Au lendemain de l’annulation brutale par le secrétaire
d’État Pompeo d’une rencontre avec Merkel, un commentateur de l’important et
l’influent journal allemand Suddeutsche Zeitung (SZ)
constate et affirme que « Les États-Unis ne
sont plus des alliés, mais plutôt des ennemis contre lesquels il faut former
des alliances ». Il s’agit bien entendu d’une réaction
sans portée officielle, mais le SZ, de tendance libérale modérée de gauche,
représente effectivement une voix importante et influente de l’establishment allemand.
Officiellement, les réactions allemandes ont été
étriquées voire gênées, pour masquer le désarroi, le mécontentement et la crainte à la fois de la direction
allemande. La chancelière a fait dire que l’annulation venait “du côté
US”, ce qui enfonçait une porte ouverte pour faire un peu de vent ; cela,
tandis qu’un parlementaire du parti de Merkel de la CDU, Juergen Hardt,
insistait pour nous dire que l’annulation de la rencontre n’était pas « une
rebuffade », ce qu’elle est évidemment, mais que « c’était
bien dommage que cette rencontre n’ait pas pu avoir lieu », ce qu’on
croira sans peine au vu du courage et de l’audace du gouvernement Merkel.
Spoutnik-français donne quelques précisions sur l’article du SZ
qui reflète plus exactement le sentiment allemand, dans la coalition
actuellement au pouvoir.
« L'annulation au dernier moment d'une visite
du secrétaire d'État américain Mike Pompeo en Allemagne atteste de la fin de
l'amitié entre les deux pays, écrit Daniel Brössler dans le Suddeutsche
Zeitung. Selon le journaliste, cette démarche de M.Pompeo pourrait être
qualifiée d'éhontée et d'impolie en termes de culture politique. »
“Un peu plus de deux ans après l'entrée en
fonction de Donald Trump beaucoup de choses considérées récemment comme
l'amitié germano-américaine ont volé en éclats”, déplore le journaliste.
« À quelques heures du début d'une rencontre
avec la chancelière Angela Merkel et le ministre allemand des Affaires
étrangères Heiko Maas, Mike Pompeo a annulé sa visite en Allemagne. Un
porte-parole du secrétaire d'État a indiqué que l'annulation de la visite
tenait à des “circonstances imprévues”. Il a été annoncé plus tard que M.
Pompeo se trouvait à Bagdad. »
Le Suddeutsche Zeitung renchérit en affirmant que
Washington applique une politique inamicale caractérisée par le recours à la
force. “Les États-Unis ne sont plus des alliés, mais plutôt des ennemis contre
lesquels il faut former des alliances”, ajoute l'auteur de l'article. Il
signale cependant en conclusion qu'après le départ de Donald Trump du poste de
Président, les États-Unis deviendront, de nouveau, un partenaire véritable de
l'Allemagne. »
Bien entendu, l’annulation de la rencontre a
été faite d’une façon brutale, intentionnellement, par l’équipe de
sécurité nationale en place à Washington, notamment le duo Bolton-Pompeo. Il
est assuré dans notre esprit et dans notre jugement “opérationnel” que la
rencontre avait été acceptée par Pompeo avec l’intention bien arrêtée de l’annuler à la
dernière minute, de la façon la plus humiliante possible.
Le commentaire très bref de ZeroHedge.com sur
cette passe d’armes (arme d’un seul côté d’ailleurs) a la brutalité qui
sied à la manière grossière mise par le
secrétaire d’État dans son comportement : « Alors
que les tensions avec l'Iran atteignent un point d'ébullition et que Washington
semble prêt à se retirer des négociations commerciales avec la Chine, le
secrétaire d'État Mike Pompeo voulait apparemment s’assurer que les “alliés”
européens des États-Unis ont bien compris comment ils doivent se conduire »,
– c’est-à-dire, exactement
alignés selon les consignes de Washington...
Au reste, la couardise et la lâcheté des Européens, et des
Allemands dans ce cas mais aussi en général, méritent effectivement
un tel traitement de la part des brutes obtuses qui mènent la barque à
Washington. Tout est donc à sa place dans cette occurrence.
