Les semaines passent, les planètes tournent, une chose demeure :
l'inexorable détricotage de l'empire américain. Et ce ne sont pas les
événements de ces derniers jours qui montreront le contraire...

Dans les tuyaux
depuis le putschinho
de juillet 2016 et le rapprochement russo-turc subséquent, le divorce entre Ankara
et l'Occident US semble chaque jour plus criant. Derrière les murailles du
Kremlin, Vlad l'empaleur a manœuvré de main de maître, éloignant la toupie
sultanesque du camp atlantique, usant même parfois de stratégies difficiles à avaler - y compris pour votre serviteur -
comme la vente des fameux S-400.
Mais force est de
le constater, le résultat est là : l'OTAN est divisée, le Congrès et le Pentagone sont furieux tandis
que les coups de pression de Washington n'ont servi qu'à creuser un peu plus le
fossé. Le très net refus turc de couper les ponts (pétroliers) avec l'Iran
ajoute encore du piment à la relation déjà compliquée entre les
"alliés" otanesques. C'est dans ce contexte qu'intervient l'affaire
du pasteur Brunson...
Dans le classique
cinématographique de David Lean, lorsque le général britannique renâcle
à détacher Lawrence chez les tribus arabes, le rusé Dryden du Foreign Office, lui
rétorque : "Bien des
grandes choses commencent petitement". Il n'est en effet pas
impossible que l'obscur évangéliste soit, bien malgré lui, au départ d'un
bouleversement géopolitique.
Résumons la partie
de ping pong :
1. Brunson,
pasteur états-unien vivant en Turquie depuis 23 ans, est arrêté après le coup
de 2016 et accusé sans rire d'espionnage.
2. Il
y a quelques jours, la justice turque refuse de le libérer, ce qui provoque
l'ire de Washington.
3. L'administration
Trump réagit en sanctionnant deux ministres turcs en exercice, ce qui
provoque la colère d'Ankara.
Bagarre de cour de
récré entre deux petits garnements ? Pas si sûr... Chaque camp est en réalité prisonnier de la situation et n'a pas beaucoup de marge de
manœuvre. Du côté ottoman, le pasteur devait sans doute servir de monnaie
d'échange contre l'extradition de Fetullah Gülen ; Erdogan, qui a
patiemment construit son image d'homme fort, ne peut se permettre de perdre la
face en se soumettant aux injonctions américaines. Quant au Donald, en guerre
perpétuelle contre le Deep
State, il doit fortifier ses soutiens, notamment au sein du
grand courant isolationniste-conservateur-religieux... pour qui
l'emprisonnement de Brunson est un casus
belli.
On le voit, aucun
des deux ne peut reculer et l'on ne sait à quel point cette affaire va encore
détériorer un peu plus les relations turco-américaines. Pour beaucoup, la
rupture est irréversible et le sultan a lui-même poussé à la roue en
demandant officiellement l'intégration de son pays au sein des BRICS, fer de
lance de la multipolarité et antichambre de l'OCS.

A 10.000 km de là,
dans la pampa argentine, l'aigle US s'arrache les plumes à cause de l'établissement d'une base radar chinoise à visée spatiale.
Macri, dans la plus pure tradition des
leaders latino-américains dévoyés, est l'homme de paille des États-Unis en
Argentine, permettant l'installation de deux
bases US dans son pays, plaçant sa
fortune chez son maître, s'attirant les
louanges de son suzerain.
... et acceptant
avec gloutonnerie tout accord avec le FMI visant à esclavagiser un peu plus son
pays. Sans surprise, la Cristina, maintenant sénatrice, s'y oppose résolument et préfère les prêts de la banque des
BRICS ou de la Chine. D'où la base radar, facilitée donnée au dragon contre des
espèces sonnantes et trébuchantes à un moment où l'Argentine était étranglée
financièrement.
Le combat continue
entre la pasionaria et le vassal. En février 2017, nous écrivions :
En Argentine, un autre petit soldat du
système impérial est bien en peine. Pris dans les Panama Papers puis un scandale de corruption familiale, Macri
est en chute libre dans les sondages. Résultat : la Kirchner,
Cristina pour les intimes, le devance largement en popularité dans l'optique de
l'élection présidentielle de 2019.
Si on en est encore loin, l'affaire est
d'importance. L'on se rappelle que c'est le putsch constitutionnel contre Dilma
au Brésil et l'élection de Macri en Argentine qui avaient permis à l'empire de
détacher partiellement l'Amérique latine du monde multipolaire et, apparemment,
de mettre à mal la dynamique des BRICS - même si l'Argentine n'en faisait pas
partie, elle faisait souvent figure de membre associé.
En réalité, cette dynamique n'a jamais
cessé, mais un retour de Cristina à la Casa Rosada apporterait à coup sûr un
regain d'activité et accélérerait le processus de multipolarité.
Un an et demi
après, nous en sommes à peu près au même point. Macri est largement devancé par C.K dans les projections du premier tour
(39%-30%). Quel que soit le résultat, la base chinoise est là pour rester,
l'accord ayant été signé pour 50 ans.
La crise de nerfs du New
York Times, fidèle porte-voix du système impérial, est-elle due à
la peur de l'espionnite ? Ce à quoi l'on serait tenté de répondre : pourquoi
aller construire une base d'écoutes au fin fond de la Patagonie alors que les
Chinois en ont vraisemblablement une à Cuba, tout près des États-Unis ? Il semble plutôt qu'il
faille voir, ici comme ailleurs, la panique de la valetaille de l'empire devant
l'inexorable déclin US. C'est d'ailleurs écrit noir sur blanc au hasard des
lignes :
"Cette base isolée est un exemple
frappant de la volonté de Pékin de transformer l'Amérique latine, souvent d'une
manière qui sape le pouvoir politique, économique et stratégique des États-Unis
dans la région."
Traduction : Mon Dieu, nous ne sommes plus
maîtres chez nous... heu... chez nos voisins.

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