Une crise sanitaire nationale n’arrête pas le rythme
des tambours de guerre.
Les États-Unis viennent de déclarer la guerre au
coronavirus, le Président Donald Trump s’autoproclamant « Président de
temps de guerre ». Que l’on pense que le virus doit être affronté avec une
agressivité maximale en fermant le pays ou que les mesures déjà en place
constituent déjà une réaction excessive ne semble guère avoir d’importance car
les développements des prochains mois démontreront probablement ce qui aurait
pu/aurait dû être fait. Mais pendant ce temps, les opinions extrêmes se
multiplient, Rush Limbaugh décelant une conspiration des Démocrates et des
Communistes visant à détruire le capitalisme sous « le prétexte de sauver des vies », tandis qu’un
libertaire plus modéré mais animé par une idéologie plus libre, Ron Paul, a
choisi de rédiger un article intitulé « Le canular du coronavirus » qui a
personnellement cloué au pilori, en tant que « principal semeur de peur »,
l’expert très respecté du gouvernement sur l’origine et la propagation de la
maladie, le Dr Anthony Fauci.
Staline a déclaré que la mort d’une personne était une
tragédie alors que la mort d’un million de personnes est une statistique. Pour
Limbaugh et Paul, une épidémie qui pourrait tuer des dizaines, voire des
centaines de milliers d’Américains produit une statistique, de moindre
incidence que conserver un Wall Street complètement corrompu et la
« liberté » de l’individu d’aller faire du shopping. En effet, si le
capitalisme « vautour » américain [1],
motivé par la cupidité, doit être préservé sous sa forme actuelle pour protéger
et donner du pouvoir aux riches, un changement radical pourrait être accueilli
favorablement par la plupart des Américains pour inclure un véritable filet de
sécurité des infrastructures de santé, attendu depuis longtemps.
En attendant, des préoccupations plus rationnelles et
légitimes sont soulevées par ceux qui s’inquiètent de savoir quel type de
démocratie et d’économie américaines émergeront de l’autre côté. Ils invitent
le public à être particulièrement vigilant face à la poursuite des pratiques
d’urgence au niveau fédéral et au niveau des États, qui permettent aux
gouvernements respectifs d’agir de manière autocratique avec peu de
transparence ou de responsabilité.
Une mesure particulière qui a été mise en œuvre est
l’utilisation du suivi des téléphones portables, sans la permission des
propriétaires des appareils, pour vérifier si les mesures de séparation et
d’isolement sont respectées par les personnes qui se déplacent, déterminant si
elles obéissent ou non aux règles en place pour pénaliser les rassemblements en
public. Il semble que le gouvernement et même au moins une entreprise privée, probablement israélienne, soient
désormais en mesure de suivre des centaines de milliers, voire des
millions de téléphones simultanément. Cette violation
« d’urgence » du droit à la vie privée équivaut à une fouille
illégale et devrait être contestée sur sa constitutionnalité, mais le vrai
danger est que les outils utilisés pour surveiller l’emplacement des téléphones
puissent également être utilisés, une fois la crise déclarée terminée, pour
surveiller les activités parfaitement légales des citoyens. Il faut également
craindre qu’une fois que la technologie de localisation des téléphones sera
développée, un peu plus de réglages pourraient bien intégrer cette fonction
dans la capacité bien établie de l’Agence de Sécurité Nationale d’intercepter
et d’enregistrer des conversations privées.
Il est certain qu’un monde différent émergera après
l’apparition du coronavirus, mais on peut observer avec regret que certaines
choses ne semblent jamais changer, même au milieu d’une crise sanitaire
mondiale de grande ampleur. On pourrait en effet soupçonner que les États-Unis, loin de mettre
de l’ordre dans leur propre maison, ont en fait utilisé le virus comme
couverture pour intensifier leurs activités agressives en Asie et en Amérique
Latine. En cours de route, ils ont aussi délibérément exploité la
maladie pour punir les pays avec lesquels ils entretiennent des relations
conflictuelles.
Ceux qui encouragent les politiques de « pression
maximale » du changement de régime
privilégié par l’administration Trump sont les hauts responsables civils de la
Maison Blanche, à savoir le Secrétaire d’État Mike Pompeo et le
Conseiller à la Sécurité Nationale Robert O’Brien. Les généraux, dont le
Secrétaire à la Défense Mike Esper et les chefs d’état-major des armées,
considèrent que l’armée est déjà surchargée et ont jusqu’à présent résisté à
certaines des suggestions les plus folles, mais cela ne signifie pas que les
propositions belliqueuses ont disparu. Elles sont toujours sur la table,
poussées en particulier par Pompeo, et comme le Président est remarquablement
facile à convaincre d’entreprendre une action militaire, elles devraient être
considérées comme toujours viables.
Les deux propositions d’action qui ont fait surface
récemment et qui doivent être considérées comme limite insensée sont toutes
deux liées à l’Iran. L’une d’elles est remarquable en ce qu’elle crée
simultanément deux nouveaux ennemis actifs. Il s’agit d’un ordre du Pentagone
aux commandants régionaux de se préparer à attaquer et à
détruire la milice chiite irakienne Kataeb Hezbollah que les compères
O’Brien/Pompeo estiment être liée à l’Iran et responsable des récentes attaques
sur les bases américaines en Irak.
