A
priori, les Juifs sont les plus fidèles soutiens de l’État d’Israël de par le
monde, sauf aux États-Unis, où ils sont précédés par les évangéliques. Voici
pourquoi (et comment).
Curieux, ces évangéliques pro-israéliens, non ? Ce
sont pourtant des protestants, lesquels sont chrétiens, lesquels sont
en majorité convaincus que les Juifs ont tué Jésus, exact ? Exact, sauf
que ceux là sont spéciaux. Très spéciaux. Et pas pour les raisons que
vous pourriez imaginer.
Ce n’est pas parce qu’ils ont cette manie de vouloir convertir tous ceux qui ne partagent pas leurs croyances.
Ni parce qu’ils font une lecture littérale de la Bible. Depuis « Au
commencement, Dieu créa les cieux et la terre » (Genèse 1,1) jusqu’à
« Que la grâce du Seigneur Jésus soit avec vous ! Amen » (St Jean,
22,21), chaque phrase est à prendre telle quelle. C’est une vérité
absolue que Noé a survécu au déluge grâce à son arche,
que Jésus a ressuscité Lazare, etc… Mais toutes les religions comptent
en leur sein des intégristes de ce genre. Ce n’est pas non plus parce
que les évangéliques constituent le groupe religieux le plus
important des États-Unis : 80 millions de personnes, soit 25 % de la
population tout de même.
Certes, ils sont divisés en une multitude de courants,
groupes et sectes, mais se retrouvent tous dans une pensée
ultra-conservatrice, surtout dans le domaine de la sexualité :
hommes et femmes ne peuvent copuler que dans le cadre du mariage et
seulement à des fins de reproduction (« Dieu bénit Noé et ses fils et
leur dit : soyez féconds, croissez et multipliez -vous » (Gen. 9:1,19).
Ils s’opposent donc à toute forme de permissivité sur le sujet : le sexe
avant ou hors mariage, le divorce, la contraception, les
« perversions », les LGBT et, bien sûr, cette horreur absolue qu’est
l’avortement. Mais cela aussi se retrouve dans nombre de croyances.
« Votez pour moi, je me battrai pour vous »
Le vice-président américain Mike
Pence (à gauche) avec le pasteur John Hagee à la convention CUFI
(Christians United For Israel) en juillet 2019
Et ils ne sont pas non plus spéciaux parce qu’ils votent pour l’aile droite du parti républicain (et
ils votent beaucoup car faire avancer leurs principes est un devoir
sacré). Ni que dans ces conditions, la candidature puis l’élection de Donald Trump aient été du pain béni à leurs yeux.
Non qu’ils apprécient l’homme Trump : spéculateur
immobilier, deux fois divorcé, maîtresses sans nombre, menteur
compulsif… En plus, il se soucie autant de la Bible que de la première
chatte qu’il a attrapée. Cependant, comme les évangéliques, il rejette
les élites et leur modernité échevelée. Certes, c’est juste pour
s’assurer un électorat : « Votez pour moi, je me battrai pour vous »
leur avait-il promis durant sa campagne. Ils l’ont fait. À 80 %. Et ils
n’ont pas été déçu. Trump s’est entouré d’évangéliques ou de protestants
fondamentalistes : le vice-Président Mike Pence, le Secrétaire d’État
(Affaires étrangères) Mike Pompeo, Tom Price (Santé), Ben Carson
(Logement), ou encore Betsy Devos à l’Éducation.
Il a aussi nommé comme « conseillère pour les affaires
religieuses » Paula White, une « télévangéliste » à succès qui explique
que la pauvreté est une punition divine, et qui, durant ses émissions,
menace ceux qui ne lui font pas de dons : « Vous rêves périront
et vos enfants aussi »… Et, comme depuis son intronisation, Trump ne
pense qu’à sa réélection, il fait tout ce qui peut faire plaisir aux
évangéliques.
En quatre ans de mandat, il a nommé 160 juges fédéraux ultra-conservateurs.
Il a supprimé des mesures défendant les LGBT, tenté de limiter les
mariages homosexuels et nommé deux juges anti-avortement à la Cour
Suprême. Mais, là encore, ce n’est pas la première fois, en Amérique ou
ailleurs, que les gouvernements se plient aux lois des
fondamentalistes¹.
