étudiées et connues
par l’homme et faire l’objet d’une connaissance scientifique. Aussi, Arnold J.
TOYNBEE (1989-1975), grand philosophe britannique de l’histoire, a dû mesurer
ses mots en décrivant la MUQADDIMA d’IBN KHALDOUN, l’œuvre d’un auteur non
occidental du XIVe siècle, comme « Une philosophie de l’histoire qui est sans
aucun doute la plus grande œuvre de son genre qui ait été jamais créée par
n’importe quel auteur, n’importe où et à n’importe quelle époque » De son côté,
Robert FLINT (1838-1910), théologien, philosophe et sociologue écossais, a
écrit sur IBN KHALDOUN « Comme théoricien de l’histoire il n’a pas d’égal dans
aucune époque et aucun pays jusqu’ à l’arrivée de Vico, plus de trois siècles
plus tard. Platon, Aristote, et Augustin ne sont pas ses pairs, et tous les
autres ne méritent même pas d’être cités à ses côtés ».Il est admis, enfin,
qu’en proposant le concept de « SOCIONOMIE », Egon OROWAN (1902-1989),
physicien-métallurgiste, hongrois, britannique, américain était influencé par
les idées de IBN KHADOUN sur l’évolution des sociétés.
Les caractéristiques de la
pensée économique d’IBN KHALDOUN
pensée économique d’IBN KHALDOUN
A la différence
de la plupart des autres philosophes qui l’ont précédé, IBN KHALDOUN a pratiqué
et a voyagé. Il a participé intimement à la pratique du pouvoir dans une
époque, très turbulente auprès de plusieurs princes et grands chefs de tribus.
Il a aussi beaucoup voyagé et comparé les paradigmes sociaux, économiques et
politiques en Espagne, dans les pays du Maghreb, en Italie, en Egypte, en Iran,
etc., dans les systèmes urbains aussi bien que dans les systèmes nomades et
ruraux. IBN KHALDOUN est souvent présenté comme l’un des premiers penseurs et
même philosophes à avoir jeté les fondements de la sociologie en reconnaissant
et en postulant trois principes ou concepts fondamentaux en l’occurrence le
principe/concept social de la vie en groupe autrement dit en société, le
principe/concept économique de besoin, de travail et de risque, et le concept
politique de la solidarité, de l’Etat et de la justice. Ces concepts basés sur
le postulat d’un instinct de survie sont aussi bien des concepts sociologiques
que des concepts économiques et politiques. IBN KHALDOUN met en fait en place
une science nouvelle, qu’il appelle la science du peuplement, ou de l’urbanisme,
qui est une science intégrant les dimensions sociologique, économique et
politique, difficiles à séparer, des activités humaines et de la vie en
société.
La portée de l’œuvre d’IBN KHALDOUN
La portée de la pensée d’IBN KHALDOUN se reflète,
notamment, à travers sa théorie du cycle, la fonction du commerce, les
précisions qu’il a apportées au niveau des concepts du travail, du prix et du
rôle de l’Etat.
•La théorie du
cycle
Bien avant Hegel et beaucoup d’autres philosophes
occidentaux, IBN KHALDOUN attribue un caractère cyclique à l’histoire. II
affirme que l’instinct de solidarité et de puissance d’une dynastie a un cycle
temporel de naissance, de maturité et de déclin s’étendant sur trois
générations et peut varier d’unesociété à l’autre, d’une époque à l’autre.
•L’utilité du
commerce
A la différence de NAPOLEON, des philosophes grecs et
même des premiers théoriciens de l’économie en Europe, au XVIe, XVIIe, XVIIIe
et au XIXe siècle, comme MARX, IBN KHALDOUN reconnait une fonction utile et
primordiale à l’échange, au commerce et à la vie en société.
•Les concepts
de la valeur et du prix
IBN KHALDOUN prend grand soin de distinguer entre
valeur et prix. En fait, ce qu’il appelle valeur correspond au concept moderne
de coût. Il reconnait la légitimité du profit en reconnaissant que le prix
incorpore une marge définie par la rareté, le risque et la distance. Cette
définition est beaucoup plus moderne que celle de Pierre-Joseph Proudhon
(1809-1865)qui affirme dans son livre « Philosophie de la Misère » que la valeur,
d’usage ou d’échange, est définie par la rareté. Il précède Karl MARX
(1818-1883) qui définit aussi la valeur d’un bien par le contenu travail mais
qui considère que le profit, c’est-à-dire, la marge sur le coût pour définir le
prix, est du vol. Il est intéressant de noter qu’IBN KHALDOUNa été introduit à
l’Occident européen par une traduction de sa biographie en 1697 par un
Barthelemy d’HERBELOT DE MOLAINVILLE. Il commença à attirer l’attention en
1806, en 1816, puis en 1858, par la publication de sa biographie et la
traduction de parties de la MUQADDIMA par Sylvestre DE SACY ; sachant que Karl
MARX a publié « Le Manifeste Communiste » en 1848 et le premier volume du
Capital, neuf ans plus tard, en 1867.
