Ces derniers jours, l’Internet a été submergé
par une rumeur franchement idiote selon laquelle les États-Unis sollicitent
l’aide de l’Australie pour préparer une attaque contre l’Iran. Inutile de
dire que ce récit n’explique pas quelles seraient les capacités de l’Australie
que les États-Unis n’auraient pas, mais peu importe. Pourtant, le propos a été
repris en de trop nombreux endroits pour être ignoré (voir ici,
ici
et ici
). D’un de ces articles, Eric Margolis a décrit de quoi une telle
attaque américaine pourrait avoir l’air. Il vaut la peine de le citer
intégralement.
Aperçu d’une éventuelle attaque anglosioniste contre l’Iran
Les
États-Unis et Israël éviteront sûrement une campagne terrestre massive et
coûteuse contre l’Iran, un pays vaste et montagneux qui a été prêt à subir un
million de victimes dans sa guerre de huit ans contre l’Irak qui a débuté en
1980. Cette guerre effroyable avait été fomentée par les États-Unis, la
Grande-Bretagne, le Koweït et l’Arabie saoudite pour renverser le nouveau
gouvernement populaire islamique d’Iran.
Le
Pentagone a prévu une guerre aérienne de haute intensité contre l’Iran à
laquelle Israël et les Saoudiens pourraient très bien se joindre. Le plan
prévoit plus de 2300 frappes aériennes contre des cibles stratégiques
iraniennes : aérodromes et bases navales, entrepôts d’armes et de pétrole,
dépôts de carburant et de lubrifiants, nœuds de communication, radars, usines,
quartiers généraux militaires, ports, ouvrages hydrauliques, aéroports et
unités des Gardes de la révolution.
L’état
des défenses aériennes iraniennes va de faibles à inexistantes. Des décennies
d’embargos militaires et commerciaux dirigés par les États-Unis ont laissé
l’Iran aussi décrépit et affaibli que l’était l’Irak lorsque les États-Unis
l’ont envahi en 2003. Les canons des blindés iraniens des années 1970 sont
tordus et ne peuvent pas tirer droit, les vieux missiles air-air britanniques
et soviétiques sont pour la plupart inutilisables et les anciens chasseurs MiG
soviétiques et chinois sont bons pour le musée, notamment ses antiques Tomcats
F-14 construits par les Américains, copies chinoises de MiG-21 obsolètes et une
poignée de F-4 Phantoms datant de la guerre du Vietnam, à peine fonctionnels.
Le
commandement du combat aérien ne vaut pas mieux. Tout ce que l’Iran possède
d’électronique sera grillé ou explosé dans les premières heures d’une attaque
américaine. Sa petite marine sera coulée dans les attaques initiales. Son
industrie pétrolière pourrait être détruite ou partiellement préservée, suivant
les plans d’après-guerre américains pour l’Iran.
La
seule manière de riposter pour Téhéran est d’organiser des attaques de commando
isolées contre les installations américaines sans valeur décisive au
Moyen-Orient et, bien sûr, de bloquer le mince détroit d’Ormuz qui voit
transiter les deux-tiers des exportations de pétrole du Moyen-Orient. La Marine
américaine, basée tout près à Bahreïn, s’entraîne depuis des décennies à
combattre cette menace.
Il y a beaucoup d’éléments intéressants dans cette
description et je pense qu’il vaut la peine de l’examiner segment par segment.
Premièrement,
je ne peux qu’être d’accord avec Margolis que ni les États-Unis ni Israël ne
veulent une guerre terrestre contre l’Iran : le pays est trop grand, les
Iraniens trop bien préparés et la taille de la force nécessaire pour une telle
campagne est bien au-delà de ce que l’Empire peut actuellement rassembler.
Deuxièmement,
Margolis a absolument raison lorsqu’il dit que l’Iran n’a pas les moyens de
stopper une attaque anglosioniste déterminée (avec missiles et aviation).
