Zachary Keck, assistant de recherche au Centre Belferpour
la science et les affaires internationales de la Harvard Kennedy School, a fait
paraître, lundi 6 mai, un article sur le site web, The National Interest dans
lequel il se penche sur quatre moyens grâce auxquels l’Iran pourra faire
reculer les États-Unis en cas d’une agression militaire.
L’article de Keck est ainsi écrit :
« Aucun pays de l’après-guerre froide n’a cherché
à défier les États-Unis autant que l’Iran ; du Moyen-Orient à l’Asie centrale
ou encore l’Amérique latine. Téhéran n’a jamais manqué de contrarier les
États-Unis et de limiter l’influence des Américains.
C’est une stratégie intrinsèquement risquée. Non
seulement les États-Unis ont encerclé l’Iran avec des bases militaires de
toutes parts mais les dépenses militaires américaines au cours des dernières
années ont été deux fois plus importantes que le PIB iranien aussi.
Pour compenser, l’Iran applique une doctrine militaire
dissuasive fondée sur trois types de capacités : un arsenal de missiles
balistiques expansifs, une guerre navale asymétrique (en particulier la menace
de fermer le détroit d’Hormuz) et des liens avec des groupes militants non
étatiques.
Bien que de nombreux systèmes d’armes soient utilisés
pour appliquer cette doctrine, quatre atouts iraniens sont particulièrement à
noter :
Missile Sejil
Le moyen le plus important en appui de la doctrine
militaire iranienne est le large éventail de missiles balistiques iraniens,
parmi lesquels, ceux de la famille Shahab sont les plus connus.
Le Sejil-1 (et son successeur, le Sejil-2) devrait
toutefois être le plus redouté. Le Sejil-1 est un missile balistique sol-sol à
deux étapes et de moyenne portée que l’Iran a testé pour la première fois en
2008. Contrairement aux missiles Shahab, le missile Sejil-1 est alimenté par un
combustible solide ; ce qui réduit considérablement son temps de lancement et
améliore sa mobilité.
Lors d’un témoignage devant le Congrès en novembre
2009, le secrétaire américain à la Défense, Robert Gates avait déclaré que le
«missile [Sejil] a une portée d’environ 2 000 à 2 500 kilomètres ». Cela
correspond aux distances données par des responsables iraniens. À cette
distance, le Sejil-1 peut porter une charge explosive de 750 kg jusqu’à Israël
[territoires occupés palestiniens, NDLR] et même à des parties du sud-est de
l’Europe. Il est largement admis que cela pourrait un jour être une charge
nucléaire.
Le Sejil-2 a été testé pour la première fois en 2009
et il est encore en phase de développement. Selon Global Security, « Le Sejil-2
a une portée de 2 510 kilomètres et une tête conique de 650 kg. Il peut
également transporter une tête militaire de 1 000 kilogrammes sur 2 000
kilomètres ».
La caractéristique la plus importante du Sejil-2 est
sa précision, une chose qui manquait traditionnellement aux missiles
balistiques iraniens. Les responsables de la défense iraniens ont déclaré que,
comparé au Sejil-1, le Sejil-2 est équipé d’un nouveau système de navigation
ainsi que de capteurs précis et sophistiqués.
Sous-marins de poche de la
classe Ghadir
Le plus grand facteur dissuasif de l’Iran est
peut-être sa capacité à menacer les expéditions de pétrole dans le détroit
d’Hormuz où passent en principe 20% des approvisionnements mondiaux en pétrole.
Des rapports indiquent que les États-Unis ont dépensé environ 8 000 milliards
de dollars pour assurer la sécurité du détroit d’Hormuz depuis 1976.
Les sous-marins seraient d’une aide inestimable pour
l’Iran s’il essayait de fermer le détroit d’Hormuz. Comme l’explique l’Institut
pour l’étude de la guerre (ISW), « Dans les eaux confinées et peu profondes du
golfe Persique, la capacité de déployer des sous-marins menace efficacement les
navires qui circulent dans des trajets maritimes étroits ».
Les navires militaires et commerciaux empruntent des
itinéraires prévisibles; ce qui les expose très facilement aux sous-marins.
L’Iran possède différents types de sous-marins, mais
sa flotte grandissante de sous-marins de petite taille Ghadir serait
particulièrement meurtrière en cas de conflit.