•La justice,
fonction principale de l’Etat
Ibn KHALDOUN considère que la fonction principale de
l’Etat est la dispense de la justice par la prévention de l’injustice et que la
dispense de la justice est le fondement de la vie en société (al oumrane).
6 Il rejoint en cela SAINT AUGUSTIN qui affirme qu’un
Etat sans justice n’est rien d’autre qu’une bande de brigands, et est,
inévitablement, destiné à disparaître alors qu’une bande de brigands qui
établissent un système de justice peut devenir un Etat. Ernest André GELLNER,
philosophe anglo-tchèque (1925-1995) considère que la définition dugouvernement
d’IBN KHALDOUN comme « une institution qui empêche toute injustice sauf celles
qu’elle commet elle-même » est la meilleure définition dans l’histoire de la
théorie politique. IBN KHALDOUN affirme dans une formule lapidaire que le
commerce du roi lèse les acteurs économiques et ruine la fiscalité. Il explique
que l’état, de taille modeste au départ, est financé par une fiscalité légère.
Par une dynamique courante et rapide, la taille de l’Etat se dilate, ce qui accroit
considérablement ses besoins financiers et le conduit sans cesse à augmenter
les taux et à multiplier les impôts. Ces impôts supplémentaires détruisent la
rentabilité des activités de faible marge et poussent les acteurs qui les
pratiquent à les abandonner, réduisant ainsi l’assiette fiscaleet provoquant un
autre cycle d’augmentation de taux et d’imposition de nouveaux impôts. De plus,
Il arrive une étape où, ne se suffisant plus de l’impôt, l’Etat commence à
intervenir directement dans les activités économiques rentables pour récupérer
aussi le profit. Confrontés à cette intervention, les acteurs privés ne voulant
ou ne pouvant pas faire la concurrence à l’Etat acteur, beaucoup plus grand et
plus puissant, préfèrent sortir du jeu économique dans ces secteurs, et
rétrécissent encore plus, en cefaisant, l’assiette fiscale. Ainsi donc
l’intervention de l’Etat fausse le jeu économique, détruit la rentabilité,
éteint l’initiative et rétrécit l’assiette fiscale. De même, son intervention
grandissante finit par dépasser sa capacité de gestion. L’Etat se trouve alors
obligé de déléguer la gestion de son domaine à des acteurs qui le gèrent en son
nom mais dans leur intérêt. L’économiste américain Arthur LAFFER, conseiller du
Président américain REAGAN, cite IBN KHALDOUN, pour construire sa fameuse
courbe, la courbe LAFFER, de l’élasticité du taux –revenu fiscal pour justifier
la politique de réduction des taux de la fiscalité et la stratégie d’une
«économie de l’offre », (« reaganomics »)
IBN KHALDOUN,
une figure tunisienne,
maghrébine, et méditerranéenne
maghrébine, et méditerranéenne
Des pays comme l’Allemagne, par Goethe, l’Espagne par
Cervantès, l’Italie par Dante, la Chine par Confucius, pratiquent une
diplomatie culturelle active. Cette diplomatie leur permet de construire une
image positive, un capital d’intérêt et de grands dividendes culturels,
économiques, voire diplomatiques. Ils confirment en cela la théorie de Joseph
S. NYE qui a, depuis longtemps, préconisé et défendu le concept de Soft Power
et de puissance culturelle, puissance et capacité d’influencer le comportement
des acteurs et de peser sur l’opinion et sur les événements par la culture,
l’attractivité et la persuasion, non par la force militaire ou la force de
l’argent.Il est à se demander s’il n’est pas temps de mobiliser le patrimoine
que représentent des figures comme IBN KHALDOUN dans notre travail diplomatique
et de créer des centres et des clubs IBN KHALDOUN dans chaque pays où cela est
possible et s’il n’est pas temps d’organiser chaque année un festival
international IBN KHALDOUN à l’image du festival CONFUCIUS en Chine.
III. Principales conclusions du débat
Trois conclusions principales se dégagent du débat
organisé à la suite des analyses et des appréciations ci-dessus formulées.
Elles se présentent comme suit :
(1) - IBN KHADOUN est une
personnalité exceptionnelle. Il est en avance sur son temps. Il est l’un des
pères fondateurs de l’histoire en tant que science, le précurseur de la
sociologie cinq siècles avant Auguste COMTE. Il parle d’évolution avant DARWIN.
