La
ligne de démarcation entre la Turquie et les États du Golfe - avec les
États-Unis et Israël dans les coulisses - est devenue assez délicate. Les
pressions sur Erdogan sont en augmentation. Or, ce dernier est un bagarreur de
rue, susceptible de réagir avec ses poings. à
l’instar de la Turquie, l’Iran est soumis à une "attaque éclair sur son
Trésor" tous azimuts.
L’Iran,
comme la Turquie, est susceptible, d'une manière ou d'une autre, de se défendre
contre ceux qui poussent le président Trump et ses faucons vers la confrontation . Ces deux
pays savent qui attise le feu et qui en blâmer:
ce sont MbZ et son acolyte, MbS [1].
Les prochaines évolutions de cette tension qui s’aggrave auront probablement lieu
en Afrique du Nord et dans la Corne de l'Afrique.
Cette ligne de faille devrait être ajoutée aux autres lignes qui fractionnrnt déjà le Moyen-Orient.
Le
langage belliqueux de Trump est souvent interprété comme une fanfaronnade
calculée dans le but d’obtenir un avantage concurrentiel. Mais peut-être que le
président ne voit pas que sa bellicosité est en train de devenir contagieuse à
Washington DC et parmi les groupes de réflexion de cette ville. Tous les
carriéristes, qui espèrent être promus ou qui occupent un poste au sein de
l’exécutif, veulent désormais singer la rhétorique intransigeante du «bandit
armé» Bolton (idéalement sur Fox News).
Rappelons
ici est que Trump est un oligarque de l’immobilier. En tant que tel et en cas
de nécessité, il est capable de « retourner sa veste » et de virer à
180 degrés. Il l’a souvent fait dans ses affaires immobilières. Les demi-tours
ne le dérangent pas. C’est comme ça qu’il fait des affaires. Mais qu’en est-il
de son équipe? Ce n'est pas très clair. ….
Les
pressions exercées par les États-Unis sur Erdogan sont vraiment intenses: non
seulement des sanctions; mais aussi les
appels répétés des principales banques américaines de Wall Street à
court-circuiter la lire turque jusqu'à sa «mort». De nouvelles sanctions par
les États-Unis sont prévues (davantage de «guerres» sur le trésor), si la
Turquie reçoit les S-400 de la Russie. Pour le moment, il y a la sanction du
retrait de la "dérogation" américaine concernant le "pétrole
léger" que la Turquie importe d'Iran. Or, les raffineries turques sont
conçues spécialement pour ce pétrole iranien léger, et leur adaptation aux
autres pétroles coûterait cher.
Ensuite,
il y a les pressions stratégiques. Il y a d’abord l’intention déclarée de Trump
d’inscrire les Frères Musulmans
(FM) au rang de groupe terroriste. C’est encore dans le projet de «mécanisme
politique » à Washington, mais on s’attend à ce que cela se produise.
Rappelez-vous
que l’AKP est affiliée aux FM (au moins dans sa composante majeure). Erdogan
est de culture FM et se voit comme le patron de tous les Frérots du monde. De
plus, l’AKP finance les organisations sociales affiliées aux FM en Turquie (et ailleurs. En Tunisie, les municipalités dirigées par
des Frérots ont reçu des camions bennes à ordures sur lesquels le drapeau turc
est fièrement peint, aux côtés de l’inscription « don de la Turquie, alors
qu’il n’y a pas de drapeau tunisien).
Les
commentateurs turcs accusent , avec raison, certains États du Golfe d'avoir
lancé Trump sur la voie de la proscription [2]. ;
et ce n’est pas une mince affaire.
Il y
a ensuite les Kurdes de Syrie que les États-Unis ont l'intention de doter de
missiles sol-air Stinger. Est-ce que, par hasard, ISIS utilise maintenant des
hélicoptères?
Il y
a ensuite la récente déclaration d’un responsable du département d’État
américain selon laquelle les États-Unis occuperont
le tiers oriental de la Syrie
pour une "longue durée" et y investiront. (C’est-à-dire armeront
davantage les Kurdes). Et l’envoyé américain, James Jeffry, fait
pression sur Erdogan pour qu’il accepte des gardes-frontières kurdes armés pour
contrôler la frontière sud entre la Turquie et la Syrie.
Il
n’est donc pas surprenant que des cercles proches d’Erdogan voient le
nœud se serrer autour du cou de la Turquie et voient dans ce «projet» kurde
une «plateforme» à partir de laquelle on cherche à affaiblir la Turquie
elle-même. Pour les dirigeants turcs, cela équivaut à un complot qui vise à
détruire ouvertement la Turquie.
