La Suisse est, sans équivoque, l’épicentre de la mouvance frères-musulmane
en Europe. Terre d’accueil de plusieurs vagues de réfugiés appartenant à
la Confrérie, depuis les années 1950, elle s’est imposée comme « la
Mecque » des Frères musulmans européens. Grâce, notamment, à la
discrétion de ses banques…
Le
13 novembre 1995, un diplomate égyptien en poste auprès de l’ONU est
assassiné de six balles à Genève. Il enquêtait sur le trésor de guerre
des Frères musulmans qu’aurait géré Saïd Ramadan, le gendre d’Hassan
al-Banna. Un quart de siècle plus tard, l’affaire vient de connaître un
incroyable rebondissement : le tribunal fédéral suisse vient d’ordonner
la libération de l’assassin présumé, arrêté en 2018 !
Les réseaux helvétiques des Frères musulmans sont organisés en quatre
pôles distincts, qui s’étendent sur cinq cantons : Genève, Neuchâtel,
Vaud, Tessin et Zurich. Chacun de ces pôles est chapeauté par une ou
deux familles Frèristes : les Ramadan à Genève, les Kermous à Neuchâtel
et Vaud, les Nada et les Himmat dans le Tessin et à Zurich.
L’inter-connectivité entre ces pôles ne passe pas seulement par l’Internationale secrète de la Confrérie, le fameux Tanzim al-Dawli,
dont l’existence même a longtemps été niée par les Frères musulmans, ou
par les réseaux financiers occultes protégés par le sacro-saint secret
bancaire suisse. Elle s’illustre, aussi, par la présence du représentant
d’une « famille » au sein d’une organisation tenue par une autre.
Ainsi, Hani Ramadan, basé à Genève, se retrouve, par exemple, au conseil d’administration de la Fondation Wakef-Suisse
(FWS), tenue par les Kermous à Prilly, dans le canton de Vaud. Et
Mohamed Kermous, basé à Neuchâtel, figure parmi les administrateurs de
la Communauté Islamique du Canton du Tessin (CICT), tenue par les Himmat à Lugano.
La dynastie Ramadan
Dans la galaxie frères-musulmane, Genève est devenue une chasse
gardée de la dynastie Ramadan. Même le tout puissant « guide spirituel »
de la Confrérie, l’égyptien naturalisé qatari, Youssef al-Qaradawi, à
dû fermer, en mars 2010, l’antenne helvétique de l’International Islamic Charitable Organization, qu’il avait implantée à Genève dès 1987.
Le règne sans partage de la famille Ramadan sur les réseaux genevois
des Frères musulmans s’explique par l’aura et le prestige dûs au fait
que ses membres sont les descendants du fondateur de la Confrérie.
La famille est, en effet, l’héritière de Saïd Ramadan, ancien
secrétaire personnel du fondateur des Frères musulmans, Hassan al-Banna,
dont il a épousé la fille ainée Wafa. Installé à Genève, dès 1959, Saïd
Ramadan y fonde un Centre Islamique. Il contribue aussi à
l’implantation des Frères musulmans en Allemagne, notamment à Munich.
À sa mort, en 1995, son fils aîné Hani prend sa relève à la tête du Centre Islamique de Genève
(CIG). Et en 2001, une fondation portant le nom de Saïd Ramadan est
créée. Elle est aussi dirigée par Hani. Tout comme le CIG, le conseil
d’administration de la Fondation Saïd Ramadan est composé exclusivement
des membres de la famille : sa veuve Wafa, ses fils Hani, Aymen, Yasser,
Billal, Tariq et son unique fille Arwa.
Récemment, la réputation et l’aura des Ramadan ont été entachées par
les scandales sexuels de Tariq Ramadan, accusé de viols par plusieurs
plaignantes en France et en Suisse. Mais, le nouveau patriarche du clan,
Hani Ramadan, n’est pas en reste. En 2003, il a été licencié de son
poste d’enseignant par le canton de Genève, en raison de prises de
position jugées discriminatoires,
notamment des écrits controversés dans lesquels il faisait l’apologie
de la lapidation et considérait le sida comme une « punition divine » !
En 2016, les autorités françaises l’ont interdit d’entrée sur le
territoire français.
N’ayant pas respecté cette mesure d’interdiction, il est interpelé et
expulsé, en avril 2017. Et en juin 2018, ses avoirs en France ont
étaient gelés pour des soupçons de « financement du terrorisme ».
L’insatiable activisme des époux Kermous
Dans les cantons de Neuchâtel et Vaud, couple Mohamed Karmous et sa femme Nadia ont créé successivement
pas moins d’une dizaine d’associations Islamiques. Autant de tentacules
qui servent de paravent à leur activisme frères-musulman, mais aussi à
leur lobbying pro qatari.