Une variante des sous-marins nord-coréens Yugo et
Sango, la petite taille et la signature acoustique de la classe Ghadir rendent
ces engins particulièrement difficiles à détecter et à suivre. Chaque
sous-marin contient deux tubes de 533 mm destinés à tirer des torpilles et est
capable de poser des mines. Ghadir peut également être utilisé pour transporter
et insérer des forces spéciales en territoire ennemi.
Comme c’est souvent le cas avec les capacités navales
iraniennes, la quantité est importante. L’Iran compte au moins vingt
sous-marins de la classe Ghadir. Comme l’avait expliqué en 2013 Chris Harmer,
un expert de l’armée iranienne à l’ISW: « Le sous-marin le plus silencieux au
monde est celui qui repose sur un fond de sable en mer. C’est ainsi que les
Iraniens emploieraient le Ghadir: sortez-le du port, coulez le au fond du golfe
Persique qui est peu profond et reposez-vous sur le fond sablonneux et attendez
qu’un objectif s’approche ».
Missile Khalij-e Fars
Le missile balistique antinavire Khalij-e Fars (Golfe
Persique) est un autre élément précieux des capacités navales asymétriques de
l’Iran.
Le Khalij-e Fars est un missile balistique
supersonique à combustible solide offrant une autonomie de 300 km avec une
charge utile de 650 kg. Il est basé sur le Fateh-110, un missile sol-sol à
propulseur solide que l’Iran a testé pour la première fois en 2002.
Les médias iraniens ont décrit le Khalij-e Fars comme
« le missile le plus avancé et le plus important de la marine du Corps des
gardiens de la Révolution islamique » et ont déclaré que « les traits
distinctifs du missile sont sa vitesse et sa trajectoire supersoniques. Tandis
que les autres missiles traversent généralement à des vitesses subsoniques et
en style de croisière, le Khalij-e-Fars se déplace verticalement après son
lancement ; traverse à des vitesses supersoniques, trouve la cible dans un
programme intelligent avant de la frapper ».
Le Khalij-e Fars a été testé pour la première fois en
2011. L’Iran a affirmé que ce missile avait touché un navire en mouvement avec
une précision de 30 mètres lors de son deuxième test en juillet 2012.
L’année suivante, le brigadier général Amir-Ali
Hajizadeh, commandant de la division aérospatiale du CGRI a affirmé que l’Iran
avait augmenté la précision du missile de 30 à 8,5 mètres.
Les intentions de l’Iran avec ce missile sont
transparentes ; l’agence de presse Fars a clairement déclaré que le missile
était « conçu pour détruire des objectifs et des forces hostiles en mer ».
Hezbollah
Au début des années 80, des représentants du CGRI ont
été envoyés au Liban pour aider à former le noyau de la résistance contre
l’occupation israélienne. À l’époque, non seulement l’Iran n’exerçait pas
beaucoup d’influence au Liban mais en plus il était plongé dans une guerre avec
« l’Irak de Saddam Hussein ».
La décision d’infiltrer le Liban semble être un pur
génie stratégique. Depuis, le Hezbollah a aidé l’Iran à plusieurs reprises. Le
Hezbollah s’est révélé maintes et maintes fois « l’arme de guerre » la plus
polyvalente et la plus utilisable de l’arsenal iranien.
En effet, la plus grande valeur du Hezbollah pour
l’Iran est peut-être sa portée opérationnelle. À la suite de l’invasion de l’Irak
par les États-Unis en 2003, l’Iran a utilisé le Hezbollah pour former des
groupes militants irakiens. Il a également été rapporté que des militants du
Hezbollah auraient aidé à former des Houthis au Yémen.
Le Hezbollah est notamment indispensable pour soutenir
le gouvernement de Bachar al-Assad en Syrie depuis 2011 ».
Source: Press TV
Le Hezbollah et les risques d’une guerre régionale
Alors que le Liban est plongé dans la tourmente des
protestations sociales qui précèdent l’adoption du projet de budget 2019, la
région semble plus que jamais proche de la guerre. Entre Washington et Téhéran,
les menaces montent d’un cran chaque jour, mettant en cause la politique
équilibriste poussée à l’extrême adoptée par les deux parties.
Pourtant, en dépit de la violence du ton entre les
États-Unis et l’Iran, des sources proches du Hezbollah continuent à ne pas
croire à l’éclatement d’une guerre régionale. Selon ces sources, le président
américain Donald Trump est certes un homme imprévisible, mais jusqu’à présent,
il a montré qu’il préférait brandir la menace de la guerre plutôt que de la
faire. On l’a vu ainsi en Syrie et même en Corée du Nord, où après avoir à
maintes reprises haussé le ton, il s’est toujours rétracté à la dernière
minute, allant même jusqu’à affirmer que sa politique de menaces a atteint son
objectif en poussant son adversaire à reculer.