L’Iran a quelques capacités de défense aérienne modernes, et les attaquants
subiront un certain nombre de pertes, mais à ce stade, la disparité de taille
est si énorme que les Anglosionistes atteindront la supériorité aérienne assez
rapidement et que cela leur donnera la possibilité de bombarder ce qu’ils
veulent (davantage d’informations à ce sujet plus tard).
Aparté
Évaluer les défenses aériennes de l’Iran ne consiste pas
seulement à compter les missiles et les lanceurs, c’est beaucoup plus que
cela.Selon une
source russe l’Iran possède 4 systèmes de missiles aériens de longue
portée S-300PMU-2 (avec des missiles d’interception 48Н6Е2 Mach 6,6), 29
complexes de missiles militaires anti-aériens autopropulsés Tor-M1, quelques
complexes de missiles anti-aériens assez avancés comme le Bavar-373, un radar à
balayage électronique passif (dont le système d’illumination et de guidage
inclut presque certainement de l’électronique chinoise moderne) et un nombre
impressionnant de systèmes radar d’alerte rapide de fabrication russe, chinoise
et iranienne.
Cette catégorie inclut des systèmes comme le radar à haut
potentiel de détection et de désignation de cible à longue portée Najm-802 (il
a 5120 modules de réception et de transmission, il fonctionne au décimètre S de
portée et il est conçu pour détecter des cibles balistiques et les petits
éléments d’armes de haute précision), le système radar russe d’alerte et de
contrôle précoce Nebo-SVU doté d’un radar à réseau fixe, ainsi qu’un radar
d’alerte précoce du type « Ghadir ». Plus
important encore, ces radars sont tous intégrés au réseau centralisé du système
de défense antimissile de l’Iran. Par exemple, le radar « Ghadir » est en mesure de détecter non
seulement les chasseurs tactiques de l’US Air Force, de l’Arabie saoudite et
d’Israël, mais également des missiles balistiques immédiatement après leur
lancement (à une distance d’environ 1100 km).
Résultat, la présence d’unités de radio d’installations
de détection radar multi-bandes dans la direction occidentale (le golfe
Persique) permettra aux Iraniens de préparer une défense aérienne flexible pour
se prémunir contre des frappes de missiles de haute intensité. Et pourtant, peu
importe à quel point les Iraniens ont amélioré leurs défenses aériennes, le
simple nombre des missiles de pointe (y compris le nouveau AGM-158 JASSM (Joint
Air-to-Surface Standoff Missile), missile de croisière à signature radar
réduite lancé par des bombardiers B-1B, signifie que les défenses iraniennes
seront inévitablement submergées par une attaque massive.
Le paragraphe final de Margolis donne cependant
l’impression que l’Iran n’a pas d’options de riposte crédibles et je ne suis
pas du tout d’accord.
Premier exemple : les capacités iraniennes dans le détroit d’Ormuz
D’une part, la question du détroit d’Ormuz est
beaucoup plus compliquée que « la Marine américaine s’entraîne depuis des décennies
à combattre cette menace ». La réalité est que l’Iran a un
très large éventail d’options pour rendre la navigation dans ce détroit pratiquement
impossible. Ces options vont des mines sous-marines aux attaques d’embarcations
rapides, aux missiles anti-navires, aux frappes d’artillerie côtière, etc.
Aparté
Il y a aussi un grand danger : les Israéliens et/ou
les Américains pourraient très facilement organiser une attaque sous fausse
bannière sur un bateau dans le détroit d’Ormuz, puis accuser l’Iran, il y
aurait l’habituel élément de langage « hautement probable »
de la part de toutes les agences de renseignement anglosionistes et, voilà, l’Empire aurait un prétexte pour attaquer
l’Iran.
Effectivement, le simple fait de proférer une menace pour le transport maritime à travers cet étroit bras de mer pourrait bien dissuader les assurances de fournir une couverture à tous les bateaux et cela pourrait arrêter tout seul le transport maritime. Si cela ne suffisait pas, l’Iran peut toujours poser une quantité limitée de mines, et ce sera assez (veuillez garder à l’esprit que tandis que l’US Navy peut essayer de se lancer dans des opérations de déminage, le faire au large des côtes de l’Iran exposerait les dragueurs de mines à un danger d’attaque extrême).