Le Lieutenant Général Robert P. White, le
commandant en chef américain en Irak, a immédiatement répondu à l’ordre,
objectant qu’une telle action risquait de provoquer une guerre avec l’Iran tout
en augmentant la pression sur le gouvernement de Bagdad pour qu’il expulse les
forces américaines du pays. White a également fait remarquer qu’il n’avait pas
suffisamment de forces en Irak et que toute attaque contre une milice irakienne
qui fait techniquement partie de l’Armée Irakienne produirait une guerre
ouverte à l’intérieur des frontières d’un pays qui est techniquement un allié.
Si d’autres milices, y compris la nombreuse et bien équipée Armée des Badr, se joignaient
aux attaques contre les bases américaines, il n’y aurait aucun moyen de les
défendre.
L’ordre est un compromis dû à de forts désaccords au sein de l’administration Trump sur la façon de punir
l’Iran et ses milices irakiennes mandataires. Pompeo et O’Brien voient dans le
coronavirus, qui a durement frappé l’Iran, une occasion de détruire les milices
alors que l’Iran n’est pas en mesure de réagir. Selon le New York Times,
Esper a approuvé la planification uniquement pour créer des options pour
traiter avec l’Irak et l’Iran en se basant sur la possibilité que les attaques
contre les forces américaines s’intensifient. Jusqu’à présent, Donald Trump a averti que l’Iran ou une milice mandatée planifie une
« attaque furtive » sur les bases américaines en Irak et a déclaré
que l’Iran lui-même « paierait un prix très lourd » si elle était
exécutée. Néanmoins, le Président a seulement accepté de laisser la
planification se poursuivre, bien qu’il ait également menacé de « remonter la chaîne alimentaire »,
laissant entendre qu’il est prêt à attaquer directement l’Iran s’il y a une
escalade contre les troupes américaines.
Pompeo et O’Brien, rejoints par le Directeur du
Renseignement National récemment nommé Richard Grenell, ont également encouragé
une entreprise plus sérieuse, à savoir attaquer l’Iran sans avertissement et sans aucun prétexte
alors qu’il est affaibli par la crise sanitaire. Pompeo, O’Brien et Grenell ont
fait valoir qu’une attaque directe contre l’Iran, qui
pourrait inclure des frappes contre ses navires de guerre, affaiblirait
tellement le régime sur son incapacité à défendre le pays que ses dirigeants
seraient contraints d’ouvrir des négociations, c’est-à-dire de se rendre à
Washington.
Washington a à la fois augmenté les sanctions et
refusé des médicaments à l’Iran, ainsi qu’au Venezuela, pour exercer une
pression supplémentaire sur leurs gouvernements face à la pandémie de
coronavirus. L’administration Trump a réussi à bloquer des prêts d’urgence de 5 milliards de
dollars du Fonds Monétaire International aux deux pays tout en envoyant des navires de guerre dans les Caraïbes et le
Golfe Persique pour appuyer le message par la force si nécessaire. L’argument
utilisé pour punir le Venezuela est qu’on ne sait pas très bien qui représente
le gouvernement légitime dans le pays, qu’il s’agisse de Nicola Maduro, le
Président, que Pompeo a qualifié de « trafiquant de drogue », ou de
Juan Guaido, l’aspirant au poste de chef d’État promu par le Département
d’État.
Une grande partie des manœuvres de Washington se sont
déroulées sous le radar, étant donné la couverture qu’offre la crise du
coronavirus. Mis à part le Venezuela, la plupart des plans se sont concentrés
sur l’Iran, l’adversaire le plus détesté de la Maison Blanche et aussi,
peut-être pas par hasard, l’ennemi perpétuel numéro un d’Israël. Par ailleurs, le 27 mars, l’Agence de Coopération pour la
Sécurité et la Défense du Département d’État américain a annoncé l’approbation
d’un accord de 2,4 milliards de dollars avec Israël pour l’achat de huit avions
KC-46A Pegasus.
Cet accord constitue le premier cas où les États-Unis
ont vendu à Israël des avions construits spécialement pour le ravitaillement.
Le KC-46A Pegasus peut transporter 106 tonnes de carburant pour ravitailler les
avions de chasse et a une autonomie de plus de 6.000 miles. Il permettra à
l’Armée de l’Air Israélienne de disposer d’une capacité de ravitaillement
suffisante pour attaquer directement l’Iran, sa principale cible régionale.
Israël a fréquemment déclaré
sa volonté d’attaquer les sites nucléaires iraniens et pourrait également
exploiter l’opportunité offerte par le coronavirus et ses conséquences pour le
faire.
Ainsi, à un moment où l’opinion publique américaine
réclame des assurances que tout est fait pour lutter contre le coronavirus,
certains responsables de la Maison Blanche planifient de nouvelles guerres. Si
l’on cherchait des preuves du dysfonctionnement de l’administration Trump, il
ne serait pas nécessaire de chercher plus loin.
par Philip
Giraldi.
traduit par Réseau International
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