Si le feuilleton d'Idlib
n'en finit pas de ne pas finir et demeure une épine dans le pied des
loyalistes, victorieux par ailleurs, un déblocage pourrait peut-être
prochainement voir le jour, qui aurait d'importantes répercussions sur
une bonne partie du territoire syrien. Le conditionnel reste cependant
de mise, tant les négociations en coulisses sont complexes et mettent en
scène une multiplicité d'acteurs aux objectifs différents : Damas, les
Turcs, Moscou, les Kurdes, les Américains, l'Iran.
L'espoir d'un rapprochement entre Assad
et les Kurdes sous la houlette russe ayant fait long feu (torpillage US
mais aussi entêtement de Damas sur l'autonomie à donner aux Kurdes),
l'on semble se diriger lentement mais durablement vers une recomposition
qui était déjà dans les tuyaux depuis un bout de temps, un troc qui,
selon le principe des vases communicants, verrait Ankara "donner" Idlib
aux Syro-Russes en échange d'un feu vert contre le Rojava kurde.
Si l'idée n'est pas nouvelle, certains
éléments peuvent laisser penser que cette fois, ça pourrait être la
bonne, comme n'est pas loin de le penser Frédéric Pichon. Début août, Moscou a usé d'un ton inhabituellement direct,
donnant 24 heures aux Turcs pour faire respecter l'accord sur le
retrait des barbus de la DMZ. Ankara ayant évidemment été incapable de
faire quoi que ce soit et HTS ayant refusé tout net, les Syro-Russes
sont passés à l'offensive. Les Sukhois s'en donnent à cœur joie et il se murmure même que les spetsnaz ont mis la main à la pâte avec quelques opérations derrière les lignes.
Dans le même temps, Erdogan a menacé encore une fois,
mais plus fort que de coutume, d'envahir le Rojava kurde. Certes, c'est
presque devenu une habitude chez lui et d'aucuns n'y verront qu'un
énième chantage, mais le ton semble cette fois plus assuré. A tel point que les Américains, parrains des SDF, se sont crus obligés à plusieurs reprises d'avertir sévèrement le sultan de ne pas franchir le Rubicon (ou l'Euphrate en l'occurrence). On doit bien s'amuser au siège de l'Alliance atlantique...
L'accord
conclu in extremis entre Ankara et Washington reste vague et, comme les
autres, pourrait ne déboucher sur rien de concret, auquel cas les Turcs
seraient susceptibles de mettre, pour une fois, leurs menaces à
exécution. Cela n'arrangerait évidemment pas les affaires de l'empire,
pris entre le marteau de son allié otanien et l'enclume de sa chair à
canon kurde syrienne. Amusante coïncidence, cela embêterait également
son grand ennemi iranien !
Une invasion turque du Rojava
repousserait en effet les Kurdes plus au Sud, vers la frontière
syro-irakienne, interface de l'arc chiite. Cette concentration de
troupes hostiles, cornaquées par Washington, près du noeud stratégique d'Al Bukamal rendrait la situation explosive et ne serait pas du tout bien reçue à Téhéran...
Nous n'en sommes pas encore là et n'y
serons peut-être jamais, même s'il convient de ne pas en écarter tout à
fait la possibilité. Les premiers éléments de réponse commenceront à
tomber dans les jours/semaines à venir. Le sultan s'est-il une nouvelle
fois contenté d'aboyer ou va-t-il, cette fois, réellement mordre ?
L'offensive syro-russe sur l'Idlibistan sera-t-elle une nouvelle fois
arrêtée après quelques villages repris ou est-elle partie pour durer ?
Comment dit-on wait and see en turco-arabo-kurde ?
***** Mise à jour 10 août *****
Sans que l'on puisse encore parler de
grande offensive, les choses commencent à se préciser dans l'Idlibistan.
L'armée loyaliste a lancé des attaques sur plusieurs fronts - du Nord-Ouest, du Sud-ouest et du Sud-est - déchirant les défenses pourtant féroces des djihadistes. Un petit kotel semble être en préparation
qui, si les choses continuent à ce train, se refermerait sur
l'importante ville de Khan Cheikhoun, lieu du fameux second false flag
chimique.
L'aviation russe s'en donne à cœur joie
pour bombarder les convois qui arrivent en soutien tandis que, de leur
côté, les Kurdes d'Afrin continuent leur guérilla, y fixant les barbus
pro-turcs. Le dernier raid
en date, nocturne, révèle un savoir-faire certain (voir la vidéo du
lien, un vrai carton). Dans la guerre d'usure de l'Idlibistan, les
fondamentaux ne sont pas très bon du côté des inénarrables "rebelles
modérés"...
Source : Chroniques du Grand Jeu
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