Alors que
plusieurs maires ou entreprises d'Italie retirent les drapeaux de l'euronouillerie pour les
remplacer par ceux des pays qui ont lui apporté une aide considérable - Russie,
Chine, Cuba - et qu'un journal anglais va jusqu'à prédire une sortie du pays de l'UE après la crise, partons
aujourd'hui sous d'autres cieux.
Une nouvelle
prédiction de nos Chroniques est en passe de se réaliser. A la fin de
l'année dernière, nous évoquions à propos du sommet brésilien le...
... regain
d'énergie des BRICS, d'autant que le grand voisin argentin pourrait à nouveau
être de la partie. Nous l'expliquions en août :
En Argentine, le président Mauricio Macri, gentil toutou des USA, vient de se prendre une volée aux élections primaires, répétition
générale de l'élection présidentielle du mois d'octobre. Pour Washington, c'est
une bien mauvaise nouvelle, d'autant que le grand vainqueur est le parti de
l'ancienne présidente Cristina Kirchner, égérie de la multipolarité face
à un Macri qui, dans la plus pure tradition des leaders
latino-américains dévoyés, est l'homme de paille des États-Unis en Argentine,
permettant l'installation de deux
bases US dans son pays, plaçant sa
fortune chez son maître, s'attirant les
louanges de son suzerain et acceptant avec gloutonnerie tout accord avec le
FMI visant à esclavagiser un peu plus son pays. Sans surprise, la Cristina,
maintenant sénatrice, s'y oppose résolument. Le combat continue entre la
pasionaria et le vassal. Macri est largement devancé par C.K dans les projections du premier tour
(39%-30%).
Si Cristina ne
s'est pas finalement présentée elle-même, son parti a gagné par 47% contre 32%.
Un retour du clan Kirchner à la Casa Rosada apporterait à coup sûr un regain
d'activité au processus de multipolarité en Amérique du Sud, un temps mis à mal
par la destitution de Dilma au Brésil et l'élection de Macri. On se
rappelle que l'Argentine de Cristina, bien que ne faisant pas officiellement
partie des BRICS, y faisait souvent figure de membre associé, ce qui sera sans
doute à nouveau le cas dans deux petits mois...
Bingo. Le 27
octobre, Alberto Fernández, protégé de Cristina, a gagné dès le premier tour, renvoyant Macri à ses chères études.
Si sa prise de fonction se fera en décembre, les stratèges américains
commencent déjà à se ronger les ongles. Dans un geste ô combien
symbolique, Fernández a accordé sa première interview internationale à Correa,
l'ancien président équatorien et bête noire de l'imperium US, sur la chaîne
russe RT.
Nous y
sommes. Fin février, la nouvelle ambassadrice argentine en Russie a demandé le soutien de Moscou pour favoriser l'entrée de
son pays dans les BRICS. Si la pandémie coronavirarienne risque de retarder
quelque peu les plans, la chose est dans les tuyaux, au grand dam de qui vous
savez...
Et ce n'est
pas la décision uruguayenne de quitter TeleSur qui consolera grandement les
stratèges du Potomac. TeleSur, quézako ?
Lancée
officiellement par Hugo Chavez le 24 juillet 2005, jour anniversaire de la
naissance de Simon Bolivar, la chaîne "anti-impérialiste"
est, vous l'aurez compris, très critique envers Washington. Elle constitue
ainsi un thermomètre assez sûr des évolutions politiques du continent
latino-américain.
Un
gouvernement qui souhaite prendre ses distances avec les États-Unis aura
tendance à entrer dans son capital (Cuba, l'Argentine de Kirchner et l'Uruguay
de Vazquez lors de sa création en 2005 ; la Bolivie d'Evo quelques années plus
tard). A l'inverse, que vienne au pouvoir un pion de l'empire et sa
participation est remise en cause : sortie de l'Argentine de Macri en 2016 et, donc, de
l'Uruguay il y a quelques jours.
Montevideo
n'ayant pas le poids de Buenos Aires, le baume au cœur de Washington est tout
relatif...
