Cette fois, c'est la bonne ? On ne
compte plus les "attaques imminentes sur Idlib" qui ont finalement
été reportées. La dernière fois, c'était il y a huit mois :
La tragi-comédie du nouveau false
flag chimique en préparation à Idlib - pour les épisodes I, II et III, le
fidèle lecteur se reportera à nos chroniques plus anciennes (2013, 2017, 2018) - ne doit pas nous cacher un fait bien plus
important. Erdogan fait de nouveau des siennes et a réussi à retarder/annuler
l'opération d'envergure sur la province barbue.
Certes, la Turquie a des raisons objectives pour craindre une attaque générale sur
Idlib qui mettrait à mal son dessein sur le nord de la Syrie : affaiblir les
Kurdes, renforcer les groupes pro-turcs dans l'Idlibistan même et éviter un
nouveau flot de réfugiés. Pour le sultan, en l'état actuel des choses, ne rien
faire semble être la meilleure des tactiques.
Le sultan justifie la chose en
demandant plus de temps pour mettre au pas Hayat Tahrir al-Cham, Al-Qaïda
pour les intimes, qui contrôle la majorité de la province.
Du temps, il en a eu pourtant ; cela
fait un an que, dans le cadre du processus d'Astana, Russes et Iraniens lui ont
donné carte blanche à Idlib. Et rien n'a été fait...
Alliés pendant longtemps, Ankara et
AQ/Nosra/Hayat ont, depuis, des relations ambiguës. On se rappelle le convoi
turc attaqué l'année dernière et, il y a quelques jours encore, Hayat émettait une
fatwa interdisant de brandir le drapeau turc, rejoint en cela par d'autres
groupes djihadistes d'ailleurs. D'un autre côté, lors de l'offensive sur Afrin en début d'année, les Qaïdistes étaient main dans la main avec l'armée turque contre les Kurdes.
Erdogan est-il sincère quand il
demande plus de temps pour éliminer, récupérer (comment ?) ou évacuer (où ?) Al
Qaïda de l'Idlibistan ? Et de toute façon, en a-t-il seulement les moyens,
Hayat Tahrir al-Cham contrôlant plus de 60% de la province ?
Aujourd'hui même, le sultan a pris
un avion pour Sotchi afin de discuter la situation avec Poutine. Et
coup de théâtre, l'on vient d'apprendre que l'offensive sur Idlib est reportée sine die, peut-être indéfiniment, et qu'une zone démilitarisée d'une profondeur de 15 à 20 km sera
créée entre les belligérants, gelant apparemment le conflit.
Assad, qui avait promis, peut-être
un peu follement, de "libérer toute la Syrie", ne doit pas être très
content, même si Vladimirovitch assure que l'accord a "globalement" reçu le
soutien de Damas.
La date de péremption turque est
dépassée depuis des mois et le sultan n'a toujours rien fait. Malgré les belles promesses ottomanes renouvelées, Moscou semble avoir perdu patience. Est-ce qui pousse enfin les
Russo-Syriens à bouger ? Depuis quelques jours, c'est un véritable déluge qui s'abat sur l'Idlibistan :
Lindsay Graham, compagnon infernal
de McCainistan et grand amoureux des barbus, en est tout retourné, le pauvre
chou... Protégeons Al Qaïda Idlib !
A terre, l'armée syrienne n'est pas
en reste et arrose copieusement la zone adverse, blessant d'ailleurs au passage
deux soldats turcs d'un poste d'observation il y a quelques
jours. Les fameux Tiger Force ont également récupéré un petit bout de territoire et tentent de continuer
l'attaque au Sud-ouest de l'Idlibistan.
Reste maintenant à savoir jusqu'où
ira-t-elle... Pour l'instant, il ne semble pas que Damas ait envoyé
suffisamment de troupes pour une offensive générale. Rappelons que la somme des
barbus de la province avoisine les 70.000, dont sans doute pas loin de 20.000
pour Al Qaïda, pardon, HTS comme ils s'appellent maintenant...
S'ils sont moins nombreux que leurs
rivaux, les enfants de Ben Laden contrôlent environ 60% du territoire de
l'Idlibistan (en orange foncé sur la carte). Ils ont également constitué des forces spéciales bien entraînées et performantes qu'il
ne faut pas sous-estimer.
Reprendre la province avec ces
dizaines de milliers de djihadistes, et au milieu de trois ou quatre millions
de civils, requiert des moyens autrement plus considérables que ceux
actuellement mis en place par Damas. Soit nous sommes dans une phase ayant pour
objectif de tester les défenses barbues, ce qui peut encore durer longtemps,
avant l'arrivée massive de renforts. Soit il s'agit un coup de semonce, sérieux
mais passager, pour faire respecter l'accord de l'automne dernier, notamment la
zone démilitarisée qui ne l'a pas été. Lindsay Graham peut (encore ?) dormir
tranquille pendant quelques temps...
Publié le 8 Mai
2019 par Observatus
geopoliticus
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