La politique étrangère de Dieu
Là où on commence à approcher les causes profondes du soutien
des évangéliques à Israël, c’est dans leur passion pour l’eschatologie
ou, si vous préférez, la parousie. Non, vous ne préférez pas ?
C’est vrai que ce n’est pas facile à placer dans une conversation.
Disons donc qu’ils s’intéressent à la Fin du Monde.
Notons que leur vision de celle-ci n’est pas très différente des autres révélations.
Pour faire (très) simple : à leurs yeux, la Fin commencera par la
« Grande Tribulation », un monstrueux bordel farci de fléaux et de
guerres. Après quoi commencera le « Millénium », mille ans de paix et de
bonheur. Suivra la mère (ou plutôt l’arrière-arrière-grand mère ) de
toutes les batailles : « l’Armageddon ». Les légions de l’Antéchrist
affronteront celles du Christ. Jésus l’emportera bien sûr, et, après le
Jugement dernier, tous ceux qui ont cru en lui – et d’abord les
évangéliques – vivront à Ses côtés dans le bonheur éternel, ainsi
soit-il, amen.
Mais, et c’est là qu’on arrive – enfin – à la question du début.
Pour que cette fin des temps arrive, plusieurs conditions doivent être
réunies : des catastrophes naturelles, des épidémies, des famines et,
Dieu seul sait pourquoi, le retour des Juifs en Israël. Or, une bonne
partie des évangéliques (30 millions environ) désirent accélérer ce
processus. Ils se considèrent donc comme des « chrétiens sionistes » (au
sens actuel du terme : Jérusalem, capitale éternelle, Grand Israël,
colonisation, annexions…). Car, comme l’affirme l’un des plus importants
de leurs dirigeants: « Telle est la politique étrangère de Dieu ». Du
coup, ils feraient pâlir de honte n’importe quel activiste
pro-israélien, tant ils sont hyperactifs dans deux domaines majeurs. Le
premier, c’est l’argent.
Ils dépensent chaque année des centaines de millions de
dollars afin de soutenir les colonies, financer des fondations et,
évidemment, les partis israéliens d’extrême droite. Qui plus
est, parmi les quelques 28.000 juifs américains qui ont émigré en Israël
en 2017, plus de 8.500 ont bénéficié de leur aide financière.
Le second, c’est le lobbying (lequel, il faut le
rappeler, est tout à fait légal aux États-Unis) : ils exercent leur
puissante influence sur le pouvoir législatif (représentants et
sénateurs) et, comme on l’a vu, ils ont Trump dans leur poche. Ce serait
donc une erreur de penser que « l’American Israel Public Affairs
Commitee » (AIPAC), à majorité juive, est le plus important lobby
pro-Israël des États-Unis.
Certes, cette organisation a toujours l’oreille de nombre de dirigeants, mais elle souffre d’un très sérieux problème :
une majorité de Juifs américains apprécient de moins en moins
l’évolution de la politique du gouvernement israélien. Côté religion,
ils font partie des courants libéraux ou conservateurs, et sont furieux
de l’intolérance des orthodoxes, majoritaires en Israël selon eux.
Ils ne goûtent pas davantage la politique de colonisation.
Selon divers sondages, leur soutien à l’État juif diminue à chaque
génération. Et même si l’AIPAC parlait au nom de tous les Juifs, il n’y
aurait toujours pas photo : ceux-ci ne sont que 5 millions face aux 30
millions de chrétiens sionistes.
« Nul ne peut être sauvé en étant juif »
Le pasteur Robert Jeffress priant aux
côtés du rabbin newyorkais Zalman Wolowik, lors de l’inauguration de
l’ambassade des États-Unis à Jérusalem (14 mai 2018)
Une des grandes réussites du lobby chrétien sioniste a été le
transfert en décembre 2017 de l’ambassade américaine de Tel-Aviv à
Jérusalem. Deux dirigeants des plus importants lobbies
chrétiens, John Hagee (« Christians United For Israel » ) et Robert
Jeffress (« First Baptist Church of Dallas ») étaient d’ailleurs
présents lors de l’inauguration, durant laquelle ils ont prié pour
Israël.
Tout cela est bel et bon, mais que devient l’accusation de peuple déicide là dedans ?