Ce serait donc la même tactique qui serait aujourd’hui
adoptée à l’égard de l’Iran, sachant que les sanctions qui ne cessent
d’augmenter affectent sérieusement la situation sociale interne en Iran. Mais,
selon les sources proches du Hezbollah, la République islamique d’Iran est
habituée au système des sanctions depuis sa naissance. Elle a célébré en
février dernier son quarantième anniversaire et tout au long de cette période,
elle est passée par des crises plus graves, dont la guerre déclenchée par
l’Irak qui a duré huit ans et qui était appuyée par l’Occident en particulier,
alors qu’à ce moment-là (1980), l’Iran n’avait pas d’alliés, ni dans la région
ni dans le monde. Depuis, l’Iran
a réussi à assurer une certaine autonomie économique qui lui permet
pratiquement de consommer ses propres produits, sans dépendre de façon
importante des importations de l’étranger. Certes, l’exportation de son pétrole
représente 40 % de son budget, mais les plus grands pays qui achètent le pétrole iranien
et qui sont essentiellement la Chine et la Turquie ont annoncé leur refus de se
conformer à la décision américaine de ne pas acheter du pétrole
iranien. Tout dépendra donc, dans ce domaine, de la réaction américaine lorsque
le pétrole iranien sera transporté vers ces pays.
En dépit de ces interrogations, selon les sources
proches du Hezbollah, il y a peu de risques d’éclatement d’une guerre entre les
États-Unis et l’Iran. D’abord
parce qu’elle serait destructrice pour toute la région. Selon ces
mêmes sources, l’Iran n’hésiterait pas à frapper les États-Unis là où cela peut
faire mal, même s’il en souffrirait certainement. D’ailleurs, les responsables
iraniens, notamment ceux des gardiens de la révolution – récemment placés par
l’administration Trump sur la liste des organisations terroristes alors qu’il
s’agit d’une institution étatique iranienne –, ont multiplié les menaces, au
cours des derniers jours, à l’égard des Américains en cas d’attaque menée
contre la République islamique. L’autre raison évoquée pour écarter l’option de
la guerre consiste dans le fait que l’administration américaine utilise
« la menace » que représente la présence de la République islamique
dans la région pour renforcer ses relations avec les États du Golfe. Dans la
logique qui règne aujourd’hui au sein de l’administration américaine, s’il n’y
avait pas l’Iran, pourquoi les États du Golfe auraient-ils besoin de la
protection des États-Unis ? Selon les sources précitées, il s’agirait donc là d’une mine
d’or à laquelle l’administration américaine ne serait pas prête à renoncer.
De son côté, l’Iran, en dépit des menaces adressées
régulièrement aux Américains, ne souhaiterait pas non plus l’éclatement d’une
guerre, car il est conscient de ses conséquences sur l’intérieur iranien, mais
aussi sur l’ensemble de la région. Les sources proches du Hezbollah insistent
ainsi sur le fait que l’Iran
n’a pas l’intention de déclencher la guerre, mais qu’il est prêt à riposter par
tous les moyens disponibles et dans les lieux de son choix, s’il est attaqué.
En dépit de cette approche plus ou moins rassurante,
la spirale d’escalade dans laquelle semble s’engager la région risque de
déraper à tout moment. Toutefois, les dernières déclarations du président
américain sur son souhait d’amener les dirigeants iraniens à la table des négociations,
mais à ses conditions, pourraient être perçues comme le début d’une tentative
pour trouver une issue à la crise. Presque immédiatement, les gardiens de la
révolution ont répondu en exprimant leur refus de toute négociation, mais
certains milieux diplomatiques croient que cela pourrait être le début d’une
renonciation à l’option de la guerre.
Les sources proches du Hezbollah affirment en tout cas
que ce dernier est prêt à tous les scénarios, même s’il estime effectivement
que la guerre reste la dernière des options. Selon ces mêmes sources, le
Hezbollah pense qu’en tout cas, le Liban restera à l’abri des secousses
militaires, ayant déjà suffisamment à faire pour régler sa crise économique et
sociale.
VOIR AUSSI :
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Les commentaires hors sujet, ou comportant des attaques personnelles ou des insultes seront supprimés. Les auteurs des écrits publiés en sont les seuls responsables. Leur contenu n'engage pas la responsabilité de ce blog ou de Hannibal Genséric.