Comme on l’a vu avec le commentaire de ZeroHedge.com, tout cela tourne
aujourd’hui autour des tensions relancées avec l’Iran (voir aussi WSWS.org et
ses prévisions de possibilités d’attaque US). La manœuvre, qui est absolument
instructurée, se fait selon une sorte de ronde des provocations déjà bien rôdée
à Washington et correspondant essentiellement à l’exacerbation d’une
sorte de folie guerrière de type-neocon qui
vit selon l’ivresse du rythme (passer de la Russie au Venezuela,
à la Chine, à l’Iran, etc.), et pas du tout selon une stratégie arrêtée dont
les neocon sont totalement dépourvus ; encore plus,
certes, avec cette sorte de neocon de la doublette
Bolton-Pompeo qu’on qualifierait bien volontiers de MAX (neocon-MAX), comme le
737 du même surnom.
La pression de force déployée selon la danse des
provocations a donc plusieurs destinataires, et le plus important
n’est pas toujours celui que désigne l’apparence de la manœuvre. Dans
le cas qui nous occupe, les
pressions sur l’Iran visent effectivement, peut-être plus encore que
l’Iran lui-même, les
Européens, et
surtout les Allemands, avec lesquels les USA ont plusieurs graves
sujets de désaccord (dont l’Iran effectivement, mais aussi le gazoduc NordStream 2
et les exigences US de vendre du gaz à l’Europe, le retrait US de l’Accord de
Paris, les dépenses de défense pour l’OTAN, etc.).
Éventuellement, dirait avec justesse Paul Craig
Roberts, ces fous pourraient tout de même déclencher une attaque contre
l’Iran ; mais, comme PCG lui-même qui est revenu de ses alarmes sur
l’imminence d’un conflit, nous serions fort inclinés à douter d’une telle issue
car, depuis l’entrée en piste de l’équipe neocon-MAX on a pu
apprécier que leur instinct guerrier n’était pas exempt d’une certaine
prudence, et surtout réservé à l’intimidation. Il y a la crainte d’un
incident grave où les USA pourraient se trouver en difficultés (un
seul groupe de porte-avions pour menacer l’Iran, c’est vraiment très court),
mais surtout les freins que constituent les
hésitations de Trump et sa répugnance à un engagement sérieux, et la même chose
du côté du Pentagone.
Bien entendu, tout cela ne joue pas du côté des
Européens, et surtout des Allemands, tout ce beau monde vivant sans ciller ni
même s’interroger à propos d’un régime d’occupation armée qui ne prend même plus aujourd’hui la peine de
se déguiser et de se faire discret. Dans ces conditions, les beaux
écrits de SZ (« Les États-Unis ne sont plus des alliés, mais plutôt
des ennemis contre lesquels il faut former des alliances ») ont le
crédit des simulacres de campagne électorale, et la situation générale
européenne vis-à-vis de la nef des fous & des idiots de Washington
contribue très fortement, et de plus en plus chaque jour, à miner le faible crédit que l’Europe-UE et “germanisée”
conserve dans l’esprit du public. On ne dit certainement
pas que cela se ressentira dans les résultats des élections du 26, puisque le
tissu politique reste suffisamment résistant pour l’instant, pour freiner des
courants contestataires, mais cette situation transatlantique devrait accélérer
les différents désordres européens et contribuer à la destruction du crédit des
institutions européennes et à l’accélération de la succession de débâcles
intérieures des partis de l’establishment.
Ainsi pourrait-on constater que, d’une certaine
façon, les neocon-MAX de
Washington sont les alliés objectifs des dissidents de l’ordre européen, et
aussi de dynamiques telle que celle des Gilets-Jaunes... Nous n’en
sommes pas à une contradiction ni à un paradoxe près, et la catastrophique politique de
l’américanisme reste malgré toutes ses monstruosités le meilleur
instrument d’autodestruction du Système qu’on puisse imaginer.
Ce n’est ni glorieux, ni revigorant, mais c’est une vérité-de-situation irréfragable :
au moins l’extraordinaire vulgarité du duo Bolton-Pompeo sert-elle à quelque
chose.
Source : dedefensa.org
VOIR
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Non, je crois la propagande iranienne pour qui la visite de Pompeo à Bagdad était urgente
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