Ils dirigent notamment la Ligue des Musulmans de Suisse (LMS), affilée à la Fédération des Organisations islamiques en Europe (FOIE), le Centre Socioculturel des musulmans de Lausanne (CSML), la Fondation Euro-Suisse Mithak (FESM), l’Union Islamique des Enseignants (UIE), l’Association Culturelle des Femmes Musulmanes de Suisse (ACFMS).
En 2016, le couple s’est lancé dans un projet pharaonique visant à
créer un « musée sans collection » dédié aux « civilisations de
l’Islam ». Un édifice faramineux et disproportionné pour la petite
localité la Chaux-de-Fonds, qui compte moins de 40.000 habitants,
financé à plus d’un million de francs suisse (900.000 euros), par la fondation Qatar Charity (voir l’encadré ci-dessous) !
L’enclave Frèriste du Tessin !
Le canton suisse du Tessin est connu pour sa célèbre enclave de
Campione, petite localité de 2,6 km², sous souveraineté italienne, en
plein territoire Suisse. L’arrivée sur place, à la fin des années 1960,
de deux figures emblématiques du Tanzim al-Dawli, Youssef Nada et Ali Ghaleb Himmat, y a implanté une enclave moins visible mais bien plus vaste, dédiée aux finances occultes des Frères musulmans.
Les activités discrètes des clans Nada et Himmat n’ont commencé à
attirer l’attention qu’après les attaques du 11 septembre 2001.
Notamment, suite aux enquêtes visant leur banque Al-Taqwa, soupçonnée de financement du terrorisme.
Ali Ghaleb Himmat, aujourd’hui âgé de 81 ans, est toujours administrateur de la Communauté Islamique du Canton du Tessin (CICT), qu’il a fondé en 1991. Son fils, Youssef Himmat, préside l’organisation frèriste pan-européenne Forum des Organisations Européennes des Jeunes et Etudiants Musulmans (FOEJEM).
À 88 ans, Youssef Nada,
demeure très discret. Figure emblématique de l’internationale
frères-musulmane, dont il fut le financier occulte durant plus d’un
demi-siècle, son nom n’apparait officiellement qu’en tant que
membre-fondateur de la Fondation de la Communauté Islamique de Zurich (FCIZ).
Son fils, Nazim Nada, semble avoir hérité de son père la culture du
secret et le goût des finances occultes. Il dirige, à Lugano, Lord Energy,
une énigmatique société de négoce en gaz et pétrole.
Parmi ses actionnaires, figurent plusieurs jeunes loups appartenant frères-musulmans suisses et italiens !
Crime et mystères autour du trésor de guerre des Frères musulmans à Genève
Le
13 novembre 1995, un diplomate égyptien en poste auprès de l’ONU est
assassiné de six balles à Genève. Il enquêtait sur le trésor de guerre
des Frères musulmans qu’aurait géré Saïd Ramadan, le gendre d’Hassan
al-Banna. Un quart de siècle plus tard, l’affaire vient de connaître un
incroyable rebondissement : le tribunal fédéral suisse vient d’ordonner
la libération de l’assassin présumé, arrêté en 2018 !
Alaa el-Din Nazmi, 42 ans, vient de garer sa BMW dans le parking de
son immeuble. Le diplomate égyptien est froidement abattu de six balles
tirées par un pistolet SIG P. 210 Parabellum. Le tueur abandonne l’arme
sur place. « Le canon de l’arme est enveloppé dans un étui de mousse
synthétique pour atténuer la résonance des coups », raconte Richard
Labévière, alors journaliste à la télévision suisse romande, dans Les
dollars de la terreur (éditions Grasset, février 1999).
Carla del Ponte, procureur général de la Confédération, prend
personnellement l’affaire en main. Cet assassinat vient de violer l’une
des règles non écrites édictées par la Suisse, pays neutre. Celui-ci
ferme les yeux sur tous les trafics et autres magouilles étrangères,
mais à condition que personne ne s’entretue sur son territoire. Cette
règle n’a-t-elle pas été scrupuleusement respectée par les belligérants
durant la Seconde Guerre mondiale ?
Le diplomate a été tué le 13 novembre 1995. Le 21 novembre, la police
perquisitionne le Centre islamique de Genève (CIG), fondé par Saïd
Ramadan, gendre d’Hassan al-Banna, et père de Tariq et Hani Ramadan.
Quel rapport entre l’assassinat et la famille Ramadan ? Saïd Ramadan est
mort le 4 août 1995, et une note d’un service européen de renseignement
constate que « la famille s’est partagée une somme apparemment
considérable que Saïd Ramadan avait en gestion pour le compte des Frères
musulmans en Égypte ». Et justement, ce diplomate égyptien enquêtait
sur le trésor de guerre de la Confrérie.