Margolis mentionne ce problème lorsqu’il écrit :
« Bien
que l’Iran soit en mesure d’interdire certaines exportations de pétrole des
États arabes et de faire monter en flèche les tarifs d’assurances maritimes, il
est peu probable qu’il soit capable de bloquer la majeure partie des
exportations de pétrole, à moins d’attaquer les principaux terminaux pétroliers
en Arabie saoudite et dans le Golfe avec des troupes terrestres. Pendant la
guerre Iran–Irak, aucun côté n’a pu interdire totalement les exportations de
pétrole de l’autre. »
Je pense toutefois que les capacités iraniennes sont
largement sous-estimées dans ce contexte. Prenons un exemple, la force sous-marine
iranienne.
Cette force est extrêmement spécialisée. Selon
l’édition 2018 des équilibres militaires l’IISS [l’Institut international pour
les études stratégiques], les Iraniens ont actuellement 21 sous-marins
déployés :
- 3 sous-marins de classe diesel-électrique (Kilo-class Project-877EKM russe)
- 1 sous-marin côtier de la classe Fateh
- 16 sous-marins miniatures de la classe Ghadir
- 1 sous-marin miniature de la classe Nahand
Lorsque la plupart des gens entendent les mots « diesel-électrique », ils
pensent à de vieux camions diesel et ne sont pas impressionnés, surtout s’ils
sont comparés à des sous-marins d’attaque nucléaire supposément « avancés ». C’est toutefois
une opinion très fausse parce que les sous-marins ne peuvent être évalués que
dans l’environnement dans lequel ils sont destinés à fonctionner. La géographie
navale est généralement divisée en trois types : les eaux bleues (haute
mer), les eaux vertes (plateaux continentaux) et les eaux brunes (régions
côtières). Les sous-marins d’attaque nucléaire ne sont supérieurs que
dans l’environnement de la haute mer où l’autonomie, la vitesse, la profondeur
de plongée, la capacité de stockage des armes, les sonars avancés, etc., sont
déterminants. En comparaison, si les sous-marins diesel-électriques sont plus
lents, doivent revenir à la surface pour recharger leurs batteries et sont
généralement plus petits et avec moins d’armes à bord, ils sont beaucoup mieux
adaptés aux opérations en haute mer. Dans les eaux brunes peu profondes, ce sont
les sous-marins miniatures qui règnent, ne serait-ce que parce que les
sous-marins d’attaque nucléaire n’ont jamais été conçus pour intervenir dans un
tel environnement. Maintenant, jetez un coup d’œil sur le genre d’environnement
que constitue le détroit d’Ormuz :
Remarquez l’intéressante combinaison de profondeurs
très faible et faible, typique des eaux brunes, puis d’un environnement d’eaux
vertes lorsqu’on va plus loin dans le golfe d’Oman et la mer d’Arabie. Avec
cela à l’esprit, voyons quelle sorte de force sous-marine l’Iran a
acquise/développée :
Pour les opérations en eaux brunes (golfe Persique et
détroit d’Ormuz), l’Iran dispose d’une flotte assez grande et habile de
sous-marins miniatures. Pour les opérations en eaux vertes (le golfe d’Oman et
la mer d’Arabie), il possède trois redoutables sous-marins de classe
Taregh/Kilo (qui sont même capables de mener des opérations limitées en eaux
bleues, quoique avec beaucoup moins d’autonomie, de vitesse, d’armement ou de
sonars qu’un sous-marin d’attaque nucléaire). Exactement comme « diesel-électrique », le terme
de sous-marin « miniature »
donne l’impression qu’il s’agit d’un jouet ou, au mieux, d’un piratage primitif
genre Tiers Monde qui pourrait au plus être utilisé pour la contrebande de
drogue. En réalité, cependant, les « miniatures »
iraniennes peuvent porter les mêmes torpilles lourdes (533 mm) que les Kilos,
seulement en plus petites quantités. Cela signifie également qu’elles peuvent
porter les mêmes missiles et mines. En fait, je dirais que les sous-marins « miniatures » iraniens de
classe Ghadir représentent une menace beaucoup plus redoutable dans le golfe
Persique que les sous-marins d’attaque nucléaires les plus avancés.
