En ces temps pandémiques, le ciel ne
viendra peut-être pas à la rescousse mais il demeure une scène privilégiée sur
laquelle continuent de se dérouler les grandes joutes internationales.
Le lancement, mercredi dernier, d'une fusée iranienne
mettant en orbite un satellite militaire a envoyé des ondes de choc du côté de
Washington, entraînant l'habituelle litanie de commentaires de Pompeo & Co
sur "l'escalade" provoquée par Téhéran. Peut-être pas tout à fait à
tort pour le coup...
Cette opération, menée exclusivement
par les Gardiens de la révolution, est un succès technologique certain. Le
satellite, poétiquement nommé Nour (lumière
en persan), et le lanceur ont été entièrement fabriqués en Iran, constituant un
pied de nez monumental à la stratégie de "pression maximum" décidée
par la Maison blanche.[1]
C'est surtout la fusée qui inquiète, à juste titre, les généraux américains. Guère
besoin d'être spécialiste ès aéronautique pour savoir en effet que von Braun et
ses V2 sont à la base du programme spatial des États-Unis ou que les Soyuz
qui font actuellement le voyage vers l'ISS sont des missiles intercontinentaux
soviétiques améliorés.
Tiré comme un missile à partir d'un
TEL, le lanceur Qased permet maintenant d'effectuer des lancements dans
un délai relativement court et depuis n'importe quelle base. Un tournant majeur
dans le développement du programme balistique iranien qui, on s'en doute,
affole les États clients de l'Empire au Moyen-Orient.
Si Washington fait les gros yeux, Moscou vole au secours de son allié. Aux
accusations pompéiennes de non respect des résolutions de l'ONU par Téhéran, la
belle Maria a répondu du tac au tac : "Ce n'est pas la première fois qu'une nation [suivez mon regard], qui a violé de manière flagrante les normes
du droit international, particulièrement la résolution 2231 du Conseil de
Sécurité [sur le nucléaire iranien], tente de détourner les condamnations
internationales par des accusations sans fondement contre l'Iran."
Clair et sans ambages.
Toujours dans la région, une autre
mauvaise nouvelle vient assombrir la mine déjà passablement navrée des
stratèges US. Elle nous vient de Bagdad cette fois, où il est de plus en plus
question d'un certain S-400...
La chose avait été abordée en janvier,
après l'assassinat de Soleimani, quand le MoD russe avait profité du
scandale pour suggérer de protéger le ciel irakien grâce au petit bijou
anti-aérien d'Almaz-Antei. Depuis, les rumeurs allaient et venaient mais rien
de concret n'en était sorti. Ce n'est plus le cas. Le Comité de Défense et de
Sécurité du parlement aurait déposé sur le bureau du Premier ministre sortant Abdul
Mahdi une demande officielle d'achat du S-400. La décision définitive sera
prise quand le nouveau candidat au poste, al Khadimi, sera intronisé.
On imagine aisément les perles de sueur
goutter sur le front soucieux des analystes du Pentagone mais aussi à Tel-Aviv,
car c'est une possible bulle de déni qui se profile. L'occasion de rappeler ce concept :
Au
comité militaire de l’Otan, on a pris conscience de la vulnérabilité des forces
aériennes de l’Alliance en cas de conflit avec Moscou. Et pas seulement. Car
les Occidentaux pourraient aussi perdre leur supériorité aérienne en temps de
paix, la présence de ces dispositifs d’anti-accès étant, par exemple,
susceptiblse de gêner considérablement le déploiement de moyens d’urgence en
Europe de l’Est, tels que ceux préconisés par les Américains. En réduisant la
liberté d’action des Alliés sur leur propre zone de responsabilité, le déni
d’accès russe deviendrait alors aussi déni d’action à même de contraindre la
décision politique. (...)
Jamais, depuis la fin de la Guerre froide, l’Otan n’avait été confrontée à des
environnements “non-permissifs”.