Simple coïncidence ? C’est à la même période que commence l’ascension
de Tariq Ramadan en France, et la diffusion en masse de ses livres et
de ses cassettes par les éditions Tawhid à Lyon.
Violent contentieux avec les Frères musulmans
Toujours dans Les dollars de la terreur, Richard Labévière raconte en
1999 que cette captation des économies de la Confrérie aurait « ouvert
entre la famille et les Frères musulmans d’Égypte un contentieux violent
». Curieusement, les Ramadan, habituellement prompts à déposer plainte,
ne bougent pas. Ils ne protestent pas davantage lorsque Caroline
Fourest dans Frère Tariq, et Lionel Favrot, dans Tariq Ramadan dévoilé,
deux ouvrages parus en 2004, évoquent à leur tour l’« évaporation » de
ce trésor de guerre.
Et surtout, comment expliquer que depuis la mort de son père en 1995,
Tariq Ramadan n’ait jamais remis les pieds en Égypte ? Pendant
longtemps, il a prétendu qu’il y était interdit de séjour, sans en
apporter la preuve. D’autant qu’il dispose d’un passeport suisse.
Étrangement, quand Mohamed Morsi prend le pouvoir en juin 2012, Tariq
Ramadan continue à bouder l’Égypte. Pour tenter de justifier son
désintérêt pour le pays de ses ancêtres, dans son livre L’Islam et le
réveil arabe, il explique qu’en fait le « Printemps arabe » aurait été
téléguidé par… les États-Unis et Israël. Le 4 novembre 2013, le
petit-fils d’Hassan al-Banna donne une interview au quotidien suisse Le
Temps intitulée : « Les Frères musulmans m’en veulent énormément ». Sans
évoquer, bien évidemment, ce possible contentieux portant sur une
affaire de gros sous.
Le Tribunal fédéral fait libérer le suspect
Pendant plus d’un quart de siècle, l’enquête sur l’assassinat du
diplomate égyptien piétine. La procédure est suspendue en 2009. Premier
coup de théâtre en octobre 2018 : un homme est arrêté à Vernier, dans le
canton de Genève. Il s’agit d’un Italo-Ivoirien, né en 1969. Vendeur de
voitures à Genève, il vit en France voisine. Il a déjà défrayé la
chronique en 2011 en recelant de l’or volé. Et surtout, on a retrouvé
son ADN sur le silencieux de l’arme qui a tué le diplomate égyptien. Cet
ADN avait longtemps été inutilisable pour les enquêteurs. C’est
l’évolution technologique qui a permis de rendre les empreintes lisibles
et de retrouver le suspect, vingt-trois ans après le drame (la
prescription étant de trente ans). Cette arrestation est racontée dans
Tariq Ramadan, histoire d’une imposture (éditions Flammarion, janvier
2020), écrit pas l’auteur de cet article. Depuis son incarcération,
l’homme n’a jamais parlé. L’une de ses ex-amies, qui aurait également
laissé son ADN sur le silencieux, est également placée en détention,
puis libérée après six semaines, en mars 2019.
Nouveau coup de théâtre le 18 mai 2020, le Tribunal fédéral, la plus
haute instance judiciaire de Suisse, exige la libération immédiate du
suspect ! Cet arrêt est pour le moins surprenant. Tout en ne niant pas
que « les traces digitales et/ou ADN lui appartiennent », que l’individu
présente un « trouble de la personnalité dissociable avec traits
psychopathiques particulièrement marqués », qu’on lui reconnaît « une
certaine affinité pour les armes », et qu’une ancienne compagne évoque
des « propos tenus par le frère du recourant – soit que celui-ci aurait
tué quelqu’un », le Tribunal fédéral estime que « les circonstances
entourant la commission de l’homicide sont loin d’être définitivement
établies » (Arrêt 1B_195/2020 du 18 mai 2020).
Le quotidien Le Temps, qui rapporte la libération de « Momo » – son
surnom de délinquant de moyenne envergure – explique que pour ces hauts
magistrats, « son degré de participation dans un éventuel assassinat
(dans l’hypothèse où il aurait par exemple fonctionné comme tueur à
gages) demeure incertain ».
A présent, il sera intéressant de connaître la réaction des autorités
égyptiennes après la libération par la justice suisse d’un homme qui a
laissé ses empreintes sur le silencieux d’un pistolet qui a tué l’un de
ses diplomates.
Par Ian Hamel
Source : Global Watch Analysis
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La Suisse pays neutre mais seulement sur le papier. Cette nation organise le désordre mondial pour conserver l'argent des riches dans ses coffres.
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