Aparté
Les États-Unis ont cessé de produire des sous-marins
diesel-électriques il y a de nombreuses années parce qu’ils croyaient qu’étant
une puissance hégémonique avec une Marine d’eaux bleues typique (centrée sur
les porte-avions), ils n’avaient pas besoin de capacités en eaux vertes ou
brunes. D’autres pays (comme la Russie, l’Allemagne, la Suède et d’autres) ont
activement poursuivi un programme de sous-marins diesel-électriques (y compris
ceux qu’on dit à « propulsion
anaérobie » – AIP) parce qu’ils ont bien compris que ces
sous-marins sont bien moins chers tout en étant mieux adaptés aux opérations
défensives côtières. L’abandon des sous-marins diesel-électriques a pourtant
été une autre erreur majeure des planificateurs de force américains ;
témoin cet
article à ce sujet. Le nouveau Littoral Combat Ship (LCS) et le
destroyer de missiles guidés de classe Zumwalt étaient supposés pallier
partiellement ce manque de capacités en eaux vertes et brunes, mais les deux se
sont avérés être un désastre.
Sous-marin de classe Ghadir |
Les sous-marins russes de classe Kilo sont parmi les
plus silencieux et les plus lourdement armés jamais construits, et ils
pourraient potentiellement représenter une menace majeure pour toute opération
navale contre l’Iran. Nous pouvons cependant être à peu près sûrs que l’US Navy
les suit 24 heures sur 24 et que les Kilos deviendraient une cible prioritaire
(au port ou en mer) au tout début d’une attaque anglosioniste. Mais l’US Navy
serait-elle aussi capable de suivre les sous-marins iraniens miniatures,
beaucoup plus petits (et nombreux) ? Votre supposition est aussi bonne que
la mienne, mais personnellement, j’en doute beaucoup, ne serait-ce que parce
que ces sous-marins relativement petits sont très faciles à dissimuler. Jetez
un coup d’œil sur cette photo d’un sous-marin de classe Ghadir et imaginez à
quel point il serait facile de les cacher ou alors de créer un leurre
ressemblant exactement à l’objet réel. Pourtant, une seule torpille de ce
sous-marin miniature pourrait couler n’importe quel vaisseau dans le golfe
Persique.
Bien que les États-Unis disposent d’une quantité de
capacités de reconnaissance et de renseignement pour essayer de localiser puis de
détruire ces menaces, nous savons aussi que les Iraniens ont eu des décennies
pour se préparer à ce scénario et qu’ils sont de véritables maîtres dans ce
qu’on appelle maskirovka
dans la terminologie militaire russe : une combinaison de camouflage, de
tromperie, de dissimulation et de fausses informations. En fait, ce sont les
Iraniens qui ont formé le Hezbollah au Liban dans cet art et nous savons tous
ce qui est arrivé aux Israéliens lorsqu’ils ont pénétré avec confiance au
Sud-Liban, uniquement pour découvrir que malgré toutes leurs capacités de
reconnaissance et de renseignement, ils étaient même incapables de faire face à
des moyens même assez primitifs (techniquement parlant) du Hezbollah en termes
de missiles. Pour tous les patriotes qui agitent les drapeaux, la vérité est
que si les Iraniens décident de bloquer le détroit d’Ormuz, la seule
possibilité qui restera aux États-Unis sera de débarquer des forces armées sur
les côtes iraniennes et de lancer une offensive terrestre limitée mais
extrêmement dangereuse. À ce stade, que cette contre-attaque réussisse ou non
sera sans importance, car il y aura tellement d’activité combattante dans cet
étroit goulot d’étranglement que personne n’envisagera même d’y faire passer
des bateaux.