En Bolivie, la situation était dans la balance
jusqu'à ce que les élections prévues pour le 3 mai soient reportées sine die pour cause de coronavirus. En
attendant, quel est l'état des forces en présence ? Il y a deux semaines, un sondage
établissait la hiérarchie suivante :
- MAS : 32,6 %
- Carlos Mesa : 19,2 %
- Jeanine Áñez (présidente de facto) : 18,2 %
- Luis Fernando Camacho et Marco Antonio Pumari : 12,5 %
- Chi Hyung Chung (évangéliste d'origine sud-coréenne) : 8,6 %
Le parti
d'Evo Morales est donc largement en tête mais ne regroupe qu'un tiers de la
population, ce qui semble confirmer notre analyse qui en a irrité certains à la fin de l'année
dernière :
Ce blog s'est
toujours efforcé de faire la part des choses et de rapporter les faits tels
qu'ils sont pour une meilleure compréhension des événements. Si l'empire
américain et ses filiales s'y font régulièrement esquinter, ce n'est jamais aux
dépens de la vérité. Ainsi, ce que nous écrivions le 12 novembre a pu causer une certaine gêne
:
A peine notre dernier billet sur le recul impérial en Amérique latine
était-il publié que la Bolivie était le théâtre d'un coup d'Etat qui fleure bon
la CIA. Les ressemblances avec le Maïdan ukrainien sont d'ailleurs assez
frappantes : un président quelque peu naïf, une opposition violente, liée à
Washington, des pontes de la police et de l'armée qui trahissent leur
gouvernement et retournent leur veste, une chasse aux sorcières qui débute...
Un coup d'Etat,
donc ? Oui mais... Ce blog se doit avant tout d'être objectif et il faut
reconnaître que l'ami Evo n'est pas non plus blanc comme neige. Personne n'a
bien compris pourquoi le comptage des voix a soudain été arrêté pour finalement
désigner Morales gagnant alors qu'il n'était qu'en ballotage favorable.
Certaines vidéos montrent que ses partisans n'avaient rien à envier non plus à
l'opposition sur le plan de la violence. Plus généralement, on peut
difficilement contester que la Bolivie, y compris parmi sa propre base
électorale, était lasse d'un président qui s'accrochait de plus en plus
au pouvoir.
C'est lui-même
qui, en 2009, avait inscrit dans la Constitution la limitation à deux mandats
présidentiels. Pourtant, il se présentait là pour la quatrième fois ! Il avait
déjà fait un tour de passe-passe en obtenant de la justice que son premier
mandat (2006-2010) ne soit pas pris en compte. Puis, en 2016, il a perdu le
référendum l'autorisant à se représenter mais une nouvelle et commode décision
de justice a purement et simplement annulé le résultat du vote ! Dans un remake digne de
l'euronouillerie, le tribunal a considéré que briguer une fonction est un droit
de l'homme supérieur à la Constitution ou au résultat d'un référendum. Bref,
vous l'aurez compris, Evo a quand même donné le bâton pour se faire battre...
Géopolitiquement,
qu'est-ce que ça nous donne ? Pas grand chose à vrai dire. La Bolivie de
Morales était une voix anti-impérialiste assumée mais, petit pays, elle n'a
jamais beaucoup pesé sur la scène internationale. Comme nous le disions il y a
trois jours, la perte de l'Argentine et la tangente prise par le Brésil, les
deux poids-lourds du continent, sont autrement plus dramatiques pour Washington
que le gain éventuel, somme toute modeste, de la Bolivie. Chose très
intéressante, le Brésil a ouvert son espace aérien à l'avion d'Evo qui rejoignait
l'exil mexicain. De quoi s'interroger, du côté de DC la Folle, sur les
véritables intentions de Bolsonaro qui a d'ailleurs eu des paroles inhabituellement modérées concernant les
événements boliviens.
Quoi ? Rendre
l'immaculé Evo Morales partiellement responsable de la situation ? Ne pas se
lâcher en imprécations contre Bolsonaro mais, au contraire, lui reconnaître une
évolution intéressante ? Vous n'y penser pas, voyons, cachez ce billet que je
ne saurais voir. Et de fait, certains sites qui ont l'habitude de republier nos
articles se sont curieusement abstenus cette fois-ci. Et pourtant...
Une très
intéressante interview a été accordée par Andrónico Rodriguez, leader
cocalero et héritier présomptif d'Evo. S'il ne se gêne pas pour appeler un
chat, un chat (et un putsch, un putsch), il n'est pas tendre non plus envers le
Movimiento Al Socialismo, son propre parti. Selon lui, une autocritique
est absolument nécessaire car le MAS a perdu les masses (jeu de mot non voulu)
: népotisme, copinage, conformisme, éloignement de la base... Et encore ne
mentionne-t-il pas, ou seulement en filigrane, le non respect du référendum de
2016 et le viol flagrant de la Constitution par Evo.
Depuis, on a
appris que le décompte des voix n'avait finalement pas connu de fraudes et que ce n'est pas Andrónico qui
reprendrait le flambeau, mais le fond du problème reste le même. La scène
politique bolivienne est extrêmement divisée. Si le MAS est en tête, il ne peut
prétendre gouverner avec un tiers des votants. Quant à l'autre "camp",
si tant est qu'il n'y en ait qu'un seul, il est éclaté et se crêpe
régulièrement le chignon.