Il développe des concepts et des théories dans le domaine de l’économie qui
demeurent pour certains d’entre eux d’une grande actualité. Il est regrettable
toutefois que la reconnaissance de l’œuvre d’IBN KHALDOUN soit tardive. Les
premières traductions en langue européenne n’ont été effectuées qu’après près
de trois siècles après la mort du grand penseur intervenue en 1406 et qu’on ne
connait pas de successeurs au XVe pour approfondir et valoriser son apport dans
la mesure où sa pensée s’était heurtée, à cet époque, de l’incompréhension,
voire du rejetpar les décideurs de ses contemporains. Il est très souhaitable
que sa pensée et son œuvre soient mieux connue dans son pays de naissance, en
Tunisie aussi bien par les jeunes que par le grand public.
(2) - IBN KHALDOUN, s’il est
encensé et loué par les intellectuels de l’occident depuis que son œuvre avait
été traduite et diffusée, ne bénéficie pas toujours de la considération requise
dans le monde arabe. Il faisait, même, l’objetd’importantes polémiques.
Certains auteurs arabes le taxent durant la première moitié du XXe siècle
d’opportuniste et de prétentieux. Or, plusieurs péripéties de sa vie
contredisent cette appréciation ou du moins la relativisent fortement compte
tenu des incertitudes et de l’instabilité qui marquaient cette époque. Il
suffit de rappeler qu’il est issu d’une grande famille noble, qu’il a manifesté
son indépendance lorsqu’il était Cadi et qu’il a renoncé à sa vie politique et
à ses manigances pour écrire ses ouvrages et qu’il a, toujours, fait consciencieusement
le travail pour lequel il est payé.
(3) - IBN KHALDOUN est un
innovateur. Il a donné la meilleure définition de la mission de l’Etat, celle
de garantir la justice. Il est contre l’Etat religieux et pour un Etat civil.
Il voulait écrire l’histoire politique du Maghreb et
des événements dont il était témoin et à certains desquels il a même participé.
Il ne s'est pas beaucoup engagé dans ses écrits dans la discussion des
questions et des problématiques philosophiques et métaphysiques qui préoccupaient
les philosophes de son époque et plus généralement les philosophes classiques.
Cela n’entrait pas dans le corps du sujet dont il voulait traiter. A leur tour,
les philosophes de son époque s’intéressaient à des questions philosophiques
spéculatives, éloignées du sort des dynasties et de la vie, des actions et des
décisions politiques, sociales, économiques et commerciales en cours à l’époque
et auxquels Ibn Khaldoun s’intéressait.
Ses théories dans le domaine de la valeur, des prix,
du marché, de la fiscalité demeurent d’une grande actualité et sont, souvent,
l’objet de citations de la part d’éminentes personnalités pour justifier
certaines décisions politiques. C’est le cas, en particulier, de sa théorie
dans le domaine fiscal et de sa célèbre formule « les taux hauts tuent les
totaux » qui avait été citée par le président américain RONALD REAGAN pour
justifier au début des années quatre-vingt sa décision d’opérer une forte
baisse des taux d’imposition sur les revenus de l’économe de son pays. Son
affirmation que l’ultime pas vers la décadence est lorsque l’Etat devient
commerçant s’est vérifiée dans plusieurs pays. Il en est de même
del’affirmation que le commerce du Sultan, c’est çà dire de l’Etat nuit à la
population et à la fiscalité.
IV.Principales recommandations à l’issue du débat
Sur la base de ces conclusions, le Forum IBN KHALDOUN
pour le Développement présente quatre recommandations à l’effet de cultiver un
certain nombre de repères, issus de notre patrimoine, pour nous aider à
transcender les sentiments de doute et d’impuissance qui souvent nous animent
dans la période d’incertitudes et de difficultés que nous vivons depuis
quelques années. Elles se récapitulent comme suit :
1 Création d’un département
d’études sur la portée de l’œuvre d’IBN KHALDOUN au sein de l’une des
Universités tunisiennes ;
2 Institution d’un festival
tous les cinq ans sur IBN KHALDOUN en coopération avec les pays où il a vécu ou
qui l’ont marqué, en l’occurrence notamment l’Algérie, le Maroc, l’Egypte, la
Syrie et l’Espagne ;
3 Création d’un prix
international pour récompenser les meilleures études sociologiques ou
économiques inspirées de l’œuvre d’IBN KHALDOUN réalisées dans les pays
méditerranéens ;
4 Exploitation de l’apport
d’IBN KHALDOUN sur le plan diplomatique en suscitant la création de clubs ou de
cercles des amis des trois figures emblématiques de la Tunisie et du Maghreb en
l’occurrence HANNIBAL, SAINT AUGUSTIN et IBN KHALDOUN
Pourquoi est-il presque impossible de faire évoluer positivement les choses ?
RépondreSupprimerPar Michel Dakar, Villequier, le 18 juin 2020.
http://aredam.net/pourquoi-est-il-presque-impossible-de-faire-evoluer-positivement-les-choses.html
Illustration Pdf :
http://aredam.net/l-humain-originel-et-son-evolution.pdf
Illustration n°2 :
http://aredam.net/l-humain-nouveau-augmente-est-la.pdf
BEAU TRAVAIL
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