Je crois aussi que Margolis se trompe lorsqu’il écrit
que tout ce que l’Iran pourrait faire serait d’organiser « des attaques commandos isolées contre les
installations américaines sans valeur décisive au Moyen-Orient ».
Une option iranienne très réelle serait de frapper des cibles américaines (il y
en a beaucoup au Moyen-Orient) avec différents missiles. En outre, l’Iran peut
aussi lancer des missiles sur les alliés (Israël ou l’Arabie saoudite) ou les
intérêts (champs pétroliers saoudiens) des États-Unis.
Deuxième exemple : les capacités iraniennes en matière de missiles
Je ne me fierais pas à tout ce que le SCRS (Service
canadien du renseignement de sécurité) écrit (c’est une source très partiale,
c’est le moins qu’on puisse dire), mais sur cette page, ils ont
publié un assez bon résumé des capacités iraniennes actuelles en matière de
missiles :
Sur la même page, le SCRS présente une liste plus
détaillée des missiles actuels et développés :
(Vous pouvez aussi consulter cette
page Wikipedia pour comparer avec l’information du SCRS sur les
missiles iraniens.)
La grande question n’est pas de savoir si l’Iran a des
missiles performants mais combien exactement sont déployés. Personne ne le sait
vraiment parce que les Iraniens restent délibérément très vagues, cela pour de
très bonnes et évidentes raisons. Cependant, à en juger par l’exemple du
Hezbollah, nous pouvons être presque sûrs que les Iraniens disposent de
missiles en assez grand nombre pour constituer une capacité de dissuasion très
crédible. Je dirais même qu’une telle force en termes de missiles ne représente
pas seulement une capacité de dissuasion efficace mais également une capacité
de combat très réelle. Pouvez-vous imaginer ce qui arriverait si les bases
américaines (en particulier les bases aériennes et les installations navales)
dans la région faisaient périodiquement l’objet d’attaques de missiles
iraniens ? À en juger d’après l’expérience
israélienne pendant la première Guerre du Golfe ou, d’ailleurs, la récente
expérience saoudienne avec les missiles houthis, nous pouvons être
pratiquement sûrs que les Patriots américains seront inutiles pour se défendre
contre les missiles iraniens.
Bien sûr, exactement comme les Américains l’ont fait
pendant la première guerre du Golfe, et les Israéliens en 2006, les
Anglosionistes commenceront par une chasse massive des sites de missiles
iraniens. Mais, à en juger d’après toutes les guerres récentes, ces chasses ne
seront pas assez fructueuses et les Iraniens seront en mesure de soutenir des
frappes de missiles pendant assez longtemps. Imaginez ce qu’une frappe de
missiles, disons tous les deux ou trois jours, sur une base américaine dans la
région ferait pour les opérations ou pour le moral !
La réalité : les États-Unis sont vulnérables dans l’ensemble du Moyen-Orient
Je n’ai énuméré ci-dessus que deux compétences
spécifiques (sous-marins et missiles), mais on pourrait faire le même genre
d’analyse avec les essaims de petits hors-bords iraniens, leurs aptitudes en
termes de guerre électronique ou même de cyberguerre. Mais l’atout le plus
redoutable des Iraniens est une population très raffinée et instruite, qui a eu
des décennies pour se préparer à une attaque du « Grand Satan »
et qui a clairement développé un éventail d’options asymétriques pour se
défendre et défendre son pays contre l’attaque anglosioniste (probablement
inévitable).
Vous avez probablement vu au moins une carte montrant
les installations militaires américaines au Moyen-Orient (sinon, allez voir ici,
ici
ou ici).
Pour dire la vérité, le fait que l’Iran soit entouré de forces et de bases
américaines représente une menace majeure pour l’Iran. Mais le contraire est
également vrai. Toutes ces installations militaires américaines sont
des cibles, souvent très vulnérables. En plus, l’Iran peut aussi
utiliser des mandataires/alliés dans la région pour attaquer l’une ou l’autre
de ces cibles. Je vous recommande vivement de télécharger cette
fiche et de la lire en pensant à la possibilité que chaque installation listée
devienne la cible d’une attaque iranienne.