«Les
Russes ne font plus rire», note un observateur, d’autant que leurs systèmes
antiaériens, que certains pensaient inefficients, disposent en réalité
d’algorithmes très avancés. Qu’il s’agisse du S-300 ou du S-400, ces systèmes
complexes utilisent plusieurs types de radars fonctionnant sur différentes
fréquences. Ils sont mobiles et disposent d’une maintenance autonome.
Avec un Irak doté de S-400 et un
Iran de S-300, la chasse israélienne peut sûrement dire adieu à toute idée de
bombardement sur des sites iraniens, en tout cas par la voie normale. Quant aux
États-Unis, c'est toute leur activité dans la zone qui risque d'être
bouleversée, notamment leur immunité dans les cieux mésopotamiens.
Nul doute, dans ces conditions, que
le nouveau Premier ministre sera harcelé par les envoyés de Washington, avec
menaces de sanctions à la clé voire plus. Mais si le pouvoir de nuisance
impérial est encore réel à Bagdad, l'assassinat de Soleimani, universellement
condamné dans le pays, a rebattu les cartes. Nous commettrons d'ailleurs
prochainement un article sur le bras de fer américano-iranien, notamment en
Irak. À suivre...
Never twice without thrice. DC la Folle doit, bien malgré
elle, méditer cet adage en apprenant, troisième désillusion, que la dinde
volante fait encore des siennes. Un article d'Opex360 nous l'explique, délicieusement titré
"Le Pentagone a réglé cinq lacunes
graves du F35 mais en a trouvé quatre nouvelles" ( ! ) :
L’an passé, le magazine Defense
News avait révélé que le F-35, l’avion de 5e génération développé par
Lockheed-Martin, présentait
pas moins de 13 lacunes classées dans la catégorie CAT-1B, c’est à dire
qu’elles étaient susceptibles d’avoir un « impact » sur les missions
pour lesquelles il a été conçu.[2]
« Tous ces problèmes, à l’exception de quelques-uns, ont échappé
au contrôle intense du Congrès et des médias. D’autres ont été brièvement
mentionnés dans des rapports de groupes de surveillance du gouvernement. Mais
la majorité d’entre eux n’ont pas été révélés publiquement, ce qui dénote un
manque de transparence s’agissant du système d’armes le plus coûteux et le plus
prestigieux » du Pentagone fit valoir Defense News à
l’époque.
Outre les défauts d’ALIS [Autonomic
Logistics Information System], un programme informatique qui, comptant une
dizaine de millions de lignes de code, permet de gérer la maintenance et
l’approvisionnement en pièces détachées des F-35, il était question de pics de
pression dans le cockpit susceptibles de provoquer des barotraumatismes aux
pilotes, de températures pouvant influer sur les performances de l’avion, de
« cloques » sur le revêtement « furtif » dès que la vitesse
dépassait Mach 1,2 [surtout pour les F-35B et F-35C], d’une caméra de vision
nocturne affichant des stries vertes, ou encore un moteur qui, par temps chaud,
était susceptible de ne pas donner toute la puissance nécessaire pour maintenir
un F-35B en suspension [d’où le risque d’atterrissage « brutal »].
Moins d’un an plus tard, le bureau du
Pentagone chargé de gérer le programme F-35 a avancé. S’il a été décidé d’arrêter
les frais avec le système ALIS, qui sera remplacé par le logiciel
« ODIN », cinq de ces 13 lacunes de catégorie CAT-1B ont été réglées.
Et cinq autres ont été classées dans une catégorie de déficience inférieure.
En revanche, quatre nouveaux défauts
de CAT-1B ont été découverts, ce qui peut encore sembler surprenant au regard
de l’avancée du programme. Ce qui veut dire qu’il reste encore sept déficiences
à régler au plus vite (...) Quant à la nature de ces quatre déficiences
identifiées, il n’est pas possible d’en savoir plus pour le moment : elles sont
en effet « classifiées ».
Décidément, une
semaine à oublier pour l'Icare impérial...
Drôle, Hannibal
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