Si le corona
a au moins le mérite de désamorcer temporairement la crise qui se prépare en
renvoyant tout ce joli monde dans ses foyers, il suffira, le jour de l'élection,
d'une étincelle pour que la Bolivie ne tombe dans le chaos...
Source :
Chroniques
du Grand Jeu
Covid-19 et l’inversion brésilienne
Au Brésil, la
situation des grandes tendances des pouvoirs, – entre légitimité et
illégitimité, entre légalité et illégalité, – sont dans une position
d’inversion caractéristique de la Grande Crise d’Effondrement du Système. Bien
sûr, la chose est révélée par la pandémie Codiv-19, et porte non sur la
pandémie elle-même mais sur les réactions devant elle. D’un côté, le président
Bolsanaro qui nie la gravité de la pandémie sinon la pandémie elle-même, et
écarte toute mesure importante contre elle ; de l’autre les gangs régnant
dans les favelas des grandes villes, qui instituent le
couvre-feu pour protéger les populations.
• Bolsanaro, donc, estime que le
Covid-19, “petite grippe” sans importance, est
représenté en événement exceptionnel par une sorte de “complot des
médias”. Il écarte toute mesure importante comme le confinement qui, selon lui,
constitueraient “le suicide économique du Brésil”.
« Les
médias sociaux ont fustigé le président brésilien Jair Bolsonaro pour son
récent commentaire sur le coronavirus. Ce dernier, âgé de 65 ans, qui avait
auparavant qualifié la maladie de “petite grippe”, a accusé les politiciens et
les médias d'exagérer les dangers de COVID-19, suggérant plutôt qu'il s'agit
d'un “coup monté médiatique”. Le nombre de cas de coronavirus au Brésil s'élève
maintenant à 1 629 avec 25 décès.
» “Le
peuple verra bientôt qu'il a été dupé par ces gouverneurs et par une grande
partie des médias en ce qui concerne les coronavirus”, a déclaré Bolsonaro
dans une
interview à la chaîne de télévision locale. »
• Par
contre, les gangs brésiliens (drogue, armes, prostitution, etc.) qui
règnent sur les favelas (immenses bidonvilles des grandes villes, dont
Rio particulièrement) demandent
aux habitants de rester chez eux à partir de 20H00 jusqu’à 08H00 pour
participer massivement à un effort de résistance à Covid-19. L’explication est
dite : “nous faisons ce que le gouvernement
ne fait pas, vous protéger”...
« Les
gangs criminels de plusieurs favelas de Rio-de-Janeiro, dont Rio das Pedras,
Muzema et Tijuquinha, ont envoyé des messages aux habitants pour leur demander
de rester à l'intérieur après 20 heures afin de freiner la propagation de
COVID-19, selon le quotidien El
Globo. Leurs messages affirment que les gangs veulent protéger la
population et qu’ils font ce que le gouvernement aurait dû faire et qu’il ne
fait pas.». Au
Brésil, les favelas sont les quartiers les plus pauvres de la ville. Selon le Buenos
Aires Times, « les
problèmes d'approvisionnement en eau et de contrôle sanitaire rendent les
habitants de ces zones particulièrement vulnérables face à la pandémie de
coronavirus. »
"L'ironie est que la maladie a été
amenée au Brésil par avion, par les riches, mais c’est parmi les pauvres
qu’elle va exploser”,
a déclaré Paulo Buss, directeur du centre des relations internationales de
Fiocruz, un centre de recherche de référence en matière de santé publique, cité
par le Buenos Aires Times. »
Quelles que
soient la complexité des positions, les grandes lignes de cette situation
mesurent la complète inversion caractérisant notre Grande Crise Générale,
jusqu’au transfert paradoxal des légitimités vers l’illégalité instituée en
tant que pouvoir de fait. Il est vrai que la légalité théorique au Brésil
(Bolsanaro), sei elle ne présente pas les aspects de faiblesse par le
politiquement-correct des dirigeants “démocratiques” dans la portion européenne
du bloc-BAO, est par contre complètement alignée sur la non-essence de la
légitimité que supposent les positions hystériques du néolibéralisme darwinien
et de la corruption totale, encore plus psychologique que vénale, qu'il impose.
... Pour
Bolsonaro, disons plutôt du côté de chez Trump mais en beaucoup plus
affiché et primitif.
Source : dedefensa.org
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Les commentaires hors sujet, ou comportant des attaques personnelles ou des insultes seront supprimés. Les auteurs des écrits publiés en sont les seuls responsables. Leur contenu n'engage pas la responsabilité de ce blog ou de Hannibal Genséric.