La réponse que j’entends habituellement à ces
arguments est que si les Iraniens osaient effectivement utiliser des missiles
ou frapper les bases américaines dans la région, les représailles des
États-Unis seraient absolument terribles. Pourtant, selon Eric Margolis, le but
premier et principal d’une attaque américano-israélienne sur l’Iran serait de « détruire totalement l’infrastructure, les
communications et les transports (y compris du pétrole) de l’Iran paralysant
cette nation importante de 80 millions d’habitants et la ramenant à l’ère
prérévolutionnaire ». Permettez-moi de vous poser cette simple
question : si Margolis a raison – et personnellement, je pense que c’est
le cas – en quoi ce résultat serait-il différent des représailles censément « absolument terribles »
projetées par les États-Unis en cas de contre-attaque iranienne ?
Autrement dit, si les Iraniens réalisent que les Anglosionistes veulent
détruire leur pays (disons comme ce que les Israéliens ont fait au Liban en
2006), quelle nouvelle escalade pourrait les dissuader de contre-attaquer avec
les moyens dont ils disposent ?
Pour répondre à cette question, nous devons de nouveau
considérer la nature réelle du « problème
iranien » pour les Anglosionistes.
Les véritables objectifs anglosionistes pour une attaque contre l’Iran
Tout d’abord et avant tout, il n’y a absolument aucune
preuve que l’Iran a une sorte de programme nucléaire militaire. Le fait que les
Israéliens le crient depuis des années urbi
et orbi, ne le rend pas vrai. J’ajouterais que le bon sens suggère
fortement que les Iraniens n’auraient absolument aucune raison logique de
développer quelque type d’arme nucléaire que ce soit. Je n’ai pas le temps et
la place pour débattre de nouveau de ce point (je l’ai fait si souvent dans le
passé), donc je me référerai simplement à la conclusion du National
Intelligence Estimate américain que l’Iran a « interrompu
son programme d’armes nucléaires » et j’en resterai là.
Aparté
Je ne crois pas que les Iraniens aient jamais eu un
programme d’armement nucléaire, mais ce n’est pas important : même s’ils
en ont eu un jour, cela les mettrait à égalité avec beaucoup d’autres pays qui
ont fait les premiers pas dans le développement d’un tel moyen puis l’ont
abandonné. Le seul point est que la position américaine officielle est qu’il
n’y a actuellement pas de programme nucléaire militaire en Iran.
Le vrai
problème est très simple : l’Iran est le seul pays au monde qui est :
1.
Musulman et dirige la lutte
contre l’idéologie saoudienne/Daech/ISIS/al-Qaïda/etc. du takfirisme et le
terrorisme qu’ils promeuvent ;
2.
Ouvertement antisioniste et
anti-impérialiste et qui joint des valeurs religieuses conservatrices avec des
politiques sociales progressistes ;
3.
Performant politiquement,
économiquement et militairement et donc menace le monopole du pouvoir d’Israël
dans la région.
N’importe laquelle de ces caractéristiques pourrait
déjà en elle-même constituer un cas grave de « crimepensée » du point
de vue de l’Empire et mériter une réaction de haine absolue, de peur, et une
volonté indéfectible d’éliminer le gouvernement et les gens qui osent le
soutenir. Il n’est pas étonnant qu’en combinant les trois l’Iran soit tellement
haï par les Anglosionistes.
Tout ce bobard sur un programme
nucléaire iranien n’est qu’un prétexte pour une campagne de haine et une
attaque possible contre l’Iran. Or en réalité, les buts des Anglosionistes ne
sont pas de désarmer l’Iran, mais exactement ce que dit Margolis : « bombarder
ce pays et ce peuple ‘désobéissant”, ‘pour le faire revenir à l’ère
prérévolutionnaire’. »
Voici l’essentiel : les Iraniens le
comprennent parfaitement. La
conclusion évidente est donc : si le but d’une attaque anglosioniste est
de bombarder l’Iran pour le faire revenir à l’ère prérévolutionnaire, pourquoi
les Iraniens se retiendraient-ils et n’opposeraient-ils pas la résistance
maximale possible ?
