dimanche 28 juin 2020

Je suis juif tunisien. Par André NAHUM

A l’heure où l'on se pose des questions sur le comportement de la Tunisie à l’égard d’Israël et à l’égard de ses Juifs vivant en Israël, il est nécessaire de republier ce texte bien à propos de notre ami et chroniqueur, décédé. Il résume à lui seul des siècles de présence juive en Tunisie, des siècles enfouis dans la mémoire et volontairement oubliés par la nouvelle génération arabe tunisienne.


        Il y a une dizaine d'années, j’étais en vacances à Hammamet et tandis que je me prélassais sur cette magnifique plage de sable fin , un jeune tunisien d’une quinzaine d’années vint me proposer le rituel bouquet de jasmin.


Le gars à poil n'est autre que le président tunisien Kaïs Saïed. Il a été élu alors que
son seul programme
électoral était :
"nous allons combattre Israël"
Ceci contribue à expliquer le contenu de cet article
H. Genséric
       La conversation s’engagea en français puis à un moment donné, je dis à ce gosse qui me prenait pour un touriste ordinaire :
-Je vais te faire une surprise
       Et je lui parlai en arabe.
-Tu es arabe me demanda-t-il alors ?
-Non.
-Alors pourquoi tu parles arabe ?
-Parce que je suis tunisien.
-Si tu es tunisien, tu es arabe.
-Je t'ai dit non.
-Alors tu es quoi ? demanda-t-il de plus en plus intrigué ,
-Je suis juif.
-Ah ! Tu es israélien ?
-Non ! je suis juif tunisien.
-Tu plaisantes ! Un israélien -tunisien, ça n’existe pas, ce n’est pas possible . Tu es certainement un arabe qui habite à Paris....
          A l’évidence on avait soigneusement caché à ce gosse, comme à toutes les nouvelles générations de ce pays qu’il y avait eu pendant prés de vingt siècles une importante communauté juive en Tunisie. Une communauté dont l’origine remonte à la nuit des temps et qui comptait au moins 120.000 membres à la veille de l'indépendance.
          Les Juifs sont peut-être arrivés dans ce pays dès la fondation de Carthage par la reine Didon-Elyssa. Puis des fuyards de Judée ont abordé les rivages de l’île de Djerba après la destruction par Nabuchodonosor, “que Dieu efface son nom”, du premier temple de Jérusalem au sixième siècle avant J.C. 
      Que dire du rôle que nous avons joué dans les domaines culturel, médical, économique, politique même, tant au Moyen-âge sous les dynasties aghlabite puis fatimide que dans l’édification de la Tunisie moderne ? 
          Curieusement tout était oublié, effacé, gommé. Comme si ça n’avait jamais existé. Le pays regorge pourtant de preuves de notre très ancienne présence.
         Que ce soit le fameux cimetière juif de Gammarth, dont on ne sait même plus où il se trouve tant on le dissimule, l’antique synagogue de Hammam-Lif que l‘on cache soigneusement, les lampes à huile décorées d’une ménorah dont regorge le sol de Carthage, nos cimetières, nos synagogues, désacralisées pour la plupart, les maisons que nous avons habitées, les rues où nous nous sommes promenés, les souks, les commerces où nos familles exerçaient leurs activités, les hôpitaux dans lesquels les médecins juifs étaient si nombreux et si prisés, les livres, les journaux que nous avons publiés, nos voisins, nos amis musulmans, tout devrait porter encore la marque de notre long passage .... Qu’aurait été la Tunisie , sans la cuisine juive, la pâtisserie juive, la musique et la danse juives, les architectes juifs, le sport juif , etc...etc... ? 
        Que les gens et même les lieux aient changé, cela pouvait se comprendre, le vent de l’Histoire étant passé par là, mais disparaître ainsi “sans sépulture” m’était intolérable et soulevait en moi une immense impression d’injustice.
Hannibal GENSERIC

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