Enfin,
dans la catégorie de guerre de "front" directe du Golfe contre la
Turquie, le changement de régime au Soudan a été réussi contre
un président proche des FM; et il va entraîner l’expulsion
probable de la Turquie de sa base navale soudanaise située en face de
Djedda. Et pour couronner le tout, il y a l’assaut en cours en Libye, du
général Haftar contre Tripoli et Misrata (qui sont défendues par des
forces islamistes (FM) soutenues par la Turquie et le Qatar), sans oublier qu’une
proportion significative de la population du nord de la Libye est d'ethnie
turcique.
C’est
ainsi, comme le
rapporte Abdel Bari Atwan dans Rai al-Youm (en arabe) : «le
développement le plus important au niveau de la scène libyenne consiste en
l'intervention du président turc, lors d’un appel à M. Al-Sarraj (premier
ministre à Tripoli) lui assurant qu'Erdogan consacrera toutes les capacités de
son pays pour empêcher -ce qu'il a appelé «le complot» contre le peuple libyen-
de réussir. Il a également salué le rôle joué par Al-Sarraj et son gouvernement
dans la lutte contre l’attaque de Tripoli par Haftar. Selon nous, cela signifie
un soutien militaire et pas seulement politique », conclut Bari Atwan.
En
bref, Erdogan (en
alliance avec le Qatar) se bat contre les forces de Haftar soutenues par les
États-Unis, les Émirats arabes unis et l'Arabie saoudite - et il soutient
le GNA (Gouvernement d’Union Nationale) soutenu par l'ONU (et l'Italie).
L’assaut
de Haftar s’est, pour le moment, enlisé à la périphérie de Tripoli. Il
semble peu probable que le Qatar ou la Turquie acceptent ce coup d'État monté par
les Émirats arabes unis et les Saoudiens, sans y opposer une lutte sanglante.
Pour le moment aussi, la GNA - par l'intermédiaire de la Banque centrale -
contrôle les recettes pétrolières (bien que Haftar garde les champs). Ce
dernier peut essayer de renverser
cela et prendre les revenus pour lui-même. Mais la Banque centrale contrôle
l’accès à ces fonds, détenus sur un compte bloqué à New York.
Le
point ici est que, bien que la Turquie subisse d'énormes pressions, à la fois
internes (son économie fragile et avec le nouveau maire d'Istanbul remettant en
cause les principes mêmes de la politique de l'AKP), ainsi qu'externes, les
États du Golfe subissent également une pression, de nature différente.
Premièrement, la guerre au Yémen ne se passe pas
bien pour l'Arabie saoudite. Le front sud saoudien semble se désintégrer
gravement et les forces yéménites poussent dans le sud de l’Arabie saoudite. deuxièmement,
la tentative des pays
du Golfe d'installer des régimes de
sécurité militaire au Soudan, en Algérie et en Libye n'est en aucun cas assurée
de réussir. Le risque ici est que l'instabilité générée par ces
tentatives de coups d'État se propage dans toute l'Afrique du Nord comme une
tache d’huile. Le Tchad est inquiet (Haftar y a tenté un coup d’état quelques
années auparavant); La Mauritanie pense que les EAU s'intéressent de trop près à
ses ressources, et le Maroc est en désaccord avec les EAU pour leur rôle envers
le Qatar.
Ce
qui nous ramène à une image plus grande: Trump
est sur le point d'activer une refonte du Moyen-Orient [3]. Kushner et les représentants ne s’en cachent
pas [4]. Leur objectif est de
réorganiser la région à leur guise: Israël doit devenir le Grand Israël
(chassant quelques 6,5 millions de Palestiniens). Et pour faciliter ce plan, trois nations historiques -
les piliers de la région - doivent être réduites: la Grande Syrie devient encore moins grande (perdant
un tiers de son territoire déjà réduit); et les nations perses et turques
doivent être réduites, affaiblies et leurs gouvernements actuels renversés et remplacés
par des dirigeants plus dociles [les
dirigeants peu dociles de Tunisie, de Libye, d’Égypte, du Soudan et d’Irak ont
été remplacés, soit par des invasions militaires, soit par des coups d’état
comme ceux du Printemps Arabe . Il suffit de regarder pour voir que les
dirigeants dociles n’ont pas été touchés : ce sont les rois et les émirs.
Les seuls dirigeants non dociles qui restent aujourd’hui sont ceux de Syrie et
d’Algérie]
Il y
a cependant des défauts évidents à cette initiative ambitieuse. Le premier
provient directement de la source sur les sanctions: David Cohen, ancien
sous-secrétaire au Trésor américain pour le terrorisme et le renseignement
financier. C'est-à-dire de l'ancien «M.