À cause de la menace d’une riposte nucléaire
américaine ?
Les options américaines en termes d’attaque nucléaire – pas vraiment une option dans la réalité.
Là encore, nous devons examiner le contexte et ne pas
seulement supposer que l’usage d’armes nucléaires est une sorte de panacée
magique qui force immédiatement l’ennemi à abandonner la lutte et à se rendre
sans conditions. C’est loin d’être vrai.
D’abord, les armes nucléaires ne sont efficaces que
lorsqu’elles sont utilisées contre une cible lucrative. Se contenter
d’assassiner des civils comme les États-Unis l’ont fait au Japon ne sert
absolument à rien si votre objectif est de vaincre les forces armées de votre
adversaire. Atomiser les cibles « de
valeur » de votre adversaire ne peut qu’accroître sa
détermination à combattre jusqu’au bout. Je ne doute pas que les États-Unis,
comme pendant la première guerre du Golfe, aient déjà établi une liste générale
des cibles qu’ils voudront frapper en Iran : un mélange d’installations et
de bâtiments gouvernementaux importants et d’un certain nombre d’unités et
d’installations militaires. Dans la plupart des cas, cependant, ceux-ci
pourraient aussi être détruits par des armes conventionnelles (non nucléaires).
En plus, comme les Iraniens ont eu des décennies pour se préparer à ce scénario
(les États-Unis ont toujours eu l’Iran en ligne de mire depuis la Révolution de
1979), vous pouvez être certains que toutes les installations du temps de paix
ont été dupliquées pour les situations de guerre. Ainsi, alors que de
nombreuses cibles extrêmement visibles seront détruites, leurs homologues pour
temps de guerre prendront immédiatement le relais. On pourrait penser que les
armes nucléaires pourraient être utilisées pour détruire des cibles
profondément enterrées, et c’est vrai en partie, mais certaines sont enfouies
trop profondément pour être détruites (même par une explosion nucléaire) alors
que d’autres sont dupliquées plusieurs fois (disons, pour un quartier général
militaire de temps de paix, il y en aurait 4, 5 ou même 6 cachés et
profondément enfouis). S’attaquer à chacun d’eux exigerait d’utiliser davantage
de bombes atomiques et cela pose la question des coûts politiques d’une telle
campagne de frappes nucléaires.
En termes politiques, le jour où les États-Unis
utiliseront une arme nucléaire contre un ennemi, ils auront commis un suicide
politique dont la puissance hégémonique ne se remettra jamais. Alors qu’une
majorité d’Américains pourrait considérer que « la
force fait le droit » et « au
diable l’ONU », pour le reste du monde, le premier usage
d’armes nucléaires (par opposition à une contre-attaque en représailles) est
une abomination inconcevable et un crime, en particulier pour un acte
d’agression illégal (il n’y a pas moyen que le Conseil de sécurité de l’ONU
autorise une attaque américaine contre l’Iran). Même si la Maison Blanche
déclare qu’elle « a dû »
utiliser des armes atomiques pour « protéger
le monde » contre « l’Ayatollah
armé atomiquement », l’immense majorité de la planète réagira
avec une indignation totale (en particulier après le bobard des armes de
destruction massive irakiennes !). En outre, toute frappe nucléaire
américaine transformera instantanément les Iraniens de méchants à victimes.
Pourquoi les Américains décideraient-ils de payer un prix politique aussi
exorbitant uniquement pour utiliser des armes nucléaires sur des cibles qui
n’apporteraient aucun avantage substantiel aux États-Unis ? Dans des
circonstances normales, je penserais que ce genre d’utilisation d’armes
nucléaires non-provoquée serait tout à fait impensable et illogique. Mais dans
le contexte politique actuel aux États-Unis, il y a une possibilité qui
m’effraie vraiment.