L’historien israélo-américain Gershom Gorenberg, spécialiste des
rapports entre religion et politique, a une réponse : « Ils considèrent
que si les Juifs ont eu le pouvoir de tuer Jésus, ils ont certainement
celui de le faire revenir ». Mais, malgré ce raisonnement, la vérité est
que si les les chrétiens sionistes adorent Israël, ils n’aiment pas
trop les Juifs. Les propos des mêmes dirigeants qui priaient lors de
l’inauguration de l’ambassade laissent peu de place au doute à ce sujet.
Robert Jeffress a déclaré à plusieurs reprises que « nul ne peut être sauvé en étant juif »,
précisant dans la foulée que «la foi dans le judaïsme menait tout droit
en enfer ». Quant à John Agee, il estime que Hitler et la Shoah faisait
partie d’un plan divin « pour que les Juifs retournent sur la terre
d’Israël ». À noter aussi : plus plus de Juifs partiront en Terre
sainte, moins il y en aura aux États-Unis…
Le rabbin Aryeh Scheinberg (premier
en partant de la droite), fervent promoteur des Christians United For
Israel, avec à ses côtés le pasteur John Hagee, lors d’une visite de ce
dernier au Ministère israélien des Affaires étrangères
Et enfin, la preuve ultime : la dernière partie de
la Fin des Temps sur laquelle les évangéliques conservent un silence
discret lorsqu’ils parlent aux Israéliens : durant l’Armageddon, la
grande bataille entre le Christ et l’Antéchrist, les deux-tiers des
Juifs seront tués. Quant au dernier tiers, il se convertira – enfin ! – à
la Vraie Foi…
On ne présente pas Jésus aux Juifs
God TV
Comment les politiciens israéliens, et d’abord ceux de la coalition au pouvoir, réagissent-ils à ce tsunami d’amour ?
Le premier d’entre eux, Benjamin Netanyahu, est positivement ravi, son
gouvernement n’ayant plus tant d’alliés que cela de par le monde. Alors,
ces gens qui soutiennent la totalité de son programme sont d’évidence
les « meilleurs amis d’Israël ».
Sans parler de l’argent qu’ils déversent sur le pays, denrée dont on le sait friand.
Cela vaut la peine de passer sur quelques propos antisémites. Quant à
ce massacre à la fin des temps dont – Mossad oblige – il est forcément
informé, le Premier Ministre n’en a cure : d’après ses calculs, il ne
devrait plus être au pouvoir à cette époque là. Les partis laïcs
prennent l’aide des évangélistes avec plaisir et l’Armageddon avec
sang-froid : ils sont habitués aux délires des intégristes. Précisément,
les ultra-orthodoxes se fichent complètement de l’ensemble de
l’affaire. De toute façon, ceux qui ne pensent pas comme eux, Juifs ou
non-Juifs, sont des idiots, des singes ou des nazis…
Les sionistes religieux, eux, se marrent dans leur barbe :
la tête que feront les évangéliques quand ils assisteront au retour du
Vrai messie, le leur, celui des Juifs. Ils auront l’air malins, tiens,
avec leur ersatz de divinité. Bref, tout va pour le mieux dans la
meilleure des fins du monde possible. Quoique…
Le « Conseil israélien des câbles et satellites » vient de retirer sa licence à la chaîne évangélique « God TV »,
qui diffusait sur le câble et le web des émissions en hébreu destinées à
« présenter Jésus au peuple juif ». Les « meilleurs amis », c’est bien,
mais il ne faudrait pas qu’ils soient trop envahissants non plus.
Par Ouri Wesoly
¹ Tout comme en Afrique, en Asie et en Amérique latine, entre autres au Brésil, où les évangéliques ont beaucoup contribué à l’élection du président actuel, Jaïr Bolsonaro.
SOURCE: Jewpop
Une chose est certaine nous vivons une époque particulière avec ce virus covid. L'avortement n'est pas un moyen de contraception mais bel et bien un crime. Notre civilisation en Occident a mis Dieu dans le placard à balais. Le résultat négatif est là.
RépondreSupprimerBenjamin Netanyahu: My opinion of Christian Zionists? They're scum. But don't tell them that. We need all the useful idiots we can get ...
RépondreSupprimerMon opinion sur les sionistes chrétiens? Ce sont de la racaille. Mais ne leur dites pas ça. Nous avons besoin de tous les idiots utiles que nous pouvons obtenir