Sanctions» lui-même:
« Au
cours des dernières décennies, les sanctions sont devenues un outil essentiel
de la politique étrangère américaine. L’administration Trump a fait un usage
particulièrement intensif de cet outil, en particulier dans ses efforts pour
induire un changement de régime au Venezuela et en Iran… Et bien que
l’administration ait été plus vague dans son appel au renversement du régime
clérical iranien, les exigences qu’il a imposées à Téhéran sont si pénibles
que, comme l’a affirmé l’ancien ambassadeur américain Robert Blackwill, il est
«impossible à l’Iran de les accepter sans changer fondamentalement son
leadership et son système de gouvernement». En
d’autres termes, le président des États-Unis, Donald Trump, «exige un
changement de régime Iran sans l'appeler comme ça. "
«Mais
pour que les sanctions fonctionnent… elles doivent viser un changement de comportement
acceptable par la cible, même à contrecœur. La partie ciblée doit également
croire que les sanctions seront levées si elle abandonne le comportement en question.
«Toutefois,
la logique des sanctions coercitives ne tient pas lorsque l'objectif des
sanctions est un changement de régime. En termes simples, étant donné que le
coût de l'abandon du pouvoir sera toujours supérieur au bénéfice de
l'allégement des sanctions, un État ciblé ne peut en aucun cas accéder à une
demande de changement de régime…
«Il
y a peu de chances de s'attendre à un résultat différent aujourd'hui au
Venezuela ou en Iran. Les sanctions unilatérales des États-Unis ont de lourdes
conséquences, mais cet impact économique ne doit pas être confondu avec le
succès de la politique, en particulier lorsque l'objectif est de changer de
régime. "
Et
un autre expert, le colonel américain Pat Lang, note que les dernières pagailles
de la tentative de soulèvement militaire au Venezuela pour renverser le
président Maduro sont aussi inacceptables que le débarquement
de 1961 de la "Baie des Cochons" à Cuba. (sur la base de la
conviction erronée que le peuple cubain allait se soulever lui aussi
immédiatement pour soutenir cette invasion américaine).
Cet
épisode vénézuélien souligne à quel point la rhétorique machiste américaine est
souvent plus en paroles qu’en actes. (c.-à-d. que l'image de soi machiste est
inversement liée aux performances réelles). Bien sûr, tous les pays du
Moyen-Orient en ont pris bonne note.
Donc,
si les sanctions ne réussissent pas et que les États-Unis tentent d'État de
type Maidan en Iran ou en Russie, n'y a-t-il rien à craindre?
Pas
tout à fait. Car, bien que la tentative de créer «l'avant-poste de l'Occident»
au Moyen-Orient, la force dominante conduira la région - que les États-Unis le
manient mal ou non - le point ici, est différent: la bellicosité verbale
américaine en hausse, émanant des responsables, n'est pas juste fantaisie. Il
s’agit de la notion des «guerres éternelles» des États-Unis. La guerre sans fin et
générationnelle - dans la doctrine en vigueur - contre la Russie et l’Iran.
Le langage du «mal cosmique» utilisé pour
désigner l’Iran et le président Poutine est un langage délibéré. Cela fait
partie de la séparation progressive des lignes d’engagement et de communication
entre l’Occident, la Russie et l’Iran (le public américain n’a pas encore eu
l’habitude de considérer le peuple chinois comme un «mal»).
Peu
à peu, les canaux d'intercommunication se sont atrophiés; les domaines de
coopération construits au fil des ans sont maintenant coupés; on renonce aux
accords de désarmement et de sécurité soigneusement préparés et signés. Et la
formule selon laquelle il n’y a personne avec qui parler - car «leur» nature
est de mentir, de tricher et d’être trompeur - est établie.
Bien
entendu, ceux qui voient le langage belliqueux prononcé par Bolton et Pompeo
comme une simple stratégie de négociation sont parfaitement libres de continuer
dans cet avis, mais d'autres peuvent le voir comme la construction pièce par
pièce d'un tunnel étroit se terminant par un seul exit: une escalade permanente
contre la "malignité".
Le
vrai problème est le suivant : est-ce que Trump voit et comprend cela? Ou
s’est-il convaincu que l’air bravache de l’administration, au sens large, est
en train de gagner: Making America Great Again? Sur cette question, notre
avenir à tous est suspendu.
Turkey Is in the
Crosshairs of the Kushner Plan for a Greater Israel
Traduction et annotations : Hannibal Genséric
NOTES
[1] Derrière le Saoudien Mohammed ben Salmane, il y a un mentor,
Mohammed ben Zayed, l’homme fort des Émirats arabes unis. Mais ce binôme, qui
veut remodeler toute la région, commence à souffrir de désaccords :
l’assassinat de Khashoggi et la guerre du Yémen, dont Abou Dhabi tire profit
pour développer son empire maritime.
[2] Une proscription (du latin pro scribo
qui signifie « afficher ») est une condamnation arbitraire annoncée par voie
d'affiches, et qui donne licence à quiconque de tuer les personnes dont les
noms sont affichés.
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