Trump, le « président jetable » pour les néocons ?
Les néocons détestent Trump, mais ils le possèdent
aussi. Le meilleur exemple de ce genre de « propriété »
est la décision des États-Unis de déplacer leur ambassade à Jérusalem, un acte
incroyablement stupide, mais que le lobby israélien exigeait. C’est la même
chose pour le reniement du Plan d’action global commun [sur le nucléaire
iranien] ou, d’ailleurs, pour le flot actuel de menaces contre l’Iran. Il
semble que les néocons ont une stratégie de base qui est la suivante : « Nous détestons Trump et tout ce qu’il
représente, mais nous le contrôlons aussi, utilisons-le pour faire tous les
trucs dingues qu’aucun président américain sensé ne ferait jamais, puis
utilisons les retombées de ces folles décisions et faisons porter tout le blâme
sur Trump ; de cette manière, nous obtenons tout ce que nous voulons et
nous arriverons à détruire Trump dans le processus uniquement pour le remplacer
par un de ‘nos gars’ le moment venu. » De nouveau, le but réel
d’une attaque contre l’Iran serait de le bombarder jusqu’à ce qu’il retourne à
l’ère prérévolutionnaire et de punir les Iraniens pour leur soutien au « mauvais » régime qui ose
défier l’Empire anglosioniste. Les néocons pourraient utiliser Trump comme un « président jetable » qui
pourrait être accusé du chaos et la catastrophe politique qui s’ensuivraient
tout en réalisant l’un des plus importants objectifs politiques d’Israël :
dévaster l’Iran. Pour les néocons, c’est une situation gagnant-gagnant :
si les choses se passent bien (aussi improbable que ce soit), ils peuvent en
retirer tout le crédit et continuer à contrôler Trump comme une
marionnette ; et si les choses se passent mal, l’Iran est en ruines, Trump
est accusé d’avoir lancé une guerre stupide et folle, et la bande Clinton sera
prête à revenir au pouvoir.
Le plus grand perdant dans un tel scénario serait
évidemment le peuple d’Iran. Mais l’armée américaine ne s’en sortira pas bien
non plus. D’une part, un plan seulement pour « dévaster »
l’Iran n’a pas de stratégie de sortie viable, surtout pas à court terme, alors
que l’armée américaine n’a pas l’estomac pour de longs conflits (l’Afghanistan
et l’Irak sont déjà assez mauvais). En plus, une fois que les États-Unis ont
détruit la plus grande partie de ce qui peut être détruit, l’initiative sera
aux mains des Iraniens et le temps sera de leur côté. En 2006, les Israéliens
ont dû se replier après 33 jours seulement, alors combien faudra-t-il de temps
aux Américains avant de devoir proclamer la victoire et s’en aller ? Si la
guerre s’étend à, disons, l’Arabie saoudite, l’Irak et la Syrie, les États-Unis
auront-ils même la possibilité de partir ? Et les Israéliens, quels choix
auront-ils une fois que des missiles commenceront à les frapper (pas seulement
des missiles iraniens, mais probablement aussi des missiles du Hezbollah à
partir du Liban) ?
L’ancien chef du Mossad Meir Dagan avait parfaitement
raison lorsqu’il a déclaré qu’une attaque militaire contre l’Iran était « la chose
la plus stupide que j’ai
entendue ». Hélas, les néocons n’ont jamais été très
intelligents et les trucs stupides sont ce qu’ils font le plus souvent. Tout ce
que nous pouvons espérer est que quelqu’un aux États-Unis trouve une manière de
les arrêter et d’éviter une autre guerre immorale, sanglante, inutile et
potentiellement très dangereuse.
Le 3 août
2018 – Source The Saker
Cette
analyse a été rédigée pour Unz Review
Traduit par Diane, vérifié par Wayan, relu par Cat
pour le Saker
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