Dans un arrêt historique
rendu à l’unanimité de ses juges le 11 juin 2020, la Cour européenne
des droits de l’homme (CEDH) administre un cinglant désaveu aux
autorités françaises. La Cour déclare que les condamnations précédentes
des militants de la campagne BDS
(pour boycott, désinvestissement, sanctions) ayant appelé au boycott de
produits israéliens dans des supermarchés alsaciens en 2010,
constituent une violation de leur liberté d’expression.
Une action jugée d’intérêt général
Les requérants, après avoir été relaxés par le tribunal de Mulhouse en 2011, avaient été condamnés par la Cour d’appel de Colmar en 2013
pour provocation à la discrimination de produits en raison de
l’appartenance des producteurs à une nation déterminée, en l’occurrence
Israël.
Leur pourvoi avait été rejeté par la Cour de cassation
le 20 octobre 2015 au motif que la cour de Colmar avait correctement
appliqué l’article 24-8 de la loi sur la presse du 29 juillet 1881 qui
réprime la provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence.
Elle estimait en outre que les restrictions à la liberté d’expression, prévues par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, s’appliquaient en l’espèce car nécessaires à la défense de l’ordre et à la protection des droits d’autrui.
Dès lors, la saisine de la Cour de Strasbourg portait principalement
sur les limites des restrictions que la Cour de cassation imposait à la
liberté d’expression.
Dans les motifs de son arrêt, la CEDH indique que :
« d’une part, les actions et les propos reprochés aux requérants concernaient un sujet d’intérêt général, celui du respect du droit international public par l’État d’Israël et de la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés, et s’inscrivaient dans un débat contemporain, ouvert en France comme dans toute la communauté internationale. D’autre part, ces actions et ces propos relevaient de l’expression politique et militante ».
Elle précise également que « par nature, le discours politique est
source de polémiques et est souvent virulent. Il n’en demeure pas moins
d’intérêt public, sauf s’il dégénère en un appel à la violence, à la
haine ou à l’intolérance. Là se trouve la limite à ne pas dépasser »,
pour en conclure que les actions de boycott non violentes et dénuées
d’antisémitisme devaient bénéficier de la protection de l’article 10.
Des conséquences immédiates
Les autorités israéliennes ont très vite pris conscience du défi que
pouvait représenter la campagne BDS lancée en 2005 en créant dès 2008 un
discret ministère des affaires stratégiques chargé de stopper son expansion.
Depuis son lancement en France 2009 par une cinquantaine
d’associations, c’est essentiellement le CRIF (Conseil représentatif des
institutions juives de France) qui a stigmatisé l’appel au boycott des
produits israéliens comme du pur antisémitisme.[1]
Depuis lors, les gouvernements successifs ont tous demandé aux
procureurs d’agir avec fermeté à l’encontre des manifestants de BDS.
Ainsi, ni Christiane Taubira, ni Jean‑Jacques Urvoas, gardes des Sceaux, n’ont jugé utile d’abroger les circulaires adoptées par leurs prédécesseurs Michèle Alliot-Marie et Michel Mercier.
Si ces circulaires ont régulièrement donné lieu à des procédures de police visant une centaine de personnes depuis 2010, la majorité des dossiers ont fait l’objet de classements sans suite ou de simples rappels à la loi.
Quels impacts sur l’économie d’Israël ?
Juridiquement, l’arrêt rend désormais caduques les circulaires
Alliot-Marie et Mercier et remettent en cause le discours officiel de
stigmatisation de la campagne BDS tout en questionnant les tentatives
politiques, comme la récente résolution Maillard d’assimiler à de l’antisémitisme les différentes formes de critique de la politique israélienne.
Il impose surtout un retour aux principes fondamentaux du mouvement
BDS : Israël viole le droit international en toute impunité par sa
politique coloniale et d’« apartheid » envers les Palestiniens et seules
des pressions internationales peuvent changer la donne.
C’est pourquoi à l’image du boycott des produits sud-africains
au temps de l’apartheid, la société civile est en droit de se mobiliser
contre l’achat de produits des entreprises israéliennes.
Si les conséquences économiques de la levée de la pénalisation
française de la campagne BDS sont plus difficiles à évaluer, elles
seront sans doute plus importantes à long terme, comme l’a montré
l’exemple des différents boycotts sud-africain (académique, culturel et
économique) qui a duré plus de 30 ans de 1959 jusqu’à l’abrogation de
l’apartheid avec le discours de réconciliation nationale de Frederik de Klerk le 2 février 1990.
À ce jour, 112 entreprises (dont 94 entreprises israéliennes) ont été
identifiées comme ayant des activités dans les colonies israéliennes
selon la liste publiée le 12 février 2020 par les Nations unies.
Israël refusant toujours de respecter les consignes d’étiquetage distinct et spécifique des produits de ses colonies imposées par l’Union européenne et validées par la Cour de justice de l’Union européenne dans un récent arrêt
du 12 novembre 2019, le nombre d’entreprises boycottées pourrait
augmenter significativement, car il est impossible d’identifier les entreprises israéliennes sans lien avec les colonies.
Les échanges de marchandises entre la France et Israël représentent
environ 3 milliards d’euros par an, mais ceux avec l’UE atteignent près
de 16 milliards d’euros ce qui en fait, devant les États-Unis, le premier partenaire commercial d’Israël.
L’essor du mouvement BDS pourrait contraindre l’Union européenne à
revenir aux principes originels de l’accord de stabilisation et
d’association conclu en 1995 entre l’Europe et Israël subordonnant le
développement des échanges commerciaux au respect des droits de l’homme.
Au-delà des échanges commerciaux, c’est l’ensemble des relations
économiques qui pourrait être remise en cause par les appels au boycott
académique et scientifique, car l’UE verse chaque année, via des
programmes de recherche, plusieurs centaines de millions d’euros de subventions aux universités, laboratoires et entreprises de technologie d’Israël.
Source : https://theconversation.com/boycott-des-produits-israeliens-la-cedh-rebat-les-cartes-des-echanges-commerciaux-avec-leurope-140751
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- Bientôt, il sera illégal de ne pas aimer les Juifs
- Comment le lobby israélien a mis en place le programme de l’UE sur l’antisémitisme
Hannibal GENSÉRIC
De Michel Dakar
RépondreSupprimerLa CEDH a la nécessité, comme tous les organes dont le rôle est de présenter une façade de droit du régime, d'accomplir des actes apportant de l'épaisseur à cette façade, et ça marche. C'est le cas avec cette décision de la CEDH.
De plus, les opérations de boycott sont des piqures d'épingles pour l'Etat d'Israël, c'est même avantageux que certains y passent tout leur temps et toutes leur énergie, c'est même à croire que c'est cet Etat qui est derrière ces mouvements. Evidément,c'est mon opinion personnelle, mais je connais depuis plusieurs dizaines d'années la mouvance parisienne qui organise le boycott. On ne peut pas dire d'ailleurs qu'ils ont subi un quelconque retour de bâton, même enrobé de mousse amortissante. Ils ne se donnent même pas la peine de ça.
RépondreSupprimerOk je suis d'accord !!
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