L’armée américaine a suspendu 300 millions de dollars d’aides au Pakistan.
Techniquement, ce n’est pas une « aide militaire » au sens propre que
les USA ont coupée ; il s’agit d’argent qui « faisait partie du
remboursement pour des décès et des pertes financières subies par le Pakistan
dans la lutte contre le terrorisme », selon un communiqué du nouveau ministre
des affaires étrangères pakistanais.
Une vue de la clôture mise en place entre Pakistan et Afghanistan – source businessinsider.com |
Mais quoi
qu’il en soit, cette décision hostile est prise pour faire avancer plusieurs
objectifs américains, reliés entre eux, le plus visible d’entre eux étant de faire payer au Pakistan les échecs
américains en Afghanistan, et le plus stratégique d’entre eux étant de poursuivre
la réorientation des USA vers l’Inde, choisi comme partenaire privilégié pour
l’Asie du sud.
Le prétexte
supposé, selon lequel le Pakistan ne contribue pas suffisamment à la répression
des groupes terroristes, est fallacieux, en ce que le pays n’héberge aucun de
ces groupes, et a plutôt été leur victime au cours des décennies passées, à
hauteur de 60.000 martyrs. Mais qu’importe aux USA, qui s’emploient à
construire une histoire difficilement crédible, pointant le doigt vers la
communauté pachtoune, active des deux côtés de la ligne Durand, dans une thèse
voulant que les talibans traversent simplement cette frontière entre
Afghanistan et Pakistan pour échapper aux frappes aériennes américaines. Ce
n’est pas forcément ainsi que les choses se passent, et la situation réelle est
plus complexe que cette histoire simpliste ne tente de l’expliquer.
Aucun
militant armé ne pénètre le Pakistan par ces postes frontaliers officiels, qui
figurent parmi les plus sécurisés au monde, et il ne serait pas réaliste
d’attendre d’Islamabad qu’elle détecte des sympathies talibanes de la part des
personnes sans armes qui pénètrent son territoire depuis l’Afghanistan. Quant à
ceux qui pourraient essayer d’entrer de manière illégale, ils ont constaté ces
dernières années que c’était plutôt difficile, et cela deviendra même
impossible, une fois complètement installée la clôture
à la frontière avec l’Afghanistan. Ces diverses raisons révèlent l’inanité
de la thèse des USA, qui prétendent que le Pakistan « héberge des groupes
terroristes » et les « aide activement » : c’est faux de A à Z
et ces thèses visent à abîmer la réputation du Pakistan sur le plan
international.
Les USA ont suspendu une aide de 300 millions de dollars au Pakistan |
Il ne s’agit
pas uniquement d’endommager le positionnement international du Pakistan et de « montrer
le chemin de la vertu » au nouveau
partenaire stratégique américain que constitue l’Inde : Washington se
désengage peut-être également de sa relation – jadis proche – avec Islamabad
en préparant le terrain pour pouvoir ensuite raconter qu’elle lui inflige des
sanctions pour des raisons « de terrorisme », alors qu’il s’agit de mettre
des bâtons dans les roues du Couloir Économique Chine-Pakistan (CPEC [China-Pakistan
Economic Corridor, NdT]). Les USA travaillent à construire une perception du
Pakistan en tant que pays « infesté de terroristes » afin de
légitimer ce qui pourrait devenir une campagne de sanctions tous azimuts contre
ce pays, à l’image de la campagne qui fait rage contre
l’Iran et de celle qui a débuté plus récemment encore envers
la Turquie.
Étendre le
terrain de guerre économique américain déjà existant à la région du Pakistan
viendrait englober la partie sud-eurasienne de la « Terre du bord » [Rimland,
NdT] de ce qu’on appelle le « Moyen-Orient étendu », qui constitue la
moitié sud de l’anneau
d’or des grandes puissances multipolaires, et cela ferait monter
drastiquement les pressions sur cette construction géopolitique si prometteuse
pour le XXIe siècle, en particulier au regard de la possibilité
d’imposer des « sanctions secondaires » contre les sociétés qui
utiliseraient le CPEC – et donc passant par le Pakistan. Tout l’enjeu est
de diminuer
l’attrait économique de ce couloir fondamental de la route de la soie, ce
qui s’inscrit dans la stratégie
américaine d’« isolement » contre le Pakistan et la Chine. Reste
que ce processus pourrait bien involontairement venir accélérer les phénomènes
d’intégrations qu’il tente de saboter.
Le présent
article constitue une retranscription partielle de l’émission radiophonique
context countdown, diffusée
sur Radio Sputnik le 7 septembre 2018.
Andrew
Korybko est le
commentateur politique américain qui travaille actuellement pour l’agence
Sputnik. Il est en troisième cycle de l’Université MGIMO et auteur de la
monographie Guerres hybrides : l’approche adaptative indirecte pour un
changement de régime (2015). Le livre est disponible en PDF gratuitement et à
télécharger ici.
Par Andrew Korybko
– Le 7 septembre 2018 – Source orientalreview.org
Traduit par
Vincent, relu par Cat pour le Saker
Francophone
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